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Of Potions and Riffs (Severus Rogue X OC)

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tome 1, Chapitre 35 « La Troisième Épreuve » tome 1, Chapitre 35

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24 juin 1995. Le soleil venait d’atteindre son zénith. Dans la lande écossaise, un tohu-bohu inhabituel d’excitation et de tension pesante déchirait l’air. Des robes rouges, vertes, bleues et jaunes, certaines encore plus bariolées, customisées à l’effigie des champions du Tournoi des Trois Sorciers, recouvraient des gradins immenses, circulaires à la romaine, assemblés pour l’occasion.

Dans le coin droit au premier rang se trouvait le stand presse. Rita Skeeter, coiffure blonde pleine de laque et lunettes au bout du nez, avait déjà dégainé sa plume à papote. Tous les journaux sorciers de Grande Bretagne étaient présents : le Daily Prophet, bien évidemment, avec pas moins de vingt reporters en plus de Skeeter pour couvrir la finale de la compétition, mais aussi plusieurs photographes accrédités.

Dans les tribunes, les amis proches de chaque champion se virent attribuer une place de choix proche de la fosse. Hermione Granger et Ron Weasley échangeaient des regards inquiets pour leur meilleur ami Harry Potter. Le trio s’était réconcilié après des passages mouvementés au début du tournoi et était plus soudé que jamais. À leur droite, Cho Chang de Serdaigle, la petite amie de Cédric Diggory, l’encourageait timidement, habitée par la même angoisse. Quelques sièges plus loin, les délégations de Durmstrang et Beauxbâtons célébraient aussi leurs champions.

Igor Karkaroff et Madame Maxime descendirent pour rejoindre Albus Dumbledore et les professeurs de Poudlard, tous rassemblés autour des quatre survivants des deux premières épreuves.

Devant toute cette assemblée s’étendait un immense labyrinthe végétal s’étalant à perte de vue. La dernière épreuve du tournoi n’avait rien de rassurant et tout de démesuré. Et elle était d’autant plus effrayante que cette fois, les champions n’avaient aucun indice quant à ce qui les attendrait une fois dedans.

La consigne était simple : trouver la coupe du tournoi et la ramener. Le premier de retour avec le précieux graal serait sacré vainqueur.

« - Monsieur. Tout est en place. »

La voix râpeuse du professeur Maugrey interpella Dumbledore qui était plongé en pleine discussion avec Cédric Diggory, Harry Potter et Fleur Delacour.

Il s’approcha de son pas boiteux du directeur, le tout avec des bruits de froissement de cuir et une odeur de whiskey Pur Feu rance ayant tourné depuis longtemps, comme si elle collait à ses vêtements depuis des années. Le vieux sorcier inclina élégamment la tête de manière bienveillante.

« - Merci mon cher. Je vous saurais gré d’honorer la tribune réservée au personnel et à nos estimés représentants du Ministère. Une place vous attend, tout naturellement, entre Minerva et notre cher Amos Diggory. »

Alastor Maugrey lâcha un reniflement bruyant et bourru avant de claudiquer en direction de son siège attitré.

Le top départ ne serait lancé qu’à la tombée de la nuit. Et pourtant, toute la frénésie était déjà au rendez-vous et elle ne ferait que monter jusqu’au moment fatidique.

Dans un coin, un petit ensemble de cuivres amateurs constitués de volontaires de l’école se chauffait en poses de son quelques peu cacophoniques. Filius Flitwick, baguette en main, relisait son conducteur, portée après portée, note après note. Il aurait préféré un retour du groupe de Winter Grail pour animer l’événement, sans aucun doute. Mais celle-ci lui avait porté à sa connaissance il y a une semaine les indisponibilités de Magorian et de Joe, le bassiste. Manque de chance.

Robert Hayes, assis avec ses amis Serdaigles, se forçait à ne pas loucher sur la fanfare avec envie. Il aurait clairement aimé être à leur place à enflammer la foule avec sa guitare et son son crunch. Mais Winter n’avait montré aucun intérêt pour l’événement. Il ne l’avait pas croisée de la journée, d’ailleurs, et se demandait bien où elle pouvait être.

Et parmi ce tumulte, au milieu de la tribune des professeurs et des officiels, la silhouette grande et mince de Rogue, toujours drapée de sa robe aux allures spectrales, demeurait parfaitement impassible.

Début d’après-midi. Winter, vêtue, une fois n’est pas coutume, de son uniforme Serpentard sans transgression du code vestimentaire, se faufila jusqu’aux toilettes de Mimi Geignarde dans la tour est du château. Le calme omniprésent dans le vaste édifice était presque sinistre. Seuls les murmures des portraits sur les murs lui donnaient encore une illusion de vie. Les Aurors postés n’étaient pas très nombreux. Mais à chaque fois qu’elle en croisa un, celui-ci dormait comme un bébé, à poings fermés à même le sol.

Au fur et à mesure qu’elle marchait, Winter se repassa mentalement toutes les avancées des derniers jours.

Elle avait pu discrètement retrouver le Boutefeu Chinois dans la Forêt Interdite et il avait, au nom de ses trois congénères, approuvé la stratégie, se portant même garant du caractère impétueux du Magyar à pointes. Elle avait retraversé la Chambre des Secrets à nouveau, bravé l’odeur des vers nécrophages et obtenu la même parole de la part du basilic.

Et, détentrice de leurs engagements à ne pas perturber l’écosystème des montagnes toscanes, elle avait eu plusieurs échanges téléphoniques avec Antonio Rossetti qui n’avait pas remis en question son étrange lubie pour les grottes italiennes.

La jeune femme avait des pistes sérieuses. De vraies raisons de penser que son refuge à ciel ouvert pourrait être un succès. Il était de toute façon trop tard pour reculer.

Arrivée dans le couloir près de l’entrée des sanitaires, elle afficha une moue de dégoût en découvrant un Auror étalé contre un mur, assoupi la bouche ouverte, un filet de bave dégoulinant le long de sa joue.

La musicienne ne s’attarda guère. Elle déverrouilla l’entrée de la Chambre des Secrets. La rotonde de lavabos se réagença, révélant le trou béant de la canalisation menant vers les profondeurs.

Winter ajusta et desserra sa cravate verte et argentée sous son pull gris un peu nerveusement, peu à l’aise en anticipant ce qui l’attendait. Elle se lança à elle-même avec son humour si caractéristique, pour se donner du cœur à l’ouvrage :

« - Bon. Allez. Jamais deux sans trois ! »

Elle esquissa un coup de baguette vers son visage.

« - Oculumbra. »

Le filtre protecteur translucide recouvrit ses yeux comme deux bulles de savon. Elle plongea.

Quelques minutes plus tard, lorsqu’elle réapparut dans ces mêmes sanitaires, l’immense tête cornue du basilic émergea silencieusement du gouffre, comme s’il sortait de son terrier.

Ses yeux froids et inexpressifs contemplèrent un moment les environs. La créature n’était encore jamais sortie du réseau de canalisations de Poudlard contrairement à son prédécesseur.

Winter l’observa, un peu déconcertée. Elle murmura, angoissée :

« - Dépêchons-nous. »

La jeune femme se mit à courir dans les couloirs, baguette en main, prête à lancer un sort à la moindre rencontre indésirable. Si jamais elle venait à croiser quelqu’un, elle préfèrerait l’assommer plutôt que de le livrer au regard létal du roi serpent.

Winter ne se retourna pas. Elle se savait suivie. Derrière elle, le monstre glissait sur le dallage de pierre dans un mouvement lent et hypnotique, émettant un bruit berçant et trompeur dans son caractère apaisant. Il était la douceur du silence mais dont chaque regard portait un adieu.

Soudain, au niveau d’une bifurcation alors qu’elle cherchait à regagner la tour du grand escalier de marbre mouvant de Poudlard -la seule assez grande pour accueillir un basilic et pouvoir atteindre le rez-de chaussée-, deux voix la firent s’arrêter brusquement. Elle se plaqua aussitôt contre le mur, plus par réflexe que par utilité. Le basilic s’arrêta également, ses narines frémissant et son oreille interne sondant la moindre vibration du sol et de l’air.

« - Mon cher Monsieur, je me permets simplement de dire, que de nobles manières, malgré votre titre, vous êtes profondément dépourvu ! Il est de coutume, pour quiconque a reçu une éducation digne de ce nom, de saluer ses pairs d’un signe de tête. C’est bien la…moindre des choses. »

Une voix traînante et glaciale répondit avec un bruit de tintement métallique.

« - Une tête entière facilite ce genre de choses. Vous ne pouvez vous parer de telles exigences quand vous n’en êtes point doté. »

L’autre voix, plus nasillarde et expressive, répliqua, outrée :

« - Quelle bassesse ! C’est absolument odieux de votre part. O-dieux. Vous savez parfaitement à quel point cette…cette…cette lacune anatomique est un sujet sensible !

- Lacune est un mot généreux. De toute évidence, le bourreau ne vous a même pas offert la dignité d’un travail fini ! »

Tapi dans l’ombre, plus prédateur que jamais, le basilic approcha sa tête de Winter et murmura de sa voix dangereusement caressante :

« - SSSCES DEUX-LÀ NE PORTENT NI CHALEUR, NI SSSOUFFLE. …LEURS PAS NE FRÔLENT JAMAIS LE SSSOL. »

Winter leva un sourcil, comprenant soudainement. Des fantômes de Poudlard. Et étant donné la teneur de la discussion et le son de ce qui ressemblait à des chaînes entrechoquées, il devait probablement s’agir de Sir Nicholas, alias Nick-Quasi-Sans-Tête, face au Baron Sanglant, le plus grognon et méprisant des fantômes du château.

Elle chuchota :

« - S’ils nous voient, ils ne vont pas mourir comme ils ont déjà passé l’arme à gauche et ils pourraient tout raconter… »

Furtivement, elle revint sur ses pas et emprunta un détour vers une autre aile du deuxième étage, cherchant un itinéraire différent pour rejoindre le grand escalier. Le basilic l’accompagna sans broncher, son corps étendu si long qu’il obstruait l’entièreté du corridor. Enfin, l’immense cage d’escalier du château apparut devant eux. Mais une question de taille se dessina aussitôt.

Les portraits, eux, n’avaient jamais quitté les lieux et la tour était parsemées de cadres à ses murs. Et quelle ménagerie c’était. Certains tableaux, sérieux, étaient le théâtre de congrès politiques, scientifiques, de sièges de guerre avec des personnage fiers et importants de jadis, ou n’ayant parfois jamais existé.

Dans chaque scène, on rejouait encore et encore les mêmes batailles, comme des pièces montées sans fin. On débattait de l’issue de guerres déjà perdues ou déjà gagnées, chacun persuadé qu’il aurait pu infléchir le destin. On s’invectivait, on refaisait l’Histoire, on se chamaillait pour une manœuvre mal interprétée, un traité mal signé, un mot qui aurait pu sauver un royaume. Et le pire, c’est qu’ils y croyaient tous, ces silhouettes peintes : qu’un soir, peut-être, en discutant assez fort, l’Histoire accepterait enfin de changer.

Dans un coin, un arlequin en peinture à l’huile jonglait avec des torches enchantées, probablement ramené de Venise par un professeur de Poudlard il y a longtemps. Dans un autre, deux magizoologistes célèbres du XVIIème siècle débattaient ardemment sur les limites et les avantages de la domestication des Crabes de Feu.

Vers le troisième étage, des rugissements de lions et des barrissements d’éléphants retentirent, émanant des animaux qui galopaient sur des peintures horizontales exotiques africaines passant d’un cadre à l’autre avec une aisance déconcertante.

« - Comment va-t-on faire ? », murmura Winter, presque découragée.

Pour toute réponse, le basilic s’avança lentement, sans un mot, ses écailles frottant les premières marches de marbre du grand escalier. Ce dernier trembla et protesta sous son poids. Le serpent s’enroula autour de la rambarde, souverain, impérieux, et ses yeux jaunes fixèrent les tableaux.

La musicienne voulut le retenir mais se souvint immédiatement qu’on ne pouvait donner un ordre à un prédateur ancien qui pouvait la tuer en un coup. Elle resta à sa place.

Aussitôt, les portraits s’interrompirent dans leurs activités et se tournèrent vers eux :

« - Diantre ! …Parbleu ! …Vous avez vu ? UN MOOOOONSTRE !!! …Quelle est cette atrocité… ? »

Une panique se répandit sur les vieux murs de la tour. Certains hurlèrent, gesticulèrent, tombèrent de leur cadre pour atterrir dans celui du dessous. Une cacophonie…puis plus rien.

Un silence. Écrasant. Jusqu’à la charpente de la tour.

Winter s’avança timidement sur la portion d’escalier sur lequel était perché l’immense reptile.

Tout était en arrêt sur image. Les visages acryliques étaient figés dans une expression grotesque d’horreur, d’effroi ou de surprise. Les animaux de la savane, paralysés en plein galop. Les tableaux avaient perdu leur enchantement, réduit au rang de chefs d’œuvres fixes et statiques bon à être exposés dans une galerie d’art moldu.

Le regard du basilic avait frappé. Winter laissa échapper un souffle, complètement submergée par la tension. Mais elle devait agir. Elle descendit aussitôt les marches, l’escalier étant lui aussi immobilisé.

Bientôt, elle atteint le rez-de-chaussée. Elle jeta un coup d’œil à sa gauche vers la grande salle et le hall du château avec la porte principale. Trop voyant. Et surtout, l’entrée donnait sur les gradins et le labyrinthe.

Elle plongea vers la droite, décidée à emprunter le passage plus discret vers le parc du château qui menait à la cabane d’Hagrid puis à la Forêt Interdite.

« - Par ici ! »

Elle se mit à courir, longeant rapidement les arcades offrant une vue sur une partie des serres de Pomona Chourave, et atteignit enfin la porte, suffisamment grande pour laisser sortir un basilic, comme elle était aussi conçue pour permettre à Hagrid de faire entrer des sapins de Noël pendant la saison des fêtes.

« - Alohomora ! »

Le loquet s’écarta sans difficulté et le battant s’effaça, laissant pénétrer à l’intérieur le souffle chaud et presque brûlant du mois de juin contrastant avec la fraîcheur conservée par les pierres de l’édifice. Winter enleva aussitôt son pull qu’elle noua autour de sa taille et retroussa ses manches.

Elle tourna la tête vers le basilic et murmura avec un petit sourire :

« - Bienvenue dans le monde extérieur. »

La créature inclina légèrement la tête puis, sans effort malgré le différentiel de température, rampa sur les premiers mètres d’herbe du parc ceinturant le château sur les hauteurs.

« - SSSI VASTE… SSSI CLAIR… »

Ses narines humèrent l’odeur des herbes séchées un peu jaunissantes avec la curiosité d’un poulain Abraxan fraîchement sorti du ventre de sa mère. Sa langue fourchue, plus vive que jamais, semblait pour la première fois dépassée par les perceptions. Le sourire de Winter s’élargit. Même si le basilic avait failli la tuer et qu’il ne connaissait pas les sentiments humains, elle ne l’avait jamais vu autant ressentir, être vivant. Et pour la première fois, il lui apparaissait tel qu’il était vraiment : juvénile, à peine sorti de l’œuf, malgré son intelligence dominant celle de la plupart des êtres humains adultes.

« - SSSCES COULEURS… JE NE CONNAISSAIS QUE LA PIERRE. JE NE SSSAVAIS PAS QUE L’AIR POUVAIT ÊTRE SSSI PUR. »

Winter resta un moment immobile à côté de lui, émue et prit conscience de la beauté du décor dans lequel elle évoluait. Elle n’avait pas ce regard neuf sur le monde, mais elle l’avait eu sur la magie il y a bientôt un an maintenant. Elle se jura intérieurement de ne jamais perdre cette capacité à s’émerveiller presque enfantine, et ce quoiqu’il arrive.

Elle se reprit soudainement, se rappelant qu’elle n’était pas ici pour une promenade de santé.

« - La forêt, il faut faire vite… C’est là où…ils pourraient le plus te voir. »

Elle reprit sa course, ses jambes protestant à plusieurs reprises. Ses chaussettes hautes d’uniforme lui donnaient chaud et sa jupe la gênait tant elle n’était pas habituée à en porter.

En passant devant la cabane de Hagrid, elle fut soulagée de constater que le demi-géant était bien rendu à l’épreuve et qu’il avait amené son chien Crockdur avec lui. Elle aperçut de loin la colonie de fées qu’elle avait rencontrée en cours en début d’année scolaire et aussitôt qu’elles virent l’immense serpent, les demoiselles rentrèrent se cacher dans la maison du garde-chasse, complètement affolées.

Winter lança désespérément à leur adresse, priant pour qu’elles tiennent leur langue :

« - Surtout, gardez ça pour vous ! Vous n’avez rien vu ! »

Et enfin, la jeune femme pénétra dans la Forêt Interdite. Sombre opaque, plus fraîche, elle offrit à la sorcière et la créature un refuge à l’abri des regards et Winter se surprit à la trouver presque accueillante. Il faut dire qu’en compagnie d’un basilic, les perspectives de danger étaient soudainement beaucoup plus réduites.

Au bout d’une demi-heure à avancer au travers des feuillages, Winter, baguette à la main, murmura :

« - Le Portoloin devrait être par ici. D’après ses instructions en tout cas. »

Elle ferma les yeux un moment et tenta d’imaginer son professeur au milieu de ses collègues, dans les tribunes. Elle n’avait qu’une hâte : le retrouver et entendre ce qu’il brûlait tant de lui dire.

La fin de l’année approchait. Bientôt arriverait la trêve avec Poudlard, mais aussi…avec les rôles à jouer.

Winter en souffrait de plus en plus, de ce rôle d’élève. Il y avait toujours ce décalage lié à l’âge bien sûr, mais surtout, avec lui, elle voulait être femme. Elle approchait de la vingtaine début août et l’adolescence était bien derrière elle à présent, surtout avec son vécu précoce dans l’industrie musicale.

Du bout de sa baguette, alors qu’elle soupirait en repensant à tout cela, elle remua les fougères magiques et le lierre à la recherche d’un objet, n’importe lequel. Severus Rogue ne lui avait donné aucune précision à ce sujet.

Le basilic s’immobilisa, patient et observateur.

Mais soudain, il se dressa, la bouche légèrement entrouverte dévoilant ses crocs rasoirs, et émit un sifflement menaçant, prêt à bondir. Winter se releva, surprise. Elle n’avait entendu personne arriver.

« - Qui va là ? », lança-t-elle, inquiète, pointant sa baguette de manière un peu aléatoire vers les ombres des arbres.

Elle recula d’un pas et se força à rester calme, s’inspirant du sang-froid à toute épreuve du basilic.

Elle répéta d’une voix plus assertive :

« - Montrez-vous. »

Un bruit de terre râclée et de sabot se fit entendre. Et soudain, deux centaures surgirent face à elle, l’un désarmé, l’autre avec un arc de chasseur bandé entre les mains. Mais ce qui la frappa avant même de reconnaître leur têtes familières, c’était la présence du sort de protection oculaire inventé par Rogue autour de leurs cornées.

« - Firenze ? Magorian ? », s’exclama Winter avec stupeur.

Le centaure percheron, fier et belliqueux ne la regardait pas. Il jaugea le basilic avec une expression bravache de défi, mais pour la première fois, ses sabots reculaient légèrement inconsciemment de manière désordonnée. Magorian était nerveux et même ses muscles semblaient tellement tendus qu’ils tremblaient légèrement.

Firenze, lui, observa l’apparition incongrue de la jeune femme, toujours élégante et gracieuse, avec ce monstre tout droit sorti d’un cauchemar, comme si un fragment d’un plan astral venait de se détacher du firmament et de tomber devant lui.

« - Chère Winter, nous nous retrouvons enfin. »

Le devin s’inclina avec grâce devant elle, la fixant de ses yeux clairs et invitants. Winter fronça les sourcils, confuse.

« - Comment avez-vous… ?

- Oh, pour le sort ? Le professeur Rogue ne s’est pas simplement montré coopératif. C’est lui qui nous a recrutés pour vous guider jusqu’à votre prochaine destination. »

La musicienne retint un rire de surprise.

« - Vraiment ? Je croyais qu’il ne pouvait pas vous voir…

- C’est toujours d’actualité. Et toujours réciproque. », grommela avec arrogance Magorian, les doigts encore crispés sur son arc et la queue de sa flèche qui n’était toujours pas partie.

Firenze afficha un regard doux et lui présenta sa main, comme lors de leur toute première rencontre au cœur de la forêt. Winter déposa ses doigts fins sur sa paume chaude.

Le centaure abaissa ensuite une patte à terre, offrant une révérence respectueuse au basilic.

« - Roi Serpent, avancez à nos côtés. Nous escortons la jeune Augure afin qu’elle accomplisse son devoir comme la prophétie l’exige. »

Le basilic referma sa gueule ornée de crochets imbibés de venins et siffla calmement :

« - JE SSSAIS QUI VOUS ÊTES, CENTAURES. C’ESSST MOI QUI AI CONDUIT L’AUGURE À VOTRE RENCONTRE. »

Winter traduisit le Fourchelangue, remarquant l’incompréhension sur le visages de ses alliés chevalins. Firenze fut immédiatement impressionné aussi bien par le pouvoir ancien en action de la jeune sorcière, que par la révélation du reptile. Alors qu’ils se mettaient tous en route, une intuition en lui se confirma :

« - Alors…vous étiez au courant de la prophétie. Sans aucune connaissance de divination. Cela est remarquable.

- SSSCERTAINES MÉMOIRES NE M’APPARTIENNENT PAS : LE TEMPS LES DÉPOSE EN MOI LORSQUE JE NAISSS, ET JE N’AI QU’À LES SSSUIVRE OU LES DÉFIER. »

Winter, se remémorant sa première aventure dans la Forêt Interdite avec les centaures, se souvint qu’effectivement tout n’avait été que l’œuvre de la voix du basilic qu’elle avait choisi d’écouter plutôt que de suivre le cours des choses ce soir-là.

Elle demanda, retournée par la révélation :

« - C’est ton instinct qui t’a poussé à…me choisir, moi ? Tu ne savais même pas pourquoi tu m’appelais Augure ? »

Le basilic répondit dans un murmure caressant en serpentant élégamment entre les arbres sur le tapis de feuilles :

« - MON INSSSTINCT PRÉSSSENTAIT UNE POSSSIBILITÉ. UN CHEMIN. TOUT DEVIENDRAIT LIMPIDE EN TEMPS VOULU. »

Firenze hocha la tête et rebondit aussitôt :

« - J’ai été habité par le même pressentiment, Winter. Dès lors que tu as mis les pieds sur nos terres, pourtant égarée et avec ce regard encore naïf sur le monde magique. J’ai su à ce moment-là que nous, centaures, serions amenés à remplir une fonction. Et qu’elle n’a probablement pas fini de se préciser. »

Magorian poussa ce qui ressemblait à un hennissement un peu offensé.

« - Une fonction ? Je te rappelle, Firenze, que ma présence ici ne tient qu’à m’assurer à ce que cette créature reptilienne ne franchisse jamais les remparts de notre village. Je ne suis pas son garde du corps. J’accepte déjà de jouer les musiciens pour elle et c’est bien assez. Ne sombrons pas dans le ridicule. »

Mais Winter connaissait à présent suffisamment Magorian pour sentir que derrière ce discours de façade, il était probablement plus impliqué qu’il ne voulait le laisser paraître.

L’expert en divination, bien loin d’être atteint par les protestations vociférantes du bras armé de la tribu, continua à converser sereinement. Magorian galopa vers l’avant de la marche, une manière bien à lui de casser le rythme des paroles nébuleuses de son camarade, mais aussi de se réapproprier sa propre existence par une présence bien ancrée.

Il lâcha d’un ton un peu bourru en renâclant :

« - Voilà, il est ici. »

Il s’arrêta à côté d’un petit arbre à l’apparence pourtant banale. Et d’un geste de la main, Firenze brisa le sort de transfiguration. L’arbre se métamorphosa subitement en un panneau de signalisation en bois sur lequel était écrit en italien :

Riserva Naturale Privata Valle di Nero Fuoco

Ogni intrusione non autorizzata sarà perseguita ai sensi di legge.

I trasgressori rischiano fino a 3 anni di reclusione e una multa fino a 50.000 euro.

Winter plissa les yeux. Elle ne parlait pas un traître mot d’italien. Elle n’avait d’ailleurs jamais fait de concert en Italie auparavant, les italiens étant un peuple privilégiant culturellement avant tout leurs artistes locaux.

« - Qu’est-ce que c’est censé raconter ? »

Firenze afficha un sourire amusé :

« - Cela a été écrit pour dissuader un moldu un peu trop zélé pour son propre bien d’entrer dans votre réserve, Winter, et de se faire dévorer par un dragon ou un basilic un peu trop friand de chair humaine. »

Il ajouta prestement :

« - Mais ce qui compte ici n’est pas tant l’objet mais sa destination. Votre Directeur de Maison m’a informé qu’il devrait mener directement au cœur de la réserve. »

Magorian piaffa d’impatience, un coude posé sur le bois de son arc posé au sol debout :

« - Très bien alors, que le lézard sans pattes y aille, qu’on en finisse. Je peux savoir ce qu’on attend comme ça ?

- La tombée de la nuit. », murmura doucement Winter, pensive, « J’ai convenu avec les dragons qu’il valait mieux, pour éviter qu’ils ne se fassent repérer par les Aurors autour du château, qu’ils volent bas et quand la luminosité sera plus faible. Ils seront là dans quelques heures, je pense. »

La jeune femme n’avait pas de montre et il était maintenant difficile d’observer la course du soleil tant les arbres masquaient le ciel. Elle finit par s’assoir sur une pierre en tailleur, les coudes posés sur les jambes. Firenze installa son corps équin à au sol à quelques mètres d’elle. Le basilic, complètement immunisé aux insultes de Magorian, s’enroula dans ses anneaux paisiblement. Seul le centaure alezan trépigna et se mit à faire des tours de ronde pour se dégourdir les pattes, sans jamais trop s’éloigner du groupe.

Et ils attendirent.

Une heure passa. Puis deux. Puis trois. Bientôt, la lumière du ciel déclina, virant du jaune à l’oranger. Le ciel était clair et magnifique. C’était une journée d’été parfaite. Winter, dans sa tête, ne pensait pas au tournoi. Elle voulait le retrouver. L’embrasser à nouveau. Et l’odeur de la forêt, taquine, lui rappelait insidieusement celle de ses vêtements, de sa cape dans laquelle elle s’était une fois enroulée à l’infirmerie.

Au bout d’un moment des battements d’ailes membraneuses l’arrachèrent à sa rêverie. Les quatre dragons, majestueux, imposants, apparurent, leurs queues et leurs griffes fouettant la poussière alors qu’ils atterrissaient. Firenze se leva et les scruta, profondément émerveillé. Magorian se tendit, arc à nouveau à la main, prêt à intervenir au moindre dérapage.

Le basilic leur fit face, sans baisser la tête, sans émotion, mais avec une forme de reconnaissance dans les yeux. Les cinq prédateurs se dévisagèrent comme des monarques lors d’un sommet en temps de paix. Pas d’amitié ni d’alliance. Une simple acceptation de la situation, tous conscients d’être réunis ici par leurs propres tribulations et leur rencontre commune avec la jeune femme. Il n’y eut pas d’au revoir. Ce dernier était implicite. Et lentement, les créatures s’approchèrent du panneau, pourtant d’une taille ridicule par rapport à eux. Ils le touchèrent en même temps. C’est alors qu’ils furent emportés dans un tourbillon magique d’une violence tellement inouïe qu’elle en abattit un arbrisseau et bientôt, il ne resta d’eux aucune trace.

Winter, qui s’était reculée avec les centaures, en eut le souffle coupé. Elle resta muette pendant plusieurs secondes.

« - J’espère…qu’ils vont vraiment arriver au bon endroit… »

Firenze secoua la tête doucement, faisant danser sa chevelure bouclée.

« - Il n’y a aucune raison que la magie ne fonctionne pas sur eux, Winter. Un Portoloin bien calibré est censé être d’une fiabilité irréprochable. »

Il esquissa quelques pas de ses sabots et ses yeux se perdirent vers les trous dans la verdure de la cime des arbres. Il faisait presque nuit à présent.

« - Il est tard. Vous devez être rentrée sous peu. L’épreuve du Tournoi des Trois Sorciers sera bientôt terminée et tout le monde va s’interroger sur votre absence. Souvenez-vous, Winter que vous n’êtes pas n’importe qui à l’échelle de votre société humaine. »

Il afficha un sourire doux et bienveillant.

Les deux centaures et la jeune prodige du rock se remirent en route pour retraverser la portion de forêt jusqu’au parc de Poudlard. Sur le chemin, ils se contentèrent d’écouter les bruits de la forêt, des oiseaux, des mulots et des Noueux sauvages dans les herbes. La Forêt Interdite regagnait en obscurité progressivement et redevenait inhospitalière.

Quand la cabane de Hagrid fut à portée de vue, Firenze et Magorian s’arrêtèrent. Winter remarqua que ce dernier semblait un peu nerveux. Il était en état d’hyper vigilance.

Firenze retira lentement sa main et glissa à demi-voix :

« - C’est ici que nous nous séparons, Winter. »

Il marqua un temps de silence pour ne pas troubler une respiration de la forêt avant de rajouter :

« - J’espère me tromper mais…je sens que quelque chose ne s’est pas passé comme prévu. Soyez prudente. »

Il inclina la tête et disparut dans les profondeurs de la forêt avec Magorian.

Winter, dubitative, entreprit de rejoindre les tribunes du tournoi, espérant s’y fondre comme si de rien n’était pour la fin de l’épreuve. Elle emprunta des petits sentiers rocheux en pente pour ne pas repasser par le château, estimant cela trop risqué.

Enfin elle entendit la fanfare. Les rires. Les acclamations. Le vainqueur venait probablement d’être désigné. Mais alors qu’elle approchait, un hurlement retentit. Et à partir de ce moment-là, tous les événements qui allaient suivre se déroulèrent tellement vite qu’ils ne laissèrent que des empreintes floues dans sa mémoire.

« - Il…il est mort ! Cédric est mort ! Je…je n’ai pas pu…le ramener vivant. »

C’était la voix de Harry Potter, une voix déchirante, traumatisée, haletante, brute.

« - C’est une attaque ! C’était un piège ! La coupe du tournoi était un Portoloin ! Il…Il est revenu ! »

Il hurla de douleur et de larmes :

« - Voldemort est revenu ! »

Quelqu’un se leva dans la foule. Une voix masculine, plus âgée, se brisa d’un coup :

« -…Cédric ? CÉDRIC ?? »

Ses pas précipités le menèrent aussitôt dans la fosse. Et c’est là que Winter le vit. Un corps. Pâle, inerte.

Tragiquement beau et le regard figé.

« - Mon garçon ! …NON ! …C’est… c’est mon fils. »

Amos Diggory répéta avec une teinte dans la voix que personne ne devrait jamais entendre chez un père :

« - …C’EST MON FILS… ! »

Il s’effondra au sol d’incrédulité et de chagrin. Très vite, de nombreux professeurs vinrent l’entourer. Cornelius Fudge, debout, assomma aussitôt Dumbledore d’une batterie de questions. Olympe Maxime et Igor Karkaroff le rejoignirent, tétanisés.

Severus Rogue se leva à son tour. D’un geste de baguette, il créa un sort pour isoler acoustiquement la scène et éloigner Rita Skeeter et ses comparses du Daily Prophet qui, comme des charognards, s’étaient aussitôt amassés autour de l’attroupement devant les gradins.

Winter, debout contre le mur d’une tribune, complètement dépassée par les événements, ne parvenait encore à réaliser ce qui se jouait devant elle. Et comme pour se raccrocher à quelque chose de tangible, sentant presque le sol glisser sous ses pieds, elle se focalisa au hasard sur un détail de la scène.

« - Maugrey, emmenez Harry au château. », lança Dumbledore, le regard plus grave que jamais.

Le jeune Potter, sous le choc, ne protesta pas. Mais Winter fronça les sourcils en voyant la manière dont Alastor Maugrey s’empressa beaucoup trop rapidement d’attirer le garçon à lui. Il semblait complètement immunisé à la tragédie devant ses yeux. Et pire, il se contenta de tirer la langue avec son tic grossier et complètement inapproprié.

« - Suis-moi, gamin. »

Personne ne remarqua ce comportement étrange. Tout le monde aurait pu prendre cette absence de sensibilité pour une déformation de son métier d’Auror où il avait vu les pires horreurs. Mais Winter elle, perçut autre chose, par pur instinct féminin. Ce professeur, elle ne l’avait jamais senti sans jamais pouvoir expliquer pourquoi.

Elle ne pensait plus. Son esprit avait cessé de fonctionner correctement depuis l’arrivée du drame. Son corps, pourtant épuisé, se lança tout seul à la poursuite de Maugrey et de Harry Potter. La sorcière les suivit en filature jusqu’au château.

L’homme marchait vite malgré sa prothèse de jambe. Il entraîna le célèbre Gryffondor jusqu’à la porte de son bureau de professeur.

Et avant qu’ils n’y entrent, Winter intervint. Il lui fallait tenter quelque chose. N’importe quoi.

« - Harry ? »

Alastor Maugrey la fixa avec agacement, son œil magique faisant une mise au point sur le visage magnifique de la jeune femme, contrastant profondément avec sa propre laideur.

« - Retournez à vos claviers et à vos chansons d’amour, Grail. Potter et moi avons à régler quelque chose, et ça ne vous regarde pas. »

Il poussa brusquement le garçon à l’intérieur et ferma la porte derrière lui avec un sort suffisamment costaud pour qu’il soit impossible de l’ouvrir avec un simple Alohomora.

Winter, la porte claquée à la figure, ne perdit guère plus de temps. Elle retraversa le château. Il lui fallait trouver le seul homme auquel elle se verrait confier la situation : Severus Rogue.

La pianiste déboula les escaliers, retraversa les couloirs…quand soudain, elle l’aperçut en compagnie de Dumbledore et McGonagall. Le trio, pressé, semblait vouloir rejoindre Maugrey et Harry Potter. Elle ne pouvait pas lui parler en présence du directeur. Cela serait trop suspect car elle n’avait rien à faire dans l’école en ce moment.

La jeune femme les suivit discrètement malgré tout, entendant Minerva McGonagall murmurer d’une voix inquiète :

« - Ce n’est pas normal, Albus. Tous les Aurors du château dorment. Ils ont été neutralisés. Êtes-vous certain de pouvoir encore accorder votre confiance à Alastor Maugrey ? »

Dumbledore ne répondit pas et quand ils arrivèrent devant le bureau du professeur de Défense contre les Forces du Mal, ils firent sauter avec aisance le verrou, pourtant enchanté, et pénétrèrent tous les trois à l’intérieur.

Winter n’osa pas entrer mais des bribes qu’elle perçut, elle comprit : une imposture. Un intrus. Le professeur qu’elle avait eu en cours toute l’année n’était pas un véritable Auror, mais un criminel. Pire que cela, un Mangemort.

Il avait revêtit l’apparence de Maugrey Fol Œil avec du Polynectar qu’il avait consommé toute l’année et qu’elle avait pris pour…de l’alcool.

Son sang se glaça. Le loup avait été dans la bergerie pendant tout ce temps.

Elle s’adossa au mur dans un renfoncement, complètement sonnée, et resta de longues minutes à remonter la bobine de son année à Poudlard dans sa tête en se demandant pourquoi elle n’avait pas creusé son intuition plus tôt et surtout, quand Rogue l’avait suspectée, elle, d’en préparer, pourquoi elle n’était pas revenue sur le sujet du Polynectar après avec lui quand ils s’étaient rapprochés.

Au bout de quelques instants, Minerva McGonagall sortit précipitamment avec Harry Potter. Elle aperçut Winter Grail et sans s’arrêter, lui lança d’une voix surprise, sèche et préoccupée :

« - Vous ne devriez pas vous attarder ici, Miss Grail. »

Harry Potter la regarda d’un air étonné et presque suspicieux de la voir ici, mais garda la bouche fermée.

Quelques secondes après, Severus Rogue, baguette noire à la main, sortit à son tour. Ses prunelles sombres se déposèrent sur elle.

Il s’arrêta, une lueur d’hésitation et d’un semblant de trouble lui parcourant le regard.

« - Vous auriez dû m’attendre dehors. »

D’un mouvement sec de la tête, il l’enjoignit pourtant de le suivre discrètement, ce qu’elle fit aussitôt.

Le professeur des potions entraîna la jeune femme dans la salle de cours de Défense contre les Forces du Mal qu’il ferma à double tour derrière lui.

Quand ils furent enfin seuls, il plongea son regard dans le sien avec une intensité presque douloureuse, son souffle calme comme de l’eau bouillonnant sous une couche de glace.

« - Je n’ai pas beaucoup de temps. Dumbledore m’envoie chercher des potions pour le véritable Alastor Maugrey qui était enfermé dans son bureau tout ce temps. C’est Barty Croupton Junior, un ancien Mangemort échappé d’Azkaban qui est à l’origine de tout cela. Il est très probable qu’il ait aussi assassiné son père qui est porté disparu depuis un mois. »

Winter sentit son cœur s’accélérer comme à chaque fois qu’il se tenait si près d’elle. Elle fit un pas vers lui, prête à répondre, mais il la coupa :

« - Winter… »

Il ferma les yeux un bref instant, comme s’il s’apprêtait à lui révéler quelque chose de trop lourd à porter.

Quand ses paupières se rouvrirent, son regard s’était vidé de toute chaleur. Il était froid, tranchant, glacé jusqu’à l’âme.

« - Ce qu’il y a eu entre nous doit disparaître. N’avoir jamais existé. C’était une erreur. »

Le souffle de Winter se coupa brutalement et elle eut la sensation de recevoir un coup dans la poitrine. Sa voix, étranglée, ne parvint qu’à un murmure :

« - …Quoi ? »

Severus Rogue resserra le col de son manteau noir de ses mains longues et pâles, comme s’il tentait de se barricader davantage. Aucune émotion ne survivait sur son visage devenu une façade impénétrable.

« - J’ai été sot d’avoir laissé cette mascarade durer aussi longtemps. Je voulais simplement ne pas vous laisser seule avec ce que la prophétie de l’Augure exigeait de vous. Je devais garder votre confiance. Vous n’êtes pas une jeune femme que l’on persuade avec l’ordre et l’autorité. »

Ses cheveux noirs, impeccablement lisses, tombèrent en rideau sur ses joues creuses jusqu’à ses épaules. Dans l’obscurité de cette salle de classe déserte, il avait l’air plus fantomatique que jamais. Plus usé également, dans les lignes sombres au coin de ses yeux et celles de son front.

« - Dans une autre vie, j’aurais peut-être été cet homme-là. Celui qui vous embrasse, celui qui ose, celui qui vous honore et vous mérite. »

Sa voix grave s’éteignit dans un murmure monocorde, qui sonnait comme une condamnation qu’il prononçait contre lui-même :

« - Mais je ne l’ai jamais été. Pas ici. Pas dans ce monde. Pas dans ce corps. »

Winter, la gorge nouée, sentit les larmes venir à ses yeux et elles ne parvint à les retenir cette fois. Lorsqu’elles coulèrent silencieusement et dignement sur ses joues, quelque chose vacilla l’espace d’un instant dans le creux des yeux du Maître des Potions.

Winter murmura d’une voix tremblante qu’elle ne chercha même pas à maîtriser :

« - …C’était donc ça que vous vouliez me dire. »

Elle baissa la tête, les bras serrés le long de son corps.

Severus déglutit, et malgré sa carapace glacée, la vue de sa douleur ébranla profondément quelque chose en lui. Il sentit son cœur, ou ce qui en restait, se noircir encore davantage de l’intérieur.

Il murmura d’une voix basse, presque mourante :

« - Je suis désolé. »

Quelques secondes s’écoulèrent. Winter finit par relever lentement la tête. Ses yeux bleu azur exprimaient une souffrance profonde, inconsolable et la blessure vive et ouverte de l’humiliation, ce qui fit presque reculer l’homme d’un pas. Jamais il n’avait vu la honte et la peine assumée avec une telle puissance, presque brandies farouchement comme un étendard.

Même en cet instant, elle était magnifique. Et forte.

Winter prit une longue inspiration pour reprendre le contrôle. Quand elle lui répondit, il sentit aussitôt que quelque chose venait de se briser. Que quelque chose avait changé. Sa voix, bien que tremblante, était plus mature et adulte que jamais :

« - C’est très clair, professeur. Je ne vous attendrai plus. Je ne vous demanderai plus rien, je n’espèrerai plus rien. Ni geste, ni regard. Et j’oublierai. »

Severus reçut les mots comme un coup de poignard. L’oubli. Il le craignait plus que le mépris, la colère, le dédain ou l’opprobre. Parce qu’il savait, lui, que malgré ses propres mots, il n’allait pas l’oublier.

La jeune femme se redressa et se dirigea vers la porte, le dos droit même si tout en elle était en train de s’effondrer. Et avant de sortir, elle le regarda une dernière fois.

« - Vous savez…moi c’était sincère. Maladroit peut-être, mais…j’ai toujours été vraie. Comme avec ma musique. »

Elle referma la porte.

Un peu plus tard, dans la nuit, au creux d’un château en deuil, Severus Rogue, retranché dans son bureau, fixait les flammes de sa cheminée, enfoncé dans un fauteuil. Ses mains tenaient délicatement la photographie de Lily Evans qu’il ressortait dans ses heures les plus sombres.

Les flammes, rougeoyantes et dansantes, presque moqueuses, n’étaient pas sans lui rappeler la chevelure de son amie d’enfance.

Sa voix, basse, étouffée, murmura :

« - Je sais ce que tu penses. Tu dois me prendre pour un imbécile. Encore la même histoire pas vrai ? Je recommence. Je ne sais plus ce que je fais. »

Il caressa de son pouce la pellicule vieillie, tremblant malgré lui.

« - Je n’ai jamais su aimer sans trahir. D’abord toi, puis elle. »

Il laissa échapper un rire amer, sans joie.

« - Tu vois ? Je n’ai jamais changé. Je détruis ce que je touche. Exactement comme la dernière fois. »

Son regard éteint, comme s’il avait vécu au moins le double de son âge, se perdit à contempler le sourire et les yeux verts de la jeune Gryffondor sur le cliché.

« - Et elle…elle n’a rien fait de mal. Comme toi. C’est peut-être votre seul point commun, d’ailleurs… »

Le feu crépita, presque railleur. Il lâcha ces mots dans un souffle grave, tandis que sa main glissait instinctivement vers son avant-bras gauche, qu’il massait à travers la manche sombre de son manteau élégant.

« - Je peux encore endurer tout le reste une nouvelle fois…si c’est le prix pour qu’elle vive. »


Texte publié par NoxND, 25 novembre 2025
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tome 1, Chapitre 35 « La Troisième Épreuve » tome 1, Chapitre 35

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