Mai 2039 - Pôle Sud

Je souffle dans mes doigts, engourdis par le froid polaire mordant à travers mes gants rembourrés dernier cri. La purée de pois qui m'entoure m'empêche de voir plus loin que le bout de mon nez, complètement gelé. Le réacteur de notre vaisseau a fini par s'éteindre. Je l'ai quitté dans un espoir vain de trouver de l'aide. Ce rêve que nous partagions s'est transformé en cauchemar.

Nous connaissions les risques. Nous étions tous prêts à les accepter pour percer les mystères de ce temple perdu.

Le Temple des Technologies.

Nous avons tous quitté nos foyers pour cette utopie inaccessible, courant droit à notre perte. Après des mois de recherches infructueuses, notre vaisseau s'est abîmé dans les profondeurs de la banquise. Nous y sommes restés prisonniers depuis.

Pourtant, nous n'avons pas abandonné. Notre combativité nous a permis de découvrir que nous étions sur la bonne piste. Cette grotte qui devenait notre tombeau abritait les secrets que nous recherchions.

Nos efforts pour tenter des réparations ou de joindre l'extérieur s'avéraient toujours inefficaces. Les pièges de givre ont emporté plusieurs de nos camarades, mais nous continuions d'y croire, mus par la soif de connaissance, persuadés que ce savoir nous offrirait notre salut. Patiemment, nous avons cartographié ce labyrinthe scintillant.

Nos provisions fondaient en même temps que notre volonté, malgré le rationnement. Le réacteur qui nous protégeait du froid commençait à faiblir. Quand enfin nous avons atteint l'immense porte d'acier, la cruelle vérité nous a frappés de plein fouet. Jamais nous n'aurions le temps de percer le secret de son ouverture.

Pourtant, nous avons persévéré. Nous y avons mis toutes nos forces, toute la rage de vivre qui brûlait encore dans nos veines. Nous étions sur le point d'y parvenir. J'avais trouvé la solution, le sésame salvateur. Jusqu'au bout, nous y avons cru. C'était sans compter sur les derniers pièges implacables qui nous ont décimés. Nous avons échoué à un iota de la victoire.

Je suis seul, à présent. Les échos de leurs cris et gémissements d'agonie résonnent encore à mes oreilles. Un capitaine sans équipage, c'est comme un mot sans lettres. Je ne suis plus que néant, perdu au milieu du néant.

Les avertissements de mon frère jumeau me reviennent en mémoire. Il a tenté par tous les moyens de me dissuader d'embarquer pour cette expédition.

Didier...

Je ne le reverrai sans doute jamais.

Errant sans but sur l'étendue immaculée, j'ai perdu toute notion du temps et tout sens de l'orientation. Transi, je m'écroule sur la banquise. Je ne sens même pas la douleur lorsque mes genoux heurtent brutalement la glace. La brume se dissipe légèrement, laissant apparaître les flots obscurs. Tel un mirage, un navire apparaît. Je l'observe qui me nargue, à la fois si proche et si lointain. Ma vision se brouille. Je m'effondre et sombre dans les abysses de l'inconscience, sans savoir si je serai sauvé...

Mais quelle importance.