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Les Roses de Duléro

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tome 1, Chapitre 16 « Ella Faureval » tome 1, Chapitre 16

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Glossaire disponible dans le prologue

Cycle des Sphères

Année de la Huitième Sphère

Ronde du Reflux des Sables

Farel 3 - Noxen

Les doutes rongeaient Ella depuis Léode. Elle n’avait cessé de faire les cent pas dans sa cabane en attendant Noxen. L’impatience de découvrir Farel 3 s’était muée en inquiétude. À présent qu’elle y était, la curiosité s’effaçait devant la peur. Quelle direction était-elle en train de prendre ? Faisait-elle les bons choix ? Elle n’en savait plus rien. Impossible de mettre de l’ordre dans ses pensées, ni même de se souvenir comment tout cela avait commencé.

Lorsque Noxen tomba, elle cessa de réfléchir et s’envola pour le cimetière de Duléro avec une détermination fébrile. Mais ses pensées la rattrapèrent, et elle finit perchée sur une branche à attendre qu’il arrive. Elle aurait pu discuter avec les esprits pour tuer le temps, tenter de contenir l’angoisse qui la paralysait, mais ils l’évitaient. Elle ne pouvait pas leur en vouloir : elle avait parlé devant eux à celui qu’ils appelaient le démon.

— Transforme-toi.

La voix sombre de l’homme la surprit. Elle ne l’avait pas entendu approcher, bien que le silence régnait depuis longtemps dans le cimetière. Elle obéit, reprenant forme humaine et enfilant une robe avant de le suivre.

— Comment t’appelles-tu ?

— Eldan. Eldan Orliès.

— Comment choisis-tu les tombes, Eldan ?

Sa voix résonna autour d’eux. Il s’arrêta sans répondre et s’accroupit. À cet instant, le ciel se couvrit, des nuages se rassemblèrent et un éclair jaillit, frappant sa main qu’il posa sur la terre. Ella le regardait en silence, fascinée. Une vibration lui parcourut le corps et sembla remuer chaque fibre du sol sous ses pieds.

— Impulsions électriques et résonance mortuaire, dit-il simplement.

Elle fronça les sourcils.

— J’utilise de faibles impulsions de foudre pour capter une résonance. Les cadavres frais gardent des traces de courant bioélectrique, des résidus d’énergie. Ça me permet de repérer ceux qui sont encore exploitables.

Que pouvait-elle répondre ? Elle acquiesça. Elle savait qu’il était un puissant synergiste, mais l’usage qu’il faisait de son pouvoir la laissait désemparée.

Ils s’arrêtèrent devant une tombe qu’il venait de désigner. Eldan se mit aussitôt à creuser, maniant sa pelle avec une rapidité déconcertante. Ella s’accroupit devant la pierre tombale et lut l’inscription : Rose Druval. Année de la Deuxième Sphère — Année de la Huitième Sphère. Elle fit rapidement le calcul et blêmit, reculant d’un pas.

— Ressaisis-toi, grogna Eldan sans cesser de creuser.

— C’est… une enfant, balbutia-t-elle.

— Et alors ? Qu’est-ce que ça change qu’elle soit enfant, adulte ou vieille ? Ils sont morts.

Sa logique était froide et factuelle, là où Ella laissait ses émotions prendre le dessus. Elle ravala sa nausée, essayant d’oublier qu’il s’agissait d’une gamine de six Années. Mais quand Eldan atteignit le cercueil et souleva le couvercle, elle dut s’éloigner pour vomir de la bile.

La fillette avait de longs cheveux noirs aux mèches bleu et orange. Ses joues rondes donnaient envie de les pincer, et elle paraissait si fragile, si vulnérable allongée ainsi.

— Viens, ordonna Eldan, indifférent à son état.

Elle obéit, se postant près de lui et du cercueil.

Il tendit le bras, attendant que le ciel se noircisse de nouveau. Un éclair fendit l’air et s’abattit dans sa paume, la secouant d’une telle violence qu’Ella chancela. Eldan se pencha sur le corps, posa sa main sur la poitrine de l’enfant et transmit l’électricité. Le cadavre se convulsa et les yeux de la fillette s’ouvrirent, incapables de bouger ou de parler.

Ella dut retenir une nouvelle envie de vomir lorsque Eldan déchira son haut et sortit un scalpel.

— Qu’est-ce que tu fais ? s’écria-t-elle, terrifiée.

— Si tu n’es pas capable de supporter ça, retourne à ta misérable vie.

Ses mots et son regard rouge sang la glacèrent. Elle se racla la gorge et relâcha le bras qu’elle avait saisi. Elle ne pouvait pas partir. Pas tant qu’elle n’aurait pas su s’il pouvait lever sa malédiction. C’était pour ça qu’elle était là. Rien d’autre. Elle se répéta ces mots pour se convaincre, tandis qu’Eldan reprenait le scalpel et incisa la chair blafarde. Il déposa l’instrument, glissa la main dans la plaie et chercha l’organe convoité.

L’odeur était abominable, mais le pire restait les yeux vides de l’enfant. Elle ne souffrait pas. Savoir cela calma le tumulte dans l’esprit d’Ella. Une forme de justification malsaine s’installa. Une fissure venait de s’ouvrir en elle, un point de rupture. Elle sombrait et personne n’était là pour la retenir. Elle-même n’était plus sûre de vouloir être sauvée.

— Mange, ordonna Eldan en lui tendant un morceau d’organe.

— Qu’est-ce…

— La rate.

— Je ne peux pas…

— Si tu veux savoir, tu le dois.

La nausée au ventre, Ella prit l’organe. Elle vit Eldan avaler le sien comme s’il dégustait un mets raffiné. Il se lécha les doigts, ferma les yeux, comme emporté dans une transe. Une forme de sérénité se peignit sur son visage. Curieuse malgré elle, Ella comprit qu’elle ne pouvait plus reculer. Elle avala à son tour, grimaçant de dégoût. Le goût n’était pas aussi atroce qu’elle l’aurait cru, mais savoir ce que c’était lui souleva le cœur.

Elle attendit. Ignorant ce qu’elle devait ressentir ou faire. Et puis vinrent les images. Des souvenirs. Ceux de la petite Rose, étendue dans son cercueil, les yeux ouverts. L’esprit et le corps d’Ella disparurent, laissant place à l’enfant. Elle voyait à travers ses yeux, sentait ses émotions, devenait elle.

La première chose qu’elle perçut fut une pièce immense, sans début ni fin. Où qu’elle regarde, des bibliothèques s’étendaient à perte de vue, hautes au point de lui donner le vertige. Des lumières suspendues éclairaient en cercle le carrelage sombre et fissuré. Terrifiée, Rose avança d’un pas prudent. Sa chaussure violette résonna dans l’espace et la fit sursauter. Un murmure au loin.

— Il… Il y a quelqu’un ? demanda-t-elle d’une voix tremblante.

Aucune réponse. Les larmes coulèrent sur ses joues rondes. Le tic-tac d’une horloge claqua soudain dans le silence. Rose reprit sa marche, tentant de se faire minuscule, de ne plus faire de bruit. Une masse immense surgit dans son champ de vision et elle retint un cri. C’étaient des livres, classés par couleurs. Une organisation fascinante, parfaite. Elle sourit malgré la peur et tendit une main vers un livre rose pastel.

— Ma chérie, souffla la voix de sa mère à son oreille.

Elle sursauta, cherchant du regard celle qu’elle aimait tant. Personne. Juste elle, seule dans cet endroit terrifiant et splendide.

— Rose, mon bébé.

Un murmure sans origine. Et de nouveau, le tic-tac de l’horloge. Rose en fit tomber le livre, effrayée.

— N’écoute pas l’horloge, ma chérie.

— Maman ? pleura-t-elle. Où es-tu ?

— Tu ne dois pas l’écouter. Elle est méchante. Promets-moi.

La voix répétait, encore et encore. Rose tomba à genoux, sanglotant à s’en briser la gorge. Elle toucha du bout des pieds le livre tombé.

— Ma chérie.

Elle secoua la tête pour chasser cette voix qui n’était pas vraiment là. Où était sa maman sinon pour la prendre dans ses bras et la ramener loin de cet enfer ? Peu à peu, ses pleurs s’apaisèrent. Elle ramassa le livre, en caressa la couverture. À cet instant, la voix cessa.

— Les plus belles couvertures ne sont pas les plus gentilles, murmura une autre voix, celle de son professeur de théâtre.

Rose leva la tĂŞte, cherchant.

— L’horloge n’est pas ton ennemie. Elle peut te guider, souffla encore la voix.

Elle serra ses bras autour de ses genoux, le cœur battant.

— Où suis-je ? demanda-t-elle.

— Dans la Bibliothèque des Murmures, répondit la voix cassée de sa grand-mère.

— Ma…mie ?

— Écoute l’horloge, elle mettra fin à tout ceci.

— Va à sa rencontre et tu trouveras une porte, affirma la voix de son professeur de théâtre.

Elle acquiesça et se remit debout. Elle contourna l’imposante bibliothèque, puis s’engagea droit devant elle, dans l’espoir d’entendre de nouveau résonner l’aiguille de l’horloge.

Le temps passait et la fatigue se faisait ressentir à chacun de ses pas. Ses pieds traînaient sur le sol, abîmant les chaussures que sa maman venait tout juste de lui acheter. Son corps était courbé, ses paupières se fermaient d’elles-mêmes, jusqu’à ce qu’elle ne soit plus capable d’avancer et s’effondre sur le sol, aussi froid qu’un glaçon.

Soudain, le bruit de l’aiguille résonna tout près de son oreille. Rose ouvrit difficilement les yeux et aperçut un petit objet posé à même le sol, sous la lumière jaunâtre. Elle se redressa avec effort et rampa jusqu’à lui. Elle le prit entre ses mains glacées et l’observa avec surprise.

Elle s’était imaginé une horloge imposante, avec une très grande aiguille. Pourtant, celle qu’elle tenait dans le creux de sa main était minuscule, l’aiguille à peine visible. À cet instant, le tic-tac retentit de nouveau alors que l’aiguille effectuait une légère rotation dans le cadran en verre. Le son se répercuta si fort dans la pièce que Rose lâcha l’objet. Il se brisa en touchant le sol, comme un miroir éclaté.

Ses pleurs résonnèrent dans l’immensité de la pièce, réveillant les murmures.

— L’horloge est détruite, dit simplement une voix inconnue.

— Je veux rentrer à la maison ! cria Rose, submergée par ses larmes.

— L’horloge est détruite, la porte est scellée.

— Le temps des derniers Murmures est venu, chuchota une autre voix, comme si elle livrait un secret.

— Je… veux rentrer… répéta-t-elle, laissant ses larmes dévaler ses joues.

La peur, cette peur terrifiante, la faisait trembler de tout son petit corps frigorifié. Son visage rond, inondé de larmes impossibles à contenir, et son pantalon beige trempé par l’urine. Elle pleurait encore et encore, hurlant sa terreur aux murmures qui l’entouraient.

— Pleurer ne te sauvera pas, déclara une voix grave, empreinte d’autorité.

Rose se figea instantanément en voyant un homme s’avancer vers elle. Son regard, chargé de dégoût, la cloua sur place. Il était là, bien réel. Il se pencha jusqu’à son visage et, brusquement, l’immense bibliothèque disparut, tout comme l’horloge brisée et les murmures.

À leur place, une pièce tout aussi glaciale prit forme. Elle ressemblait à une cave. Rose en avait une chez elle, qu’elle détestait tant elle lui faisait peur.

— Continue d’avoir peur… ça rend tout ça tellement plus amusant, ricana l’homme en la saisissant par le bras pour la projeter sur un vieux matelas. J’espère que tu as aimé ma bibliothèque des Murmures. Ça fait des années que je perfectionne ce pouvoir pour la rendre majestueuse. Merci d’en avoir fait l’expérience. À présent… finissons-en.

Rose le vit s’approcher, un couteau à la main. Ses larmes redoublèrent. La peur l’envahissait, et la seule chose à laquelle elle pensait, c’était sa maman, qu’elle aimait plus que tout au monde.

La scène s’interrompit brutalement et Ella sentit le dernier souffle de Rose s’échapper. Elle avait senti le couteau pénétrer la chair de l’enfant, atteindre ses organes vitaux, le sang s’écouler de sa bouche et les larmes inonder son visage. Ella avait souffert à travers elle, ressenti chaque émotion, chaque douleur jusqu’à ce que la mort l’emporte.

Le fil de sa vie s’était brisé, la lumière de son destin éteinte, réduisant à néant tout espoir de poursuivre le chemin qui lui était destiné. Rose n’était plus. Elle avait péri dans la terreur et la souffrance. Quenara n’était désormais qu’un souvenir, un monde qu’elle ne pourrait apercevoir qu’à travers le miroir de l’Éthéra, sans jamais plus entrer en contact avec les vivants.

Mais Rose ne voulait pas partir. Elle voulait retourner dans les bras de sa mère, sentir sa chaleur l’envelopper, respirer son parfum. Elle voulait qu’elle continue de la consoler lorsqu’elle pleurait, de l’encourager lorsqu’elle doutait, de l’aimer plus que tout. Elle voulait encore manger les plats qu’elle lui préparait, écouter les histoires qu’elle racontait avant de dormir, qu’elle l’accompagne au théâtre et la félicite de ses progrès. Elle ne voulait pas que tout ça s’arrête.

Elle ne voulait pas mourir.

Elle ne voulait pas que sa famille l’oublie. Son petit frère, Névan, n’avait que deux Années. Se souviendrait-il d’elle ? Et sa grande sœur, Miva ? L’oublierait-elle, elle aussi ? Elle ne voulait oublier personne ni abandonner ceux qu’elle aimait. Elle voulait vivre. Mais elle ne pouvait défier la mort.

Ella rouvrit les yeux et observa son environnement. Elle était de retour au cimetière, devant la tombe où reposait le corps de Rose. Elle essuya les larmes qui avaient coulé malgré elle et regarda Eldan.

Il paraissait étrangement affecté, non seulement par la façon dont Rose était morte, mais aussi par sa volonté farouche de ne pas vouloir quitter ce monde. Il ne pleurait pas, mais son regard, froid et menaçant, dissuada Ella de faire le moindre mouvement.

Il tendit son bras et, comme précédemment, un éclair s’abattit dans sa main. Il la posa sur la poitrine de Rose. Son corps fut pris de convulsions avant de s’éteindre une nouvelle fois. Ella vit son esprit s’élever et commencer à errer, tel un vagabond condamné à l’Éthéra, incapable de parler, incapable de penser.

Elle voulut demander à Eldan pourquoi il avait fait ça, sachant ce qu’elle avait enduré. Mais elle s’abstint, n’osant l’interrompre alors qu’il refermait le cercueil et recouvrait la terre.

Quand il eut terminé, il se pencha et déposa devant la pierre tombale une rose noire. Puis il murmura :

— Que cette rose scelle ton repos éternel, nourri par les souvenirs que j’ai choisis de garder de toi.


Texte publié par Aihle S. Baye, 30 juillet 2025
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