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Retour de flammes

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L’euphorie est retombée. Gab relit en maugréant la carte d’Ed le mécano. Ils ont fouillé les toilettes, espérant y trouver une indication. En vain.

L’épaule calée dans l’encadrement de la porte, Triss fume nonchalamment une cigarette. Ses yeux aux longs cils recourbés parcourent les murs criblés de graffitis obscènes. Parmi ceux-ci, il distingue cette phrase : « Sous les WC, la plage. » Signé Ed le mécano.

– C’est une mauvaise farce, lance-t-il en recrachant quelques volutes. Vaut mieux laisser tomber… Même si on maigrit, on passera pas par le trou.

Gab lui jette un regard noir et replie sa carte.

– Faudrait qu’on défonce la dalle…

– Et avec quoi ? Demande le blondinet en haussant les épaules. Peut-être avec nos biscuits militaires si…

– J’ai vu une masse dehors en arrivant. Enfin je crois… J’vais aller voir. Bouge pas d’ici.

– Tu veux qu’j’aille où ?…

Du coin de l’œil, il regarde son frère enfiler sa combinaison, visser son casque et sortir du bunker. Le sas se referme en claquant, charriant une bouffée d’air chaud.

Triss a un pincement au cœur. Il a voulu lui dire : « fais gaffe dehors », mais les mots n’ont pas franchi ses lèvres. L’obstination du grand frisé l’a souvent agacé. « C’est une tête de mule », répétait souvent leur père. Il secoue la tête en pensant : une tête à claques, oui…

« On va suivre le plan d’Ed le mécano », lui a dit Gab, la voix pleine de ferveur. Stupide, marmonne-t-il à voix basse. Comme si ce plan avait été conçu pour eux. Ils l’ont trouvé dans un repère abandonné, coincé sous un bougeoir. Avec cette inscription au feutre noir : suivez-moi.

« La Résistance… c’est la Résistance ! » s’est exclamé Gab, en plein délire cinématographique. « On va la rejoindre ! ». Gagné par l’enthousiasme de son frère, il l’a suivi. Que pouvait-il faire d’autre ? Rester seul, confiné dans une cave ?…

« Mettez-vous à l’abri les enfants, et surtout attendez qu’on vienne vous chercher ! » Les dernières paroles prononcées par leur mère avant le silence. Un silence total. Ininterrompu.

« Je ne suis pas un enfant » a répondu Gab.

On sera toujours leurs enfants, connard… Mâchoire serrée, Triss lâche un soupir. Tout au long de leur pérégrination, il a espéré pouvoir retrouver ses parents. Même après avoir vu les cendres de la maison où ils étaient allés passer leurs vacances. Un petit cottage perdu aux marges du Cotentin, prêté par des amis. « Qu’est-ce qu’ils sont allés foutre dans ce trou perdu ! » avait pesté son frère, qui ne jurait que par la ville et le béton. Un peu de fraîcheur peut-être…

C’était l’été. Gab venait d’achever son année universitaire. Il était parvenu à se faire embaucher pour un mois au petit supermarché du quartier. Un peu de bagou, du charme à la gérante et au final un travail de caissier. Ennuyant et peu rémunérateur. Mais qui lui permettait de payer ses livres et ses places de cinéma.

Triss n’avait pas voulu suivre ses parents. « J’ai 18 ans, faut que j'm'émancipe maintenant » leur avait-il dit. La vérité est qu'il préférait rester à l’appartement avec son frère, quitte à passer des vacances un peu houleuses. À coup de chamailleries pour la playstation, de joutes verbales et de pâtes à la carbonara légèrement brûlées.

Triss se lève soudain et colle son nez à la vitre du refuge. Il a entendu un bruit, une sorte de crissement. Peut-être le sable soulevé par le vent…

Dehors, la plage est déserte, fumante. Jonchée de petits tas de cendre. Aucune trace de Gab. Il attend un peu, scrute, les yeux arrondis, presque exorbités. Rien. Il tend l’oreille. Rien.

Son estomac se noue. Que faire ? Doit-il attendre encore ? Les propos du grand frisé lui reviennent. « Si jamais on est séparé plus de dix minutes et que ce n’est pas prévu, on se met à la recherche de l’autre ». Il jette un œil à sa montre et met sa combinaison en tremblant. Puis vérifie son arme. Et sursaute.

La porte vient de s’ouvrir dans un grincement. Un pied de biche à la main, Gab surgit, haletant, le regard apeuré et referme d’un coup sec derrière lui.

Triss secoue la tĂŞte en soufflant.

– Putain tu m’as foutu la tr…

— Vite aide-moi ! Hurle son frère en enlevant son casque. Ils m’ont repéré ! Vite !

Ils se ruent sur les étagères, les font basculer devant le sas et regardent autour d’eux, désespérés. Des nuages de poussière flottent dans l'antre vide.

Serrant la crosse de son arme,Triss peine à déglutir.

– Tu es sûr qu’ils t’ont…

– Oui, le coupe Gab d’un ton sec.

Un silence lourd et tendu envahit le bunker. Côte à côte, les yeux rivés sur la barricade de fortune qu’ils viennent d’ériger à la hâte, les deux frères n’osent bouger. Ils sont coincés dans ce refuge sordide.

BientĂ´t, leur tombeau.

Soudain un bruit résonne dans la pièce. Du métal qu’on percute, qu’on découpe, qu’on maltraite. Sous leurs yeux effarés, la porte blindée se gondole. Des flammes surgissent des interstices.

– Je suis désolé, lâche Gab, les larmes au bord des yeux. Je… J’ai pas assuré, je ne les ai pas entendus venir.

Son frère pose une main fragile sur son épaule.

– Le pire est certain, tu as dit…

Gab se dégage, gêné.

– Non, tu ne comprends pas… J’aurais pu les éloigner de là, courir vers un autre endroit, mais j’ai… Il détourne le regard, un sanglot roulant sur sa joue. J’ai paniqué et j’ai… foncé vers le bunker.

Bouche bée, Triss le dévisage, atterré. Il ne l'a jamais vu dans cet état, abattu, sanglotant. Quoi ? Gab le fonceur, le battant, l’orgueilleux… qui n’est pas censé flancher ! « Il est à fleur de peau, ce gamin », disait le vieux chaque fois que le grand frisé piquait une colère à la moindre contrariété.

À fleur de peau, se répète Triss en pinçant les lèvres. Le blondinet avance d'un pas et assène une gifle claquante à son aîné.

Saisi net, Gab ouvre de grands yeux, interdit.

– Non mais t’es…

– Ce n’est pas toi, crache Triss, la main levée. Je connais mon frangin… Tu as fait ce que tu avais à faire. Tu m’aurais laissé tout seul dans ce bloc pourri ? Non… Alors, tu vas te ressaisir ou je t’en colle une autre !

Le martèlement s’amplifie. Gab fixe tour à tour les étagères qui tremblent et son frère. Ce petit blond ébouriffé, avec sa peau diaphane et ses yeux vert d’eau, d’habitude si tendres. Là, pleins de fureur. Il s’ébroue soudain, comme émergeant d’un songe, puis tend sa main.

« Donne-moi ton flingue ! Je les retiens, tu cherches le mécanisme. Tape, cogne sur tous les murs, c'est forcément là ! »

Comme Triss semble hésiter, il lui lance sèchement :

« Tu as une meilleure idée ? Tu veux continuer à me donner des baffes ? »

– Non, répond le blondinet en échangeant son arme contre le pied de biche.

Et tandis que Gab se met en position, les deux pistolets braqués sur la porte, il court vers les toilettes. Là, il marque un temps d’arrêt, pose l’outil sur le sol et martèle le carrelage à l'aide de ses deux poings. Chaque carreau, un à un, de haut en bas. Il se concentre, le visage tendu. Si ce mécanisme existe, il ne faut pas le bousiller, si… Il chasse les « si » de son esprit. Frappe, frappe, frappe !

– Alors ? Hurle son frère par-delà le brouhaha, ça vient ?

– Non !… Et toi ça va ?

– T’occupe et continue !

La porte est sur le point de céder. Déjà un tentacule apparaît, puis un autre. Gab sent des vagues de chaleur lui lécher le visage. De la sueur dégouline de son front. Il l'essuie d’un revers de manche et ferme un œil pour mieux viser. Surtout ne pas gaspiller, se répète-t-il, les doigts sur les gâchettes. Les jauges sont à leur maximum. Deux réservoirs d'eau. Plus une cartouche et une grenade. Et après ?… Il leur crachera dessus.

L’extrémité des tentacules se met à crépiter. Ruisselant, Gab lève le canon de ses pistolets.

– Alors ? éructe-t-il sans lâcher des yeux les serpents de métal aux têtes incandescentes.

– Rien ! lui répond son frère d’une voix désespérée.

A bout de nerfs, les poings rougis, presque ensanglantés, Triss finit de cogner les derniers carreaux. Des larmes perlent au coin de ses paupières. Il le savait. Il lui avait dit. Il n'y a pas de mécanisme. Pauvre c…

Un cri inhumain le fait se retourner brusquement.

– Gab ? appelle-t-il d'une voix blanche en s'éjectant des toilettes.

– J’en ai blessé un ! lui répond celui-ci d’un ton rageur.

Triss regarde en direction du sas. Un des gonds a cédé et un rai de lumière écru traverse l'encadrement. Au sol, deux bouts de tentacules métalliques se tortillent dans une flaque d'eau, dégageant une fumée âcre.

– Qu'est-ce que tu fous ? Allez, retournes-y, ces saloperies ne vont pas en rester là ! Pète-moi ces putains de gogues !

Triss se mord les lèvres. Il voudrait crier « ça ne sert à rien ! », mais devant la détermination de son frère, il opine d’un bref mouvement de tête et part ramasser le pied de biche.

Après s’être humecté les lèvres, il serre l’outil contondant entre ses deux mains graciles et assène de grands coups dans les murs carrelés. Les carreaux se fendillent puis se cassent par endroit. Mais rien ne se produit.

Il souffle et réitère, redoublant d’effort. Comme en écho aux martèlements des créatures, le métal cogne, mord, brise, déchiquette. Sans résultat.

Vaincu, les bras endoloris, Triss se laisse tomber à genoux. C’est absurde, sanglote-t-il, complètement absurde… Sueur et larmes s’entremêlent sur ses joues écrevisses.

De l’autre côté de la cloison, il entend les flammes rugir de plus belles. Les cracheurs ont repris l'assaut. Gab n'aura pas assez d’eau pour les repousser. Le refuge va se muer en enfer.

Ci-gisent deux crétins… Il s’en veut d’avoir suivi son frère, il s’en veut de ne pas être resté avec ses parents, il s’en veut d’être aussi inutile et impuissant… Dans un cri de rage, il balance la barre en fer sur le mur du fond. La tête fendue vient percuter le bouton oxydé de la chasse d’eau avant de choir parmi les éclats de faïence.

Triss se relève, les sourcils froncés et la bouche entre-ouverte. Un claquement sourd vient de résonner sous la dalle de béton. Suivi d'un grondement. Comme si un mécanisme se mettait en branle dans les tréfonds du sous-sol. D’un coup, émergeant de la poussière, une trappe jusque-là invisible s’ouvre au beau milieu des toilettes.

Abasourdi, Triss s'approche à pas prudent, le regard incrédule. Il se penche légèrement et aussitôt se pince le nez. Des relents nauséabonds émanent du rectangle noir découpé dans le sol.

– Gab ... Gab ! s’égosille-t-il. Je l’ai trouvé !

Un crissement aigu lui tire une grimace. Il s’élance et manque percuter son frère, qui vient de surgir, la combinaison roussie et le visage vermillon. Gab lui lance en haletant :

– T’as intérêt… Les chargeurs sont vides.

Reprenant son souffle, le grand frisé essuie ses lunettes embuées et fixe un instant la trappe, le sourire incertain.

– Ben merde, lâche-t-il en donnant une claque sur l’épaule du blondinet. J’te l’avais pas dit p’tit con ?

– Mouais, soupire Triss, par contre ça schlingue sévère. Et on passe pas avec nos casques.

Gab sort rapidement une lampe torche de sa combinaison et pointe le faisceau en surplomb du rectangle.

Le fond apparaît quelques mètres plus bas, une boue luisante, peu engageante.

– Ce n’est pas très large mais y a une échelle…

– Si c’est pour atterrir dans la fosse, c’est dég...

Un bruit strident les fait sursauter. Les êtres de métal sont revenus à la charge. Déjà, les crépitements s’intensifient.

– Tant pis pour nos casques, on y va ! Intime Gab.

D’un geste vif, Triss empoigne son paquetage d’une main et le barreau de l’échelle de l’autre. Il entame ainsi sa descente et saute à deux mètres du sol boueux, suivi de Gab.

À peine ont-ils disparu que le sas du refuge vole en éclat. De gigantesques flammes rougeoyantes envahissent le bunker et viennent lécher les parois de l’étroit passage dans lequel les deux frères se sont engouffrés.


Texte publié par Carmin, 12 septembre 2025
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