« - Ugh ! »
Winter, emportée par l’élan, roula sur un sol terreux dans un bruit mat et peu élégant, mouvement involontaire tranchant net avec sa gestuelle classique. Elle se releva péniblement en remuant la poussière autour d’elle. Son nez lui picota et elle manqua d’éternuer.
« - Qu’est-ce que c’est que cet endroit ? »
Sa voix résonna contre des parois rocheuses basses de plafond. La musicienne s’épousseta et frissonna alors qu’un courant d’air glacé la parcourut. Ploc. Ploc. Ploc. Sa vision était réduite et tout ce qu’elle entendit fut le bruit calme et régulier de fines gouttes d’eau qui s’écoulaient.
« - Lumos. »
Un faible faisceau de lumière entoura sa baguette qu’elle avait tenue dans sa main comme si sa propre vie en dépendait pendant toute la chute. Une chute ? Pas vraiment. Winter avait en réalité glissé le long de la conduite cylindrique de l’entrée de la Chambre des Secrets. Cette dernière avait changé de pente au dernier moment, supportant ainsi son corps comme un toboggan. Mais l’arrivée n’avait pas été pas moins brutale. Winter releva la tête. De là où elle était, elle ne pouvait plus percevoir la lumière provenant des sanitaires de la tour est. Ni la présence de Severus.
Severus. Son cœur manqua un battement quand elle réalisa qu’elle avait pensé à lui avec son prénom comme si c’était la chose la plus naturelle du monde. Elle rougit inconsciemment, même s’il n’y avait personne pour la voir.
La musicienne ne parvenait toujours pas à réaliser pleinement que les choses avaient basculé ainsi entre elle et lui. Ils étaient dans cet entre-deux où ils ne se connaissaient pas encore vraiment, où aucun n’avait osé nommer pleinement la nature de la chose, et où les corps parlaient là où les cœurs étaient trop vibrants pour pouvoir poser des mots.
Le bruit de ses chaussures sur le sol résonna alors que Winter tenta de se frayer un chemin un peu à l’aveugle dans une galerie souterraine. Parfois, ses pieds butèrent contre des petits bloc de grès. De temps à autre, le faisceau de sa baguette éclaira des vestiges de canalisations plus anciennes et effondrées, datant probablement du Moyen-Âge à l’époque de la fondation du château. Elle manqua à un moment de trébucher sur une vieille grille rouillée âgée de plusieurs siècles qui était probablement autrefois fixée sur une immense conduite, sécurisant l’accès à un passage comme dans les systèmes d’égouts.
« - Aïe ! »
Quelque chose de dur lui cogna le crâne alors que la hauteur de souterrain se réduisait. Elle éclaira le plafond et découvrit au-dessus de sa chevelure brune un tapis de stalactites de calcaire karstique, témoin d’infiltrations régulières d’eau de pluie dans le sol perméable de la lande écossaise.
Winter pinça les lèvres pour supporter la douleur lancinante mais ne put s’empêcher d’être fascinée par la voûte minérale qui l’enveloppait.
Soudain, peu à peu dans le noir, une curieuse infrastructure impeccablement conservée se dessina devant elle. Une façade en métal massive ornée de multiples serpents la dominait en hauteur, occupant l’entièreté de la largeur de la galerie.
Winter s’arrêta devant ce semblant de cul-de-sac et sans qu’elle ne sache pourquoi, une étrange sensation de malaise et un frisson anxieux la parcoururent. Une odeur légère désagréable se dégageait de derrière la paroi.
La jeune femme douta. Elle se demanda si elle n’avait pas été trop impulsive et naïve en écoutant cette voix inconnue qui l’avait menée jusqu’ici. Et il y avait cette phrase qui venait de lui remonter en mémoire, s’imposant à son esprit comme un petit refrain sinistre et entêtant : « Sans connaissance profonde de ma véritable nature, ce caveau deviendra ta sépulture ».
Winter prit soudainement conscience qu’elle pouvait potentiellement faire fausse route depuis le début et en payer les conséquences. Elle en était cruellement lucide : mesurer le risque, dans un élan d’aventure ou de curiosité, c’était souvent ce qu’elle avait tendance à négliger.
Elle débattit plusieurs secondes dans sa tête, caressant l’option de la fuite l’espace d’un instant, mais pour finalement trouver la lâcheté plus insupportable que la perspective de danger.
La sorcière s’approcha de la porte et prononça encore en Fourchelangue d’une voix claire et distincte :
« - Ouvre-toi. »
Une deuxième fois, les mots eurent un effet magique immédiat. La paroi de métal se mit à vibrer et subitement, les serpents s’animèrent par enchantement, faisant tressauter Winter au passage.
Un bruit de déverrouillage sourd retentit, semblable à celui que ferait la porte blindée d’un sas de sous-marin en s’ouvrant. Puis, un pan circulaire de la paroi s’effaça, laissant échapper une lumière verte un peu inquiétante provenant d’une pièce immense, non sans rappeler les lueurs blafardes frappant les carreaux de la salle commune de Serpentard, nichée aux cachots du château et immergée sous le Lac Noir.
La Chambre des Secrets était à nouveau ouverte.
Winter laissa échapper un souffle nerveux, sentant une tension lui parcourir le corps. C’était le moment. Elle éteignit son sort de lumière et énonça à voix basse en pointant ses propres yeux de sa baguette :
« - Oculumbra. »
Elle était prête. Le sortilège né de l’esprit de Severus Rogue, parfaitement exécuté, recouvrit ses prunelles bleues élégantes d’un filtre fin et infaillible, empêchant les rayons violets et ultraviolets d’atteindre sa rétine.
Ses doigts moites s’agrippèrent davantage au manche de sa baguette et aussitôt qu’elle fut accoutumée à sa vision modifiée, elle s’engouffra dans l’antichambre de Serpentard.
Winter dut descendre à l’aide d’une échelle en fer oxydé par endroits pour atteindre l’unique pièce monumentale qui lui faisait face. Et quand elle arriva tout en bas, un vertige oppressant la saisit. Devant elle, un chemin de dalles rectiligne s’étalait jusqu’à la sculpture en pierre d’un visage d’homme colossal à l’expression effrayante. Le passage était bordé de petites douves remplies d’eau à faible profondeur et des statues impressionnantes de têtes de serpent émergeaient de ces dernières, gardiennes silencieuses de la crypte, s’étendant de part et d’autre sur toute la longueur de la pièce.
Cependant, le regard de Winter fut presque immédiatement accaparé par un élément troublant dans ce décor surnaturel. Près de la tête d’homme figée dans la roche, reposait sur le dallage un squelette à moitié décharné de monstre serpentin gigantesque pourvu de vertèbres interminables. Ce n’était pas un dragon. Il était encore plus gros qu’un Magyar à pointes ou un Boutefeu Chinois. Il pouvait entièrement rivaliser avec les créatures les plus affreuses de la mythologie moldue.
La jeune femme entreprit de traverser le chemin de carreaux de pierre, presque hypnotisée et emplie d’une sorte de fascination morbide. Au fur et à mesure qu’elle s’approchait du fond du caveau, les regards pourtant inanimés des têtes de serpent se firent plus oppressants, comme s’ils la dénudaient psychiquement jusqu’à son stade le plus humble avant qu’elle n’atteigne le fond. Le nez de Winter se mit à picoter. L’odeur omniprésente qu’elle avait déjà sentie avant d’entrer s’était muée de désagréable à fétide et nauséabonde alors qu’elle se rapprochait du cadavre.
Quand elle arriva juste devant la carcasse, la puanteur devint abominable. Winter ferma les yeux, se sentant tourner de l’œil et prise d’un haut-le-cœur. Sa main attrapa un pan du col de sa robe de Serpentard qu’elle rabattit immédiatement sur son nez et sa bouche. Et en observant à nouveau le squelette, elle comprit et fit un bond en arrière.
« - Oh bord-…punaise ! Qu’est-ce que c’est que ces trucs ? »
Entre les crocs impressionnants du crâne, dans les orbites, et logés entre les vertèbres se trouvaient encore de nombreux lambeaux de chair marrons, en décomposition tardive depuis deux ans. Le plus gros du tissu avait complètement disparu mais la température basse de la chambre semblait avoir ralenti la putréfaction suffisamment pour qu’il en reste encore. Mais ce qui fit bondir Winter, ce n’était même pas les restes. C’était eux. Les vers nécrophages.
De taille proportionnelle à leur hôte, gluants, sombres et pourtant et à moitié translucides, des nématodes voraces étaient en plein festin.
Winter n’avait d’ordinaire pas vraiment peur des bestioles. Mais celles-ci étaient à un tout autre niveau. Les vers les plus petits faisaient au moins la taille de Miss Teigne et les plus gros pouvaient atteindre la largeur et peut-être même le poids de Gregory Goyle, l’élève le plus glouton de la maison Serpentard.
« - Quelle horreur… »
Winter les observa, médusée. Ils étaient tellement primitifs que même si, avec son pouvoir ancien, elle les entendait parler, ce qu’ils disaient n’avait presque aucun sens.
« - Chair…croque…écaille cassée…croque…bon…bon…mauvais…odeur…sel…long…noir… »
Son visage esthétique et élégant se tordit en une grimace d’écœurement et d’incompréhension. Elle tenta malgré tout de s’adresser à eux d’une voix un peu tremblante :
« - Euh…bonjour ? Désolée de…vous interrompre. Est-ce que…c’est vous la voix que j’ai entendue et qui m’a fait venir ici ? »
Un silence lui répondit, seulement troublé par des bruits de glissement de peau flasque et gélatineuse le long des ossements. Puis quelques voix lui parvinrent, toujours aussi décousues :
« - Passe…écaille…os…gratte…dur…frotte…encore…encore…tendre…creuser…creuser dedans… »
Ils ne l’avaient même par remarquée.
Winter toussota à travers le tissu de son uniforme. Elle se détourna de quelques pas, profondément répugnée.
« - Dans quoi je me suis fourrée encore ? », pesta-t-elle, le visage crispé.
Elle resta un moment immobile devant le spectacle macabre, baguette à la main, ne sachant absolument pas ce qu’elle devait faire maintenant.
SCRITCH. SCRITCH. SCRATCH.
Les bruits de décorticage et d’arrachage provoqués par les vers étaient une nuisance sonore à eux tout seuls.
« - Et bien…ça ne donne pas trop envie de mourir tout de suite. Je penserai à demander un cercueil inviolable dans mon testament. », souffla la musicienne avec un trait d’humour pour tenter de se donner du baume au cœur.
Winter finit par soupirer. Il ne se passait strictement rien. L’endroit semblait effectivement n’être plus qu’une vulgaire cave depuis les événements qui s’étaient déroulés il y a deux ans avec Harry Potter. Désireuse de ne pas s’attarder davantage et après avoir jeté un dernier regard au cadavre, la jeune femme entreprit de rebrousser chemin.
Mais alors qu’elle retraversait le chemin entouré de douves, un grondement sourd retentit du fin fond de la chambre, semblant provenir de derrière la statue.
Les vers nécrophages réagirent immédiatement. Le plus rapidement possible dans leur lenteur, ils quittèrent la dépouille et se mirent à ramper vers les parois rocheuses, à y grimper et à disparaître dans les interstices.
« - Revenu…revenu…revenu ! »
Pour la première fois, malgré leur langage décousu, Winter perçut un semblant de réflexe, de mécanisme, d’ébauche d’émotion incomplète : la peur.
Elle se figea, prise d’un soudain frisson d’angoisse. Sa tête se tourna lentement vers le portrait rocheux de l’homme effrayant qui vibrait désormais. Subitement, quelque chose bougea au niveau de la bouche de la sculpture. Cette dernière s’ouvrit lentement, comme animée par un sortilège ancien. Winter écarquilla les yeux, les paupières tremblantes quand elle aperçut une ombre mouvante à l’intérieur.
Quelque chose était en train de sortir de la statue.
La main de Winter se cramponna au manche de sa baguette plus que jamais et elle la pointa dans la direction du mouvement, prête à lancer un sort.
Et soudain, à la lumière sinistre de la Chambre des Secrets, se mirent à luire deux yeux jaunes ovales, lisses comme du verre poli et profondément inexpressifs. Des yeux de serpent.
Un nouveau frisson cette fois plus violent, glacial, traversa Winter de sa nuque à son bassin. Elle se retrouva pétrifiée, incapable de bouger, et la seule chose ironiquement qui lui laissa penser qu’elle n’était pas morte en un regard fut la sensation de cette odeur insupportable persistant dans ses narines.
Lentement, silencieusement, ondulant majestueusement avec une grâce prédatrice, un corps long d’une quinzaine de mètres émergea de la bouche de la statue. Les écailles étaient vertes, plus irisées dans leurs reflets et lisses que celles d’un dragon. Une immense tête de serpent ornée de cornes discrètes lui conférant une allure régalienne se dressa face à la silhouette gracile de Winter, paraissant insignifiante à côté.
Les regards se croisèrent. Winter eut l’impression de se noyer dans deux puits sans fond, miroirs d’un vide si vaste qu’il semblait porter le poids du monde.
Puis, dans le silence surréaliste et sépulcral de la crypte s’éleva une voix à la fois douce, caressante et pénétrante, dont chaque atome de matière sembla reconnaître le nom.
« - ENFIN…AUGURE…NOUS NOUS RENCONTRONS… »
L’artiste resta sans voix, comme si ses cordes vocales ne savaient même plus comment vibrer. Insidieusement, coulissant contre les dalles de pierre, le basilic l’encercla et releva la tête pour mieux la dévisager. Winter n’avait nulle part où fuir à présent.
Le reptile ouvrit légèrement la gueule de manière menaçante, laissant deviner des crocs longs et aiguisés comme des sabres ainsi qu’une langue fourchue. Pour autant, il sembla plutôt jauger la jeune humaine en face de lui.
« - UN BOUCLIER DE LUMIÈRE…INGÉNIEUX…SSSUBTIL. MÊME SSSALAZAR LUI-MÊME N’AURAIT SSSU CONSSSCEVOIR PAREILLE RUSE. »
Winter, consciente qu’il désignait le sort de protection oculaire, répondit d’une voix peu assurée malgré la peur, sentant clairement sa vie ne tenir qu’à un fil.
« - Je…suis d’accord avec toi mais pour être honnête, le mérite ne me revient pas vraiment… J’ai reçu un peu d’aide pour me préparer à venir ici… »
Le basilic tournoya lentement à nouveau autour d’elle, l’étudiant sous toutes ses coutures avec intérêt en s’enroulant sur lui-même, la maintenant au centre de ses anneaux. Il marqua un temps de silence.
« - INTÉRÉSSSANT. BEAUCOUP DE JEUNES SSSERPENTS MAL AVISÉS SSSERAIENT PRÊTS À MENTIR POUR SSSE PRÉTENDRE PLUS DOUÉS QU’ILS NE SSSONT RÉELLEMENT. MAIS…L’HUMILITÉ…PEUT ÊTRE AUSSSI UNE SSSTRATÉGIE. NE SSSERAIT-SSSCE PAS LA PLUS SSSOURNOISE DE TOUTES ? »
Winter le regarda, un peu décontenancée. La créature n’attendit pas sa réaction et rapprocha sa tête lentement d’elle dans son angle mort avec une souplesse tellement vive que la musicienne n’arrivait plus à suivre ses mouvements. Elle laissa échapper malgré elle un petit souffle effrayé et se maudit de montrer un tel signe de faiblesse.
« - J’AI BESOIN DE SSSAVOIR…SSSI TU AS VRAIMENT L’ÂME À LA HAUTEUR DU DESSSTIN QUE LE SSSORT T’A ASSSIGNÉ. »
Le corps de Winter se tendit. Une mise à l’épreuve ? Elle ne s’y attendait pas et étrangement cela l’inquiéta encore bien plus que la perspective d’un combat. Rien ne lui inspirait confiance. Le basilic était parfaitement impassible, impossible à lire. Il ne portait dans son regard que l’immobilité de ces êtres ancestraux qui n’ont pas besoin de s’exprimer.
La sorcière plissa les yeux, vacillante.
« - Je ne sais pas comment je pourrais prouver cela. »
Le serpent s’immobilisa, gueule cette fois béante au-dessus d’elle. Winter trembla cette fois de manière incontrôlée. La voix sifflante déclara d’un ton effroyablement calme :
« - UNE SSSIMPLE QUESSSTION SSSUFFIRA. TA RÉPONSSSE DÉTERMINERA SSSI TU RESTES OU SSSI TU DISSSPARAIS. »
Le sang de Winter sembla se glacer dans ses artères. Elle murmura, soudainement pâle, oubliant complètement tout le reste de la pièce et ne voyant et ne ressentant plus que le monstre géant autour d’elle.
« - Quoi ? Tu veux dire que si je réponds mal… »
Le ton, si doux et intimiste en apparence, s’inocula en elle comme un venin irréversible qui tue lentement de manière insidieuse :
- IL N’Y A PAS DE MAUVAISES RÉPONSSSES, WINTER. SSSEULEMENT SSSCELLES QUI COÛTENT LA VIE. »
Le reptile se détourna et sembla effleurer de son regard de pierre le cadavre de son congénère mort, puis se reporta à nouveau sur la jeune femme.
« - VOISSSCI DONC TA QUESSSTION. …DIS-MOI, WINTER GRAIL…POURQUOI ES-TU À SSSERPENTARD… ? »
Un silence de mort tomba et s’étira entre elle et la créature figée comme une statue dans l’attente de frapper. Cette question s’abattit sur Winter comme un couperet et elle résonna en elle avec une ironie d’autant plus savoureuse qu’elle n’avait eu cesse de se la poser depuis le début de l’année.
Pourquoi était-elle à Serpentard ?
Hormis Oscar, aucun élève de Serpentard ne l’appréciait. Elle n’avait pas le sang pur. Elle était franche, libre penseuse, naturelle, charismatique, empathique, ouverte d’esprit, juste, loyale. Loin des codes, des règles, peu attachée aux classes sociales ou aux préjugés. Rémus Lupin l’aurait vue à Gryffondor. Severus Rogue, lui ne l’aurait vue tout court à Poudlard, jusqu’à ce que des récents événements viennent éteindre son discours.
Les secondes s’égrenèrent et chaque battement de cœur devenait toujours plus assourdissant dans la poitrine de la compositrice.
Il fallait une réponse. Mais tout en Winter criait que la vérité cinglante, le « je ne sais pas », la mènerait à sa perte. Le basilic ne semblait guère chercher la vérité. Plus Winter se noyait dans ses yeux jaunes, plus elle sentait instinctivement qu’il la connaissait déjà . Il savait qui elle était.
Alors elle songea à mentir. Que dirait un sale gosse comme Marcus Crux ou Drago Malefoy à sa place, qui pourrait être naturel pour lui ? Le cerveau de Winter tournait comme une machine infernale ployant sous la pression du temps. Peut-être qu’ils parleraient de leur sang noble et de leur appartenance à une lignée importante de sorciers. Peut-être qu’ils mentionneraient leur fortune, leur héritage, leur obsession pour la puissance, le pouvoir. Leur ambition et leur goût pour mener, diriger. Ou bien leur côté stratège et calculateur.
Plus Winter y pensait, plus l’incompatibilité avec elle était évidente et la révulsait. Elle savait qu’elle ne pourrait pas prétendre. Le pouvoir en tant que tel ne l’avait jamais vraiment intéressée. Elle était tombée dans la célébrité par un heureux accident non pas parce qu’elle la cherchait, mais parce que la jeune femme introvertie et à l’imaginaire foisonnant qu’elle était avait un simple rêve : vivre de son art et le partager. Transmettre. Cela n’avait rien de Serpentard. Elle le savait. Et le basilic le saurait probablement aussi.
La chevelure brune de Winter ondula alors qu’elle releva légèrement la tête pour regarder davantage cette créature imposante qui lui faisait face. Il attendait, en silence, comme s’il savait qu’il allait vivre suffisamment de siècles pour ne pas mesurer l’urgence d’un meurtre à quelques secondes près. Et c’était peut-être ce qu’il y avait de plus déstabilisant.
La gorge de la jeune femme se serra autant qu’il en était possible. Sa respiration se fit de plus en plus lourde et malgré le froid de la pièce, elle se sentit suer sous l’effet du stress. Si la vérité et le mensonge n’étaient pas la réponse, alors que lui restait-il ?
Elle murmura enfin pour elle-même d’une voix tremblante et absolument incertaine :
« -…Il me reste…la question. »
Le basilic ne bougea pas. Ses yeux, incapables de clignements, la fixaient inlassablement. Le corps entier de Winter, plus raide que jamais, sentit une légère tension se dénouer en voyant qu’il n’avait pas encore attaqué.
Et soudain, elle eut un éclair. Infime, mais réel. Ce n’était pas une certitude mais c’était la seule réponse qu’elle était capable de donner sans se trahir et sans rejeter la décision du Choixpeau pour autant.
La musicienne prit une grande inspiration. L’inspiration de sa vie. Et elle parla d’une voix moins tremblante mais pas assurée non plus. Simplement en étant elle-même, dépouillée de ses titres et rôles sociaux. La jeune artiste sensible.
« - Je crois…que j’ai peut-être compris. Si je suis à Serpentard, c’est parce que je suis capable de me demander pourquoi j’y suis. Parce que cette question, je me la suis posée bien avant que tu me la poses. Et si je me la suis posée aussi tôt, c’est parce que je sais ce que cela implique d’être à Serpentard…peut-être même mieux que la plupart des autres Serpentards qui n’ont jamais eu à réfléchir à cette question. »
Un silence plana dans l’atmosphère saturé de la Chambre des Secrets. Winter, plus tendue que jamais, se crispa entièrement et ferma les yeux. Si elle devait mourir, elle ne voulait pas voir le basilic en dernier. Et la vision qui lui remonta en premier dans son esprit fut la sensation qu’elle avait ressentie juste avant de plonger dans les profondeurs en étant avec l’homme qui occupait toutes ses pensées presque en permanence. Severus Rogue. Malgré l’odeur fétide et la tension dans l’air devenu irrespirable, la musicienne accueillit la vision et se laissa bercer par elle, attendant la sentence. Mais cette dernière ne tomba point.
Un léger glissement résonna dans l’espace de la crypte. Le basilic desserra ses anneaux et restitua à Winter sa liberté de mouvement. Sa voix, calme et bruissante comme une feuille morte au vent, déclara calmement :
« - UNE ASSSERTION D’UNE CLARTÉ RARE ET JUSSSTE. SSSERPENTARD N’ACCUEILLE PAS SEULEMENT SSSCEUX QUI FONT OU JOUENT LE JEU. ELLE HONORE AUSSSI SSSCEUX QUI LE COMPRENNENT. »
Winter ouvrit les yeux lentement, ébahie. Comprendre le jeu. Sa lucidité sur les codes et les règles sociales qu’elle exécrait était pour elle tellement incrustée dans sa nature qu’elle n’avait jamais pensé vraiment à la relier à la Maison Serpentard, d’autant plus que cette dernière en était saturée, de théâtre social et de dynamiques de pouvoir.
Le basilic, fluide et plus indolent dans son déplacement, se dirigea lentement vers la bouche de la statue par laquelle il était sorti.
« - SSSUIS-MOI, AUGURE. L’HEURE EST VENUE POUR TOI DE DÉCOUVRIR SSSCE QUE LA CHAMBRE DES SSSECRETS DISSSIMULE VRAIMENT. »

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