Lundi 1er juin 2070, 2h23- Marseille, planque de Rev
Je lutte pour ne pas céder à la tentation d'aller voir ce qu'il se passe dehors. D'un autre côté, Dynah a raison ; autant mettre les choses au clair tout de suite.
Allons, Damian, calme-toi, ils ne vont quand même pas s’entretuer, si ?
Je soupire. De toute façon, je serais de trop si je m'aventurais à l'extérieur. Puis on me renverrait sur le champ pour reprendre ma place de souffreteux à coups de pieds aux fesses. J'étouffe un rire en me demandant lequel des deux serait le plus virulent.
Le temps me paraît s'étirer comme pour me narguer. Quand Fanny va-t-elle revenir ? Quel sera son diagnostic ? À force de m'inventer des scénarios tous plus alarmistes ou loufoques les uns que les autres, je commence à sommeiller. Prisonnier d'un état dans l'entre-deux, mes paupières s'ouvrent puis se referment par intermittence. Je ne sais plus si je dors ou si je suis éveillé, ce qui est réel ou fruit de mon imagination parmi toutes ces représentations qui défilent dans mon esprit.
Je suis tiré de cette transe hypnotique par le grincement de la porte. Manifestement, la réparation de Jay n'a rien changé à cet inconvénient qui a l'avantage de me réveiller tout à fait. J'accueille mon oncle avec une grande joie.
– Tonton Jay !
– Hey, Rev ! J'espère que je t'ai pas réveillé ? Si c'est le cas tu diras rien au dragon dehors, hein…
Je m’esclaffe. On dirait bien que Dynah l'a mis dans sa poche. Pourquoi en ai-je douté ?
– T'inquiète, je suis content de te voir après tout ce qu'il s'est passé.
– Et moi donc !
Il s'assoit sur la chaise de bureau à mes côtés, bras ballants sur le dossier et les jambes de part et d'autre pour me faire face.
– Et je suis soulagé de voir que tu as pu t'entendre avec Dynah.
– C'était pas gagné, j'avoue ! confirme-t-il en souriant. Mais elle m'a rappelé certaines évidences. Ta nana, soit c'est une super bonne actrice, soit elle en a vraiment bavé à cause de son foutu paternel…
– C'est pas surjoué. Et je l'ai laissée seule face à lui durant toutes ces années…
– Eh oh, prends pas ce chemin-là , toi. T'as rien à te reprocher.
– Dixit celui qui a laissé tomber une femme d'enfer pour s'enterrer dans sa culpabilité ?
Sa bouche s'ouvre si grand que j'ai l'impression d'être témoin de son décrochement de mâchoire. Il finit par serrer les dents et passe une main dans sa chevelure emmêlée.
– Ça, c'est vraiment pas tes oignons.
– Dans la mesure où je suis responsable de cet éloignement, un peu.
– N'importe quoi ! Rien à voir avec toi, et c'est du passé tout ça ! s'emporte Jay. Elle mérite mieux qu'un crétin comme moi, c'est tout.
– L'excuse la plus pourrie au monde !
– Non, c'est la vérité ! J'ai été idiot de penser que ça pourrait marcher, c'est mieux comme ça.
Il se montre si catégorique ! Je souffle d'énervement.
– Il faudrait être aveugle pour voir que la principale intéressée ne trouve pas ça “mieux”.
Je mime des guillemets avec mes doigts. Jay écarquille les yeux, puis les plisse avec un air inquisiteur.
– Qu’est-ce qu'elle t'a raconté, au juste ?
– Rien que tu ne saches déjà . Par contre, tu t'es bel et bien mis des œillères si tu penses vraiment qu'elle est passée à autre chose !
Il se gratte la tête, décontenancé par mon allégation. C'est désespérant !
– Je pensais juste qu'elle me détestait, avoue-t-il, et c'est bien normal après le comportement que j'ai eu à son égard ! Au lieu de montrer de la reconnaissance, j'ai fui comme un lâche. J'ai mis son attitude sur le compte de ses ressentiments.
– Et sinon, vous avez pensé à vous parler ? Juste comme ça, des fois, ça peut servir…
– Merci pour cette leçon de sarcasme ! J'y réfléchirai. Mais j’suis pas un romantique comme toi, moi !
Je hausse un sourcil face à cette affirmation. Il n'a peut-être pas tort à mon sujet. Toujours est-il que dans le fond, je suis persuadé qu'il l'est tout autant que moi. Avec un sourire en coin, je rétorque :
– Non, toi, t'es antique tout court !
– N'abuse pas de ta situation, je peux même pas riposter, c'est pas fairplay !
J'éclate de rire et il me rejoint. Nous mettons du temps à reprendre notre sérieux. Cependant, je continue sur ma lancée. La tentation est trop forte !
– Allez, tonton Jay. Testons ton degré de romantisme. Si tu avais l’occasion d'organiser un rendez-vous en tête à tête, tu proposerais quoi ?
– Quoi ? Ah non, hors de question que je te raconte ça.
Il croise les bras sur son torse en regardant ailleurs. Je pouffe devant son attitude enfantine.
– Promis, je me moquerai pas !
Il réfléchit un instant. Son regard se perd dans une mélancolie nostalgique.
– Peut-être bien que je l'inviterai là où on avait l'habitude de se retrouver. Peut-être bien que si je parviens à trouver quelques graines de fleurs un peu rares, elle…
Il est interrompu par le grincement de la porte. Fanny passe sa tête par l'entrebâillement et je jurerais que Jay a pris quelques nuances écarlates.
– Jay, j'ai quelques trucs encombrants, ça t'ennuierait de venir m'aider ? J'ai déjà galéré toute seule à charger tout ça…
Jay bafouille une affirmation, manque de trébucher en s'extirpant de son siège et se retrouve, penaud, devant une Fanny qui le jauge, perplexe.
– T'as bu ?...
– Mais non ! se défend-il. Je dois porter quoi ?
– C'est du matos de pointe… Je peux compter sur toi pour faire gaffe ?
– Tu sais bien qu’oui !
Elle sourit en acquiesçant puis ressort sans l'attendre. Avant de s'éclipser, Jay se retourne vers moi. Je lui fais un clin d'œil, un pouce en l'air. J'espère bien qu'il saura saisir l'occasion.

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