Dimanche 25 mai 2070 - Marseille
Un bruit indistinct me sort de mon demi sommeil. Je me suis encore endormi sur mes recherches… Il a fallu que Jay s’évapore aussi. Au pire moment. Lorsque je suis rentré, il y a trois jours, j’ai retrouvé l'appartement vide. Mon ami n'a pas donné signe de vie depuis. Ça lui est déjà arrivé de se volatiliser, parfois. Jamais aussi longtemps sans m'en informer. Je n’ai aucun indice pour savoir dans quoi il a pu se fourrer. Quant à celui laissé par Dynah, il s'est avéré plutôt maigre. Un simple nom.
Nicholas Stone.
Comment suis-je censé la retrouver avec ça ? J’ai l’impression d'être au point mort. Je pense déjà avoir compris de quel homonyme il s’agit, du moins je suppose. Un journaliste dont la mère travaillait pour Johnz Corporation. Elle est morte en couches, il a donc été élevé par son père. Père décédé aussi bien trop tôt. Soit disant des balles perdues durant un règlement de compte dans les bas-fonds de Los Angeles. Conclusion officielle d'une affaire qui a clairement été bâclée et étouffée. Agent de Johnson en mission ? Ou s'agit-il d'autre chose ?
L'hypothèse que Johnson soit lui-même responsable de la disparition de sa fille reste pour moi la plus probable. Néanmoins, je ne peux me résoudre à envisager le pire malgré le silence de Dynah. Pas quand je venais à peine de la retrouver.
Alors, j'ai pris la résolution de participer à ce fichu tournoi. Dynah m'a ouvert des possibilités, avec sa petite intervention. Je vais offrir à Johnson un marché qu'il ne pourra pas refuser. C'est risqué, mais c'est ma seule chance. Et je n'ai plus rien à perdre.
Un drôle de râle me sort de ma léthargie. Je réalise soudain que le bruit qui m'a réveillé était sans doute celui de la porte d'entrée.
Jay ?
Je fonce au salon, m’étalant presque dans le couloir dans ma précipitation. Bouche-bée, j’avise la situation. Mon ami gît à moitié allongé sur le canapé, tenant désespérément son épaule d'où s'écoule un flot écarlate.
– Rev… articule-t-il d'une voix faible.
J’accours auprès de lui en laissant échapper un juron, l'aide tant bien que mal à s'allonger, puis file récupérer des compresses dans notre pharmacie de secours, au moins pour qu'il cesse de se vider de son sang. Quand je les applique en appuyant fermement, il geint.
– Appelle Fanny… murmure-t-il.
– Fanny ?
Nage-t-il en plein délire ?
– Le num… dans notre coffre.
Sans chercher à comprendre, je lui intime de maintenir la pression et fonce vers notre cachette. Après avoir tapé le code, je finis par trouver dans ce bric-à -brac une sorte de post-it avec quelques contacts, dont une certaine Fanny.
Manquerait plus qu'elle soit liée à Marius et César pour de bon…
Sous les directives de Jay, j'envoie un message rapide avec nos coordonnées et une description de sa blessure.
Par arme blanche… T'as foutu quoi, Jay ?
Je m'empresse d'éliminer toute traçabilité. Personne ne doit intercepter ces informations.
– J'espère que c'est vraiment quelqu'un digne de confiance…
– T'inquiète, souffle Jay devant mon grommellement réprobateur.
De toute façon, il n'y avait pas vraiment d'autre choix. Je le vois mal se déplacer où que ce soit… Malgré ses plaintes, je maintiens fermement de nouvelles compresses sur sa plaie. J'évoque nos souvenirs les plus épiques pour tenter de le maintenir à flot.
– Et tu t’souviens de la fois où t'avais oublié le mot de passe ? Au final, on était passé pour des blaireaux et c'est comme ça qu'on avait pu tromper leur vigilance…
Je ne sais pas combien de temps s'écoule avant qu'enfin j'entende toquer à la porte. Étrange, même si je n'ai rien précisé, le code de rythme que nous avons établi, Jay et moi, est pourtant respecté. Mon pote esquisse un maigre sourire, ce qui me rassure un peu. J’espère que cette Fanny est un sacré bon doc qui pourra le remettre sur pieds…
Je me dépêche d'ouvrir et m'efface rapidement pour laisser entrer la rouquine qui se précipite au chevet du blessé, les lèvres pincées. Elle installe son matériel et ne pose aucune question, se mettant à l’ouvrage avec des gestes qui me paraissent assez brusques, bien que professionnels. À mon grand étonnement, Jay serre les dents et ne pipe mot, même lorsqu’elle cautérise au laser sans aucune anesthésie préalable. Livide, il laisse juste échapper un gémissement lorsqu’elle serre son écharpe dans un mouvement qui me paraît presque violent.
– Il a fallu que tu te fasses amocher comme jamais pour me donner des nouvelles ? l’accuse-t-elle sans crier gare après avoir achevé sa besogne.
Cette voix me semble familière. Où l’ai-je déjà entendue ? Fanny me paraît avoir au moins la trentaine, sûrement un peu plus jeune que Jay. Elle range son matériel avec hargne et je ne parviens pas à saisir d’où me viens ce souvenir.
– Eh bien… Je… bafouille Jay, complètement à l’ouest.
– Au moins, je vois que tu as su prendre soin de la famille qu’il te reste.
Jay écarquille les yeux, comme pris sur le fait. Je ne comprends pas trop sa réaction mais je ne préfère pas intervenir dans leur querelle, plus préoccupé par le souvenir de ce timbre.
Ça y est ! Ça me revient. Un frisson me parcourt. Il y a dix ans, quand j’étais dans les vapes. Était-ce à elle que Jay m’avait confié ? Pourquoi ne l’ai-je jamais rencontrée, après ça ?
– Fanny… Je peux tout t’expliquer ! tente de se justifier Jay.
– Garde tes explications pour toi. Tu as de la chance que j’aie assez de considération pour la vie humaine pour ne pas t’avoir laissé te vider entièrement de ton sang. D’ailleurs, tu en as déjà perdu pas mal, je te conseille de te reposer, tu vas en avoir besoin.
Ses paroles contradictoires me font sourire, ce qui attire son attention.
– C’est quoi, ce sourire idiot ? Pas un pour rattraper l’autre !
Elle rassemble ses affaires et s’apprête à partir. Je la retiens.
– Attendez ! Je n’ai jamais eu l’occasion de vous remercier, pour ce que vous avez fait pour moi, il y a des années… Alors, merci.
La surprise se lit sur son visage. Finalement, elle esquisse une expression plus avenante.
– Tu me vouvoies comme si j’étais une vieille, pardi ! Je parie qu’il t’a même pas parlé de moi, cette tête de mule ! Il sait, au moins ? lance-t-elle à Jay.
Pour seule réponse, il lui lance un regard suppliant. Fanny soupire, résignée :
– Quand te décideras-tu à sortir tes squelettes du placard ? Tu t’es enlisé dans ta culpabilité. Pourtant, je t’ai déjà dit ce que j’en pensais, à l’époque… Dommage que tu aies choisi de me laisser sur le bord du chemin plutôt que d’écouter mes conseils.
Elle pivote et commence Ă se diriger vers la sortie. Cependant, avant de partir, elle se retourne vers nous.
– Il n’est jamais trop tard pour dire la vérité, Jay.
Puis elle s’en va, refermant la porte derrière elle. Un tourbillon d’interrogations m’envahit. Toutefois, je préfère les garder pour moi, pour l’instant. J’aurais voulu demander des comptes à Jay, au moins sur ce qu’il s’est passé ces trois derniers jours, mais je constate qu’il s’est endormi. Ou peut-être fait-il semblant… Peu importe, je choisis de le laisser se reposer et repars tromper mon impatience en me replongeant dans mes vaines investigations.

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