Jeudi 22 mai 2070 - Los Angeles
Ma tête est lourde, ma bouche pâteuse. Je peine à ouvrir les yeux. Lorsque j’y parviens, tout est brouillé. J’essaie de me lever du lit où j’ai été allongée mais je m’écroule au sol, mes jambes se dérobant sous moi. La pièce inconnue tourbillonne autour de moi.
On m’a droguée…
Je tente de remettre de l’ordre dans mes idées sans m’affoler. Mes mouvements ne sont pas entravés, même si pour l’instant je parviens à peine à garder conscience. Je me trouve dans une chambre meublée sobrement. Je repère la fenêtre et la porte non loin. Je ferme les yeux pour faire appel à mes souvenirs.
Comment me suis-je retrouvée ici ?
J’avais finalement accepté de me rendre à ce rendez-vous avec Stone. Était-ce un piège ? Journaliste, mon œil… J’aurais dû me montrer plus méfiante. Je ne sais pas depuis combien de temps il me maintient dans cet état. Évidemment, je n’ai rien dit à personne. Par habitude.
Damian…
Je dois le prévenir. Il m’a clairement fait savoir qu’il m’aiderait si besoin. Peut-être même qu’il s’inquiète pour moi ? Mon souffle se bloque quand je réalise que je suis incapable de me connecter à la matrice.
Qu’est-ce qu’on m’a fait ?
Cette fois, je suis prise de panique. Ma respiration se fait saccadée et je commence à ramper vers l’issue, espoir illusoire. Un rire nerveux me secoue. Pourquoi cette porte serait-elle ouverte ? Dans un élan désespéré, je parviens à me lever en m’aidant du mur et me traîne jusqu’à la fenêtre. Verrouillée, bien sûr. Impuissante, je m’effondre à nouveau au sol. Le regard voguant quelque part dans le ciel bleu, j’essaie de me remémorer ce qu’il s’est passé.
Des flashs me reviennent. J’étais presque arrivée au lieu convenu. Soudain, on m’a tirée en arrière dans une petite ruelle. Ils étaient plusieurs. Je crois que j’en ai assommé un mais mes sens ont rapidement été engourdis. Il y avait une seringue… Des mouvements brusques. Puis je me souviens du visage de Stone qui se penchait vers moi. Je me souviens que dans un dernier regain de conscience, j’ai laissé un message à Dam, dans notre refuge. Je ne sais même plus quel contenu j’ai réussi à lui transmettre avant de sombrer.
J’angoisse à nouveau, plongée dans une torpeur déroutante. Je perds contact avec la réalité lorsqu’un grincement dans mon dos me fait sursauter.
– Oh bon sang !
Je frémis au son de ce timbre familier. C’est lui. Nicholas Stone. Que me veut-il ? Pourquoi me fait-il subir ça ?
– Ne m’approchez pas !
Je ne reconnais pas ma propre voix, haletante, qui lui intime cet ordre. Je me tasse contre la fenêtre tandis qu’il se précipite vers moi. Dans un geste dérisoire, je place mes mains tremblantes devant mon visage. Étrangement, il ralentit, comme s’il tentait d’apprivoiser un animal apeuré, puis s’accroupit face à moi en retirant ses lunettes noires.
– Je ne vous veux aucun mal, Dynah. Je suis votre allié.
Je ne parviens pas à maîtriser le trémolo de mes lèvres en croisant son regard ténébreux. Je n’y décèle néanmoins aucune hostilité. Il attend sans doute une réaction de ma part mais je reste muette et immobile.
– Je vais vous aider à vous recoucher sur le matelas, ce sera plus confortable, vous ne croyez pas ?
J’hésite un instant, puis acquiesce silencieusement. Il s’approche avec précaution et passe mon bras droit autour de ses épaules pour me soutenir jusqu’au lit. Toujours dans le brouillard, je parviens à balbutier quelques mots :
– Qu’est-ce… Qu’est-ce que vous m’avez fait ?
Il secoue la tête avec un air navré tout en m’offrant une bouteille d’eau. Je m’en saisis avec avidité, réalisant d’un coup à quel point j’étais assoiffée.
– Moi, rien. Je vous ai juste tirée d’un mauvais pas. Je n’ai aucune idée de ce qu’ils vous ont injecté, mais vous avez dormi pendant plus de deux jours.
Deux jours !?
J’accuse le coup, me redresse péniblement et m’adosse à la tête de lit. Mes pensées restent embrouillées, j’ai l’impression d’être enveloppée dans du coton. La faim commence à me tenailler également.
– Je vous ai aussi apporté un petit en-cas, reprend-il, comme s’il avait lu dans mes pensées.
Il me montre quelques barres énergétiques déposées sur la table de nuit. J’en ouvre une, mais dès la première bouchée, je me sens nauséeuse.
– Si vous voulez, je peux aller vous chercher quelque chose de plus…
– Non, pas pour l’instant.
Me réhydrater aura eu le mérite de rendre mes idées plus claires. Je m’efforce de finir au moins la nourriture que j’ai entamée.
– Donc, si je comprends bien, vous m’avez arrachée aux griffes de kidnappeurs ?
– Oui.
Nicholas esquisse un geste pour sortir un objet de sa veste. Instinctivement, je me jette sur lui pour arrêter son geste. Cependant, j’ai un haut le cœur, tombe à genoux et vomis le pauvre petit casse-croûte que je venais d’avaler sur ses chaussures. Les larmes aux yeux, je m’essuie la bouche et relève le visage vers lui. Il s’est figé, les yeux agrandis par la surprise, son comtech à moitié sorti de sa poche intérieure.
Quelle idiote…
Je dois faire peine à voir et je sens le rouge me monter aux joues en même temps que la honte qui m’assaille. Je bredouille de vagues excuses tandis qu’il m’aide à me relever et m’accompagne à la salle de bain.
– Ce n’est rien. Vous êtes complètement désorientée… Il aurait fallu vous emmener à l’hôpital, ou au moins qu’un médecin vous examine mais… Voilà , je voulais vous montrer. J’ai reçu d’étranges messages sur mon comtech. Le premier contenait les coordonnées de la ruelle où on vous a attaquée avec un simple message : “Aidez-la”. Le second m’informait des coordonnées de cet endroit. Cette fois il était écrit : “Cachez-la ici jusqu’à nouvel ordre”. Comme les infos du premier message s'avéraient exactes… J’ai préféré suivre les directives du second.
Je ne remarque que maintenant la teinte de ses cheveux. Je suis persuadée qu'il les avait blonds. À présent, ils sont bruns. Je ne me risque pas à lui demander ce qu’il a fait des hommes qui m’ont attaquée. Je ne sais rien de lui. Puis-je lui faire confiance ? Une fois que je me suis rafraîchie un peu, il me raccompagne dans la chambre et me montre les fameux messages. Le numéro est masqué. Je ne me sens pas d’attaque pour tenter de remonter à son propriétaire. Ma tête se fait lourde et mes paupières tombent d’elles-mêmes.
– Je crois que je vais me reposer encore un peu…
Je ne sais même pas s’il a saisi ces quelques mots que j’ai baragouinés avant de retourner dans les affres de l’inconscience.

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