Chapitre 10 : Faim de Stabilité et Nouvelle Étape
Dans l’Espace Personnel de Trass
Plusieurs mois s’étaient écoulés. Au sein de la paix éternelle de son espace personnel, la vie s’organisait et prospérait. La population de Trass avait atteint onze adultes et sept enfants, et la vitalité qu’ils apportaient avait étiré le domaine. Le brouillard mystique s’était dissipé sur de vastes étendues, dévoilant la base d’une montagne majestueuse, encore en partie enveloppée par la brume à son sommet, mais dont les contreforts rocheux abritaient déjà des gisements prometteurs de minerai de cuivre et de fer.
Le village, un assemblage croissant de maisons rudimentaires en bois, était désormais bien établi au pied de la colline. Uruel, l’âme de l’espace, avait conseillé à Trass de ralentir le recrutement. Sa voix résonnait dans l’esprit du jeune maître : il était temps de stabiliser l’espace et ses habitants, que toutes les maisons soient finies, que chacun de ses gens trouve sa place dans leur nouveau monde, loin de la guerre et des tracas.
Trass avait appris d’Uruel une capacité nouvelle et essentielle : ses gens pouvaient désormais sortir de l’espace. Ils s’aventuraient dans la forêt extérieure pour chasser et couper du bois, car Uruel avait catégoriquement refusé qu’ils utilisent le bois de l’espace, le déclarant bois spirituel, bien trop précieux pour de simples constructions.
Durant ses explorations à l’extérieur, Trass avait aussi établi des contacts. Il avait rencontré des marchands avec qui il avait pu échanger les légumes spirituels uniques de son domaine. En retour, il avait acquis des barils de vin et diverses épices, enrichissant la table de ses habitants.
La maison personnelle de Trass, lors du dernier agrandissement de l’espace, avait elle aussi évolué. Comme par magie, trois nouvelles pièces y avaient vu le jour : une cave fraîche parfaite pour conserver la viande, une salle de bain avec de l’eau courante (dont il ne comprenait pas le mécanisme, mais qu’il appréciait pour son utilité), et une pièce qu’Uruel avait nommée atelier. Cette salle était destinée au travail de l’alchimie, des talismans ou de la forge, bien que Trass n’eût encore aucune connaissance de ces arts.
Ce jour-là, Trass rassembla tous les villageois au centre de leur hameau. L’ambiance était à la fois studieuse et pleine d’expectative.
« Nous avons besoin d’un nom pour ce lieu, » déclara Trass, sa voix résonnant avec une autorité calme et directe. Il balaya l’assemblée du regard, s’arrêtant sur Maître Lin et Kael, le chasseur. « Faites des propositions. »
Une légère hésitation plana, puis un jeune homme s’avança. « Jeune Maître, pourquoi pas le Village de Trass ? C’est vous qui nous avez sauvés, et c’est votre domaine ! »
Un autre intervint, une lueur d’espoir dans les yeux. « Ou le Village Immortel ? Nos légendes parlent d’immortalité, et cet endroit semble si… magique, si loin de la mort. »
Une femme leva la main. « La Cité des Nuages, peut-être ? Avec toute cette brume qui entoure la montagne, et le secret que nous gardons, cela pourrait être un beau nom. »
Maître Lin, pensif, proposa. « Étant donné que nous vivons cachés du monde extérieur, pour notre protection, le Village Caché semblerait approprié. Simple et clair. »
Kael, le chasseur pragmatique, s’éclaircit la gorge. « Toutes ces idées sont bonnes, mais si nous voulons nous développer, nous serons plus qu’un simple village. Et nous resterons cachés. Alors, pourquoi pas la Secte Cachée ? Nous sommes cachés, et pourtant nous nous développerons ensemble, avec un but commun. »
Trass hocha lentement la tête, une expression d’approbation sur son visage. Le nom proposé par Kael semblait le plus pertinent, englobant à la fois le secret et la future progression. « La Secte Cachée. Soit. » Le nom lui semblait convenir, simple et direct, reflétant parfaitement la réalité de leur existence isolée.
Pour célébrer ce nom, Madame Lin, avec l’aide empressée de tous, prépara un festin mémorable. Un immense pot fut placé au milieu de la place, et deux feux furent allumés : l’un sous le contenant culinaire, l’autre avec des mâts de bois formant un triangle pour supporter le poids d’une broche.
Le sanglier fut amené par Kael et son collègue chasseur. D’un geste précis et efficace, Kael évida le sanglier de ses viscères, tandis que Hao aidait à dépecer l’animal de son cuir. L’animal préparé et nettoyé, le feu fin prêt, il était temps de commencer.
Trass, toujours curieux de toute nouveauté, observait le moindre geste des villageois.
Le cadavre sans peau ni tête du sanglier fut empalé sur une branche solide et épaisse. Madame Lin prit plusieurs gousses d' ail spirituel, cultivé grâce à des germes trouvés à l’état sauvage lors d’une collecte de bois, et avec l’aide d’un couteau, perça la graisse encore blanche et jaunâtre pour enfoncer son précieux condiment dans la chair en dessous.
Puis, les hommes mirent la broche au-dessus du feu, Hao préparant un pot plus petit pour collecter une partie de la graisse fondue du sanglier.
Pendant ce temps, Madame Lin et d’autres femmes du village avaient épluché des carottes, des oignons et des champignons sauvages, avant de commencer à les couper en lamelles grossières.
La graisse grésillait, et l’odeur de viande rôtie commença à se faire sentir tout autour du village, affamant sans le savoir tous les êtres respirant dans la Secte Cachée.
Hao, son pot de graisse plein, le vida dans le grand pot de cuisson, maintenant brûlant de chaleur. Les légumes furent versés dans un grésillement appétissant, et l’odeur forte des saveurs d’oignon et de carotte monta vers la canopée de l’espace.
Il y avait quantité de légumes à faire revenir, aussi cela prit un certain temps. Madame Lin et une jeune femme se relayaient pour mélanger, afin que rien ne brûle au fond du pot, le tout sous l’odeur délectable de la viande qui rôtissait.
Kael se fit aider pour retirer la broche du sanglier d’au-dessus des flammes. Avec une dextérité magnifique, il coupa et désossa la bête encore brûlante et frétillant de graisse en morceaux qui furent ajoutés aux légumes. Les saveurs se mélangèrent dans une odeur unique et complexe.
Madame Lin, après avoir lancé une grosse poignée de sel et de poivre, se concentra sur sa cuisson, fronçant les sourcils pour bien contrôler tous les morceaux, afin qu’ils soient tous dorés comme il se doit !
Au bout d’un moment, Maître Lin apporta ce qu’il préparait depuis tout à l’heure : du blé moulu à la pierre, formant ainsi une farine épaisse qu’il venait de passer dans un tamis de tissu grossier. La farine fut saupoudrée dans le pot de façon uniforme sur toute la surface.
« Pourquoi la farine ? » demanda Trass à un jeune homme à côté de lui.
« Jeune Maître, c’est pour épaissir la sauce après que le vin soit versé, » expliqua-t-il.
En effet, un baril de vin fut emmené et versé dans la casserole jusqu’à recouvrir complètement le contenu du pot. Madame Lin y jeta quelques gousses d’ail supplémentaires, des herbes et une orange.
« Quelles sont ces herbes ? » demanda-t-il toujours au même jeune homme.
« Ce sont des herbes que l’on dit aromatiques, du thym, du laurier, des branches de genièvre. Elle a aussi ajouté une orange coupée en deux, » admira le jeune homme, le regard brillant.
« Une orange ? » s’étonna Trass.
« Pour ajouter une pointe de sucre et d’acidité, Jeune Maître, » répondit directement Madame Lin en s’éloignant du pot tandis qu’une jeune fille mélangeait consciencieusement.
« Il faudra attendre trois bonnes heures que ça cuise, Jeune Maître. Profitez de ce temps pour prendre un peu de repos, » ajouta-t-elle en regardant Trass.
Il hocha la tête avant de s’éloigner de la place. Pourtant, il sentait qu’avec cette odeur enivrante de vin en train de cuire avec tant d’arômes et de saveurs, il ne pourrait certainement pas trouver le sommeil.
Trois heures plus tard, tout le monde fut appelé : le repas était prêt.
Dans une odeur unique et exquise, la première assiette, celle du jeune maître, fut servie : de simples pommes de terre accompagnées de six morceaux de viande, de leurs légumes et d’une sauce onctueuse.
Trass, impatient de goûter cette nouvelle nourriture, encore jamais essayée, prit un morceau de viande et le porta à sa bouche. La viande fondait, libérant le gras, la volupté du vin, mais aussi le goût prononcé du gibier. Le tout était enrobé d’une note d’herbes provençales, liant ces parfums et arômes si différents, tandis que le léger goût sucré et acide titillait ses papilles.
Il soupira de jouissance. Même s’il ne consommait pas l’énergie dont il avait besoin, l’énergie éternelle, l’énergie spirituelle qui avait enrichi tous les ingrédients les rendait inconcevablement bons, telle une tornade de saveurs uniques l’emportant au-delà du réel gustatif.
Il prit une deuxième bouchée, cette fois avec une pomme de terre spirituelle imbibée de sauce. Le goût du vin, si justement lié aux autres saveurs, lui monta dans les sinus, un peu poivré et épicé.
« Quelle délectation ! » se murmura-t-il, alors que tous les villageois l’observaient, retenant leur souffle. Une fois les mots prononcés, ils applaudirent bruyamment et firent la queue pour avoir leur part du repas.
Une grande tablée fut dressée, et les villageois s’y pressèrent, le cœur léger, trinquant joyeusement avec le vin rapporté de l’extérieur. Les éclats de rire et les discussions animées emplissaient l’air, créant une ambiance de fête, de joie et de nouvelle vie. Alors que la convivialité battait son plein, quelqu’un, dans son élan, tenta de servir un verre de vin à Trass. Mais avant même qu’il ne puisse tendre le verre, Madame Lin, avec un geste protecteur, s’interposa. « Oh non, jeune Maître ! Ce n’est pas pour un enfant de votre âge ! »
Le lendemain, Trass sortit de l’espace comme à son accoutumée pour explorer plus avant le monde extérieur. Au fil des mois, il s’était progressivement éloigné d’une centaine de kilomètres de Corcoil, mais la forêt semblait s’étendre à l’infini, sans révéler sa fin. Sa curiosité insatiable le poussait à comprendre ce monde, ses forces et ses faiblesses, au-delà des simples besoins de survie de son domaine.
Au détour d’une clairière luxuriante, il tomba sur une scène de combat intense et désespérée. Un vieil homme, visiblement un cultivateur au dernier niveau du royaume humain, était sur le point de percer et d’atteindre le royaume de l’esprit. Il était violemment attaqué par un ours géant à pointe d’argent. La bête était d’une férocité terrifiante, ses griffes acérées et ses pointes argentées projetées de son corps tranchant l’air. Le cultivateur se battait avec une bravoure admirable, mais il était visiblement en difficulté, les signes de l’épuisement et de blessures multiples marquant son corps.
Trass, toujours avide de comprendre les méthodes de cultivation traditionnelles et fasciné par ces êtres capables de transcender les limites humaines, décida d’intervenir. Ce cultivateur représentait une source de connaissance potentielle inestimable pour ses futurs “outils” et pour sa propre compréhension du pouvoir. Sans hésitation, il fonça dans la mêlée, sa force démesurée balayant l’ours géant en un instant, le réduisant à l’état de pulpe sanglante.
Le vieil homme, épuisé et mal en point, s’effondra après le combat, le regard rempli de stupeur et de gratitude envers ce gamin apparu de nulle part. Trass le ramena sans un mot à l’intérieur de son espace.
Dès qu’ils furent à l’intérieur, Uruel, dont la flamme brillait plus intensément que jamais, n’attendit pas. Elle força le contrat sur l’âme du cultivateur. Une lumière violette émana du vieil homme, le liant énergétiquement et indissolublement à Trass. Le cultivateur, son corps trop affaibli par l’épuisement et les blessures, ne put offrir la moindre résistance. Une fois le lien établi, Uruel commença immédiatement à le soigner grâce à l’énergie ambiante et surabondante de l’espace. Les blessures du vieil homme se refermèrent à vue d’œil, sa vitalité revenant progressivement.
Alors qu’il était en pleine convalescence, une transformation stupéfiante se produisit. Le cultivateur, ayant puisé dans l’énergie spirituelle dense et abondante de l’espace, et ayant survécu à l’épreuve mortelle qu’il venait de surmonter, perça le dernier niveau et atteignit le royaume de l’esprit. Son corps se mit à rajeunir miraculeusement sous les yeux de Trass, les rides s’estompant, ses cheveux retrouvant leur couleur et leur éclat d’antan, le rapprochant de la perfection physique recherchée par les cultivateurs à chaque percée de royaume.
Quand il se réveilla, le vieil homme, désormais d’apparence beaucoup plus jeune et vigoureuse, regarda Trass avec une fascination profonde et une confusion palpable. « Qui… qui êtes-vous ? Et quel est cet endroit ? »
Trass, toujours direct et concis, expliqua brièvement la situation et la nature du contrat. Le cultivateur, réalisant l’ampleur extraordinaire de ce qui lui était arrivé, fut à la fois abasourdi et, d’une certaine manière, résigné. Il était lié, mais il était vivant, rajeuni, et surtout, il avait percé le royaume de l’esprit ! Il raconta alors sa vie de cultivateur errant, un parcours laborieux durant lequel il avait cumulé plusieurs techniques de culture différentes, maîtrisant diverses voies et connaissant les subtilités des percées de royaume.
Trass l’écouta attentivement. Ses gens, ses “outils”, pourraient être encore plus utiles s’ils devenaient eux aussi des cultivateurs. Sans hésitation, il décida que ce vieil homme, désormais un cultivateur du royaume de l’esprit, deviendrait le professeur de cultivation au côté de Maître Lin, le professeur de matières générales. Le destin de la Secte Cachée venait de prendre un tournant majeur et de franchir une nouvelle étape.

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