Chapitre 1 : 12,5 Millions d’Années Plus Tard
Trass, cheveux noirs, le visage sale et des vêtements de mauvaise qualité d’une couleur ocre marron, courait sur le chemin de terre du village, serrant contre lui un petit paquet en papier brun simplement ficelé avec une corde de chanvre.
Trass venait d’avoir neuf ans, mais personne avec qui fêter son anniversaire. Sa famille, qui vivait de la coupe du bois dans la forêt Trajal aux abords du lac Immortel près de son village de naissance, Corcoil, s’était fait massacrer par une meute de loups à crinière de sang il y a deux ans. Depuis, la vie n’avait pas été facile ; il survivait comme il pouvait, en faisant les commissions des adultes contre un peu de nourriture. La faim était devenue son ombre constante, une sensation familière, mordante, même quand son estomac n’était pas vide.
Le Docteur du village lui avait demandé de livrer ce paquet au poste de garde ouest du territoire. Celui-ci, coincé entre la forêt et le lac, servait à surveiller la route faisant le tour de l’étendue glacée pour prévenir des dangers tels que des brigands, des meutes de bêtes magiques ou encore l’arrivée de marchands ou nobles.
Le lac Immortel était éternellement gelé. Même en été, où les températures pouvaient atteindre facilement les quarante degrés, personne ne savait pourquoi il restait toujours ainsi. Il y avait une malédiction sur le lac : ceux qui osaient marcher sur celui-ci finissaient congelés à mort, du moins c’est ce que lui avaient raconté les adultes.
Trass sortit du village et continua à courir sur la route de terre passant dans la forêt. Le docteur lui avait dit de vite revenir ; sa femme avait prévu un bon dîner pour fêter son neuvième anniversaire. Il était rare pour l’enfant d’avoir un bon repas, ce qui ne lui avait pas permis de se développer autant que les congénères du même âge, le rendant petit et fébrile.
Il sourit en espérant qu’il pourrait se remplir le ventre, le simple espoir d’un plat chaud faisant battre son cœur un peu plus vite.
Perdu dans ses pensées gourmandes, il ne remarqua pas la jambe tendue devant lui sortant de derrière un arbre près de la route. Il trébucha sur le sol poussiéreux, lâchant son précieux colis. Des éclats de rire s’entendirent autour de lui. Relevant la tête douloureuse, il vit deux jeunes de quatorze ou quinze ans.
C’étaient Mike et Crist, des adolescents du village. Le père de Mike était le plus riche du village en tant que tanneur vendant les peaux des bêtes magiques aux marchands ambulants passant à Corcoil. Le père de Crist était le plus puissant du village, ayant atteint le rang humain de huitième niveau ; il avait pu négocier avec une secte pour que son fils les rejoigne quand il aurait seize ans, l’âge où le corps commence à construire son dantian.
Dans ce monde, la cultivation est divisée en plusieurs niveaux : le renforcement, ce niveau permet au mortel sans énergie de préparer leurs corps pour devenir praticiens, le QI étant cumulé dans les muscles et l’esprit tandis que le dantian se renforce, il est divisé en 5 étapes. Ensuite vient le niveau humain où, le pratiquant cumule du QI dans son dantian et pratique les arts martiaux, il est divisé en 10 étapes. Il existe d’autres royaumes au-delà que Trass, dû à son jeune âge et vivant à la campagne, ne connaissait pas.
« Bha alors Trass ; on ne tient plus sur ses jambes ? » demanda l’un d’eux les yeux emplis de malice et de mépris.
Trass voulut se relever mais reçut un coup de pied dans le ventre, lui coupant la respiration. Il crut entendre ses os craquer.
Il se roula en boule, serrant ses cĂ´tes douloureuses et essayant de retrouver sa respiration en toussant, postillonnant et vomissant presque devant lui.
« Allons allons Trass, qui t’a permis de te relever ? » demanda Crist, qui lui avait donné le coup de pied.
« Qu’est-ce que tu as de beau pour nous ? » continua Mike en se penchant pour prendre le paquet au sol.
« Ce… Ce n’est pas à vous… c’est pour les gardes… » s’empressa d’expliquer Trass en tendant la main vers le paquet, trop loin de lui.
« Ho ? » réfléchit Mike en ramassant le colis.
« Ce n’est pas bien de voler quelque chose qui ne t’appartient pas, surtout pour un orphelin comme toi ! » continua-t-il en déchirant le papier du paquet.
« Faites pas ça ! » cria le garçon, maintenu au sol par Crist.
« Hé regarde Crist, c’est des pilules de condensation, on pourra peut-être commencer à nous préparer pour le renforcement », dit-il avec enthousiasme en montrant une petite boîte en bois possédant une vingtaine de pastilles rondes de couleur marron sombre.
« Cool, on partage alors ! » sourit le second en se levant et s’avançant vers Mike.
Trass, impuissant, eut du mal à se relever. La douleur dans ses côtes était toujours présente. Il regarda les deux jeunes avec un regard haineux. À cause d’eux, il allait louper le bon repas, et pire encore, on l’accuserait d’être un voleur comme la dernière fois… Mais qui croirait un orphelin face à ses détracteurs bien en vus au village ?
Il se força sur ses jambes, et assemblant tout son courage, il courut et arracha la boîte à Crist pour s’enfuir droit devant lui.
« Reviens là , merdeux ! » entendit-il hurler derrière lui.
Il courut tout droit dans la forêt, il ne voyait pas bien où il allait dans sa course effrénée, essayant d’éviter de se cogner contre un tronc ou de trébucher, mais il entendait clairement ses poursuivants derrière lui.
Au bout d’un moment, effrayé et essoufflé, il se retrouva face à un trou devant lui, où il ne pouvait distinguer que du blanc en contrebas. Il faisait face au lac Immortel. Tournant la tête dans tous les sens pour trouver une voie de fuite mais… il n’y avait rien de tel. Il était debout sur une corniche entourée par le vide et la glace en dessous.
Les deux adolescents sortirent de la forêt derrière lui, leurs visages rouges et essoufflés.
« Petite merde d’orphelin ! » cria Crist en courant vers lui, le poing serré.
Trass essaya d’éviter, mais avec son petit corps sans force d’enfant, il reçut le poing dans la mâchoire qui le fit s’effondrer au sol alors que sa vision devint trouble et que la douleur se répandait dans son visage. Il sentit quelqu’un lui arracher le coffret qu’il tenait encore fermement dans ses mains.
Un autre coup tomba sur son bas-ventre, il lui sembla décoller du sol avant de retomber lourdement. Les coups continuèrent de pleuvoir sur son corps recroquevillé au sol.
Crist, essoufflé par son exercice physique sur Trass, l’attrapa par le cou, le soulevant à bout de bras, le portant de force jusqu’au bord du ravin.
« Que fais-tu, Crist ? » demanda son compère, une pointe d’inquiétude dans la voix.
« Je me débarrasse d’un déchet ! Qui se souciera d’un orphelin disparu ? » répondit-il d’une voix froide et cruelle.
Trass, comprenant ce qui se passait, supplia pitoyablement avec le peu de force qui lui restait.
« Je… je ne dirai rien… pitié… » Sa voix était larmoyante, essayant désespérément de faire lâcher la main de Crist, tentant de griffer l’étau qui le maintenait au-dessus du sol. Le regard de Crist resta froid.
« Crève ! » dit-il et lâcha sa prise sur Trass, le lançant vers les eaux gelées au pied de la falaise.
Le jeune garçon sentit son corps tomber tout comme son espoir. Atterrissant lourdement sur la surface gelée, le faisant cracher du sang, il put distinguer Crist et Mike fuir rapidement par la forêt.
Trass resta seul sur cette surface sans fin. Il sentit le froid commencer à l’assaillir, mais… il ne pouvait pas du tout bouger. La douleur était insoutenable, son corps meurtri par la raclée qu’il venait de prendre, le gel mordant sa chair le laissant comme mort sur la plaine de glace.
Il sentit sa conscience partir et ce fut le noir. Dans son inconscience, il n’y avait plus de douleur, juste le néant de l’infini qui se heurtait à son soi si inutilement éveillé. Une faim nouvelle, non pas celle du ventre, mais une faim abyssale, cosmique, sembla vouloir dévorer son être, une faim plus terrifiante que tout ce qu’il avait connu.
Le corps de l’enfant commença à s’enfoncer dans la glace qui ne fondait pas, comme s’il était aspiré. Il flotta doucement dans une eau sombre, s’enfonçant alors que des bulles d’air sortaient de sa bouche. Il était en train de se noyer. Son corps continua à descendre et, touchant le fond, il entra en contact avec un cristal de glace magnifique, comme s’il avait été taillé par un orfèvre. L’enfant disparut dans le cristal de glace. Quelques minutes plus tard, le quartz translucide rejeta un bloc de gel en forme de cercueil, à travers sa surface on pouvait voir le visage meurtri de Trass. Le cercueil se posa au fond du lac et resta immobile.

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