Glossaire disponible dans le prologue
Cycle des Sphères
Année de la Huitième Sphère
Ronde du Reflux des Sables
Sima 22 - Méris
Ella attendait patiemment devant une boulangerie sur l’île principale de Duléro. Suri lui avait donné rendez-vous pendant sa pause de Méris. Elles ne s’étaient pas parlé depuis plusieurs semaines. Leur relation était devenue bien étrange au fil des Années. Ella regrettait la distance qui s’était installée. Par sa faute. Elle voulait reconstruire leur lien. Se faire pardonner. Se pardonner.
La visite de la fondatrice Ewura l’avait reconnectée à son identité. À la Ella qui s’était épanouie au sein des Veilleuses du Chant de Vie, celle qui avait découvert le cercle de la nature, l’énergie qui circulait en toutes choses. La connexion qu’elle entretenait avec la faune et la flore à travers son pouvoir principal. Mais sa soif de connaissance l’avait éloignée du chemin du cercle de la nature. Du but de la communauté. De son but.
Elle avait traversé de longues Années de solitude. De souffrance. De malédiction. Elle s’était éloignée de la civilisation par honte. Créant en elle une bête vorace logée au creux de son cœur. Une bête qu’elle n’avait cessé de nourrir, en étudiant la nécromancie, en cherchant des rituels pour briser ce pouvoir qu’elle prenait pour une malédiction, en suivant Eldan dans des actes nécrophages. Elle s’était égarée. Elle avait endommagé l’équilibre du cercle de la nature. Mais elle s’était éveillée. Et comptait réparer ce qui avait été brisé.
— Ella ! l’appela Suri.
Ella la serra brièvement dans ses bras, surprenant sa sœur, qui ne cacha pas son sourire.
— Merci d’être venue.
— Merci de m’avoir appelée.
Pour la première fois, Ella n’avait plus peur de sortir et de se mêler à la population. La marque sur son visage n’était pas le signe d’une malédiction. Elle n’avait plus à en avoir honte. Elle était le fruit d’un pouvoir précieux.
— Comment vas-tu ? Tu parais fatiguée.
Des cernes marquaient le regard orange de Suri.
— Je dors peu, pour aider Lior.
Ella n’avait encore jamais rencontré le garçon. Elle avait espéré qu’il serait là , ce Méris.
— Allons acheter à manger.
Ella acquiesça et la suivit dans la boulangerie. Elles choisirent un sandwich, une boisson et un dessert, puis marchèrent jusqu’au parc.
— Ella, je dois te parler de quelque chose d’important, annonça Suri en s’installant à une table en bois.
— Je t’écoute.
Suri balaya les environs du regard, s’assurant qu’on ne les épiait pas, puis prit une grande inspiration.
— Je ne sais pas vraiment par où commencer.
La gravité dans sa voix inquiéta Ella.
— Au cœur de la forêt de Duléro, il existe une abbaye dissimulée derrière une puissante barrière magique.
Ella retint son souffle, redoutant la suite.
— Des nécromanciens y résident.
Elle acquiesça. Elle avait cherché à y entrer. En vain.
— Ils y pratiquent des rituels… et des actes de torture.
Cela ne l’étonnait guère. Les pratiques nécromanciennes pouvaient être barbares.
— Lior est né là -bas. Il est le fruit du rituel des Échos de Vie. Comme tant d’autres garçons.
La peine se lisait sur le visage de Suri.
— Ils utilisent les esprits en transition vers Fénora. Ils capturent leur essence dans un calice pour créer de nouveaux êtres.
Ella avait lu quantité d’ouvrages sur la nécromancie, mais jamais elle n’avait entendu parler d’un tel rituel.
— Lior a l’apparence d’un enfant de douze Années. En réalité, il n’est né qu’il y a trois Années.
— Comment est-ce possible ? demanda Ella, incrédule.
— Leur corps et leur esprit absorbent les connaissances et mémoires transmises par le rituel. Leur croissance est donc accélérée.
Un rituel d’une puissance rare. Ella s’étonnait que les Veilleuses du Chant de Vie n’aient jamais détecté d’interférence. Forcer des naissances à travers des rituels bouleversait le cercle de la nature. Même si une barrière entourait l’abbaye, la nature restait omniprésente.
— Lior a réussi à s’échapper après avoir compris qu’il n’était qu’un cobaye, comme ses frères.
— Dans quel but ?
— L’immortalité.
Ella retint son souffle, envahie par la honte. Sa sœur avait-elle découvert ce qu’elle-même avait cherché ? Et pourquoi elle l’avait fait ?
Non. Le regard qu’elle lui adressait restait tendre et bienveillant.
— Comment s’en servent-ils ?
— Ils les tuent et entrent en communion avec leur esprit dans l’Éthéra pour obtenir des informations.
Au moins, ils ne pratiquaient pas la nécrophagie.
— Si je te raconte tout cela, c’est pour te demander ton aide.
— Pour faire quoi ?
— Pour nous aider à libérer les enfants de l’abbaye.
— Nous ?
Suri acquiesça.
— Suri, je suis en retard.
Un homme approchait. Elle se leva et ils s’embrassèrent sur les joues.
— Tu arrives à point nommé.
Suri se tourna vers Ella.
— Je te présente Kaye Duvallis. Il va nous aider.
Ella croisa son regard rouge sang et comprit aussitôt qui il était. Eldan Orliès. Le nécrophage qu’elle avait suivi dans sa quête d’immortalité.
Il lui tendit la main. Devait-elle faire semblant de ne rien savoir ? Il lui adressa un sourire en coin, un défi silencieux. Elle observa sa sœur, heureuse, déterminée… mais si naïve. Une fois encore, elle s’était laissé berner. Eldan, ou Kaye, qu’importe son nom, se jouait d’elle. Ella ne pouvait le laisser faire.
Elle décida pourtant de lui serrer la main, masquant sa méfiance. Il avait accepté d’aider à libérer les enfants. Mais quel intérêt cachait-il derrière cet acte ? Éliminer la concurrence ? Garder pour lui seul le secret de l’immortalité ?
Ella devrait le surveiller. Pour le bien de Suri, des enfants et de l’Éthéra.
— Ella Faureval, la sœur de Suri.
— Enchanté.
Son sourire charmeur ne dupa pas Ella. Elle connaissait la vérité.
— Acceptes-tu de nous aider ? insista Suri.
— Oui.
Suri l’enlaça. Ella la serra à son tour, savourant cet instant de complicité retrouvé.
— Quel est le plan ? demanda-t-elle en s’écartant. Comment passer au travers de la barrière ?
— Lior a cherché une solution pendant des jours. Une fois à l’intérieur, nous ferons sortir les enfants.
— Une telle barrière est alimentée par un noyau propre. Impossible de la briser.
— Lior le sait. Alors, il a trouvé une autre solution.
Suri regarda Kaye, qui acquiesça.
— Par le rituel du Lien Vital.
— Tu veux pratiquer la nécromancie ?
— Nous n’avons pas le choix.
Elle effleura la marque sur son visage. Était-ce vraiment la seule solution ? La nature ne pouvait-elle pas les aider ? Elle savait que non. Sinon, les Veilleuses auraient perçu ces naissances forcées. La faune et la flore étaient sans doute muselées, de l’intérieur et de l’extérieur.
— En quoi cela consiste-t-il ?
— Lior devra tracer un cercle avec son sang et placer une bougie noire à chaque point cardinal. Nous nous agenouillerons, et lui se tiendra au centre.
Ella imagina la scène, consciente des conséquences si le rituel échouait.
— Il incantera et nous transmettra une part de son énergie vitale, pour que la barrière nous reconnaisse comme enfants de l’abbaye.
— Un tel rituel ne peut être accompli qu’à Léode ou à Auréon.
C’était à ces moments que les barrières entre les mondes étaient les plus fragiles.
— Nous le ferons à Auréon, le Olen 24, précisa Kaye.
Ella le fixa, puis posa sa main sur le bras de sa sœur.
— Puis-je te parler en privé ?
Sans attendre de réponse, elle l’entraîna à l’écart.
— Comment connais-tu ce… Kaye ?
— On s’est rencontrés dans un bar, un soir.
— Tu ne vas jamais au bar.
Sa voix était dure, trahissant la colère qu’elle ressentait envers cet imposteur.
— Kaye est un homme bien. Il m’a écoutée et a proposé de m’aider. S’il te plaît, cesse de voir le mal partout.
— Et toi, arrête d’être si idéaliste.
Les mots lui avaient échappé.
— Son petit frère vénérait la nécromancie. En apprenant qu’un groupe de nécromanciens vivait au cœur de l’abbaye, il est venu à Duléro. Depuis, il n’a plus de nouvelles.
Cette histoire tenait à peine debout. Mais Suri, trop touchée, n’y voyait rien.
— Comment aurait-il su que des nécromanciens vivaient dans une abbaye impénétrable ?
Cette question aurait dû la faire douter. Mais rien. Elle voyait la bonté en chacun. Pour elle, la noirceur n’était jamais qu’un accident compréhensible.
Ella la serra dans ses bras, espérant que la vérité, une fois révélée, ne la briserait pas trop. Une fois dans l’abbaye, Kaye ne pourrait plus dissimuler sa véritable nature. Ses émotions parleraient d’elles-mêmes, quelles qu’elles soient.

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