Un hoquet libéra le souffle de Jedefray, en apnée depuis que son téléphone avait vibré sur la table de chevet, à côté de son lit de fortune. Sa respiration laborieuse raisonna dans son lieu de repos étriqué. Il l’avait échappé belle. Il allait le faire. Il était prêt. La seringue de pentobarbital traînait là, à côté de lui. Il avait préparé le garrot autour de son bras, il avait trouvé la veine. Cole l’avait sauvé d’une mort certaine.

Jedefray pinça la seringue et la porta, bras tendu, vers la poubelle, sous son bureau d’appoint où trônait la photo de Cole. “Fais le pour lui”, avait-il écrit en-dessous. Pour ce petit garçon, son petit garçon si pétillant de vie. Drôle. Câlin. Plein d’énergie. Jedefray avait toujours agi pour son bien et rien d’autre. Les larmes roulèrent le long de ses joues. Cet appel téléphonique, c’était le destin. Jedefray n’avait pas fini sa mission. Cole avait besoin de lui. En bon père, Jedefray répondrait présent.

Il essuya ses joues du revers de la main, désormais plus lucide. Un mince espoir refaisait surface et embaumait son coeur au bord de la rupture. La fille malade. Cole allait l’amener ici, au laboratoire. Jedefray n’aurait pas besoin d’utiliser la méthode Milwhaukee sur son fils. Il l’essaierait sur elle.

Jedefray sourit, béa. Quelle aubaine ! Il ne perdrait pas son enfant une deuxième fois avec un protocole douteux aux minces chances de succès. Si ça échouait, Cole se trouverait une autre copine. Après tout, il avait joué les jolis coeurs en un temps record, vu le peu de temps qui s’était passé entre sa fuite et ce fameux appel. Jedefray aurait moins de scrupule à expérimenter sur cette fille que sur Cole.

Il agrippa son mug vide à l'effigie de son ancienne université. Major de promo. Il y arriverait. Il rendrait Cole plus sain de corps et d’esprit qu’aucun être humain sur cette Terre. Si son plan fonctionnait… s’il fonctionnait ! Jedefray se cramponna au dossier de son siège, sa tête lui tournait. Toutes les possibilités qu’une telle perspective offrait… Il ricana.

Jedefray inspira profondément, prêt à relever les nouveaux défis qui s’offraient à lui. De quoi devenir le maître du monde.