Plus Winter sâenfonçait dans la forĂȘt, plus la brume devenait dense et obscurcissait le paysage. Pourtant, il faisait encore jour et elle ne sâĂ©tait pas aventurĂ©e si loin comparĂ©ment Ă son escapade en dĂ©but dâautomne chez les centaures.
« - Câest pas vraiâŠJe ne vais pas encore me perdre tout de mĂȘme ? », maugrĂ©a la musicienne, maudissant son sens de lâorientation dĂ©plorable.
Au bout dâun certain temps, elle arriva dans un endroit en partie dĂ©boisĂ©. Winter crut se souvenir ĂȘtre passĂ©e par ce recoin quand elle Ă©tait revenue du village des centaures sur le dos de Firenze.
Un frisson thermique la traversa. La jeune femme sâemmitoufla davantage dans sa robe de sorciĂšre et se mit Ă arpenter le terrain, enjambant les souches dâarbres abattus et sentant les brindilles et les feuilles mortes craquer sous ses pas. Chacune de ses expirations sâaccompagnait dâune condensation de son souffle. Le froid dans cette partie de la forĂȘt Ă©tait particuliĂšrement mordant. Aucun oiseau ne chantait. Un silence de mort sâabattait sur ce dĂ©cor sylvestre en dĂ©clin.
AprĂšs quelques minutes dâexploration, Winter remarqua des traces Ă©tranges autour dâelle. Des tapis de mousses et des parterres de champignons avaient Ă©tĂ© piĂ©tinĂ©s. Ă certains endroits, la terre riche en racines, rhizomes et mycĂ©liums avait Ă©tĂ© fraĂźchement retournĂ©e. Le peu dâarbres qui nâavaient pas encore Ă©tĂ© abattus portaient sur leurs troncs des lacĂ©rations violentes, scarifications dont la simple vue sâapparentait Ă un avertissement.
La musicienne eut un mauvais pressentiment. Mais sa curiositĂ© Ă©tait plus forte. Elle avança davantage, baguette dĂ©gainĂ©e, prĂȘte Ă rĂ©pondre au moindre danger. Un peu plus loin, Winter tomba sur des morceaux de bois calcinĂ©s Ă ses pieds. Parfois des branches entiĂšres. De ces lieux se dĂ©gageait une ambiance sinistre etâŠmortifĂšre.
Winter releva la tĂȘte, dĂ©gageant son Ă©lĂ©gante chevelure brune qui bouclait avec lâhumiditĂ© provoquĂ©e par le brouillard. Elle vit des formes immenses sâesquisser petit Ă petit devant elle, des formes mĂ©talliques quâelle avait dĂ©jĂ vues auparavant : des cages.
Cette fois-ci, la sorciĂšre en Ă©tait certaine : elle Ă©tait dĂ©jĂ venue ici auparavant. Elle connaissait bel et bien cet endroit. Elle reconnut la structure en acier inoxydable imposante sâĂ©levant Ă plusieurs mĂštres de haut. Chaque barreau Ă©tait dâune telle Ă©paisseur quâaucun sort et aucune potion explosive ne pouvait les briser. Il y avait quatre enclos au total, bien sĂ©parĂ©s les uns des autres par plusieurs dizaines de mĂštres.
Le pressentiment de Winter se transforma en peur quand, arrivĂ©e Ă quelques pas de lâune des cages, elle aperçut une forme sombre immense Ă lâintĂ©rieur dont les contours se soulevaient en un mouvement rĂ©gulierâŠcelui dâune respiration. Son instinct lui cria de sâenfuir, mais lorsquâelle tenta de rebrousser chemin, ses jambes refusĂšrent de se mouvoir. La jeune femme tenta de retenir son inspiration. Ses sens, plus en alerte que jamais, Ă©taient dĂ©cuplĂ©s sous lâeffet de lâadrĂ©naline. Elle ressentait le moindre picotement, le moindre tremblement jusquâau bout de ses doigts.
Quand elle retrouva sa motricitĂ©, Winter recula prudemment, sans faire le moindre bruit. Mais un mouvement brusque la fit sursauter. Un Ćil jaune perçant avec des reflets irisĂ©s sâouvrit Ă lâintĂ©rieur de la cage. Il la fixa sans ciller pendant plusieurs secondes puis une voix glaçante, mĂ©langĂ©e Ă un grondement guttural, lui transperça les tympans.
« - QUIâŠESâŠTU ? »
La musicienne se boucha les oreilles de ses deux mains et rĂ©pondit dâune voix quâelle peinait Ă maĂźtriser.
« - Je mâappelle WinterâŠWinter Grail. »
Un rugissement tellurique semblant parvenir des entrailles de la terre lui répondit en écho.
« - WINTERâŠGRAIL⊠»
Un long bruit de frottement et de glissement contre lâarmature en acier de la cage lui parvint. Elle perçut Ă travers la brume un corps reptilien ornĂ© dâĂ©pines et de pointes acĂ©rĂ©es sâĂ©tirer et sâarticuler lentement. Deux Ă©normes pattes griffues reliĂ©es Ă des ailes Ă la membrane jaunĂątre sâagrippĂšrent aux barreaux. Une tĂȘte large aux Ă©cailles noires, cornue et enchevĂȘtrĂ©e de pics, apparut entre deux piliers dâacier, ses yeux couleur topaze se plongeant dans ceux de la sorciĂšre.
« - AINSI VIENS-TU, IMPUDENTE HUMAINE, ME NARGUER⊠»
Les griffes de la crĂ©ature se cramponnĂšrent davantage Ă la ferraille de sa prison. Winter rĂ©alisa quâelle en avait dĂ©jĂ vu un croquis dans un livre de la bibliothĂšque traitant de dragonologie. Il sâagissait Ă ne point sây mĂ©prendre dâun Magyar Ă pointes, une espĂšce de dragon originaire de Hongrie. Elle Ă©tait rĂ©putĂ©e pour son agressivitĂ©, sa violence, sa force physique et la puissance de son souffle de feu.
Winter frissonna. Elle avait toujours rĂȘvĂ© de rencontrer un jour un dragon, mais aurait espĂ©rĂ© que cela se fasse dans dâautres circonstances. Comment un dragon hongrois sâĂ©tait-il retrouvĂ© en Ăcosse ? Pourquoi Ă©tait-il maintenu captif dans une cage ?
« - JeâŠje ne suis pas venue en ennemie. », dĂ©clara Winter avec prudence.
La créature poussa un grondement de colÚre, faisant presque trembler le sol.
« - MENSONGEâŠJE CONNAIS LES CĆURS DE TES PAIRS. ILS NE SONT QUE VICE, FOURBERIE ET AVARICE. LEUR FAIBLESSE ET LEUR CHĂTIVITE NâA DâĂGALE QUE LEUR PERFIDIE. ILS DOIVENT TOUS MOURIR. OUIâŠMOURIRâŠLEURS VIES INSIGNIFIANTES SOUILLENT LA TERRE DU FAIT DE LEUR SIMPLE EXISTANCE. »
Winter sentit son cĆur se serrer et protesta doucement :
« - Jâignore qui te retient prisonnier et pourquoi, mais sache que nous ne sommes pas tous mauvais. Je ne me permettrai jamais de manquer de respect Ă un ĂȘtre aussi majestueux que toi. Laisse-moi tâaider. Je peux aller chercher du renfort au chĂąteau afin de te libĂ©rer. »
Le dragon laissa Ă©chapper plusieurs grognements pouvant sâapparenter Ă un rire sinistre empli de rancĆur et de rage.
« - FEINS-TU DONC LâIGNORANCE HUMAINE ? OU BIEN ES-TU DâUNE NAĂVETĂ COMPARABLE Ă CELLE DâUN AGNEAU QUI TĂTE ENCORE SA MĂRE ? CEUX QUE TU ĂRIGES EN BIENFAITEURS SONT LES PERPĂTRATEURS MĂME DE MON SUPPLICE. CE SONT LEURS CHIENS DE LAQUAIS QUI MâONT ARRACHĂ Ă LA TERRE QUI MâA VU NAĂTRE. »
Winter resta sans voix. Dumbledore ainsi que les professeurs de Poudlard seraient au courant de la prĂ©sence de dragons Ă cĂŽtĂ© de lâĂ©cole ? Pire que ça, ils les auraient importĂ©s sur le sol anglo-saxon ?
La musicienne se surprit Ă entrer en empathie avec le majestueux reptile. Pour la premiĂšre fois, elle se sentit investie dâune mission liĂ©e Ă son don. Celui de pouvoir aider des crĂ©atures qui comme ce Magyar Ă pointes et probablement les trois dragons qui reposaient dans les autres cages, souffraient de lâirrespect et de lâincomprĂ©hension des hommes envers leur Ă©cosystĂšme.
« - Jâentends ta souffrance⊠», murmura-t-elle, « nây a-t-il vraiment rien que je puisse faire pour tâaider ? »
Les prunelles du dragon scrutĂšrent lâenvironnement brumeux avec intĂ©rĂȘt. Dâune voix Ă©tonnamment plus calme, il rĂ©pondit :
« - LA GEĂLE QUI MâENTRAVE EST CONTRĂLĂE PAR UNE FORCE DONT LâINTERPRĂTATION MâĂCHAPPE. »
Il indiqua brusquement de la tĂȘte un cĂŽtĂ© de la cage. Winter sâapprocha avec vigilance de la zone. Le Magyar Ă pointes la suivit du regard avec intĂ©rĂȘt, sa gueule entrouverte exposant des dents aiguisĂ©es comme des sabres. Elle dĂ©couvrit, accolĂ© Ă lâun des barreaux, un mĂ©canisme magique reposant sur un sceau. La compositrice nâavait pas beaucoup de connaissance en dĂ©samorçage de verrous magiques. Cette compĂ©tence Ă©tait habituellement comprise en annexe dans le programme dâĂtude des anciennes runes et enseignĂ©e par Bathsheda Babbling. Winter nâavait jamais Ă©tĂ© trĂšs attentive durant ces cours depuis le dĂ©but de lâannĂ©e, trouvant la matiĂšre particuliĂšrement ennuyante.
Elle leva sa baguette en direction du sceau et murmura plusieurs incantations dont elle se rappelait vaguement. Rien ne se produisit. AprĂšs des essais de formules infructueuses pendant plusieurs minutes, lâidĂ©e que le mĂ©canisme dâouverture de la cage puisse ĂȘtre simplement scellĂ© par un mot de passe la traversa.
« - Comprendre Ă quoi peut bien servir cette cage, cela revient Ă comprendre la raison de la prĂ©sence de dragons ici⊠», mĂ©dita-t-elle en se parlant Ă elle-mĂȘme. « Quâest-ce qui peut bien diffĂ©rer des autres annĂ©es que je nâai pas connues Ă Poudlard. Quâest-ce qui est inhabituel et pourrait impliquer des crĂ©atures magiques aussi puissantes⊠? »
Un Ă©clair de comprĂ©hension la traversa. Dâun geste assurĂ©, elle abaissa sa baguette sur le sceau :
« - Tournoi des Trois Sorciers ! », clama-t-elle.
Le dispositif sâimprĂ©gna de magie et un grincement retentit au niveau du plafond de la cage. Ce dernier se dessouda des barreaux et coulissa lentement jusquâĂ tomber sur le sol avec fracas. Le dragon poussa un hurlement triomphal et Ă©tendit ses ailes jaunes, enfin libre. Dâun bond, il se retrouva en dehors de la cage, face Ă Winter quâil surplomba de sa hauteur. Il se dĂ©ploya lentement, sa queue truffĂ©e dâĂ©pines faisant claquer lâair tel un fouet.
« - Tu esâŠlibre. », dĂ©clara la sorciĂšre, suspendue Ă lâinstant.
Elle rangea sa baguette dans sa robe et observa la crĂ©ature, dĂ©sireuse de la voir prendre son essor et sâenvoler vers dâautres firmaments. Mais le dragon ne bougea point. Il encercla la jeune femme de sa forme imposante et mugit dâune voix menaçante :
« - PENSES-TU, HUMAINE, QUE MA LIBĂRATION CONSTITUE UNE JUSTE COMPENSATION PAR RAPPORT AU PRĂJUDICE QUE JâAI ENDURĂ ? »
Winter fut interloquée.
« - NâŠnon, non bien sĂ»r mais⊠»
Le Magyar à pointe saliva, se léchant les crocs.
« - JâAI FAIMâŠTERRIBLEMENT FAIM⊠»
La musicienne recula, prise de panique, et soudain, le dragon sâĂ©lança vers elle, dâune agilitĂ© surnaturelle. Elle esquiva de peu un coup de griffe mortel dans son abdomen en effectuant une roulade maladroite sur le cĂŽtĂ©. Sa main rechercha sa baguette dans les plis de son vĂȘtement, mais le temps quâelle la trouve, le Magyar Ă pointes lâavait dĂ©jĂ plaquĂ©e au sol de sa patte avant. Winter gĂ©mit de douleur, le souffle coupĂ©. Elle sentait sa cage thoracique compressĂ©e sous le poids et la force formidable de la bĂȘte.
Le dragon leva sa queue garnie de pics massifs, prĂȘt Ă sâen servir comme dâune arme. Ses pupilles ocre se plongĂšrent dans les yeux apeurĂ©s de sa victime.
« - TU MâAS ĂTĂ BIEN SERVILE. JE NE LâOUBLIERAI PAS. ADIEUâŠWINTER GRAIL. »
Il abattit son appendice, tel un pieu sur le corps de la jeune femme. La derniĂšre chose quâelle entendit avant de perdre connaissance fut une voix masculine familiĂšre qui criait son nom.
« - CONFRINGO ! »
Dâun geste dĂ©terminĂ© et dâune prĂ©cision redoutable, Severus Rogue lança une dĂ©flagration incendiaire en direction de la queue du dragon. Ce dernier rugit de surprise et de douleur. Bien que le feu nâaffectait pas ses Ă©cailles ignifuges, lâimpact de lâexplosion provoqua une dĂ©chirure dans la dĂ©fense squameuse du monstre ailĂ©, brisant au passage plusieurs de ses Ă©pines. La bĂȘte sâĂ©carta de Winter, reportant son attention sur le professeur de potions. Son regard Ă©tait empli de haine.
Severus sentit sa mĂąchoire se contracter en dĂ©couvrant Winter inerte au sol. Son corps, inanimĂ©, Ă©tait maculĂ© de sang. Un sentiment dâinquiĂ©tude peu familier lâenvahit. LâĂ©tat de son Ă©lĂšve Ă©tait plus que prĂ©occupant. Peut-ĂȘtre mĂȘme Ă©tait-elle⊠? Le sorcier referma immĂ©diatement son esprit afin dâen chasser cette idĂ©e.
Le dragon sâĂ©lança inopinĂ©ment dans la direction de son assaillant. Sa gorge se mit soudainement Ă rougeoyer dâune lueur infernale. Puis, une immense gerbe de flammes sortit de sa gueule en direction du MaĂźtre des Potions, arrosant au passage tous les arbres dĂ©jĂ partiellement carbonisĂ©s qui lâentouraient.
« - PROTEGO. », lança Severus de sa voix grave.
MĂȘme si son visage restait stoĂŻque, la tension dans son corps traduisait le tumulte interne qui grondait en lui.
« - GLACIUS. »
Le dragon esquiva aisĂ©ment les jets de glace et contre-attaqua par un nouveau souffle brĂ»lant. Severus encerclĂ© par les flammes, sentit sa vue se troubler, ses yeux irritĂ©s par les particules fines dĂ©gagĂ©es par la fumĂ©e ainsi que par la surchauffe de lâatmosphĂšre.
« - PROTEGO. »
Le bouclier magique tint bon une nouvelle fois, protĂ©geant son lanceur dâune mort certaine. Le Magyar Ă pointes abattit alors ses griffes tranchantes comme des poignards sur lâhomme aux cheveux sombres. Severus recula avec vivacitĂ© pour Ă©viter lâattaque. Il nâavait nulle part oĂč se rĂ©fugier, Ă©tant pris en Ă©tau entre les troncs enflammĂ©s couchĂ©s sur le sol. Les lueurs de lâincendie projetaient des reflets rougeoyants sur sa peau pĂąle. Les poussiĂšres virevoltaient tout autour de lui, inflammant lâentiĂšretĂ© de son larynx et de ses cordes vocales.
Le Directeur de Serpentard fixa la crĂ©ature droit dans les yeux, son visage ne trahissant aucune expression de peur et Ă©tant habitĂ© dâune concentration et dâune volontĂ© sans faille. Sa voix lui faisant dĂ©faut, il recourut Ă la magie silencieuse permettant de lancer des sorts sans incantation verbale. Rares Ă©taient les sorciers pouvant la mettre en Ćuvre tant elle nĂ©cessitait un niveau de maĂźtrise Ă©levĂ©e. La baguette Ă©bĂšne de Severus exĂ©cuta, conformĂ©ment Ă lâintention de son propriĂ©taire avec lequel elle ne faisait plus quâun, le sort Lumos Solem.
Une boule de lumiÚre intense aveugla le Magyar à pointes pendant plusieurs secondes, créant un effet de surprise et de confusion chez le reptile, ce qui permit à Severus de se glisser furtivement hors des flammes. Il se rapprocha de la cage ouverte et de Winter qui était toujours inconsciente.
Le dragon rugit fĂ©rocement de colĂšre quand la lumiĂšre Ă©blouissante se dissipa. Il fonça Ă nouveau sur le sorcier Ă toute allure. Le professeur remarqua soudainement un alignement stratĂ©gique entre le plafond de la cage qui Ă©tait au sol, le monstre Ă Ă©caille et lui. Dâun geste calculĂ© accompagnĂ© dâun mouvement de cape, il se redressa et pointa sa baguette vers lâĂ©norme plaque mĂ©tallique, conjurant ainsi silencieusement le sort de mobilisation Accio.
La plaque dâacier lĂ©vita et se dĂ©plaça Ă tout allure en direction de Severus Rogue. Elle percuta de plein fouet sur sa trajectoire la tĂȘte cornue du Magyar Ă pointes au niveau de ses cervicales. La bĂȘte poussa un grognement puissant mais Ă©touffĂ© et vacilla, entraĂźnĂ©e par son propre poids. Elle sâeffondra en faisant vibrer le sol, ses pattes avant ailĂ©es sâagitant dans un mouvement chaotique. Ses Ă©cailles sombres crissĂšrent en raclant et retournant la terre lors de la chute. Puis, un silence sâabattit.
Severus resta campĂ© en position dâattaque quelques secondes, son buste se soulevant et retombant avec frĂ©nĂ©sie. Constatant que la crĂ©ature Ă©tait bel et bien assommĂ©e, il abaissa sa baguette et se prĂ©cipita avec urgence vers Winter, sa robe noire virevoltant dans son sillage.
Face Ă la vue qui se prĂ©sentait Ă lui, il sentit son estomac se nouer. La jeune femme avait les yeux fermĂ©s mais elle respirait encore. Sa longue chevelure brune dĂ©sordonnĂ©e retombait le long de sa joue. De son visage se dĂ©gageait une expression de vulnĂ©rabilitĂ© contrastant avec la confiance et la dĂ©termination quâelle arborait ordinairement. Ses sourcils Ă©lĂ©gants exprimaient une expression figĂ©e de douleur. Elle Ă©tait belle. Admirablement belle. Et cela lui coĂ»tait de lâadmettre. Les iris de Severus se dĂ©portĂšrent sur son corps. Sa main fĂ©minine aux doigts raffinĂ©s se refermait sur son flanc gauche. Son uniforme Ă©tait dĂ©chirĂ© et couvert de sang Ă cet endroit. Plusieurs Ă©pines de la queue du dragon lâavaient entaillĂ©e violemment malgrĂ© lâarrivĂ©e providentielle du professeur.
Silencieux comme une ombre, Severus porta un genou Ă terre et dirigea lentement sa main vers la blessure. Il hĂ©sita, suspendant son geste un instant, avant dâeffleurer la main de la jeune musicienne. Le contact inhabituel avec sa peau soyeuse provoqua en lui un pincement au cĆur et en mĂȘme temps une accĂ©lĂ©ration de son rythme cardiaque. Le professeur de potions Ă©tait profondĂ©ment troublĂ© par sa propre rĂ©action. Il Ă©tait un homme de sciences, de raison. La sentimentalitĂ© et la compassion nâĂ©taient, pensait-il, que faiblesses et imperfections et devaient ĂȘtre Ă©cartĂ©es dans un monde aussi violent et impitoyable. Mais pour la premiĂšre fois depuis des annĂ©es, Severus se retrouva dans une situation oĂč il sentit son blindage Ă©motionnel se craqueler.
Faisant preuve dâune douceur contrastant avec son caractĂšre austĂšre et rugueux, lâhomme Ă©carta la main de la jeune femme de sa plaie afin dây avoir accĂšs. Plusieurs taillades se distinguaient nettement.
« - Vulnera Sanentur⊠»
La voix lancinante de Severus Rogue, encore un peu rauque Ă cause des particules de combustion dans lâair, psalmodia ces mots en continu, prononcĂ©s presque comme une priĂšre Ă mi-chemin entre le chant et le chuchotement. Un Ă©clat bleutĂ© feutrĂ© Ă©mana de la baguette Ă©bĂšne et emplit bientĂŽt lâensemble de la blessure. Sous lâeffet de la magie rĂ©gĂ©nĂ©rative, le sang coagula et les tissus se refermĂšrent.
« - Ferula. », murmura le professeur.
Des bandages apparurent, invoquĂ©s par le sortilĂšge. Severus ajusta la ligature autour de la hanche de Winter, caressant parfois son flanc du bout de ses doigts par mĂ©garde. Le toucher, dans une autre situation, aurait pu sembler intimiste. Une fois la plaie maĂźtrisĂ©e, le Directeur de la Maison Serpentard dĂ©tacha sa robe de sorcier du reste de son accoutrement sombre. Elle ne le quittait dâordinaire presque jamais. Avec prĂ©caution, il releva le corps de Winter de sorte Ă la draper dans le tissu noir. Lâair Ă©tait glacial, la brume et lâhumiditĂ© ayant rapidement vaincu lâincendie localisĂ© provoquĂ© par le dragon. La jeune pianiste risquait lâhypothermie.
Severus Rogue se crispa. La vue de son Ă©lĂšve enveloppĂ©e dans sa robe de professeur nâavait absolument rien dâappropriĂ©. Pire encore, cela lui engendrait des palpitations quâil se haĂŻssait de ressentir. Il poussa un soupir tremblant et souleva la musicienne dans ses bras.
Il sentit sa colonne vertĂ©brale instinctivement se rigidifier davantage quand la tĂȘte de la jeune femme reposa contre son torse, ses longs cheveux effleurant son menton et ses joues creuses. Il prit une grande inspiration et se dirigea Ă grandes foulĂ©es en direction du chĂąteau.

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