Le blizzard incessant régnait en maître, telle une bête gardant jalousement son territoire. Et cette bête, déjà d’ordinaire tapageuse, semblait redoubler en ruades. Pour cause, un intrus la défiait. Au milieu de la neige immaculée progressait inlassablement une figure noire, une tache refusant de s’effacer sous les assauts cinglants du vent chargé de glace. Tout au mieux, le blizzard estompait son sillage, mais la masse blanche et collante à ses pieds ne la freinait pas, les turbulences la bousculant n’arrivaient guère à altérer sa trajectoire.

Un grondement, lointain d’abord, se fit entendre parmi les hurlements des bourrasques. L’affront avait assez duré ; l’ultime charge contre l’impudent approchait.

Lémèn entendit l’avalanche alors que celle-ci était encore loin. S’il n’avait eu cure jusqu’à présent des éléments déchaînés contre lui, ce dernier caprice ridicule était de trop. « Un piètre chien de garde mal élevé... », pensa-t-il.

Soudain, la tourmente fit place au silence, le blizzard à l’air immobile. L’avalanche, déchaînée et furieuse plus tôt, s’était écrasée doucement, honteuse, telle une vague sur une plage, aux pieds de son nouveau maître, figée dans la glace.

« Rélis, je ne sais pas qui tu espérais dissuader avec ton molosse, mais tu devais te douter que ceux qui viennent ici peuvent facilement le mater. », dit Lémèn à la cantonade.

Il n’eut aucune réponse ; il n’en attendait pas. Il reprit son chemin, dans une neige à présent bien docile.