Dimanche 31 mai 2070, 6h45 - Marseille, quartier du Vieux Port

Mon périple a pris plus de temps que prévu et mon anxiété ne fait que croître. J’ai couru à en perdre haleine. J'aperçois enfin ma destination. Le bâtiment délabré ne détonne pas avec l’ambiance du quartier.

En arrivant juste devant l’immeuble, je percute presque un homme qui en sort précipitamment. Grand, plutôt baraqué, des cheveux mi-longs d'un blond cendré. Je ne m'y attarde pas et m'élance avant que l'entrée ne se referme. Ses yeux d’acier m’ont scrutée lorsque je les ai croisés et je sens son regard suspicieux sur mon échine. Je fonce dans la cage d'escaliers sans m'en préoccuper.

6h50…

Si tout s'est passé comme prévu, cela fait déjà cinq minutes que les combats ont commencé. Je tente de me rassurer. Ce n’est pas si énorme. Pourtant, le sentiment d’urgence qui m'étreint ne devient que plus pressant. J’avale les marches deux par deux, même si je suis déjà à bout de souffle.

3ème étage…

Je me laisse guider par mon intuition. Quand je parviens au numéro d’appartement indiqué sur l'adresse, j’entre fébrilement le code que m'a fourni le mystérieux hacker et actionne la poignée. Cette réussite me galvanise. Je m'empresse d'entrer, refermant derrière moi. Le déclic du verrouillage enclenche l'allumage automatique des lumières. La pièce où je me trouve me semble chaleureuse et d'une propreté relative. Seul mon souffle saccadé trouble le silence. Un sofa, une petite table et une cuisine américaine plutôt bien agencés. Un peu de vaisselle entassée à côté de l'évier, un t-shirt qui traîne sur le canapé. J'imaginais plus de bazar que ça. Je fonce au fond du couloir. Il est là, dans cette pièce, j'en suis persuadée.

Lorsque j'ouvre la porte à la volée, je l'aperçois immédiatement, allongé sur le lit, si pâle… Un filet de sang s'échappe de ses narines. Il est pris de soubresauts. Paniquée, je me précipite à son chevet.

– Dam ! Damian ! Revenge ! Reviens, je t'en prie !

Je le secoue, lui mets une gifle, puis deux en criant son prénom et son pseudonyme en crescendo. Son corps s'immobilise. Ma voix se brise. L’angoisse me paralyse.

Pourvu que je ne sois pas arrivée trop tard…

Je n'ose plus le toucher, craignant le pire. J'avance une main tremblante vers son visage pour vérifier qu'il respire encore. Je sursaute dans un mouvement de recul quand il se redresse d'un coup avec une inspiration bruyante. Il commence à tousser à en cracher ses poumons en s’asseyant au bord du lit.

Je cours dans la salle d'eau attenante et remplis le verre d'eau que j'y trouve. Dans mon élan, je renverse la moitié du contenu avant de parvenir jusqu'à lui pour l'aider à boire. Ses mains sont gelées. Lorsqu'il parvient enfin à retrouver son souffle il articule d'une voix rauque :

– Merci…

Puis, il me dévisage en plissant ses yeux rougis. Ses sourcils s’arquent sous la surprise.

– Ada ?...

Mon nanomasque et ma perruque siliconée ont fait leur effet.

Combien de temps vais-je encore me cacher sous un masque ?

Complètement désorienté, il balaie la pièce du regard en passant une main dans ses cheveux d'ébène en bataille. Malgré son air de déterré, je le trouve toujours aussi craquant.

Il referme les yeux et porte son poing à sa tempe. J’ai l’impression qu’il va tourner de l'œil. J’ai envie de le prendre dans mes bras mais j’ai encore du mal à réaliser qu’il se trouve vraiment là, juste devant moi. Je frôle son épaule, avant d’établir un contact plus franc. Il tressaille sous ma paume que je retire aussitôt, puis soulève brusquement les paupières. La myriade d’émotions qui brûle dans ses iris contraste avec ce bleu glacier qui m’a toujours fait fondre.

– Est-ce que…

Une détonation l'empêche de poursuivre sa question. Je suis brutalement projetée en arrière. La douleur explose dans mon crâne… puis c’est le noir.