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LES CERCLES NOIRS

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tome 1, Chapitre 5 tome 1, Chapitre 5

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PAYS D’ORKAL

LE PALAIS

L’escalier en colimaçon n’en finissait pas. La configuration des marches était telle que Krugan ne savait plus s’il descendait ou montait. Cette partie du Palais ne lui était pas familière. Ses lourdes pierres noires et craquelées, ses poutres vérolées et sa vétusté n’incitaient pas vraiment à s’y rendre. Encore moins son odeur de moisissure. Si ses souvenirs étaient bons, il n’était venu que deux fois dans ce donjon délabré. Une fois lors de son investiture en tant que Conseiller Suprême, une fois lors… Peut-être n’était-il venu qu’une fois, après tout.

Il se rappela que les archives étaient au sous-sol, à l’abri de la lumière. C’était donc ça : il descendait.

Enfin, il poussa une porte qui, comme il s’y attendait, grinça. Il congédia ses gardes d’un geste de la main et pénétra seul dans l’enceinte.

La pièce en forme de dôme était aussi haute que large, baignée dans une demi-pénombre. Des rais de poussière lumineux éclairaient faiblement les murs circulaires couverts de livres, manuscrits et parchemins.

Tout un système d’échelles, de poulies, de chaînes et de rampes permettait d’accéder rapidement à n’importe quel ouvrage. À condition toutefois de connaître parfaitement le fonctionnement de ce système et la place des ouvrages. Rôle dévolu à l’Archiviste.

Aussi loin qu’il se souvienne, l’Archiviste ressemblait à ce vieil homme à barbe blanchâtre courbé sur une table jonchée de livres, un gigantesque lorgnon sur l’œil droit et des gants d’un blanc douteux. À croire qu’il ne vieillissait pas. Ou plutôt qu’il ne vieillissait plus. Étant donné l’ingratitude de la fonction, personne n’avait dû s’empresser de postuler pour un éventuel remplacement. Il fallait déjà avoir la passion des écrits. Et aimer les endroits sombres. Et moisis. Comme les rats.

Krugan avait un rapport difficile aux livres. Ils symbolisaient l’Académie. D’un tempérament bouillonnant, il n’avait depuis toujours rêvé que d’action. Son passage à l’Académie n’avait pas été une partie de plaisir. De son point de vue, on l’avait forcé à se gaver d’ouvrages parfaitement inutiles. Il avait dû ronger son frein et attendre d’avoir fini sa formation pour se débarrasser de cette corvée.

– Dites-moi Sirkham, depuis combien de temps êtes-vous au service du Palais ?

Interrompant subitement sa lecture, le vieil homme quitta son lorgnon, chaussa d’étranges lunettes au contour lumineux et demanda d’une voix chevrotante :

– Qui est là ? Avancez dans la lumière que je vous vois.

– Je suis Krugan Malistère…

– Fils de Mégir Malistère. Quelle surprise, et quel honneur M. le Conseiller Suprême. Veuillez m’excuser pour le désordre, je n’attendais pas votre visite… Pour répondre à votre question, je suis ici depuis trop longtemps.

– Vous étiez déjà là du temps de mon père, non ?

– Et de votre grand-père, et du Conseiller avant lui, oui, et de celui avant et…

– J’ai compris, coupa Krugan en hochant la tête, vous êtes là depuis trop longtemps. Quel est le secret de votre longévité ? Les champignons moisis ? AH ! AH ! AH !

Une lueur malicieuse scintilla au fond des yeux saphir du vieil homme.

– Vous n’êtes pas venu ici pour me questionner à propos de la fontaine de jouvence, n’est-ce pas ?

– Elle existe, demanda Krugan, l’œil brillant ?

Le Conseiller Suprême se rembrunit aussitôt qu’il aperçut le sourire amusé de l’Archiviste et lui lança un regard glacial.

– Je suis venu pour que vous me parliez du Gorkhat. Je sais que vous êtes au courant de la rumeur.

Lentement, Sirkham ferma le livre qu’il consultait, quitta sa table de travail et saisit une canne en acier noir surplombée d’un pommeau d’onyx en forme de rose, symbole de la Ligue des Archivistes.

– J’ai une requête à formuler, lança-t-il alors qu’il se dirigeait vers un drôle de siège posé sur des rails.

Le Conseiller Suprême se campa sur ses jambes, l’air renfrogné.

– Vous voulez négocier vos informations ?

– Non. Je profite de votre présence pour solliciter de l’aide.

– Vous voulez que je vous aide à monter dans ce… ?

– C’est très aimable à vous, mais je parlais plutôt d’une aide permanente. À mon âge, ma vue n’est plus ce qu’elle était et puis…

– Vous voulez un assistant ?

– Oui. Que je puisse former. Pour prendre ma succession.

– Allons, allons, vous n’êtes pas…

– Si. Je suis.

Krugan savait qu’il avait raison. Il se demandait d’ailleurs par quel prodige le vieillard parvenait encore à assurer ses fonctions. La vérité est que cette requête l’ennuyait. Trouver un remplaçant allait être une gageure.

– Je vais voir ce que je peux faire, soupira-t-il. Je peux peut-être vous trouver un assistant. Mais quelqu’un qui veuille vous remplacer, ça c’est…

L’Archiviste s’installa confortablement dans le siège mobile, s’attacha à l’aide de sangles et actionna quelques manettes. Les lettres de l’alphabet défilèrent sur un petit cadran de verre fixé sur le devant du siège.

– Votre sœur.

– Quoi ? Grogna Krugan.

La lettre P se figea sur le cadran.

– Je crois qu’elle est disposée à…

– Disposée ? C’est une Malistère ! Elle ne va pas s’enterrer dans…

Sirkham encastra le pommeau de sa canne dans une fente du cadran.

– Dans ? …

– Écoutez, je connais ma sœur, esquiva le Conseiller, elle ne supportera pas de rester enfermée ici. Elle aime les livres, certes. Je dirais même : c’est une passionnée, une dévote de la lecture. Mais vous la verriez galoper sur la lande à bride rabattue, les cheveux dans le vent et le visage radieux ! Myrisse est éprise de grand air, de sensations fortes. Vivre sous terre la tuerait à petit feu. Et puis, nous autres cytarks ne sommes pas formés pour… Qu’est-ce vous marmonnez ?

– Vous dites ? Excusez-moi, j’ai coincé ma barbe dans le levier de…Ah ! Me voilà dégagé. Dans… ?

– Rien, laissez tomber ! À la place de Myrisse, je peux vous proposer Envors.

L’Archiviste quitta subitement son air débonnaire.

– Vous prenez ma bibliothèque pour une chapelle, une volière ! Persifla-t-il. Je n’ai pas besoin d’un illuminé, d’un perroquet ignare ! Peuh ! Sait-il lire au moins ?

– Je vous rappelle qu’il s’agit du Grand Prélat, premier représentant de l’Ordre céleste.

– Je serais tenté de vous dire : raison de plus, mais je friserais l’anathème, n’est-ce pas ? Hi ! Hi ! Hi ! … Je préfère rester seul.

D’un geste sec, il imprima un mouvement circulaire à sa canne. Aussitôt, le siège se mit en branle et glissa sur les rails.

L’Archiviste s’éleva rapidement dans les airs et longea les étagères qui habillaient les parois courbées du dôme. Krugan suivit des yeux, atterré, le vieil homme voler de livres en livres. Il lui donnait l’impression d’être un vieux sorcier un peu fou qui virevoltait sur son balai, la barbe au vent. Un vieux fou insolent qu’il aurait bien saisi par le col afin de lui apprendre le respect.

Enfin, après maintes circonvolutions, le siège pila en face d’une rangée d’ouvrages reliés de cuir noir. Avec une infinie précaution, l’Archiviste sortit un manuscrit à la couverture élimée, le déposa délicatement sur ses genoux et actionna de nouveau le siège.

En bas, le Conseiller Suprême attendait, les bras croisés. Il trouvait finalement la requête de Sirkham très à propos. Il était urgent de lui trouver un successeur. Et de changer de fond en comble ce système archaïque, qui lui faisait perdre un temps précieux.

– Alors ? Demanda-t-il avec une pointe d’impatience dans le ton lorsque le vieil homme fut enfin descendu de son siège.

Sans un mot, l’Archiviste partit s’installer à sa table de travail. Là, il déposa soigneusement le manuscrit, ajusta un énorme lorgnon sur son œil droit, releva ses manches, humecta plusieurs fois son index, tourna quelques pages, saisit une petite pince en argent sur le coin de la table, extrait de l’épais volume un bout de papier auréolé de noir, marmonna dans sa barbe, but un petit verre d’eau, se racla la gorge et laissa le silence planer dans le dôme.

Agacé par toutes ces simagrées, Krugan souffla. Habitué à mener ses affaires rondement, il ne supportait pas qu’on le fasse ainsi languir. Les autres devaient suivre son rythme et surtout répondre rapidement à ses questions. Il n’avait qu’une envie : serrer le cou du vieillard afin de lui faire cracher ce qu’il savait. Mais l’âge de l’Archiviste et l’objet de sa présence ici l’obligeaient à ronger son frein.

Sirkham leva soudain les yeux du manuscrit, comme s’il venait de se rappeler la présence du Conseiller Suprême.

– Très bien, très bien… Je vais vous lire ce que j’ai trouvé sur le sujet qui vous préoccupe tant. Voilà… Humpf. C’est une traduction. Le texte est écrit en langue ancienne. Voilà :

« Vous qui lorgnez sur les brisures d’un passé moribond, ne craignez pas la foudre, ne craignez pas la faim, ne craignez pas la guerre, ne craignez pas la maladie, ne craignez pas la mort… Craignez seulement la venue d’un homme porté par les ailes de la vérité. Il vient, il viendra, il est venu. Héraut du peuple, il marche sur les cendres de votre règne. Votre temps est déjà posthume. Nul pouvoir ne peut le contenir, il est comme le souffle du vent, imprévisible et d’une force sans égal. Il tient dans une main le secret de son pouvoir et dans l’autre le bâton de la justice. Tremblez si votre esprit est corrompu, priez si vous avez commis quelques infamies, désespérez si vous avez trompé, menti, piétiné vos règles de conduite. L’opprobre est pour vous. Il vous dénoncera, vous appellera imposteur. Il est le Gorkhat, celui qui vient sauver le peuple des griffes de la tyrannie. Le… »

– Le ? Demanda Krugan, les sourcils froncés.

– Le reste n’est plus lisible.

Le Conseiller Suprême haussa les épaules.

– Ce n’est qu’une légende inepte de plus.

– Une prophétie, rectifia l’Archiviste.

– Si vous voulez, une prophétie. Inepte. Comme toutes les fables contenues dans ces vieux torchons.

L’Archiviste sortit un chiffon d’un blanc immaculé et essuya consciencieusement son lorgnon géant.

– Ces vieux torchons, comme vous dites, sont notre mémoire, M. le Conseiller Suprême. Ils nous apprennent…

– De grâce, épargnez-moi votre couplet sur l’importance capitale des écrits ! L’Académie nous a assez bassinés avec ça. Mais elle nous a aussi mis en garde contre les fariboles contenues dans ces vieux grimoires. Toutes ces superstitions, ces croyances hallucinées, ces textes mensongers. « Regarde, observe et déduit ». Voilà comment on distingue le vrai du faux. Je n’ai jamais vu de prophétie se réaliser ! Ni moi ni mes ancêtres. Personne.

L’Archiviste soupira.

– Comme je vous l’ai dit : ce texte est de langue ancienne. Je dois encore peaufiner mes recherches, mais je suis certain qu’il a été écrit par un souverain. Peut-être un grand tyran.

– Qu’il ait été écrit par un bouffon ou un empereur, ça change quoi ?

– Eh bien, rares sont les souverains élaborant des prophéties les mettant eux-mêmes en garde…

– Qu’est-ce que vous voulez dire ? Parlez !

– Ce texte pourrait être un témoignage valant prophétie pour tous les souverains suivants. Vous comprenez ?

Krugan hocha la tĂŞte.

– Vous êtes en train de me dire qu’il y aurait de la vérité dans ces balivernes ?

– Vérité ? Je ne sais pas. Réalité, sans conteste, s’il s’agit bien d’un témoignage. La réalité est toujours liée à une époque, à un moment donné sur le fil du temps. Toute recherche sur les faits passés est une recherche de la réalité de l’époque à laquelle ces faits se sont produits. Pour comprendre un texte ancien, il est nécessaire de comprendre son histoire, le contexte dans lequel il a été écrit. On peut ainsi démêler la réalité du mythe. Vous me suivez ?

– Mouais, acquiesça le Conseiller Suprême en se massant les tempes, mais quand bien même de tels faits se soient produits à l’époque, ça ne s’est pas reproduit depuis. C’est donc un avertissement pour rien, une prophétie de pacotille de plus.

– En êtes-vous sûr ?

– Écoutez, j’ai avalé tous ces foutus manuels de l’Académie, je n’ai jamais rien lu de tel !

L’Archiviste souleva sa pince en or, qui tenait le bout de parchemin brûlé.

– Vous aviez donc connaissance de ceci ?

Krugan se mordit les lèvres, le regard méfiant.

– Qu’est-ce que vous insinuez, vieil homme ?

– L’Académie distille énormément de savoir, du savoir très précieux. Mais…

– Mais ?

– Elle opère une sélection. La connaissance dont elle dispose est loin d’être exhaustive. Et puis, elle peut très bien passer sous silence certains documents, amoindrir leur importance, couper là où…

– Insinueriez-vous que la très sainte Académie pratique la censure ?

– Allons M. Le Conseiller Suprême, je n’insinue rien de tel. Je dis simplement qu’elle fait des choix. Peut-être a-t-elle jugé comme vous que ce bout de manuscrit n’était pas utile, faisait partie des fariboles superstitieuses, sans intérêt d’un point de vue de la connaissance.

– Ce qui n’est pas votre point de vue…

L’Archiviste laissa passer le silence quelques instants.

– Je me suis souvent demandé si les récits étaient mensongers ou si c’était nous qui en détournions le sens… Enfin, hmpf, il va me falloir du temps pour autopsier ce bout de manuscrit. Vous devriez pour l’instant vous préoccuper des conséquences de la rumeur. Une prophétie est un ferment très puissant pour toute sorte de croyance. J’ai un ouvrage très instructif à ce sujet qui…

– Épargnez-moi vos lectures et dites-moi à quoi je dois me préparer.

– Eh bien, chevrota le vieil homme, que ce Gorkhat existe ou non, que ce texte soit mensonger ou pas, tout ceci n’empêchera pas la montée en puissance de la croyance liée à la prophétie. C’est quelque chose sur lequel vous n’aurez pas de contrôle. Ça échappe à toute forme de coercition. Ça vient du fond des âges.

– Vous êtes en train de me dire que, quoi que je fasse, je serai…

– Confronté à une mise en accusation, oui. Le peuple viendra vous voir, vous demandera des comptes.

– C’est absurde ! Le peuple, explosa Krugan, il ne me fait pas peur ! Ne leur ai-je pas apporté la victoire, la fierté, l’annexion des territoires, la possibilité de commercer sur toutes les terres du globe, la stabilité, les richesses ?

– Ce n’est pas moi qu’il vous faudra convaincre, M. le Conseiller Suprême. Les temps de crise effacent le passé, aussi glorieux soit-il. C’est votre probité qui sera jugée, du moins si on en croit le texte.

Krugan grogna et partit contempler un vieux manuscrit aux pages jaunies enfermé dans un carcan de verre.

Il se sentait piégé, impuissant à maîtriser le cours des événements. Lui qui s’était toujours targué de contrôler son existence, celle des autres, le sentiment de frustration était insupportable. Devrait-il raser la moitié du pays, emprisonner, exécuter sans sommation afin de reprendre les choses en main, d’éloigner toute possibilité d’une mise en accusation ? Comment le peuple pouvait-il oser… Son père l’avait prévenu. « Sois sur tes gardes. Un cytark avisé se méfie des Dorykans. Qu’ils vous aiment ou qu’ils vous craignent, il faut s’en méfier. »

Il haïssait ce peuple ingrat, il haïssait ses parents qui l’avaient forcé à devenir souverain, il haïssait le Conseil et ses petites guerres intestines, il haïssait l’Institution et son savoir inutile.

– Vous qui êtes érudit, qui semblait connaître le processus de la prophétie, juriez-vous qu’il est irréversible ? Il se peut que le Gorkhat ne parvienne jamais à franchir les grilles du Palais… Pour la simple et bonne raison qu’il n’existe pas, en tant qu’individu fait de chair.

– Comme je vous l’ai dit, qu’il existe ou non importe peu.

– Et s’il existait et qu’il ne vienne pas ? …

L’Archiviste se lissa la barbe, l’œil pétillant.

– S’il existe, il viendra. Sauf, s’il est empêché… Mais cela aurait sans doute pour effet d’accélérer le processus.

Krugan se retourna vivement.

– Qu’est-ce vous voulez dire ?

– Cela pourrait amplifier la croyance au bien-fondé de sa venue. Le peuple vous suspectera d’avoir été à l’origine de cet empêchement et vous condamnera pour ça.

– Je n’ai pas peur du peuple ! Ni du Gorkhat ! C’était une hypothèse. Un souverain avisé se doit d’anticiper les événements.

– Si vous le dites…

Krugan serra les poings. Vencelas devait certainement être parvenu à ces conclusions, avait entrevu cette possibilité. Cherchait-il à le confondre ? Il gagnerait sur tous les tableaux. Le Gorkhat supprimé, et lui portant le chapeau, destitué, contraint à l’exil ou… Face à la grogne du peuple, le Conseil n’hésiterait pas. Vencelas pourrait avancer ses pions à ce moment-là et prétendre au siège, prendre la tête de la Maison du Lynx. Il ressentit de nouveau un vide, une béance profonde dans son esprit, béance d’où surgirent quelques pensées morbides. L’Académie prodiguait foi et confiance en soi. Chaque Cytark était trempé dans un bain d’assurance, assurance d’avoir un destin hors du commun, assurance d’être au-dessus de la mêlée, d’être fait pour diriger. Aucun pouvoir n’était utile sans ce sentiment de toute puissance. Il arrivait à Krugan de douter de sa destinée, de n’être pas à sa place. Dans ces moments-là, c’était comme si le sol s’ouvrait sous ses pieds et qu’il chutait dans un néant abyssal.

Il s’épongea le front et scruta les sillons noirs gravés dans les paumes de ses mains.

– Vous ne faites pas de politique, Sirkham ?

– J’ai bien assez de mes vieux grimoires.

– Vous êtes un homme sage. C’est peut-être là le secret de votre longévité.

– Qui sait ? … Vous avez une question à me poser ?

– Vous qui êtes érudit, si vous deviez faire en sorte que le Gorkhat ne puisse vous nuire, que feriez-vous ?

– Je prierais.

Krugan soupira.

– Et sérieusement ?

– Je prierais pour qu’on me donne une solution.

– N’abusez pas de ma patience vieil homme…

– Si vous deviez me trouver un remplaçant, qui choisiriez-vous ?

– On peut dire que vous avez de la suite dans les idées, cracha le Conseiller Suprême. Écoutez, je parlerai à Myrisse. Mais je ne vous promets rien ! De toute façon, elle n’en fait qu’à sa tête.

L’Archiviste réfléchit quelques instants, le regard rivé sur son interlocuteur.

– Je ne sais pas ce qu’en penserait l’Académie, mais j’ai déjà lu certains récits qui, hmpf, enfin bref, je pense que seule une contre-prophétie pourrait entraver le…

– Comment ça, une contre-prophétie ? Qu’est-ce que vous me chantez là ?

– Oh, rien de bien compliqué. Il suffit de révéler le texte que je viens de vous lire, le déclarer apocryphe et rédiger un autre texte prophétique allant dans le sens que vous souhaitez.

– Rien que ça ! Et qui se chargera d’écrire cette nouvelle prophétie ? Ce ne peut pas être moi. Alors ?

L’Archiviste saisit sa canne en onyx, fit le tour de la table et désigna d’un mouvement circulaire les étagères garnies de l’imposante bibliothèque.

– Ces vieux torchons.


Texte publié par Carmin, 4 novembre 2025
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