Jeudi 15 mai 2070 - nœud matriciel 83fUg3-42
Je sais parfaitement ce qu’il attend de moi. Je ne me sens pas prête. De plus, je doute de sa sincérité. Il semble se rappeler de notre complicité mais prétend ne pas se souvenir de mon identité. D’un autre côté, pourquoi me mentirait-il à ce sujet ? Pour me tester ?
– Tu vis toujours à LA ? me demande-t-il après un long silence à contempler les flots.
Sa question me confirme qu’il ne détient qu’une partie de la vérité. À moins que ce ne soit encore une habile manœuvre de sa part. S’il a fait des recherches concernant mon père, il est forcément tombé sur moi, comment aurait-il pu en être autrement ?
– Tu sais, même si c'est le cas, ce n'est pas cette petite donnée qui me permettra de te retrouver… s’amuse-t-il devant mon hésitation.
– C’est donnant-donnant. Si je te réponds, je veux aussi savoir où tu te trouves.
– En France. Marseille, plus précisément. Tu vois, je te donne même une longueur d'avance.
Il agrémente cette petite pique d'un clin d'œil charmeur. Je sens mon visage s'embraser encore une fois et finis par acquiescer.
– Oui, je suis toujours à Los Angeles.
– Dommage. C'est pas la porte à côté.
– Du moment qu'on peut communiquer, quelle importance ?
Je joue les indifférentes même si, en réalité, je brûle de l'avoir réellement à mes côtés. Un petit rictus en coin s'imprime sur ses lèvres, furtif.
– Parlons sérieusement, donc. Tu sais que je souhaite me venger. Je ne sais pas quelles sont tes motivations pour m'aider, mais tu portes aussi un grief contre Johnson.
Je frémis lorsqu'il prononce le nom de mon père. Mon nom... Il ne semble pas le remarquer et continue sa tirade :
– Tu vis dans son fief, ce qui n'est pas très rassurant. Mais je suppose que c'est voulu ? Garde tes ennemis proches, tout ça tout ça… Je pourrais peut-être te rejoindre ?
– Tu n'es pas sérieux !
Il me fixe avec étonnement devant ma réaction sûrement un peu exagérée. Je surenchéris :
– Il veut ta peau, je te le rappelle !
– Et il voudra sans doute la tienne s'il découvre qui tu es après le coup que tu viens de lui faire.
– Il ne s'attaquera pas à moi.
Il me scrute d'un air inquisiteur.
J'en ai trop dit !
– J'en déduis que tu joues double jeu. La vérité finit toujours par éclater à un moment où un autre, Ada.
– Ce que je veux dire, c'est qu'il ne pourra jamais remonter ma trace, c'est tout !
J'espère être convaincante. Dans les faits, j'ai bien peur que mon père se doute déjà de mon objectif, désormais. Je frissonne en réalisant que Dam a sans doute raison : être sa fille ne me sauvera pas dans une guerre ouverte contre lui.
– C'est vrai que moi-même je n'y suis pas parvenu, conclut-il pensivement. Mais il vaut mieux se méfier quand même.
– Tu t'inquiètes trop. C'est toi la cible, pas moi.
– Nous devrions participer tous les deux au prochain tournoi.
Je reste abasourdie devant sa proposition. N'a-t-il rien saisi des risques qu’il encourt ? Il m'exaspère.
– Tu n'as rien écouté ! Tu es suicidaire ?
– Je suis parfaitement conscient des enjeux. Ça peut en valoir la chandelle. Tu as dévoilé une faille dans le système des jeux, avec ton ver. Si nous l’exploitons correctement, nous pouvons prendre un large avantage.
– C'est quoi le plan, que tu te fasses dézinguer pendant que je pirate son bazar ?
– Je suis prêt à mourir s'il le faut pour accomplir ma vengeance.
Il hausse les épaules avec une désinvolture qui m'insupporte.
– Alors tu te fiches pas mal de ce que je ressens ! Tu n'as donc pas de cœur ?
– Oh, ça, j’y peux rien, c'est toi qui me l'as volé !
Le mien caracole dans ma poitrine, comme à chaque fois qu'il m'envoie ce genre de répliques. Est-il devenu un bourreau des cœurs, comme tous ceux que j’évite, avec le temps ? Combien de filles sont-elles déjà tombées en pâmoison devant son visage d’Apollon et son ton enjôleur ?
– Il y en a beaucoup, à qui tu as fait ce coup-là  ?
Il arque un sourcil pour marquer son incompréhension.
– Combien de femmes as-tu déjà embobinées avec tes belles paroles ?
Sa bouche forme un “O” parfait sous sa surprise… puis il commence à faire mine de compter. Je lui donne une tape sur l'épaule.
– Goujat !
Il éclate de rire en attrapant mon poignet. Ce son et le ciel de son regard m'envoûtent.
Il est si proche…
Nul doute que si nous étions IRL, je n'aurais pu résister à la tentation de l’embrasser.
– Jalouse ?
Il ne sait pas à quel point…
– Quelques coups d'un soir, en vérité, enchaîne-t-il devant mon silence. Jamais rien de sérieux. Il semblerait bien que ton méfait remonte à plus longtemps que ce que tu crois… Peut-être même qu'il y a prescription.
– Et tu prétends ne pas te souvenir de moi !
Je guette sa réaction. La tension entre nous redescend aussi sec. Il me lâche lentement et je ne perçois que de la tristesse sur ses traits alors qu'il détourne les yeux. De la culpabilité, aussi ?
– Je ne prétends pas n’avoir aucun souvenir. Seulement… ton visage… Je ne comprends pas, il n'y a plus qu’Adara dans les films du passé chaotiques que mon cerveau veut bien me montrer. Il faut dire que tu ne me facilites pas la tâche…
Je me mords la lèvre. Je suis toujours aussi effrayée par la réaction qu'il pourrait avoir lorsqu'il comprendra qui je suis. Il n’insiste pas et se résigne.
– Tu as tes raisons de ne pas me faire encore totalement confiance, je le conçois. De mon côté, je vais jouer franc jeu. Nous avons une grosse opération de sabotage prévue sur une filiale de Johnz Corporation, ici.
– Nous ?
– Contrairement à toi, j'ai quelqu'un sur qui compter. Avoir des alliés, c'est la base.
J'avais oublié à quel point, malgré les apparences, Damian a toujours été le plus raisonnable de nous deux.
– La future date du tournoi n'a pas encore été dévoilée, poursuit-il. Avec un peu de chance, que je pourrais même pousser, nous pourrions en faire une parfaite diversion.
– Tu insinues que tu parviendrais à mener ces deux opérations simultanément ?
– Pas simultanément. Coup sur coup. Avec ton aide, ça pourrait bien marcher.
Je ne suis toujours pas convaincue par sa proposition. L’angoisse de le perdre encore une fois me paralyse, bien trop forte.
– Tu es d’accord ? insiste-t-il.
– Laisse-moi y réfléchir. On en reparle lorsque la date aura été annoncée.
Il hoche la tête, semble hésiter à dire quelque chose, puis se ravise, avant de finalement me lancer :
– D’ici là , reste sur tes gardes. Fais profil bas. Et n’hésite pas à me contacter si besoin.
J’acquiesce avec un sourire timide. Celui qu’il me renvoie est bien plus confiant et chaleureux.
Marseille…
Peut-être qu’il est temps pour moi de faire un peu de tourisme.

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