Irina commençait à somnoler.

Peut-être tombait-elle en hypothermie.

Peut-être était-elle juste épuisée.

Une main secoua son épaule ; la technicienne sursauta légèrement.

« J’ai cru voir quelque chose… souffla Campbell. Une ombre…

— Une biche, peut-être ? marmonna-t-elle.

— Non, cela ressemblait à un grand chien sombre. Avec des yeux rouges. Mais… »

Les fins sourcils de son compagnon se froncèrent :

« Je n’ai rien perçu de surnaturel. »

La jeune femme secoua la tête avec résignation :

« Parce que ce n’est pas surnaturel… »

Elle se mit sur ses pieds, titubant légèrement sur des jambes engourdies et attrapa l’arme dont elle s’était munie en cas de danger : il s’agissait d’une carabine perfectionnée par ses soins, dotée d’un système de visée amélioré ainsi que d’un dispositif d’accélération vibratoire. Les miroirs, pièces métalliques, tuyaux et autres rouages alourdissaient le tout, mais Irina était bien plus robuste que le laissait supposer sa minceur.

Elle s’avança dans l’enclos devant l’abri. Malgré le froid, la nuit demeurait claire et la lumière de la lune se reflétait sur le givre.

« Et ce qui n’est pas surnaturel peut être abattu, non ? »

Campbell, qui l’avait suivie, tendit la main pour calmer ses ardeurs :

« Irina, je ne pense pas que… Regardez ! Il vient vers nous ! »

Le loup avait dû les entendre, car il esquissa une large boucle qui le ramena devant l’ancienne bergerie. Il s’avança vers eux, une silhouette hirsute aussi sombre qu’une tache d’encre, qui marchait avec une lenteur délibérée. Non seulement ses yeux brûlaient d’une étrange lueur rouge, mais l'intérieur de sa gueule également, comme si un brasier flambait dans les profondeurs de son corps.

Il suivait la berge du ruisseau gelé, en se frayant un passage parmi les broussailles décharnées par l’hiver. Un moment, il s’arrêta et tourna la tête vers les deux enquêteurs ; la lumière que crachaient ses yeux et sa gueule illuminèrent un instant les fourrés autour de lui. Un grognement sortit de sa gorge, mais il avait une sonorité bizarre… Presque… métallique.

La jeune femme leva lentement son arme, prête à tirer au moindre danger.

« Irina… cette créature est clairement matérielle. »

Elle sentit son bras trembler, mais pas à cause du poids de la carabine.

« Vivante ?

— Je ne crois pas… »

La bête s’était détournée et poursuivait sa route.

« Elle ne nous a prêté aucune attention, remarqua Iraina pensivement.

— Je propose de la suivre.

— C’était justement mon idée. »

La jeune femme passa la sangle de l'arme à son épaule et emboîta le pas à son compagnon, suivant la piste – bien réelle – laissée par l’étrange apparition.