Chapitre 6Â : La Graine de culture et la Faim de Connaissance
La lumière du crépuscule baignait les rues de Corcoil d’une teinte douce et orangée. Trass, revigoré par son bain, mais le ventre toujours taraudé par cette faim plus profonde, cette vacuité énergétique que les Doubao n’avaient pu apaiser, décida qu’il était temps de regagner son espace. Il s’écarta de la rue principale, se faufilant entre les bâtiments, et quand il jugea l’endroit assez discret, il ferma les yeux et se concentra sur son domaine personnel. Une sensation de vertige le saisit, et il s’y retrouva dans la seconde.
Il se retrouva dans l’atmosphère paisible de son domaine personnel, le soleil éternellement haut dans le ciel. Uruel, sa flamme brillante, voleta aussitôt vers lui.
« Jeune Maître ! Comment s’est passée votre exploration ? Avez-vous des indications sur la période dans laquelle nous nous trouvons ? » demanda l’âme de l’espace, sa voix teintée d’inquiétude.
Trass fit un signe négatif de la tête pour la seconde question et lui raconta sa journée, la rencontre avec le marchand, le sentiment d’avoir été volé, et l’expérience des Doubao. « La nourriture du monde extérieur… c’était bon au goût, Uruel, mais… ce n’était pas suffisant. Il n’y avait pas cette chaleur, cette force que j’ai ressentie avec les Herbes Écho. Mon corps… il attendait autre chose. »
Uruel s’enflamma d’une lueur plus vive encore. « Ce foutu marchand ! Cet avide charlatan ! Je me doutais que la racaille humaine profiterait de votre innocence, jeune Maître ! Vos objets, même ceux que vous avez vendus, valaient bien plus que les misérables pièces qu’il vous a données ! » La petite flamme tourbillonna, signe de sa fureur. « Ne vous inquiétez pas, jeune Maître. Un jour, quand vous serez prêt, nous reviendrons lui demander des comptes. Pour l’heure, il serait plus judicieux d’aller vendre le reste de vos biens dans un plus grand magasin, où l’honnêteté, bien que rare, est parfois contrainte par la réputation. »
Trass acquiesça, une lueur froide dans ses yeux d’enfant. L’idée de la vengeance, longtemps étrangère à son esprit résigné, prenait racine. « Oui, Uruel. Je ferai cela. »
Uruel, apaisée un instant, revint sur le sujet de la nourriture. « Pour ce qui est de votre faim, jeune Maître, votre corps évolue et réclame de l’énergie éternelle, celle qui est au-delà du simple Qi ou de l’énergie spirituelle. C’est pourquoi la nourriture ordinaire ne vous satisfait plus pleinement. Mais pour faire évoluer l’espace, et qu’il produise cette énergie, nous avons besoin de vitalité. Et la vitalité, ce n’est pas seulement des animaux ! »
Elle voleta devant Trass, sa lumière pulsant. « Pensez aux plantes ! Elles contiennent une énergie vitale incroyable. Si vous ramenez des graines ou des germes de l’extérieur, nous pourrons les planter ici. Grâce à la nature énergétique de cet espace, le temps de culture serait grandement réduit, voire quasi instantané pour certaines ! De plus, ici, il ne fait jamais nuit. Et moi, Uruel, je peux gérer l’apport d’humidité nécessaire et surtout, nourrir vos plantations d’énergie spirituelle pour qu’elles se développent rapidement et produisent des aliments chargés d’une énergie bien plus pure que tout ce que vous trouverez dehors. »
Les yeux de Trass s’illuminèrent. C’était une idée géniale ! Une solution pour sa faim, pour la vitalité de l’espace, et peut-être même une source de revenus future. « Des plantes ! Oui, c’est parfait ! »
Le matin suivant, Trass se leva avec un nouveau plan en tête. Il se concentra à nouveau, et un portail s’ouvrit vers un quartier plus cossu de Corcoil, près de ce qu’il espérait être un grand magasin. Il trouva une grande bâtisse en pierre, son enseigne affichant des symboles raffinés qu’il ne comprenait pas, mais dont l’opulence ne laissait aucun doute.
À l’intérieur, l’ambiance était différente. Les étagères regorgeaient de marchandises luxueuses. Un homme d’âge mûr, vêtu de soieries fines et le regard perçant, s’approcha de lui.
« Bonjour, jeune homme. Que puis-je faire pour vous ? » Sa voix était courtoise, mais empreinte d’une autorité naturelle.
Trass posa le reste de ses pièces de métal et de ses pierres brutes sur le comptoir. L’homme les examina attentivement, un éclair de surprise traversant ses yeux, mais sans pour autant trahir une admiration excessive. Il passa la main sur la surface lisse des pièces de métal aux motifs oubliés.
« Hum… Intéressant. » Le marchand souleva une pièce, la fit tinter. « Ces métaux… c’est de l’alliage ancien, très pur. On ne trouve cela que dans les ruines antiques, très peu explorées. Leur valeur vient de leur rareté et de la qualité du métal lui-même. Pour un collectionneur, elles vaudraient une fortune, mais je n’en connais pas. Je peux vous les acheter au prix du métal, ce qui est déjà considérable. » Il prit une des pierres brutes, la fit tourner. « Quant à ces gemmes… » Il plissa les yeux. « Elles sont belles, oui, mais… elles ne contiennent plus aucune trace d’énergie spirituelle. Elles ont été vidées, ou elles n’en ont jamais possédé. Je peux les prendre pour des bijoux bas de gamme, mais il faudra payer la main-d’œuvre pour les tailler. Leur prix sera bien moindre que celui des métaux. »
Trass hocha la tête, comprenant mieux la valeur relative de ses trouvailles. Il accepta l’offre. Le marchand sortit trois grosses pièces d’argent, leur poids lourd dans la main de Trass. Elles valaient à elles seules plus de dix fois ce qu’il avait reçu de l’autre marchand. La comparaison était frappante.
Après la transaction, Trass posa sa question suivante : « Monsieur, je cherche des pousses et des graines. Des céréales, des légumes… tout ce qui peut être cultivé. »
Le vendeur, professionnel, lui indiqua une section du magasin. « Nous avons de tout, jeune homme. De l’orge, du blé, des pommes de terre (bien qu’elles soient un peu passées de mode), des patates douces, des haricots normaux et rouges, des plants de salade, de tomates, de courgettes, de potirons et de potimarrons. Des classiques. »
Trass fit sa sélection, achetant de grandes quantités de chaque type de graine et de pousse, son esprit déjà tourné vers la verdure de son espace personnel. Une fois ses achats terminés, une autre question, plus fondamentale, le tarauda.
« Monsieur, j’aimerais aussi apprendre à lire. Où puis-je trouver un lieu d’alphabétisation ? »
Le vendeur le regarda un instant, un soupçon d’étonnement dans le regard. Apprendre à lire n’était pas chose courante pour tout un chacun. « Apprendre à lire, gamin ? Cela demande du temps, de l’argent… et de l’intelligence. Ce n’est pas pour tout le monde. »
« Je peux payer, » insista Trass, montrant sa bourse. « Et j’ai… j’ai besoin d’apprendre. » Il avait même déjà pensé à son apparence. « Et des vêtements plus… corrects, s’il vous plaît. » Le vendeur lui sourit et lui proposa des tenues plus adaptées à un apprenti étudiant.
Le vendeur, reconnaissant la persistance du jeune devant lui, réfléchit un instant. « Hmm. Les écoles des quartiers nobles sont hors de portée. Mais il y a bien une petite école dans les bas quartiers, près des quais. Ils acceptent parfois des élèves avec des fonds suffisants et une motivation. C’est votre meilleure chance. »
« Une dernière question, monsieur. Que se vend bien dans cette ville ? Quelles sont les marchandises les plus prisées ? » demanda Trass, pensant déjà à ses futures récoltes et à sa force dévastatrice.
Le vendeur, toujours aussi affable, réfléchit. « Ah, les produits les plus rentables… Tout ce qui touche aux plantes spirituelles, surtout les sauvages comme le ginseng, l’ail des ours (très rare et puissant), ou encore les pêches sauvages des forêts lointaines. Ce sont des trésors pour les cultivateurs et les alchimistes. Sinon, tout ce qui est reste de chasse est prisé : les os, les peaux, et surtout les noyaux des bêtes magiques. » Il haussa les épaules. « Bien sûr, les bêtes courantes comme les loups de sang ne rapportent pas grand-chose, elles sont trop communes et rarement assez fortes pour développer un noyau. »
À l’évocation des loups de sang, Trass eut un léger frisson. « Des noyaux ? » demanda-t-il, l’ignorance pure dans sa voix.
Le vendeur sourit, un peu condescendant. « Oui, jeune homme. Quand une bête magique atteint un certain âge et une certaine puissance, elle a une chance de développer un noyau de bête. C’est là que la bête condense son énergie, sa force vitale, sa cultivation, si vous voulez. C’est un mets recherché par les alchimistes pour les pilules, et par les cultivateurs pour renforcer leurs propres noyaux. Une source d’énergie concentrée, vous comprenez ? »
Trass écouta attentivement, une nouvelle pièce du puzzle se mettant en place. Noyaux de bête… il repensa au loup à crinière de sang qu’il avait… explosé. Avait-il un noyau ? Aurait-il dû chercher ? La faim d’énergie et de connaissance redoubla d’intensité.
De retour dans son espace, les bras chargés de sacs de graines et de pousses, Trass passa le reste de la journée à travailler la terre. Uruel voletait joyeusement à ses côtés, prodiguant des conseils sur la profondeur de semis, l’espacement, et le soin des jeunes pousses. La terre, d’une richesse incroyable grâce à l’énergie de l’espace, semblait vibrer d’impatience. Trass planta l’orge, le blé, les pommes de terre, les patates douces, les haricots. Il disposa avec soin les plants de salade, les tomates, les courgettes, les potirons et les potimarrons, imaginant déjà la verdure luxuriante qu’ils deviendraient. Chaque graine enfouie était un pas de plus vers l’apaisement de sa faim, non pas celle de l’estomac, mais celle d’un être qui s’éveille à sa propre immensité.

| LeConteur.fr | Qui sommes-nous ? | Nous contacter | Statistiques |
|
Découvrir Romans & nouvelles Fanfictions & oneshot Poèmes |
Foire aux questions Présentation & Mentions légales Conditions Générales d'Utilisation Partenaires |
Nous contacter Espace professionnels Un bug à signaler ? |
3342 histoires publiées 1461 membres inscrits Notre membre le plus récent est Xavier |