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Je reprends difficilement mes esprits, éblouie par une lumière aveuglante. Lorsque ma vision se rétablit, je constate que je ne suis entourée que d'une blancheur immaculée. J'ai l'impression d'être encore dans la matrice, mais je ne ressens plus aucune sensation et prends conscience que je suis incapable de rejoindre mon corps physique.

Suis-je morte ?

Une silhouette se dessine, au loin. Quelqu'un s'approche à grande vitesse, comme flottant dans les airs. Incrédule, je la reconnais tandis qu’elle avance. Elle m'offre un sourire resplendissant.

– Maman ?...

– Bonjour, ma petite Dynah, me répond-elle d'une voix emplie d'émotions.

– Alors… Je suis vraiment…

– Non, tu es encore en vie, me rassure-t-elle en m’entourant de ses bras. Pour l'instant. Il n'est pas trop tard, ma chérie.

– Où… où est-ce qu'on est, alors ?

– Quelque part… Hors de l'espace et du temps de la matrice.

– Tu es prisonnière ici… depuis tout ce temps ?

Elle acquiesce silencieusement. L'évidence s'impose à moi.

– Alors, tous ces messages… C'était toi.

– J'ai voulu te protéger… J'ai tenté d'arrêter ton père, de l'empêcher de poursuivre dans sa folie ! Il n'a fait que laisser plus de victimes dans son sillage. Et malheureusement, communiquer me demande beaucoup de temps et d'énergie.

– Mais pourquoi tu n'as communiqué qu'avec Nicholas ? Pourquoi me laisser dans l'ignorance ?

– C'est le père de Nicholas qui m'a trouvée le premier. Par hasard, au cours de ses recherches pour faire inculper ton père. Je ne pouvais pas prendre le risque que Donovan découvre mon existence. Pas après ce qu'il avait déjà tenté pour me ramener. J'ai fait en sorte qu'il n’en sache rien. Te contacter directement me paraissait trop risqué…

Je n'ose imaginer ce que mon père avait entrepris pour tenter de la faire revenir. Des expériences si terribles que les parents de Damian ont choisi de les détruire quitte à tout laisser derrière eux.

– Mais… et Nicholas ? Il est ici, lui aussi ?

– Non… Son ancrage dans la réalité n'était pas assez fort.

– Il avait encore toute la vie devant lui…

– C'est ainsi. Il a fait son choix. Il est parti en paix avec lui-même.

La culpabilité m'étreint. Mon père a fait tellement de mal autour de lui. N'aurais-je pas pu l’arrêter plus tôt ?

– C'est si cruel…

– Tu n'as pas à te sentir coupable, ma petite Dynah. Tu as fait tout ton possible. Ma fille… Je suis fière de la femme que tu es devenue ! J'aurais tant de choses à te dire ! Mais nous avons peu de temps… Et puis, il t'attend, il va finir par désespérer !

– Damian !

– Lui aussi est devenu un jeune homme admirable. Je suis contente que le destin vous ait réunis.

– Le destin et un petit coup de pouce de ta part…

Son rire argentin retentit, me rappelant tant de bons souvenirs.

– Ne fais pas la même erreur que moi. Ne le laisse pas s'égarer sur un mauvais chemin…

– Aucun risque.

– Ton père n'a pas toujours été ainsi… affirme-t-elle, son timbre voilé par la tristesse. Je n’ai pas su l’arrêter avant qu’il ne franchisse les limites…

Comme je l'avais soupçonné, mon père a perdu de vue ses valeurs et s'est égaré dans les méandres de ses découvertes.

– Il faut y aller, maintenant, me presse Maman. Je te laisse programmer les coordonnées, et je vais t'aider à t'y rendre.

– Comment ? Tu m'as dit que communiquer vers la matrice était déjà complexe.

– C'est maintenant Dynah.

Elle pose ses mains sur mes épaules et je lis dans son regard que ce sera là sa dernière action. Je refoule mes larmes et ferme les yeux pour obtempérer.

– Sois heureuse, ma fille. J'ai confiance en vous pour l'avenir. Je t'aime…

Une brise me caresse le visage et je sais que je suis arrivée à destination.

– Moi aussi je t'aime, maman.

Mon chuchotement se perd dans le vent avec quelques gouttelettes échappées de mes yeux et je soulève les paupières. Je reconnais ce refuge qui signifie tant pour nous. Un tapis de fleurs multicolores orne le plateau où je suis apparue. Et je l'aperçois, immobile devant une myriade de codes qui défilent, comme s'il n'avait pas bougé de là où je l'avais laissé avant mon lamentable échec de parcours. Sauf que cette fois, il est debout au bord de la falaise de notre repaire, au même endroit que lorsque je l'ai retrouvé, la première fois, en tant qu’Adara.

Il me semble que c'était il y a une éternité.

J’angoisse en réalisant que je n'ai toujours pas de contact avec la réalité. Je m'approche d'un pas indécis. Il tourne lentement son visage vers moi, écarquille les yeux.

– Dynah ?...

Je souris timidement, dubitative face au sort qui m'attend.

– C'est vraiment toi ? C'est pas une hallucination ?

Il court vers moi mais s'arrête net en arrivant à ma hauteur. Ses doigts se rapprochent des miens, tremblants, comme s'il avait peur que je m'évapore à son simple contact. Moi aussi, je suis terrifiée à l'idée de n'être devenue qu'un fantôme dans la matrice, tout comme Nicholas. Pourtant, ses phalanges s'agrippent aux miennes et il s’enthousiasme :

– Ma Dana… Je croyais t'avoir perdue… Si tu es là… Si tu es tangible, c'est que tu peux revenir !

– Je ne sais pas… Dam, je ne parviens pas à retrouver le lien vers la réalité.

Ses sourcils se froncent d'inquiétude.

– Je vais trouver un moyen... J'ai trop besoin de toi ! Tu peux pas me laisser...

Des sanglots contenus étouffent sa voix tandis qu'il m’attire à lui et m’étreint avec l'énergie du désespoir. Bouleversée par sa détresse, je me blottis contre son torse, prête à profiter du moindre instant qui pourrait être le dernier. Cependant, une sensation diffuse m’envahit, familière.

– Je… Je suis aussi dans tes bras, IRL ?

Il s'écarte un peu et me fixe, surpris. Une lueur d'optimisme s'allume dans son regard et un sourire confiant anime ses traits, un de ceux qui me font complètement fondre…

– Je vais te guider, affirme-t-il alors avec conviction.

Ses lèvres frôlent les miennes, puis il m'embrasse avec passion tout en pressant ma main à l'emplacement de son cœur. Soudain, je le sens battre fort sous ma paume. Je ressens la ferveur de l'espoir dans son baiser au goût salé.

Mes yeux s'ouvrent sur son regard embué de larmes. Je caresse sa joue humide. La joie et la tendresse qu'il me renvoie dans ses opales me transcendent. Je pourrais m’y perdre pour l'éternité.

– On a gagné… murmure-t-il.

Je pose mon front contre le sien, emportée dans un tourbillon de bonheur, avant de lui faire écho.

– On a gagné !