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Couples improbables

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Comme prĂ©vu, ils avaient quittĂ© le chantier, sans dire un mot Ă  personne. Ils avançaient sur les chemins main dans la main. En gĂ©nĂ©ral, ils s'arrĂȘtaient lĂ  oĂč ils pouvaient : Dvan se proposant pour tous les travaux possibles alors que Rosa cousait pour les autres. Ils amassaient juste de quoi survivre, mais cela n'avait pas d'importance tant qu'ils Ă©taient ensemble.

Seulement, la jeune femme ne cessait de s'inquiĂ©ter. Son ventre s'arrondissait de jour en jour, et il devenait de plus en plus difficile pour elle, de s’acquitter des tĂąches qu'on lui confiait quand on consentait Ă  le faire. Du coup, Dvan devait redoubler d'efforts, afin qu'ils puissent manger et se loger. Elle le savait fatiguĂ©, mais pourtant il ne se plaignait jamais. A chaque fois que son regard se posait sur elle, il lui souriait.

Finalement, alors que la nuit allait tomber, ils arrivĂšrent dans un village. Rosa savait bien que c'Ă©tait elle, qui les retardait. Pourtant, comme Ă  son habitude, le gĂ©ant ne disait rien. Enfin, si, il avait proposait de la porter. C'Ă©tait tout lui. Mais elle avait refusĂ©. A prĂ©sent, elle se disait qu'elle aurait peut-ĂȘtre dĂ» accepter sa proposition, seulement, il Ă©tait trop tard.

-Est-ce que ça va ?

-Je vais bien, le rassura-t-elle.

Ils entrĂšrent dans le village, alors que le soleil se couchait. Toutes les portes leur semblaient dĂ©jĂ  fermĂ©es. Rosa en soupira de colĂšre. C'Ă©tait sa faute et elle le savait. Tant pis, ils trouveraient un coin oĂč se reposer, mĂȘme s'ils devaient dormir en plein air.

-Ce n'est pas grave, déclara Dvan. Traversons le village, et cherchons un endroit tranquille, pour nous reposer.

Elle hocha la tĂȘte, manquant de force pour les longs discours.

Alors que le géant lui prenait la main pour l'aider à avancer, un battant pivota, révélant un homme ùgé, qui les fixa l'espace de quelques instants.

-Je savais bien que j'avais entendu du bruit dans la rue. Qu'est-ce que vous faites là ?

Le géant se plaça devant Rosa pour la protéger.

-Nous ne sommes que des voyageurs. Nous allons de villages en villages, et partout oĂč l'on nous offre du travail.

L'homme leva les yeux vers le ciel.

-Les nuits sont dangereuses, ici, lĂącha-t-il brusquement. Vous n'avez nul part oĂč vous abritez, je paris.

Dvan secoua la tĂȘte.

L'autre posa son regard sur lui.

-Qu'est-ce que tu sais faire ?

-Tout ce qui est physique. Le travail ne me fait pas peur.

Il le jaugea quelques instants, avant de porter son regard sur la silhouette de Rosa.

-Tu m'as l'air fort. J'ai peut-ĂȘtre une proposition Ă  te faire.

-Oui ?

Il y avait plus d'espoir dans la voix de Dvan qu'il aurait voulu en donner.

-Dis-moi, tu n'as pas peur du feu et des brûlures ?

A ces mots, la main du géant serra celle de Rosa plus fort qu'il ne l'aurait voulu. Comprenant son trouble, elle lui murmura non. Cela n'en valait pas la peine.

-Non, déclara-t-il d'une voix qui se voulait assurée.

C'était faux. Il avait une peur bleu du feu. Lui, mieux que personne savait quelle torture pouvait infliger les brûlures. La trace qu'elles en dans votre chair.

Cependant, il prit sur lui de faire un pas dans la direction de son interlocuteur, tout en remontant sa manche droite qui recouvrait les blessures zébrant son bras.

L'autre le regarda avec attention.

-Je vois que tu sais ce que ça fait de se brûler. C'est bien, à l'avenir tu feras tout pour éviter de recommencer. Si tu le souhaites, je t'apprendrai mon métier. Attention, cela nécessite de la rigueur et du travail. Je cherche un homme responsable et soucieux d'apprendre, pas un de ces fainéants qui ne veulent pas faire le moindre effort. Comme tu es fort, ça devrait jouer en ta faveur.

-Je suis prĂȘt Ă  me conformer Ă  vos directives, dĂ©clara Dvan.

-Nous verrons cela. Tu as peut-ĂȘtre un peu plus la tĂȘte sur les Ă©paules que les autres. AprĂšs tout, ta femme me paraĂźt suffisamment enceinte pour que cela te discipline.

Le gĂ©ant ne dit rien et se contenta de hocher la tĂȘte. Il ne donna pas plus de dĂ©tails sur sa relation avec Rosa. Il Ă©tait certain qu'en voyant une femme enceinte seule avec un homme, on les prendrait pour un couple. Cette pensĂ©e fit sourire la jeune femme.

-Bon, vous pouvez souper chez nous ce soir. Ensuite, j'ai que la grange Ă  vous proposer pour cette nuit.

-Cela ira parfaitement, le rassura Dvan.

Ils avaient l'habitude de ne rien avoir. Reculant, il retourna chercher Rosa et passa un bras autour de ses épaules. Alors que l'autre lui servait de soutien, elle se laissa faire. Le géant avait pris cette habitude de l'aider le plus souvent possible. Ce contact tendre lui donnait toujours du baume au coeur.

L'homme se déplaça, leur faisant signe d'entrer.

-Maureen, nous avons des invités, cria-t-il.

Les deux passÚrent le seuil de l'habitation pour se retrouver dans une piÚce qui servait de cuisine et de salle à manger. Leurs hÎtes n'étaient pas riches, mais eux ne demandaient rien. Ils avaient tant l'habitude de survivre, qu'ils trouvaient l'endroit merveilleux.

-Les nuits ne sont pas tranquilles ici, déclara leur interlocuteur.

Mais avant qu'il ne puisse en dire plus, une femme Ă©tait apparue. Du mĂȘme Ăąge que lui, elle portait un chignon retenant ses cheveux gris dont s'Ă©chappaient quelques mĂšches, lui retombant sur le visage. Elle les repoussa et s'approcha de Rosa avant de prendre sa main dans la sienne.

-La pauvre chérie est glacée. Mets vite une bûche dans l'ùtre, il faut la réchauffer.

-Ca ira, madame, dĂ©clara gĂȘnĂ©e la jeune femme.

-Appelez-moi, Maureen.

Elle l’entraüna jusqu'à une chaise.

-Asseyez-vous. Vous devez ĂȘtre fatiguĂ©e, depuis combien de temps marchez-vous ?

-Ce matin.

-Quoi ?! Mais vous ĂȘtes folle. C'est dangereux pour le bĂ©bĂ©.

Rosa posa la main sur son ventre.

-Je sais, mais


Les larmes lui montĂšrent aux yeux.

-Ho non, je ne voulais pas vous faire pleurer. Ne vous en faites pas. Ici, vous ĂȘtes en sĂ©curitĂ©. Vous pourrez rester le temps que vous voudrez. N'est-ce pas Joseph ?

Il n'avait apparemment pas son mot Ă  dire puisque sa femme venait de prendre Rosa sous sa protection.

-Je disais que je pourrais apprendre au gamin, mon mĂ©tier. En faire mon successeur. Dans ce village, aucun d'eux ne convient. Ils sont tous trop fainĂ©ants ou trop occupĂ©s Ă  courir les filles. Celui-ci devrait ĂȘtre plus disciplinĂ©. Quelle est ta prioritĂ© mon garçon ?

Dvan hésita. Jusque là, c'était de trouver assez d'argent pour se nourrir et apporter un peu de confort à Rosa.

-Je veux que ma


Il hésita.

-Je veux que Rosa soit bien.

C'était la vérité. Elle lui sourit en murmurant son prénom, touchée.

Pendant ce temps-là, Maureen était revenue avec une couverture dans les bras dont elle entoura la jeune femme.

-C'est adorable. Vous semblez tellement amoureux. On croirait nous plus jeune, tu ne penses pas, Joseph ?

-N'importe quoi.

Sa femme reprit.

-Est-ce que tu as bien vérifié que tout était fermé ?

-Comme tous les soirs.

Elle hocha la tĂȘte satisfaite et reporta son attention sur Rosa, Ă  laquelle elle servit un grand verre d'eau.

-Est-ce que je peux aider en quoi que ce soit ? demanda Dvan gĂȘnĂ©.

-Non
 Enfin si, mets une bûche dans le feu.

Rosa croisa le regarde du géant. Elle savait qu'il en avait toujours peur. Pourtant, celui-ci s'avança, se saisit du bois comme s'il ne pesait rien et le posa dans les flammes. Sa tùche accomplie, il recula.

L'homme lui fit signe de s'asseoir Ă  la table.

-Comment vous appelez-vous ?

-Je suis Dvan et voici Rosalina, ma


Il hésita.

-Femme.

-EnchantĂ©, je suis Joseph et ma femme se nomme Maureen. D'oĂč venez-vous comme ça ?

-Du saint-empire


-A pied ? Ca fait une trotte.

-Nous voyageons depuis plusieurs mois.

-Pourquoi tout quitter comme


Sa femme lui fit un regard noir et lui coupa la parole.

-Explique-leur oĂč ils sont et ce qui se passe ici. Il faut qu'ils connaissent le danger. Je vais servir le repas.

-Je peux vous aider, proposa Rosa.

Maureen lui interdit d'un geste.

-Non, vous votre rĂŽle, c'est de vous reposer. Vous vous apprĂȘtez Ă  donner la vie. C'est dĂ©jĂ  beaucoup.

Son mari reprit la parole.

-Ici, les nuits peuvent ĂȘtre dangereuses. Des crĂ©atures horribles ont chassĂ© notre seigneur de son chĂąteau. Depuis des choses rodent. Heureusement, notre seigneur est toujours prĂ©sent pour nous. C'est pour ça que nous nous enfermons chaque soir. C'est pour notre sĂ©curitĂ©.

Rosa comprenait mieux le village fantÎme qu'ils avaient traversé, pour arriver ici.

-Pour le moment rien de grave n'est arrivĂ©. Mais mieux vaut ĂȘtre prudent.

-OĂč comptiez-vous dormir, cette nuit ? demanda Maureen, en apportant des assiettes fumantes.

-Dehors, faute de mieux, murmura Dvan.

-Mais vous ĂȘtes fous ! Avec votre femme enceinte en plus !

Le géant serra les dents.

-Je sais. Elle n'a pas hérité du meilleur parti, j'ai si peu à lui offrir.

Rosa posa sa main sur la sienne.

-Ne dis pas ça. Tu es l'homme le plus gentil et le plus doux que je connaisse.

Dvan passa la main sur son visage.

-Oui, mais ce n'est pas ça, qui va t'aider à vivre mieux.

Voyant la détresse des deux plus jeunes, Maureen se radoucit.

-On va vous aider. Pas vrai Joseph ?

L'autre lui lança un regard surpris, mais ne la contredit pas.

-Oui, enfin moi, je cherche quand mĂȘme


Mais il n'eut pas le temps de terminer.

-Le garçon fera de son mieux. Tu ne peux pas l'abandonner avec sa femme enceinte.

-Mais j'ai jamais dit ça, enfin.

-Donc nous sommes tous d'accord.

Joseph ouvrit et ferma la bouche sans savoir quoi dire. Il ne pouvait lutter contre Maureen, elle avait toujours le dernier mot.

-Merci madame. Merci monsieur, murmura Dvan.

Comme Rosa, il était touché que quelqu'un les accepte. Jamais personne ne leur avait tendu la main. Cela faisait bizarre que pour une fois, on leur propose de l'aide. Seulement, s'ils venaient à savoir la vérité sur eux, que penseraient-ils ? Ils seraient sûrement chassés.

La jeune femme porta la main à son ventre. Elle était une femme enceinte non mariée, cela ne jouerait pas en sa faveur. C'était sûrement pour ça que Dvan, n'avait rien dit sur leur véritable lien. Il voulait la préserver.

Finalement, une fois le repas servit, ils dßnÚrent en discutant tranquillement. C'était agréable d'avoir des hÎtes si accueillants. Pour une fois, ils avaient l'impression d'avoir un foyer.

Lorsqu'on leur demanda oĂč ils s'Ă©taient rencontrĂ©s, Rosa prit la parole, donnant seulement le nom de leur ville natale. AprĂšs tout, elle ne mentait pas. C'Ă©tait lĂ  que dix-neuf ans auparavant, elle avait fait la connaissance de Dvan. Lorsqu'on lui demanda ce qu'elle aimait chez lui, elle fut sincĂšre. Elle aimait son caractĂšre doux et protecteur, sa grande gentillesse, et son cĂŽtĂ© naĂŻf. Pour rien au monde, elle n'aurait voulu se sĂ©parer de lui.

La jeune femme revint au moment présent quand le géant prit la parole.

-Ce que j'aime chez Rosa, c'est la femme la plus courageuse que je connaisse, elle ne se plaint jamais, ne demande jamais plus que ce qu'elle a. Elle tente toujours de faire de son mieux. Elle est aussi trÚs douce, et trÚs gentille avec moi, plus que personne ne l'a jamais été.

Leurs regards se croisĂšrent. L'espace d'un instant, il n'y avait plus qu'eux. S'ils avaient Ă©tĂ© seuls, Rosa se serait jetĂ©e dans ses bras. Elle aimait tant cet homme. Elle ne pouvait mĂȘme pas imaginer ĂȘtre sĂ©parĂ©e de lui. Sa vie, elle ne la voyait qu'Ă  ses cĂŽtĂ©s.

-Ca se voit que vous ĂȘtes amoureux, dĂ©clara Maureen.

Ils ne répondirent pas.

-ArrĂȘte de les embarrasser avec tes histoires, souffla son mari. Nous ferions mieux de nous coucher. Il se fait tard.

Tous hochĂšrent la tĂȘte.

-Je vais vous montrer la grange.

-Mais enfin, tu ne vas pas faire dormir une femme enceinte dans la grange, l'interpella Maureen.

-Tu as mieux à proposer ?

Elle ne répondit pas.

-Demain, j'emmÚne le gamin avec moi, pour lui apprendre le métier. Tu n'auras qu'à leur chercher un logement avec la gamine.

Rosa comprit qu'ils parlaient d'eux et cela la fit sourire.

-Crois-moi, c'est ce que je ferais ! lança sa femme.


Texte publié par Nascana, 16 juin 2019
© tous droits réservés.
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