Minuit sonnait dans le lointain. Mais pour qui ? Pour quoi ? Mc Ploumette ne possédait aucune des réponses à toutes ses interrogations qui étouffaient en elle toute pensée. Penchée sur l=e bastingage, elle couvait l’étendue liquide d’un regard noir. Pas un souffle de vent, pas un oiseau, ni même une étoile dans le ciel ; la mer était d’huile. Pourtant, ils étaient là, attendant leur heure ; elle le savait, elle les guettait. Ombres dans la lumière, ils s’étaient toujours tenus debout, ricanant malgré les coups qui pleuvaient sur leurs corps décharnés. Lasse, elle tira de sa poche un morceau de chique qu’elle mâchonna longuement jusqu’à en exprimer tout le jus.

— Vous n’êtes pas dans votre cabine, capitaine.

Dans la nuit, un long jet de mélasse traversa les airs.

— Non, quartier maître !

Lasse, elle n’avait même plus l’envie de se retourner et de contempler encore une fois son visage. Trop de douleur, trop de malheur couvaient dans son cœur pour qu’elle l’acceptât encore une fois. À la lueur de la lanterne qui éclairait faiblement les eaux mornes, elle contempla leurs reflets. Elle, bourrue, malgré de faux airs de tendresses ; une large cicatrice barrait sa joue gauche, souvenir emporté d’un duel. À côté d’elle, il en était un autre, buriné, parcouru de ridules minuscules qui ne faisaient que sublimer sa beauté naturelle.

— Capitaine…

— Non Lizdée, je vous en prie.

Une main s’était emparée de la sienne ; douce, chaude, malgré le fond glacé de l’air. Un instant, elle voulut la retirer, mais l’envie s’échappa aussi vite.

— Désirez-vous que je m’en aille, capitaine.

Dans sa tête, mille questions se bousculaient et mille autres demeuraient sans réponse. Sur le Nascana, deux ombres se rapprochaient. Demain serait un beau jour pour mourir, ou pas.

— Amenez-moi ma cornemuse, Liz. Nous ne sommes plus que toutes les deux, tous les autres membres de l’équipage ont péri. Mais ils entendront mon cri jusqu’à ma mort.