Lundi 1er juin 2070, 5h40 - Marseille, planque de Rev
J'émerge difficilement, le souffle court. Les battements de mon cœur martèlent mon crâne tel un marteau piqueur. J'ai l'impression d'avoir couru un marathon alors que je suis juste resté allongé sur ce lit trop mou. Tandis que je referme les yeux et inspire profondément pour tenter de calmer toute cette agitation désagréable en moi, je me surprends à sourire.
Ils sont tous en sécurité.
Du moins, pour l'instant. Je veux me redresser mais un violent vertige me cloue au matelas. Eux s'en sont tirés. Moi, j'ai encore pris des risques. Au moins, je suis fixé. Cette équipe a été envoyée par Johnson, j'en suis persuadé. En creusant un peu, j'ai compris que Jay n'était pas leur seule cible. Leur mission comportait quatre cibles prioritaires : moi, au même titre que Jay, Nicholas Stone, avec la même mention précédée de “nouvelle” et, bien sûr, Dynah, la seule pour laquelle la force létale n'était pas autorisée. Marius figurait dans la liste des cibles secondaires à éliminer. Fanny n'a été qu’une victime collatérale. Malheureusement, je n'ai pas eu le temps de chercher plus loin. Je ne tenais pas à me griller totalement le cerveau en rencontrant des sécurités trop complexes à gérer.
Je me morigène, pas certain d'avoir pu effacer toutes mes traces, pestant contre mon état. J'ai vu ce dont Johnson était capable en me mesurant à lui. Ai-je multiplié les risques qu'il remonte jusqu'à moi ? Pour l'instant, personne n'est venu jusqu'ici. Encore combien de temps, avant qu'il ne découvre ma cachette ?
Il me tarde de retrouver ma Dana. Elle a été un peu secouée, j'espère qu'elle va bien. Dans tous les cas, nous ne pouvons pas rester ici. Mon comtech vibre dans ma paume moite.
– Jay, tout va bien ?
– Impec. Marius a repris ses esprits. La blessure de notre nouveau pote est superficielle…
– Et Dynah ?
– T'inquiète, elle n'a pas été blessée, juste un peu choquée.
Je laisse échapper un soupir de soulagement. J'ai hâte de pouvoir la serrer contre moi pour la réconforter. Toutefois, je suis obligé de tempérer :
– Je ne crois pas que ce soit une bonne idée de rester ici. Tu connais pas un endroit sûr ?
– Je croyais que notre planque était un endroit sûr. Je croyais que le labo de Fanny était un endroit sûr. Y a plus d'endroit sûr pour nous !
Encore son côté tragédien qui ressort. Ce n'est pas ce dont j'ai besoin. Mon rythme cardiaque, que j'avais réussi à calmer un peu, s'affole à nouveau.
– Trouve quelque chose, tonton Jay ! Je suis pas au meilleur de ma forme, là .
– C'est pas un scoop. Et je parie que tu t'es pas ménagé, en plus ! T'abuses ! Bon, toute façon, on va pas tous s'entasser dans ton cagibi. On te récupère et on s’barre, on réfléchira à la destination sur la route, ok ?
Je grimace en songeant que je vais devoir me traîner jusqu'à leur véhicule. Rien que l'idée de penser à la station verticale me file la migraine.
– Rev ? s'impatiente Jay au bout du fil.
– Oui, oui c'est bon.
Un blanc s'installe. Je n'ai pas su masquer le désarroi dans ma voix éraillée.
– T'as intérêt à tenir le choc, conclut-il avant de raccrocher.
Lui non plus n'a pas réussi à voiler son inquiétude sous sa fausse assurance. Mes paupières se font bien trop lourdes. Je lutte contre un sommeil qui cherche à me happer, brutal.
Je sursaute quand une main chaude se pose sur mon épaule.
– On décolle. Je vais t'aider, déclare Jay avec conviction.
J'opine du chef, la bouche trop pâteuse pour articuler un mot. Il semblerait que je n'aie pu résister à l'appel de Morphée, finalement. J'émets un ignoble coassement en essayant de lui demander d'attendre. Jay s'empresse de me servir à boire.
– Désolé, j'ai pas pensé que tu devais être desséché. J'aurais dû, avec l’odeur de fauve qui traîne ici.
Sans relever sa pique qui n'est que le simple exposé de la vérité, je bois le verre d'eau d'une traite et lui demande de m'en resservir. Je me racle la gorge.
– J'aimerais récupérer deux ou trois trucs avant de partir.
– T'arrive à te lever, au moins ?
– Si tu m'aides, ça devrait le faire.
Avec l'assistance de Jay, je récupère un ou deux petits bijoux de technologie customisés. Je maintiens ma stratégies et certains de ces outils me seront utiles. Johnson fait peser une menace trop sérieuse sur mes proches pour que je le laisse agir. Je récupère aussi mon pistolet laser, puis je me laisse guider par Jay à l'extérieur. Le soleil m'éblouit. Un van inconnu est garé juste devant l'entrée. Jay tape selon notre code et la porte arrière s'ouvre. Nous nous engouffrons dans l'habitacle sans attendre.
Mon cœur se serre lorsque j'aperçois Dynah, assoupie sur l'épaule de ce fameux Nicholas dont je ne sais pas grand-chose. Je crois que mes poings aussi se sont serrés car il se justifie sans attendre :
– Elle faisait une crise de panique, je l'ai juste rassurée et…
Sans l'écouter, je m'approche et remets délicatement une mèche de ma belle endormie derrière son oreille. Je ne souhaite pas la réveiller. Aussi, je ravale ma jalousie et m'assois à la seule place restante, à la droite de Nicholas, sans ajouter une parole. En face de nous, Marius ronfle sur l'épaule de Fanny et Jay s'est installé pour parfaire cette symétrie qui m'aurait semblé comique si mon ressentiment envers mon voisin n'avait pas occulté tout le reste. L'expression de Fanny qui s'illumine quand je croise son regard me fait du bien. Jay envoie un léger signal et le véhicule démarre. Une nausée me surprend. Je pose ma tête en arrière, les yeux clos, les mains crispées sur mes cuisses.
Qu'est-ce qu'il s'est passé entre Dynah et lui ? Un ex ? Un flirt ? Elle ne m'a pas vraiment parlé de lui. Mes seuls indices résident dans les bribes de conversation entre Fanny et elle que j'ai pu grappiller et le message qu'elle m'avait laissé lorsqu'elle a été enlevée. Pourquoi m'envoyer ce nom ? J'ai cru au départ qu'il s'agissait de son kidnappeur, mais le considérait-elle déjà comme un allié qui aurait pu m'aider à la retrouver, à ce moment-là  ? Je suis sorti de mes pensée par un timbre posé qui résonne à mon tympan :
– C'est donc toi, Damian ? J'espère que tu es conscient de la chance que tu as.
Je souris malgré moi. Il est évident qu'il cherche à lever toute ambiguïté. Je suis un idiot d'avoir pu porter des soupçons sur une éventuelle relation entre eux. Dana est loin d'être du genre à courir deux histoires à la fois. Néanmoins, je reste frustré et énervé de la savoir tout contre un autre. Je réponds sans même faire l'effort de soulever les paupières.
– Ouais, je sais.
Un court silence suit ma réplique sèche. Je me félicite de lui avoir cloué le bec mais son ton trop neutre retentit à nouveau :
– Tu pourrais montrer au moins un peu de reconnaissance… regrette-t-il.
Je daigne enfin tourner mon visage vers lui pour lui offrir une expression narquoise et désigne du menton le pansement de fortune qui couvre son épaule.
– Si tu parles de ça, cette balle ne lui était pas destinée. Crois-moi, tu t'es juste sauvé toi-même.
Je m'étonne de ma propre arrogance. La jalousie, ça ne me réussit pas. Nicholas se contente de sourire en arquant un sourcil. La perfection de ses traits m'irrite encore plus.
– Tu devrais faire un effort, il a déjà sorti Dynah d'un bien plus mauvais pas, intervient Fanny.
Conscient de me comporter comme le dernier des abrutis, je me renfrogne en haussant les épaules, puis réprime un grognement car j'ai oublié ma contusion. Je referme les yeux et cherche un semblant de confort tout en râlant :
– J'ai la gerbe, alors foutez-moi la paix.
Je rêve où il vient d'étouffer un rire ? Je souffle sans aucune retenue pour marquer ma contrariété. Soudain, une question surgit dans mon esprit et je me redresse sur mon siège.
– Jay ! On va où ? Et surtout, c'est qui qui conduit ?
– Déstresse, c'est César. Il a une planque pour nous.
L’image du gros bonhomme à la mine patibulaire me revient en mémoire et je ne suis pas sûr d'être rassuré. Un mouvement sur ma gauche détourne mon attention et j'avise avec stupeur la main de Dynah qui caresse le torse de Nicholas.
– Mmmh, Dam ? interroge-t-elle d'une voix enrouée.
Nicholas se racle la gorge. À ce son, Dynah émet un hoquet de surprise et s’écarte avec empressement. Je jette un regard meurtrier à Jay qui s'étrangle pour camoufler son éclat de rire. Je me lève, raide sur mes jambes, et manque de perdre l’équilibre dans un tournant. Nicholas m’attrape par le poignet pour prévenir ma chute.
Mais c'est qu'il est serviable, en plus !
Il me lâche et se décale pour me laisser la place d'un même mouvement. Dynah, le teint rouge pivoine, se mord la lèvre et se tient le bras. Je prends place à ses côtés en desserrant la mâchoire. Il ne s'agit que d'un malentendu, après tout. Toutefois, je parviens difficilement à contenir ma frustration et mon indignation.
Quand même, me confondre avec l'autre Gueule d’Ange…

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