C’était juste une égratignure. Une éraflure peu gonflée. Une légère blessure, aussi fine que le bord de cette feuille de papier. En y repensant, elle n’avait pas saigné et, si l’on ne savait pas où poser son regard, elle passait pour invisible. Rien de bien méchant en soit. Ce qu’elle ne savait pas, c’était la rapidité avec laquelle elle allait s’infecter, cette coupure. Ce trait grossissant avec les jours, pour finir par devenir un trou béant, un tourbillon oppressant. On imagine rarement que les petits bobos du quotidien sont ceux qui irradient le plus si l’on n’y prend pas garde.

C’était juste une égratignure. Elle n’est plus sûre de savoir quand et comment elle s’est accaparé sa peau pour ne plus la quitter. Comment, progressivement, elle allait la capturer, s’avançant lentement, comme cette araignée qui se rapproche de la mouche qui se débat, coincée dans sa toile ; mais prenant garde de ne pas la dévorer. Oh bien sûr, une plaie n’est pas un animal et la jeune fille concernée n’a rien à voir avec cette pauvre mouche qui lutte pour sa survie. La comparaison est bancale car, si la douleur de l’insecte est minime, la sienne augmente toujours plus.

Les récits sont apparentés à des histoires fictives. J’aurais aimé vous annoncer qu’il en est de même ici mais non. Le récit que je m’apprête à vous raconter n’a rien de fictif. Si les noms et lieux ont été changés, les faits eux, sont arrivés. Laissez-moi vous la raconter. Nous sommes en début de soirée d’une année x ou y et, en y regardant de plus près, le ciel semble se retenir de hurler un je ne sais quoi. Les quelques nuages blancs restants résistent aux noirs voulant les déloger. Je ne saurais sur lesquels parier, et vous ?