Glossaire disponible dans le prologue
Cycle des Sphères
Année de la Huitième Sphère
Ronde du Reflux des Marées
Lyris 19 - Auréon
Suri se trouvait face à l’homme que Lior soupçonnait d’être à l’origine de son malaise. Elle n’en avait aucune certitude, mais au vu des circonstances, il semblait bien en être la cause.
— Vous allez mieux ? demanda Kaye en s’approchant.
— Je…
Elle voulut répondre, mais les mots restèrent coincés dans sa gorge. Ses yeux s’écarquillèrent en le fixant. Elle retira ses lunettes, inutiles depuis la veille, et sentit ses pupilles briller d’une lueur orangée. Les faisceaux lumineux qu’elle percevait habituellement s’effacèrent, ses maux de tête disparurent. Enfin, elle était libérée.
Elle posa son regard incandescent sur Kaye, capable pour la première fois de percevoir ce qu’il était réellement. Elle l’avait toujours pris pour un humain, en l’absence de ce voile coloré qui enveloppait les synergistes. Mais ce qu’elle voyait à cet instant n’était pas ce voile… c’était autre chose.
Suri s’approcha, tendant la main vers ce qui ressemblait à une barrière invisible parcourue de flux électriques. À son contact, les ondulations se concentrèrent sous ses doigts et réagirent à elle. Elle s’attendait à être repoussée, il n’en fut rien. La surface malléable ondula sous sa paume et s’étira entre ses doigts. Une brèche se forma, une ouverture inattendue qui surprit Kaye.
— Arrêtez, souffla-t-il, autoritaire et presque suppliant.
Elle aurait aimé obéir, retirer sa main, mais elle en était incapable. La barrière la retenait.
— Je… je ne peux pas…
Peu à peu, la protection qui enveloppait Kaye céda, dévoilant ce qu’il était vraiment. Suri recula sa main contre elle, stupéfaite. Sous ses yeux se dessinait une silhouette incertaine, traversée d’un flux d’énergie irrégulier, oscillant entre densité extrême et vide béant. Il était vivant, respirait, son sang animait ses joues rougies par le froid… et pourtant, une aura de mort l’enveloppait.
Ce qu’elle voyait la dépassait. Ce n’était pas une simple illusion. C’était réel.
Kaye saisit violemment son poignet.
— Arrêtez, ordonna-t-il.
Mais elle restait fascinée, sourde à ses mots. La prise se resserra et un instinct primal jaillit en elle. Un frisson d’alerte. La peur. Des larmes montèrent, son corps menaçait de convulser. Animée par un réflexe de survie, elle recula en titubant, brisant le contact. Le mur se referma aussitôt dans un bruit sec et étouffé.
L’air vibra. L’espace sembla se contracter. Une bourrasque invisible la repoussa. Puis le silence tomba. Son cœur battait à tout rompre. Ce n’était pas un simple frisson de froid : c’était une sirène d’alarme hurlant dans son être. Ses jambes bougèrent d’elles-mêmes. Elle fuyait. Lui… ou ce sentiment de péril absolu.
Suri ralentit en atteignant la rambarde de l’escalier menant à son appartement. Elle s’y appuya, haletante. Elle devait reprendre contenance avant de rentrer. Elle ne voulait pas inquiéter Lior.
— Suri ? appela une voix derrière elle.
Elle se retourna, le visage écarlate, le souffle court… et soupira en reconnaissant Maksim, son ami et associé, accompagné d’Azée, son conjoint.
— Ça va ? s’inquiéta Maksim.
— Oui… répondit-elle en esquissant un sourire, les larmes aux yeux.
— On dirait que tu as couru un marathon.
— C’est presque ça, plaisanta-t-elle.
La présence de Maksim l’apaisa. Son cœur ralentit, ses émotions se calmèrent.
— Vous vous promenez ?
— Petite balade en amoureux, sourit Azée.
Suri l’appréciait depuis le premier jour. Prévenant, attentionné, Azée illuminait la vie de Maksim, et ça ne pouvait que la réjouir.
Il était lui aussi synergiste, de type terre. Il lui avait un jour confié pouvoir manipuler roches et sols, élevant des structures à sa guise. Suri admirait leur couple, bien que critiqué par les esprits étroits. Mais ils s’aimaient et cela leur suffisait.
— Tu faisais des courses ? demanda Maksim en désignant les sacs.
— Oui, je profitais de l’air frais.
— On te laisse alors. À demain au cabinet !
— Toujours un plaisir, Suri.
Elle leur fit un signe de la main et s’assit sur une marche pour tenter de calmer son esprit. Elle posa ses sacs, prit sa tête entre ses mains et se massa les tempes.
Des pas approchèrent.
— Suri.
Elle releva la tête. Kaye se tenait là , mains dans les poches, le visage fermé. L’envie de fuir la reprit.
— Ne partez pas, dit-il doucement. Je voulais m’excuser pour tout à l’heure… je n’aurais pas dû réagir comme ça.
Il la scruta, cherchant à voir si elle l’écoutait. Elle resta en alerte, prête à fuir au moindre signe.
— C’est la première fois que quelqu’un arrive à vraiment me voir, avoua-t-il. J’ai paniqué.
Suri jeta un coup d’œil au mur invisible qui l’entourait toujours, ondulant pour masquer ce qu’il était. Elle lui offrit un mince sourire et lui fit signe de s’asseoir.
— Je ne vous en veux pas.
Comment aurait-elle pu ? Être mis à nu par une inconnue avait de quoi effrayer. Elle-même aurait mal réagi.
— Ce serait plutôt à moi de m’excuser.
Il sourit et contempla le ciel, un peu plus détendu.
— Puis-je vous poser une question ? demanda-t-elle.
— Je vous écoute.
— Vous n’êtes pas un synergiste ordinaire.
— Apparemment pas, répondit-il avec une lueur amusée.
— Mais vous en êtes un. Pourquoi m’avoir laissé croire le contraire ?
— Je n’ai rien laissé croire. C’est votre pouvoir qui a parlé.
Elle se tut. Il disait vrai. Elle avait interprété ses sensations et tiré ses propres conclusions.
— Alors, quel est votre pouvoir principal ?
— À votre avis ?
Il jouait avec elle, mais son ton était doux.
— Il n’y a qu’une explication…
— Laquelle ?
— Seul un pouvoir de l’esprit pourrait ériger un tel mur… et éveiller d’autres synergistes.
Il sembla surpris et la dévisagea.
— Quand on s’est serré la main, une nouvelle spécificité est apparue chez moi.
— Laquelle ?
— Je l’ignore encore. Mais je perçois plus de choses… comme ce mur.
— Et vous ne l’avez pas vu la première fois ?
— Non. Juste une vibration.
Il hocha la tĂŞte et se leva.
— Il est temps que je vous laisse. Rentrez et reposez-vous.
— Merci. Bon Noxen.
Il s’éloigna de quelques pas.
— Suri, attendez.
Elle se figea.
— Oui ?
— Êtes-vous libre Farel 21 à Auréon ?
— O… oui.
— Je viendrai vous chercher. Bon Noxen.
— Merci, à vous aussi.
Il repartit, la laissant interdite. Une vague immense venait de la submerger et elle peinait à reprendre pied. Trop de choses s’étaient produites, et son corps devait encore assimiler cette spécificité naissante.
Elle rentra. Lior était toujours plongé dans ses dossiers, n’ayant pas bougé depuis son départ. Elle le salua, alla à la cuisine préparer un plat qu’elle n’eut pas la force de manger. Trop vidée.
Elle lui souhaita bon appétit et bon Noxen avant de gagner sa chambre. Il répondit sans relever la tête. Elle n’eut même pas le courage de lui demander ce qu’il faisait. Elle avait trop besoin de solitude. Et de sommeil.

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