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Soren et le faucon

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Soren et le faucon

© Rose P. Katell (tous droits réservés)

Le code de la propriété intellectuelle interdit les copies ou reproductions destinées à une utilisation collective. Toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite par quelque procédé que ce soit, sans le consentement de l’auteur est illicite et constitue une contrefaçon, aux termes de l’article L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.

Le soleil continuait sa course ascendante dans le ciel ; ĂŞtre recalĂ© ne lui avait pas pris la matinĂ©e entière… La dĂ©ception au cĹ“ur et le museau pointĂ© vers le sol, Soren marchait avec lenteur, au mĂ©pris du bon sens dans un monde oĂą nombre de sauvages n’attendaient que de s’approcher de la dĂ©fense vĂ©gĂ©tale du territoire pour fondre sur une souris telle que lui. Sa rapière, pour laquelle il avait si longuement Ă©conomisĂ© – au point d’avoir du retard dans ses loyers –, pendait sans vie dans sa patte. Son environnement mĂŞme le laissait de marbre, il s’en dĂ©sintĂ©ressait et en venait Ă  souhaiter ĂŞtre attrapĂ© par un prĂ©dateur. N’importe lequel conviendrait tant qu’il achevait ses hantises avec lui !

Un reniflement secoua ses vibrisses. Qu’allait-il faire, dĂ©sormais ? Qu’allait-il faire ? S’engager dans l’ASB, l’armĂ©e des souris brunes, avait Ă©tĂ© le but Ă  atteindre. Son meilleur, afin de ne pas dire seul, recours. Sa chance d’offrir un quotidien dĂ©cent Ă  son père. Et elle lui Ă©tait refusĂ©e.

Soren grinça des dents, serra un pan de son manteau Ă  s’en blanchir les articulations. Comment allait-il lui l’annoncer ? Impossible de rĂ©pĂ©ter les termes cruels du recruteur Ă  son père… Il se l’interdisait ! Trop petit. Trop lent. Trop faible. Indigne de combattre, juste bon Ă  servir de chair Ă  canon pour le BSG, le bataillon des souris grises. Pas assez Ă©duquĂ© pour apporter des connaissances utiles sur le terrain. En deux mots : une honte.

Sa queue fouetta la terre du sol. Depuis que les souris brunes, devenues trop nombreuses dans leurs cités en manque d’abris, s’étaient dressées et avaient revendiqué une parcelle précise – riche en buissons, racines ou autres cachettes fournissant un logis – que convoitaient également les grises, pourtant loin d’être dans leur situation, il avait misé son avenir, et plus encore celui de son père, sur une promesse. Celle que chaque volontaire au combat, qu’il en sorte martyr ou victorieux, se verrait attribué une propriété à vie sur l’Eden fièrement conquis pour son usage propre ou celui de ses plus proches parents. Tout était fichu, dorénavant.

Un couinement mi-furieux mi-dĂ©sespĂ©rĂ© lui Ă©chappa. Ce n’était pas comme s’il n’avait pas cherchĂ© une solution diffĂ©rente avant ! Mais nul travail ne lui avait Ă©tĂ© octroyĂ©, le nombre de demandeurs dĂ©passait de loin les postes vacants. La guerre avec les gris Ă©tait… avait Ă©té… son dernier repli.

Soren soupira. L’argent investi dans sa rapière, qu’il aurait dĂ» utiliser pour ses impayĂ©s, ne lui rapporterait rien Ă  long terme… DĂ©jĂ  qu’il Ă©tait obligĂ© de voler Ă  droite Ă  gauche pour ramener de la nourriture chez lui ; ça n’allait pas aller en s’amĂ©liorant. En plus d’annoncer son Ă©chec Ă  son père, qui se rĂ©jouissait du prestige apportĂ© Ă  leur nom par un statut de soldat, il allait lui falloir recommencer Ă  mentir, Ă  inventer des petits boulots imaginaires pour justifier ce qu’il mettait dans leurs assiettes.

Un sanglot le secoua. C’était trop dur, beaucoup trop dur ! Oh ! Il ne pouvait pas rentrer maintenant, pas dans son Ă©tat. Déçu et angoissĂ© comme il l’était, il avouerait tout et inquiĂ©terait son père plus que sa santĂ© fragile n’était en mesure de le supporter. Ses poils se hĂ©rissèrent Ă  cette idĂ©e ; il lui fallait se calmer, digĂ©rer. Rien n’était envisageable sans ça.

Ses incisives malmenèrent sa langue. Incapable d’affronter le regard de ses pairs pour l’heure, Soren fit une chose insensée : il s’éloigna de leur territoire malgré le danger et ignora la petite voix lui hurlant qu’il s’éloignait aussi de leur système de protection contre les prédateurs.

L’envie d’être croqué n’avait pas eu le temps de disparaître de son esprit.

Une longue heure de marche en dehors du territoire des souris brunes n’avait pas suffi Ă  Soren pour Ă©vacuer sa peine et sa frustration ; tout juste avait-elle chassĂ© son vĹ“u d’être dĂ©vorĂ©. DĂ©cidĂ© Ă  rentrer et Ă  annoncer la triste nouvelle Ă  son père, en quĂŞte d’une idĂ©e pour amĂ©liorer leur quotidien et rembourser leurs loyers, il rebroussait chemin depuis cinq minutes, frottant sa rapière dans le tissu vert mousse de son manteau. Ses traits se fronçaient devant le mauvais traitement qu’il lui avait infligĂ© durant la première moitiĂ© de son expĂ©dition. Quel crĂ©tin ! La laisser traĂ®ner, ramasser poussières et brindilles… Tout ça Ă©tait indigne d’elle, du prix qu’elle lui avait coĂ»tĂ©. Elle n’était pas responsable de son Ă©chec et mĂ©ritait mieux, d’autant qu’il serait peut-ĂŞtre obligĂ© de la revendre, vu la conjoncture ! Ă€ moins qu’il ne s’en serve dans le but de se dĂ©fendre de ceux qui voudraient les jeter Ă  la rue Ă  cause de ses dettes ?

Il frĂ©tilla et le dĂ©goĂ»t s’afficha dans ses yeux. Pourvu qu’il n’ait pas Ă  en arriver lĂ  !

Soudain, un bruit le figea ; son arme lâchĂ©e, Soren adopta aussitĂ´t une posture pratique afin de dĂ©taler au mieux, puis brandit son museau vers le ciel – avait-il bien reconnu un battement d’ailes ? –, mais aucun oiseau n’était en vue.

Nerveux, il patienta sur place, Ă  l’affĂ»t du danger. Avait-il rĂŞvĂ© ? Non, pas moyen. L’oiseau, si c’en Ă©tait un, s’était posĂ© en hauteur. Un chasseur ? Alors il n’attendait qu’un mouvement de sa part pour fondre sur lui… son rythme cardiaque s’intensifia. Quelle excellente idĂ©e de quitter le territoire des siens et sa dĂ©fense vĂ©gĂ©tale !

Très vite, le son se reproduisit, si près que Soren manqua filer – l’absence d’ombre au-dessus de lui le retint à la dernière seconde. Il se rendit ensuite compte de sa frénésie. Ce n’était pas un vol normal, il y avait un problème.

Ses doigts remuèrent la terre sous eux, récupérèrent sa rapière. Il avait tout à gagner à partir sans demander son reste et en avait parfaitement conscience. Pourtant, une part de son être lui intimait de chercher à comprendre le phénomène…

Après une profonde inspiration, il traqua son origine.

Les gestes dĂ©sordonnĂ©s de l’animal sauvage s’entendaient tant que ce dernier n’était pas loin, c’était une Ă©vidence ; en douceur, poussĂ© par une voix qu’il maudissait sans parvenir Ă  lui dĂ©sobĂ©ir, Soren avança vers un large buisson Ă©pineux, derrière lequel provenait le vacarme. Grâce Ă  son ouĂŻe, il estima la taille dudit sauvage et se rassura Ă  l’idĂ©e de pouvoir s’aventurer entre les branchages sans qu’il soit possible Ă  celui-ci de l’y suivre.

Le spectacle qu’il découvrit en s’y engageant le rendit muet. De l’autre côté du buisson se débattait un jeune faucon. L’une de ses pattes retenue par une ronce, une deuxième enroulée autour de son bec, il se trouvait pris au piège, coincé.

Le chasseur attrapé.

Soren frĂ©mit, resserra son emprise sur sa rapière. Il constituait l’un des mets favoris de l’espèce et aurait donc dĂ» se rĂ©jouir d’apprendre qu’un de ses membres n’était plus en mesure de causer du tort aux siens. NĂ©anmoins, un sentiment de pitiĂ©, voire de compassion, l’étreignait. Le faucon Ă©tait condamnĂ© ; il partirait dans la souffrance, en ayant luttĂ© jusqu’à l’épuisement. Une fin pareille Ă©tait cruelle.

D’instinct, il effectua un premier pas pour quitter son abri, avant de se raviser dès qu’il rĂ©alisa la portĂ©e de son geste. Que faisait-il ? Il n’allait quand mĂŞme pas se mettre en danger ? Secourir une crĂ©ature qui l’attraperait sitĂ´t qu’il le remarquerait ? C’était insensĂ© !

Insensé, oui… C’était le mot. Mais à cause de sa déception du jour, de sa situation précaire, il se sentait proche de lui. Ennemi redoutable ou pas, il n’en était pas moins aussi prisonnier que lui, seules leurs mésaventures divergeaient.

D’infimes tremblements parcoururent Soren, signe que son corps le poussait malgré lui en avant, et il murmura pour lui-même :

— Je suis complètement fou.

Il tâcha de ne pas songer à son père, se répéta à plusieurs reprises qu’il était assez agile et rapide afin de regagner le centre du buisson sans heurt en cas d’attaque. Enfin, arme au poing, il sortit à la vue du rapace.

L’œil perçant de celui-ci le localisa dans la seconde ; il s’agita de plus belle – dans le but de se libĂ©rer assez vite pour le croquer ? Tremblant des oreilles Ă  la queue, Soren se rapprocha de la ronce enroulĂ©e Ă  ses serres, vĂ©rifia d’être hors de leur portĂ©e et leva sa rapière avec peine, gĂŞnĂ© par l’air propulsĂ© par les deux ailes.

Il trancha l’entrave dans un cri, priant pour sa survie. Après quoi, il profita du recul subi par le faucon pour plonger dans sa cachette, incapable d’admettre sa réussite.

Son pouls cognait contre ses tempes ; ses intestins n’étaient pas loin de le trahir. Cependant, convaincu d’être en sĂ©curitĂ©, Soren ne rĂ©sista pas Ă  l’envie de jeter un Ĺ“il Ă  l’extĂ©rieur. DĂ©couvrir la rĂ©action de l’oiseau lui importait Ă©trangement.

Son regard s’ancra dans le sien : il Ă©tait repĂ©rĂ© ! Sa respiration se coupa le temps d’un battement de cĹ“ur, puis ses paupières se plissèrent. Il Ă©tait repĂ©rĂ©, oui, mais nulle tentative d’attaque ne venait. Le sauvage se contentait de l’observer, comme si lui non plus ne croyait pas en son aide. Il Ă©tait calme, immobile, et Soren en oublia de disparaĂ®tre.

Alors l’impensable se produisit. Avec lenteur – presque du respect, imagina-t-il –, le faucon tendit sa patte, oĂą s’enroulait encore le reste de la ronce, dans sa direction. Il cilla. Ne rĂŞvait-il pas ? Était-ce une demande ?

Ses vibrisses remuèrent. Pouvait-il prendre un tel risque ? Et si c’était un piège ? Une ruse ?

Soren secoua la tĂŞte. Non. Il rĂ©flĂ©chissait en souris, en espèce Ă©voluĂ©e. Un rapace n’avait pas les capacitĂ©s d’adopter une stratĂ©gie pareille, n’est-ce pas ? Il se laissait juste guider par son instinct.

Ce qui ne signifiait pas qu’il n’essaierait pas de le manger sitôt débarrassé de la plante…

Un nĹ“ud se forma dans son estomac. Oh ! Il Ă©tait idiot et suicidaire, mais l’idĂ©e de ne pas finir ce qu’il avait commencĂ© lui dĂ©plaisait. La pitiĂ© qu’il avait Ă©prouvĂ©e ne devrait pas avoir une limite.

— Et on me juge inapte à affronter d’autres souris, maugréa-t-il entre ses dents.

AngoissĂ©, il se plaça Ă  portĂ©e du prĂ©dateur et guetta sa rĂ©action. Jamais il n’avait Ă©tĂ© si prĂŞt Ă  courir pour sa vie ! La moindre parcelle de son corps Ă©tait sur le qui-vive.

Durant un moment, ni lui ni le faucon ne remuèrent, attentifs. Puis Soren prit sa décision. À l’aide de sa rapière, sa peur uniquement trahie par ses frémissements incontrôlables, il délivra le membre entravé…

… Et faillit mourir d’effroi lorsque le sauvĂ© bougea ! Par chance, il ne chercha pas Ă  l’attaquer. Il lui prĂ©senta plutĂ´t son bec en se penchant dĂ©licatement, il le suppliait d’ôter son dernier lien.

Cette fois, Soren n’hésita qu’une petite seconde. Malgré le risque causé par la proximité du terrifiant crochet, il opta pour la confiance, compta sur une sorte de loyauté, de gratitude. Avec habileté et précision, il acheva sa bonne action.

Le faucon se redressa, le détailla quelques secondes qui lui parurent interminables. Une pointe de fierté envahit Soren devant le courage dont il avait fait preuve. Continuait de faire preuve.

Sa journée n’avait pas été qu’un lamentable échec.

Lorsque l’animal prit son envol, un couinement de surprise lui échappa et, déséquilibré, il tomba à la renverse.

Deux secondes plus tard, un éclat de rire jaillissait de sa gorge.

Du coin de l’œil, Soren scruta son père occupé à préparer le repas pendant que lui-même se chargeait de dresser les couverts. Trois jours déjà qu’il lui avait annoncé avoir été refoulé de l’armée… Trois jours, et il ne montrait aucun signe de contrariété ou d’anxiété.

Un rire nerveux manqua lui Ă©chapper ; contrairement Ă  lui, son père ne doutait pas de sa capacitĂ© Ă  trouver un travail ! Son museau se fronça. Devait-il en ĂŞtre fier, ou dĂ©solĂ© ? Combien de temps perdurerait l’illusion ? L’entretenir lui demanderait de voler bientĂ´t, c’était inĂ©vitable. Au moins de quoi rĂ©gler le loyer du mois et ceux en retard – ne pas trop tarder, tel Ă©tait le principe qu’il se fixait Ă  chaque retard de payement.

MalgrĂ© lui, sa queue claqua contre le plancher. L’explosion dĂ©mographique des souris brunes, sa consĂ©quence Ă©conomique, surtout, le rendait malade. Si la guerre s’éternisait, une autre risquait d’éclater, intestine, civile. Oh ! Les plus riches voudraient vite expulser les plus pauvres pour pallier le manque de place, c’était une Ă©vidence.

— Tu es bien sérieux et silencieux, remarqua son père, l’arrachant à ses réflexions.

Soren se força à esquisser un sourire.

— Je méditais sur la guerre. Sur ce nouveau territoire pour lequel elle a lieu.

Son père délaissa ses fourneaux et ancra son regard dans le sien.

— Si tu es déçu à cause de ton évaluation négative, sache qu’une part de moi se réjouit de son résultat.

— C-Comment ?

— La fierté d’avoir un fils héroïque sera toujours plus faible que la douleur que ta perte me causerait si les choses tournaient mal.

Touché, Soren demanda pourtant :

— MĂŞme avec une maison plus large, garantie Ă  vie ?

La patte de son père tapa l’une de ses oreilles.

— Tu as intĂ©rĂŞt Ă  ne jamais penser l’inverse ! Ce n’est pas comme si nous n’avions pas de toit au-dessus de nous et, grâce Ă  toi, un salaire pour le conserver. Non, nous ne sommes pas Ă  plaindre. Laissons ces terres Ă  plus dĂ©munis.

L’estomac de Soren se contracta. Tant de confiance en sa personne… et si mal placĂ©e ! La culpabilitĂ© le rongeait.

Il baissa les oreilles. Peut-être serait-il plus sage de passer aux aveux… Son père avait amené le sujet, il n’y aurait pas de meilleure occasion.

— Fils ? s’inquiĂ©ta celui-ci face Ă  son attitude.

L’hĂ©sitation le tenailla. Il peinait Ă  dĂ©terminer quel Ă©tait le pire scĂ©nario : la probabilitĂ© que son père dĂ©couvre tous ses mensonges d’un coup lorsqu’il serait arrĂŞtĂ© pour ses larcins ou qu’on les expulserait, ou l’idĂ©e qu’il vive dans la dĂ©ception de ses actes et dans l’angoisse du lendemain. OĂą se situait le moindre mal ?

Soren n’eut pas le loisir de trancher la question. Plusieurs coups assénés à la porte rustique de leur habitation l’arrachèrent à son dilemme.

— Si tard ? s’étonna son père.

— Coupe la cuisson au cas où, je m’en occupe.

En son cœur, une petite voix se réjouissait malgré lui d’avoir été interrompu dans sa décision. Par malheur, ce sentiment s’effaça dès qu’il ouvrit le battant.

La souris sur le seuil, à peine plus âgée que lui, portait l’uniforme des collecteurs…

Elle venait pour le loyer. Pour ses impayés.

Son sang se glaça dans ses veines. Non… Pas dĂ©jĂ  ! Pas maintenant.

— Je vois que vous avez saisi, s’excusa-t-elle, le visage empreint de compassion.

— Soren ? chevrota son père, en retrait.

— Ce n’est rien, lui rĂ©pondit-il vivement. Discutons dehors, d’accord ? s’enquit-il ensuite sur un ton beaucoup plus bas.

— Inutile, j’en ai peur. À moins que vous n’ayez l’argent que vous devez au territoire pour votre logis.

— Quel argent ? murmura son père en avançant vers eux. Soren, de quoi parle-t-elle ?

Il grinça des dents.

— Il s’agit d’un malentendu. Je ne comprends pas, mentit-il.

Son cĹ“ur battait Ă  tout rompre. Nom d’un sauvage… Le destin ne pouvait pas ĂŞtre aussi cruel. Il ne pouvait pas lui fournir une telle rĂ©ponse Ă  ses interrogations morales !

— Si vous n’êtes pas en mesure de payer, je dois réquisitionner la propriété, s’imposa la collectrice. Elle sera attribuée à une autre famille.

— Je…

— Vous n’ignorez pas la situation, j’en suis sûre. De nombreuses souris cherchent à se loger, et la priorité va à celles qui ont les moyens de louer.

Nauséeux, impuissant contre sa crainte matérialisée, Soren implora son interlocutrice de manière tacite. Un délai. Il ne demandait qu’un pauvre délai. Hélas, elle secoua la tête avec regret.

— Les ordres sont les ordres.

— Soren, souffla son père. Comment ?

Un murmure qui lui écorcha le cœur.

— Je suis navrée, ajouta aussitôt la collectrice à son intention. Votre fils vous expliquera sans doute tout plus tard.

— Nous habitons ici depuis de nombreuses saisons, madame. Soren travaille, il…

— Votre logement n’est conservé qu’avec un loyer régulier. Vous avez signé un accord en ce sens lors de votre emménagement. J’aimerais vous aider, mais je n’en ai pas les moyens.

Soren vacilla devant l’air perdu de son père.

— As-tu oubliĂ© de payer ? Ne le ferait-on pas, lĂ  ?

— Je te demande pardon, chuchota-t-il avec peine.

Son palais s’assĂ©cha ; l’envie de triturer sa queue le gagna et dĂ©terminer de quelle façon il trouva le courage de reprendre la parole lui fut impossible.

— Retourne au chaud, s’il te plaĂ®t. Je vais arranger les choses, je te le promets. Et après, je te raconterai tout. D’accord ?

Son père le dévisagea longuement, pourtant, il finit par opiner. Soren attendit qu’il s’éloigne pour s’adresser de nouveau à la collectrice.

— Je vous en prie. J’ai besoin de temps.

— Je ne suis pas autorisée à vous laisser conserver ce bien. Ni à vous accorder quoi que ce soit… Il va falloir m’accompagner.

— Il sera bientĂ´t nuit ! protesta-t-il.

DĂ©jĂ , les battements de son cĹ“ur s’accĂ©lĂ©raient et une impression d’injustice le rongeait. Il n’avait pas demandĂ© Ă  ĂŞtre pauvre !

— Je suis les directives. C’est mon travail, croyez-moi, je ne m’exécute pas par plaisir.

— C’est…

— Vous avez le droit d’emporter provisions et quelques vêtements ou effets. Une valise chacun. Le reste… Le reste sera vendu aux enchères en dédommagement de vos impayés.

Un discours. Probablement répété à l’avance.

Un goĂ»t de bile se dĂ©posa sur la langue de Soren, son crâne le tança. Il refusait d’être la victime de cette farce immonde ! Qu’il regrettait dĂ©sormais d’avoir achetĂ© sa rapière, son plan le mettait dans de beaux draps ! Oh, il avait escomptĂ© bĂ©nĂ©ficier d’un meilleur dĂ©lai pour rĂ©gler ses dettes ; il en avait eu plus lors de ses derniers retards !

— Juste deux ou trois jours, insista-t-il, désespéré.

— Je ne suis pas décisionnaire.

La collectrice inspira.

— Acceptez-vous de me suivre ? Je vous procurerai un toit pour cette nuit.

— C’est chez nous ! cria Soren, incapable de se contenir.

— Plus maintenant.

En colère, il voulut lui ferma la porte au museau, mais elle glissa sa patte dans l’ouverture pour l’en empêcher, avant de hausser la voix :

— Les gars ! Besoin de renfort. Pas de brusqueries inutiles.

Son regard rencontra ensuite celui de Soren.

— Je n’ai pas le choix.

Deux souris aux muscles développés, que la pénombre avait jusque-là masquées à sa vue, s’approchèrent. Un mâle et une femelle.

— Ne rendez pas la situation plus compliquĂ©e qu’elle ne l’est, dĂ©clara la femelle. DĂ©sirez-vous vraiment ĂŞtre forcĂ© de quitter votre logis ainsi ?

En réponse, Soren pivota vers l’intérieur et hurla :

— Enferme-toi dans la chambre !

La souris agrippa son Ă©paule avec duretĂ© ; il la dĂ©gagea sans douceur, puis cracha au sol. Personne ne les obligerait Ă  partir. Personne !

Deux billes noires comme l’encre le fusillèrent.

— À ta place, je me calmerais. Notre patience à des limites, on n’essaiera pas de te raisonner longtemps.

L’esprit de Soren tournait à cent à l’heure. Déjà, il réfléchissait au meilleur moyen d’aller chercher son arme, dissimulée dans sa cache.

Il n’eut pas l’occasion de le trouver : la femelle l’attrapa avec fermeté et le tira à l’extérieur sans se soucier de ses ruades pour se libérer.

— Vous n’avez pas le droit ! pesta-t-il.

Nulle rĂ©ponse ne lui parvient, pas mĂŞme de la collectrice qui ne s’excusait plus. Pire, la brute ne relâchait pas sa poigne. Non… Non, non, non ! Son collègue pĂ©nĂ©tra soudain dans la maison. Haletant, Soren supplia :

— Ne violentez pas mon père ! Il n’y est pour rien.

— Nous ne sommes pas des montres, siffla sa garde. Si ton vieux accepte la situation, il aura l’occasion de rassembler ses effets, aucun mal ne lui sera fait.

Les larmes lui montèrent aux yeux. Il avait échoué, sur toute la ligne. Il avait perdu leur foyer…

Plusieurs minutes passèrent, longues et culpabilisantes, puis le deuxième gros-bras ressortit.

— Votre père se prépare et nous rejoint. Vous allez avoir besoin d’une discussion si j’ai bien compris.

Soren serra les poings. L’idĂ©e de dĂ©cevoir son père le rendait fou. Il lutta afin de ne pas se dĂ©battre Ă  nouveau, de ne pas se dĂ©gager de l’emprise de la souris et foncer se barricader Ă  l’intĂ©rieur. Envenimer les choses ne l’aiderait pas et ne changerait rien. Mais c’était si difficile avec le sentiment d’injustice qui le tenaillait !

Il grinça des dents, joua sur sa respiration. Ne pas craquer, il lui fallait éviter de craquer.

Tout Ă  coup, un cri aigu fendit l’air au-dessus de leur petit groupe ; au mĂŞme instant, deux pattes aux serres aiguisĂ©es accrochèrent la dĂ©fense du territoire en branchages tressĂ©s, la brisant.

Un rapace !

— Ă€ l’intĂ©rieur ! ordonna aussitĂ´t la collectrice.

Trop tard, hĂ©las : il s’abattit entre eux et le logis. TĂ©tanisĂ©, Soren perçut qu’on le lâchait pour dĂ©taler – les souris si pressĂ©es de l’éjecter de chez lui courraient sans plus se prĂ©occuper de lui, mues par leur instinct de survie. Ses paupières se fermèrent, unique rĂ©action que son corps lui accorda. De mĂ©moire, pas un seul prĂ©dateur ne s’en Ă©tait pris Ă  leur dĂ©fense – la plupart ne prĂŞtaient pas garde aux aperçus de leur prĂ©sence qu’elle laissait filtrer, et les autres se dĂ©courageaient devant elle et allaient chasser ailleurs.

Les secondes passèrent, se changèrent en minutes. Ni bec ni serres ne fondirent sur lui…

Avec lenteur, Soren se risqua à ouvrir les paupières.

Il cilla.

Face Ă  lui se tenait le faucon qu’il avait libĂ©rĂ© trois jours plutĂ´t, il l’aurait pariĂ© ! Et celui-ci ne l’observait pas : son attention n’allait qu’aux fuyards, qu’il n’avait pas l’air de vouloir pourchasser malgrĂ© l’envie dans son regard, comme pour ne pas l’abandonner.

La bouche de Soren s’arrondit. Avait-il surgi dans la nuit… pour lui ? Le surveillait-il ?

Par rĂ©flexe, il nia l’hypothèse d’un geste. L’idĂ©e Ă©tait folle, presque absurde ! La chasser lui fut pourtant impossible. Comment expliquer le comportement de l’oiseau et son arrivĂ©e autrement ? Pourquoi se serait-il donnĂ© la peine de foncer sur les branchages protecteurs sans attraper les souris qui Ă©taient dessous ?

Encore incapable d’y croire, Soren oublia toute prudence et le héla :

— Eh !

Son corps se mit Ă  trembler.

— Merci…, ajouta-t-il

Le faucon tordit sa nuque dans sa direction, le dĂ©tailla sans la moindre animositĂ© ; il semblait attendre qu’il interagisse derechef avec lui. Soren se dĂ©tendit. Ses oreilles se dressèrent. Bien sĂ»r, sa peur primaire n’avait pas disparu, pas entièrement. NĂ©anmoins, il la contrĂ´lait, se jugeait en confiance.

— Aah ! Aaaah !

Le charme se rompit en une seconde. Le sauvage dĂ©concentrĂ©, Soren se rappela la proximitĂ© de son père, coincĂ© dans leur logement, Ă  prĂ©parer ses effets ; il avait manquĂ© la scène et venait de tomber sur leur sauveur en sortant pour, l’imaginait-il, la dernière fois de chez eux. Un sauveur qui pouvait le prendre pour une menace envers lui !

Il hurla :

— Papa, rentre ! Eh, eh ! Par ici ! ajouta-t-il Ă  l’intention du faucon.

Il se recentra sur lui. Doux. Amical. Un soupir de soulagement échappa à Soren et, sur une impulsion, il leva une patte vers lui, invitation tacite au contact.

Le terrible bec effleura ses doigts, se lova dans leur creux.

— Merci, répéta-t-il alors. Merci, mon ami.

Le faucon accentua son toucher. Ensuite, il recula et s’envola.

Soren triturait l’extrĂ©mitĂ© de sa queue. Sa gorge Ă©tait sèche, nouĂ©e ; ses yeux, eux, se rĂ©vĂ©laient humides. Avouer leur situation prĂ©caire Ă  son père, lui expliquer les Ă©vènements de la soirĂ©e, ce qu’il avait fait jusque-là… Tout ça s’était avĂ©rĂ© si compliquĂ© ! Et le silence de son père, qui s’éternisait, ne le rassurait pas. Était-il déçu, honteux pour lui ? Encaissait-il le choc ? Pas moyen de le dĂ©terminer !

Ses paupières se plissèrent. Sans l’intervention du faucon, il n’aurait mĂŞme pas pu lui confier la vĂ©ritĂ© de la sorte, calmement, chez eux. Oh ! Il avait Ă©chouĂ© sur tous les plans.

Enfin, son père toussa.

— J’aurais aimé que tu m’en parles plus tôt.

Sa voix, déjà, était moins fébrile qu’auprès de la collectrice.

— J’espérais éviter de t’inquiéter, murmura Soren sans oser l’affronter. Je pensais avoir beaucoup plus de temps afin de redresser la situation. Je… Pardonne-moi.

— Bien sûr.

Il releva la tête, nota le sourire fin de son père.

— Tu es mon fils et je t’aime. Tu désirais m’épargner.

— Et quel succès ! dĂ©plora-t-il.

— Ça reste une preuve d’amour. Donc tiens-toi droit, Soren.

Il s’exécuta avec peine, surpris du calme affiché par son père. Par sa résilience, surtout.

— Le passé, c’est le passé, enchaîna celui-ci. On ne reviendra pas en arrière.

— Tu es sĂ»r que ça va ? souffla Soren.

— Si tu étais prêt à risquer la prison en volant pour que je ne manque de rien et vive dans l’insouciance, j’affronterai la suite des évènements avec toi. Pour toi.

L’émotion l’étrangla et, avant qu’il ne prononce un mot, son père reprit :

— Rassemble tes affaires, maintenant. Le plus possible.

— Mes affaires ? balbutia Soren.

— « Ton » rapace a chassĂ© ceux qui nous harcelaient, mais ils se remanifesteront. Nous ne leur offrirons pas le loisir de nous mettre dehors : Ă  leur arrivĂ©e, les lieux seront dĂ©serts. Plus question d’être pris au dĂ©pourvu.

Pareille et soudaine dĂ©termination le rĂ©conforta et l’effraya. OĂą Ă©tait passĂ©e la souris perdue qui ne comprenait pas la prĂ©sence de la collectrice ? Son père avait-il conscience de ses propos et actes actuels ? Ne rĂ©agissait-il pas ainsi par simple instinct de survie, fermĂ© Ă  ses sentiments au risque de s’effondrer plus tard ?

— Nous trouverons un coin où habiter avant de rebondir, honnêtement.

En silence, taisant ses peurs, Soren opina.

DĂ©sormais certain que leur pauvre cachette Ă©tait suffisamment dissimulĂ©e, Soren s’autorisa Ă  laisser son père seul, après plusieurs jours Ă  monter la garde ; sa rapière ne quittait plus sa ceinture. NĂ©anmoins, tandis qu’il s’éloignait, le besoin de vĂ©rifier les alentours se manifesta et il jeta d’anxieux coups d’œil Ă  la ronde.

Ses vibrisses remuèrent. Il n’était pas convaincu que la collectrice ou ses supĂ©rieurs les recherchaient – ils avaient abandonnĂ© leur maison derrière eux –, mais vu qu’ils avaient emportĂ© plus que les deux valises accordĂ©es, mieux valait se montrer prudent… Surtout que des opportunistes avaient pu les surprendre en train de s’installer !

Un soupir se faufila hors de sa gorge et Soren se força Ă  chasser ses peurs. Il lui fallait se concentrer, se focaliser sur son objectif. Ce qu’il avait Ă  l’esprit Ă©tait insensĂ©, presque utopiste ou ridicule. Toutefois, l’idĂ©e de ne pas le tenter se rĂ©vĂ©lait plus folle encore. Il devait saisir sa chance ! Le bout de ses doigts s’agita, un rire nerveux manqua lui Ă©chapper. S’ils n’étaient peut-ĂŞtre pas traquĂ©s, son père et lui Ă©taient malgrĂ© tout condamnĂ©s Ă  vivre en marge de la sociĂ©tĂ©, dans un foyer non conforme, sujet aux intempĂ©ries – on n’accepterait plus de leur louer quoi que soit, pas avec une expulsion Ă  l’appui. Son plan actuel Ă©tait leur meilleure chance.

À condition qu’il ne se trompe pas. Qu’il ne place pas leur avenir dans un espoir vain.

Comme pour se donner du courage, Soren serra les poings, balayant ses peurs. Le tout pour le tout. Son intuition Ă©tait forte, profonde ; ne pas la suivre serait une erreur. Il y avait aussi ces ombres, aperçues entre les branchages de la dĂ©fense vĂ©gĂ©tale : leur origine lui semblait Ă©vidente.

La limite du territoire des souris brunes lui apparut – perdu dans ses pensées, il avait marché plus vite que prévu. Soren se redressa, s’assura qu’aucun prédateur terrestre n’était en mesure de sauter sur lui s’il en sortait, puis s’exposa. Le museau pointé en l’air, il attendit alors, tous les sens aux aguets.

Pourvu qu’il ait raison !

Durant de longues secondes, il ne se passa rien et l’impression d’être idiot s’immisça en lui, le rongea peu Ă  peu. Se manifester de la sorte sur son simple instinct… Quelle idĂ©e ! Mais bientĂ´t, du bruit dans le feuillage d’un arbre lui fit tourner la tĂŞte et croiser le regard d’un rapace, qui le guettait, perchĂ© sur une branche.

Sur ses gardes, le cĹ“ur battant la chamade, Soren le dĂ©tailla. Il s’agissait d’un faucon, pas de doute. Était-ce pour autant le bon ?

L’espoir au cœur, prêt à déguerpir si nécessaire, il lui adressa un signe…

Le cri joyeux qui en rĂ©sultat le rassura sur-le-champ. N’importe quel autre sauvage que celui qu’il avait aidĂ© se serait abstenu de crainte de le voir fuir, de ne pas avoir le temps de lui fondre dessus. Il avait misĂ© juste !

Heureux, Soren invita l’animal Ă  le rejoindre au sol, ce qu’il accomplit dans un gracieux vol planĂ©. Il sourit ensuite Ă  pleines dents ; conformĂ©ment Ă  ses souhaits, sa proximitĂ© le rassurait. Non seulement il n’avait plus peur en sa prĂ©sence, mais en plus, il se jugeait dorĂ©navant protĂ©gĂ© par elle. D’une certaine façon, un lien les unissait.

— Bonjour, toi. Est-ce que je me trompe, ou me suis-tu depuis notre première rencontre ?

Nulle réponse ne lui parvint, bien sûr. Pourtant, il disait vrai, la moindre parcelle de son être le lui assurait.

— J’ai besoin de tester quelque chose, murmura-t-il. D’accord ?

Sans s’expliquer, Soren s’éloigna d’une vingtaine de pas. Le faucon le rejoignit aussitôt, en sautillant, et l’émotion l’étrangla.

— J’en Ă©tais sĂ»r : toi et moi, on s’est adoptĂ©s… Jusqu’oĂą ?

Avec lenteur, sous l’œil intrigué de son allié improbable, Soren s’agrippa à ses plumes. Doucement d’abord, puis avec plus de fermeté. Il feignit de grimper sur lui.

Le faucon ne bougea pas.

— Je monte, l’avertit-il d’une voix qu’il voulait apaisante.

Et il s’exĂ©cuta, au comble de l’excitation ; il s’assit derrière son cou, lâcha un rire incrĂ©dule. Oh, il tenait enfin un plan Ă  mĂŞme de fonctionner !

Quand l’oiseau décolla, Soren s’accrocha de son mieux et se laissa porter par les sensations.

Lorsqu’il retrouva le sol ferme, Soren tituba, ivre de l’expérience qu’il venait de vivre et de l’espoir chevillé à son cœur. Il flatta le plumage de son ami, le remercia à plusieurs reprises. Enfin, conscient qu’il lui fallait rejoindre son père afin de ne pas l’inquiéter par son absence prolongée, il le quitta à regret – non sans lui promettre de revenir.

Un soupir aussi rĂŞveur que soulagĂ© lui Ă©chappa. C’était Ă  peine s’il sentait la terre sous ses pattes en marchant tant il Ă©tait lĂ©ger. Oh, il avait si hâte d’exposer son projet Ă  son père ! De le mettre en Ĺ“uvre avec lui, de dĂ©marrer une nouvelle vie… Il Ă©tait plus enthousiaste que jamais.

— S’affranchir du territoire, chuchota-t-il pour lui-même, presque dans le but de goûter son plan.

Il n’y avait pas si longtemps, une telle perspective ne lui aurait pas traversĂ© l’esprit. Elle se serait rĂ©vĂ©lĂ©e si dangereuse… En revanche, avec un prĂ©dateur dans leur famille, un prĂ©dateur qui ne paraissait pas demander mieux que d’être recueilli par ses soins, tout devenait possible. Tout !

Fini le manque de place. Fini la loi du plus riche. Ensemble, ils pourraient s’établir en dehors du territoire, oĂą bon leur semblerait. Leur alliĂ© continuerait Ă  Ă©voluer comme il l’avait toujours fait, sans ĂŞtre seul ; quant Ă  lui, il exploiterait les sols pour nourrir son père, qui n’aurait Ă  se soucier de rien – ou il irait Ă  la cueillette sous garde rapprochĂ©e, peu importe.

Ils deviendraient autosuffisants, affranchis des règles inégales des leurs.

Sans s’en rendre compte, Soren commença à sautiller.

Pour la première fois depuis des lustres, il envisageait l’avenir de manière sereine.


Texte publié par Rose P. Katell, 29 mai 2022
© tous droits réservés.
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