NOUVELLE VOCATION POUR l'HÔTEL LE REPÈRE

Le Jenquetois

Deux semaines se sont écoulées vers un lieu inconnu depuis que les cendres de feu Jenquet caressent les racines de l'érable argenté qui veille sur lui. Un retour à ses racines. Une grande réunion se déroule au café À La Pointe Du Couteau afin de planifier ses dernières volontés. Le maire confirme à Hocquet, à Chiquita et à Vénus qu'ils peuvent modifier la vocation de l'hôtel Le Repère sans aucun changement de zonage. Ils étudient ensemble un projet d'envergure qui pourrait augmenter la population du village qui ne compte plus que 1231 âmes. Le trio compte transformer l'hôtel en une maison de chambres pour itinérants. Ils souhaitent ouvrir leur hôtel Le Repère aux itinérants en leur permettant d'occuper 5 des 6 chambres de l'étage à la condition qu'ils soient sans domicile fixe. Avec l'accord de la municipalité, les travaux sont vite entrepris.

Évidemment, les trois amis s'aménagent un logement décent pour chacun d'eux. Ils occupent la moitié du rez-de-chaussée alors que l'autre partie devient un bar dédié aux boissons sans alcool et aux souvenirs des exploits de Jenquet. On le baptise Le Jenquetois. Ils revampent ensuite le salon Au Raseur Rasé pour en faire un salon de coiffure et d'esthétique ultra-chic. Chiquita continue à y offrir sa célèbre et unique coupe calvitie pour hommes chauves tandis que Vénus poursuit ses épilations au rasoir pour hommes poilus.

Il ne faut pas se surprendre de cette nouvelle orientation. Les amis se souviennent de leur enfance malheureuse. Les trois proviennent de familles pauvres baignant dans la violence, l'inceste et le crime. Difficile pour un père d'être présent quand il purge une peine de 20 ans à la prison de Trois-Rivières ou qu'il repose au cimetière. Impossible pour une mère de veiller sur ses enfants quand elle remplace son homme par le rhum. Chiquita et Vénus connurent les affres du sexe dès leur tendre enfance peu tendre. En quittant le nid familial, elles ont poursuivi leur carrière dans un bordel avant de changer d'orientation grâce à leur bienfaiteur Jean Jenquet qui aida à transformer le bordel en salon de coiffure. Hocquet, pour sa part, part de la maison paternelle en fuguant sans le dire à sa famille et adopte la rue comme domicile provisoire. En arrivant à St-Jean-D'Épîles, il occupe plusieurs petits boulots au journal La Dépêche avant d'en devenir spécialiste des chiens écrasés, rédacteur, propriétaire, éditeur en chef et seul journaliste. Les trois doivent leur rédemption à Jenquet et maintenant ils profitent de son lègue. Ils n'ont comme objectif que d'accomplir ses dernières volontés et les suivantes.

Le Jenquetois fait sensation dans le village. Tous les amateurs de bières et de boissons sans alcool s'y donnent rendez-vous. Le bar fait salle comble tous les soirs alors que ses quatre tables accueillent 14 personnes au total. Le comptoir-bar permet d'ajouter trois clients s'ils ne sont pas obèses. De coiffeuse le jour, Chiquita revêt ses habits de serveuse le soir. En soirée, Vénus délaisse son rasoir pour animer un karaoké tandis que Hocquet se transforme en gérant d'hôtel. Pendant ce temps, les cendres de Jenquet continuent d'alimenter l'érable argenté de jour comme de nuit.

Découverte

Un mois après les funérailles, alors que Chiquita et Vénus s'occupent des occupants du bar Le Jenquetois, Hocquet entreprend la fouille du fouillis dans la chambre numéro 6, celle de Jenquet. Des tiroirs plein de paperasses et de rapports d'enquête inédits. Un grand ménage s'impose.

Une chemise bleue est particulièrement intéressante. Elle contient plusieurs rapports d'enquête inédits qu'il n'a jamais lus. Pourrait-il les publier dans son journal comme œuvre posthume ?

Hocquet prend aussi connaissance d'une lettre qui accompagne les documents. Jenquet y décrit un projet d'expansion pour son agence.

Devant une supplication gouvernementale qui pourrait m'être adressée et face à la perspective d'une éclosion de nouvelles enquêtes proportionnellement à l'éclosion de nouvelles sources de Covid, j'ai pris la décision d'augmenter le nombre de mes employés. Impossible pour moi de tout faire seul. Il me faut un chien d'accompagnement. Mais pas question de prendre n'importe lequel. Un entretien d'embauche s'impose. Est-ce que MIRA pourrait guider mes enquêtes ? Cela me prend vraiment un enquêteur qui a du chien et qui peut suivre la piste d'un malfaiteur sur de longues distances. Naturellement, il importe qu'il soit noir ou blanc afin que je respecte mon quota d'inspecteurs venant de minorités visibles et surtout qu'il accepte de travailler à faible coût. Au début, je le tiendrai bien en laisse pour m'assurer de sa fidélité. Je vais demander à Vénus de m'aider occasionnellement en s'assurant que cet associé ne laisse pas de traces suite à notre passage.

Hocquet décide de lire ces rapports d'enquête plus tard, poursuivant son inspection dans la chambre du défunt.

Les murs, sans tapisserie, sont tapissés de dizaines de tableaux peints par Jenquet lui-même illustrant les grands moments de sa vie. Hocquet n'y avait jamais porté attention quand il visitait son ami. Maintenant, il souhaite en faire profiter tout le village. Ils prendront éventuellement place dans le bar Le Jenquetois.

Il découvre sous le lit et sous une couche poussiéreuse une grande mallette en vieux cuir brun tachée de cernes bleus et bardée de trois cadenas. Que contient-elle ? Hocquet s'arme de patience, de courage et d'une paire de pinces. Il dépose l'objet sur le lit, prend une pause et après quelques minutes qui durent deux heures, parvient à débarrasser la mallette de ses cadenas. Il l'ouvre précautionneusement et ce qu'il y découvre le laisse pantois. Un cahier rempli de notes personnelles de Jenquet. Il prend le temps de les lire en diagonale et de haut en bas découvrant des secrets qui ne doivent absolument pas se retrouver sous des yeux curieux. Une centaine de feuilles manuscrites où Jenquet a noté ses réminiscences à la main. Toute sa vie s'y étale. Des secrets de famille, la vie avec ses quatre femmes et des réflexions intimes sur sa vie au quotidien. Un ethnologue découvrant ces écrits n'y verrait rien d'intéressant mais pour Hocquet c'est une source inépuisable de renseignements sur son héros. Il referme la mallette et la repousse sous le lit. Il décide alors que l'accès à la chambre numéro 6 est condamné à être condamné.

Une gratuité coûteuse

Une fois bien installé, le trio s'attèle au second étage de l'hôtel afin de préparer les cinq chambres dédiées aux itinérants. La sixième chambre DEVRA demeurer inoccupée afin que les écrits de Jenquet demeurent dans la demeure de cet héros. Un code de vie rédigé par Hocquet tapisse chaque porte d'entrée ou de sortie selon le cas. En voici la teneur.

1. L'occupant ne doit laisser aucune loque à terre et faire son lit chaque matin ;

2. L'occupant doit utiliser sa douche selon les jours suivants : chambre 1 le lundi, chambre 2 le mardi, etc. afin de ménager l'eau chaude et sauver la planète ;

3. Les repas seront servis à la cuisine commune par Chiquita selon sa disponibilité ;

4. Aucune critique, même justifiée, sur la nourriture ne sera tolérée ;

5. Seules les boissons vendues au bar Le Jenquetois peuvent être consommées par le bénéficiaire ;

6. Le harcèlement sexuel avec Chiquita et Vénus est strictement interdit vu qu'elles ont atteint leur quota de relations sexuelles ;

7. L'usage de la chambre étant gratuit, son utilisateur devra débourser trois heures de travaux communautaires par jour pour l'entretien de l'hôtel et du bar;

8. À tour de rôle, les bénéficiaires sont responsables de l'arrosage de l'érable argenté et de son désherbage ;

9. L'usage de drogues n'est pas permis à moins d'une prescription médicale ;

10. Il est strictement interdit d'entrer dans la chambre 6 sous peine d'expulsion et de poursuite judiciaire.

Tout est prêt pour accueillir les premiers itinérants si on peut en trouver. Le maire M. Lemaire de St-Jean-D'Épîles fait remarquer que son village ne compte aucun itinérant depuis que Luis et Hermès l'ont déserté. Hocquet se charge alors d'écrire un article dans le journal pour faire la promotion du village et de son hôtel-refuge.