C’est une blague. Il y a forcément des caméras cachées, une équipe de production prête à se dévoiler, faire un gros plan de mon visage, rire de mon désespoir… ? S’il vous plaît, dîtes-moi que c’est ce qu’il va se passer.
La journée a bien commencé. J’ai confirmé avec Zoé et Kyle la date du rendez-vous en mairie pour la cérémonie « officielle » du mariage, tous mes cookies sont sortis parfaitement cuits, Patty et Simon sont arrivés en avance pour me permettre de partir un peu plus tôt, pour avoir le temps de faire une sieste avant de devoir me préparer pour mon repas de famille… Vraiment, la journée a très bien commencé.
Et puis, mon Uber s’est garé devant la grande maison que la tante de ma mère a loué pour la cousinade, et j’ai compris qu’il allait y avoir un problème. Mon père se trouvait sur le perron, à faire les cent pas, et il s’est littéralement rué sur moi lorsque je suis sortie de la voiture. J’ai à peine eu le temps de remercier mon chauffeur.
- Ma puce, tu as invité Gray aujourd’hui ?
- Hein ? Euh… non. Pourquoi j’aurais invité Gray ? J’avais pas prévu d’annoncer le mariage à la famille éloignée.
- Je crois que tu vas pas avoir le choix…
- Pourquoi ?
Mon père n’a pas le temps de me répondre, Adèle, la tante de ma mère – sœur de mon grand-père – et l’organisatrice de l’évènement, se précipite vers moi les bras grands ouverts et un immense sourire aux lèvres. Elle m’engouffre dans ses longs bras squelettiques et j’essaie de ne pas suffoquer à cause de son parfum.
- Ma petite Lily ! Comme je suis heureuse de te voir, ça fait tellement longtemps. Viens, viens, entre ! Comme tu ressembles à ta mère !
Adèle ne me laisse le temps de rien, et m’entraîne dans la maison. On traverse le couloir jusqu’à la porte arrière ouverte sur un immense jardin où se trouvent beaucoup plus de gens que ce à quoi je m’attendais. Je savais que cette cousinade allait faire ressurgir des parents éloignés… mais pas à ce point-là  ! Il y a bien cinquante personnes éparpillées entre les diverses tables remplies de verres et de nourriture et une quinzaine d’enfants courent dans tous les sens.
- Ma petite Lily, il y a quelqu’un qui rêve de te rencontrer, il faut que je te présente. Il est là -bas... Pierre !
Adèle me tire par le bras vers un homme qui doit certainement être de ma famille. Il semble à peine plus jeune que moi, il a un visage fin et allongé, un petit nez et des yeux bleus semblables aux miens. Il porte une jean sombre et une chemise rose – un peu trop petite au vu des boutons tendus sur son torse. Je ne sais pas pourquoi il veut me rencontrer, je n’ai aucune idée de qui il est…
- Pierre, je te présente Lily ! Ma petite nièce dont tu m’as parlé ! Lily, je te présente Pierre. Il est le fils de la… fille de ma nièce ? Oh, c’est compliqué cette histoire de famille éloignée ! C’est l’un de tes cousins ! Il semblait avoir entendu parler de toi, sûrement avec l’ouverture de ton petit café !
- Enchanté, souris-je à Pierre.
- De même, Lily ! répond-il, me jaugeant de haut en bas. Je suis ravi d’enfin faire la connaissance de la responsable de Cookie Dough.
- Oh, tu connais mon café ? demandé-je, un peu sur la défensive – je n’aime pas son ton. Je ne pense pas t’y avoir déjà vu, mais je suis souvent en cuisine, donc…
- Non, non, je ne suis jamais rentré. Je n’habite pas dans le coin, je suis là pour quelques mois seulement. Maître Salvador m’a indiqué l’adresse, je me suis dit que ça serait l’occasion de faire un tour du propriétaire. Si nous pouvions peut-être déterminé une date… ?
Vu le sourire qui éclaire le visage de Pierre, je sais que toute la couleur a disparu du mien. Il connaît l’avocate qui s’occupe du testament d’Ulysse. C’est lui le neveu au deuxième degré de mon grand-père qui va hériter de Cookie Dough si je ne suis pas mariée d’ici septembre.
- Ma puce ! Je savais bien que je t’avais aperçue !
Je tourne la tête et rencontre le regard de Nana. Ma grand-mère. Elle me sourit et frotte sa main contre mon dos. Elle a compris la situation, je le vois dans ses yeux.
- Tu es toute seule ? Gray arrive de son côté ?
- Gray ? questionne Adèle. Je ne savais pas que tu avais un conjoint, ma petite Lily !
- Son futur époux, même ! annonce Nana alors que je lui fais les gros yeux – non, non, non, j’avais pas prévu d’annoncer l’existence de mon faux mari à qui que ce soit !
- Oh… tu vas te marier ? demande Pierre, sceptique.
- Mais je ne le savais pas ! Pourquoi tu ne me l’as pas dit ? Il vient aujourd’hui, n’est-ce pas ? Oh, là , là , j’espère qu’il n’a pas de restrictions alimentaires ! Comme tu ne m’as pas dit… je n’ai rien préparé !
- Non, Adèle, non. Il… il ne va pas…
- Laisse-moi deviner, il est trop occupé pour venir ?
Mes yeux se posent sur Pierre. OK, il va se calmer, lui. C’est quoi ce ton ? On se connaît depuis à peine dix minutes et il se permet déjà ce genre de remarque ? Sérieusement ? Adèle rit nerveusement à sa réplique et ma grand-mère se tend à côté de moi. Elle va lui répondre quelque chose. Je le sens. Maxine Martin a soixante-dix ans d’expérience avec les hommes trop confiants – ses mots, pas les miens, et elle n’a pas sa langue dans sa poche.
- Mon cher Pierre, je n’apprécie pas trop ce ton. Qu’est-ce que tu insinues ? Pour une première rencontre, tu prends bien tes aises.
- Je ne voulais pas vous vexer. Mais c’est simplement surprenant qu’Adèle n’ait pas connaissance du fiancé de sa nièce… et je ne vois pas de bague au doit de Lily.
- Alors ça, c’est de ma faute.
Je ne pensais pas, un jour, être si heureuse d’entendre cette voix. Je me retourne vivement et me retrouve enveloppée par l’odeur du pamplemousse. Mon regard croise celui de Gray, rieur derrière ses lunettes à fine monture dorée. Il porte un pantalon en toile beige et une chemise blanche ; ses cheveux semblent légèrement humides.
- Rominet, soufflé-je.
- Désolé pour le retard, j’ai justement eu un message ce matin du bijoutier… commence-t-il en secouant légèrement une boite en velours pourpre devant mes yeux, comme si je savais ce qu’il y avait à l’intérieur et que je l’attendais avec impatience. Cette fois-ci, la taille de l’anneau devrait être bonne.
Mon attention passe de l’expression de Gray à la boite devant mes yeux. Il n’est pas sérieux ? Voyant que je ne réagis pas, il fait basculer le couvercle et laisse apparaître l’une des plus belles bagues que j’ai jamais vu. Il a eu ça où ?! Il la retire de son écrin de velours et la glisse à mon annulaire gauche. Elle me va parfaitement. Le fin anneau d’or blanc s’enroule autour de mon doigt juste assez fort pour que je ne la perde pas en bougeant la main. Et plutôt que décorée d’un solitaire, plusieurs diamants ovales sont agencés pour créer un lotus éclatant sous les rayons du soleil.
- Gra–
- Vraiment, Gray ! s’exclame Nana, me coupant dans mon élan. Je te l’ai déjà dit plusieurs fois, mais cette bague est splendide. Un lotus pour Lily… c’est romantique, n’est-ce pas, Adèle ! Oh, d’ailleurs. Gray, je te présente Adèle, la sœur de mon défunt mari. Adèle, voici le fameux fiancé de Lily !
- Enchanté, sourit-il, sortant son air charmeur avec la plus grande facilité. Gray Sylvester. Et vous êtes… ?
- Pierre. Un cousin éloigné de–
- Mon Dieu, mon Dieu ! Ma petite Lily, tu as gagné le jackpot ! Un jeune homme aussi charmant que poli ! Et cette bague, montre-moi ça ! Magnifique, magnifique ! Mais je n’ai pas reçu d’invitation pour votre mariage, vous n’avez pas encore choisi de date ?
- Nous ne nous en sommes pas encore occupé, répond Gray. C’est plutôt récent, et… à vrai dire, on pensait faire une toute petite cérémonie.
Gray ment comme un arracheur de dents, et se débrouille à merveille. Un baratineur né, ce type. Sa main est posée sur ma hanche, aussi légère qu’une plume. J’écoute d’une seule oreille la conversation qu’il réussit à entretenir avec Adèle, Nana et Pierre. Mon fiancé improvisé se débrouille comme un chef, et sa gestion de la situation me met encore une fois à crédit de faveurs.
Au bout d’une bonne dizaine de minutes, Adèle nous lâche enfin la grappe et s’empresse d’aller répandre la nouvelle de mon futur mariage à tout le monde. Littéralement tout le monde. Génial. Ça devait être un deal rapide, incognito, sans vague… mais ce n’est jamais aussi simple, n’est-ce pas ?
- Vous vous fréquentez depuis longtemps ? demande Pierre sans détour.
- Ça fait un moment, répond Gray de manière évasive.
- Un moment ?
- C’est bien un homme, ça, de ne pas se souvenir de l’anniversaire de son couple ! blâme Nana. Je pensais que c’était générationnel, mais apparemment, même les jeunes d’aujourd’hui–
- Huit ans, articule lentement Gray, de la même manière qu’il le fait avec moi lorsqu’il me taquine. Enfin, ça fera huit ans en décembre. Je sais, j’ai pris mon temps pour faire ma demande, mais Lily était concentrée sur ses projets, l’ouverture de Cookie Dough…
- Je vois, je vois… Oh, excusez-moi.
Pierre nous lance un sourire que je n’aime pas et s’éloigne de notre groupe. Je ne suis toujours pas totalement consciente de ce qu’il vient de se passer. Nana et Gray discutent, mais je n’entends pas. Mon regard est toujours fixé sur le dos de Pierre. Au bout d’un moment, je sens la pression de la main de Gray sur ma hanche s’intensifier. Il me guide vers l’intérieur de la maison.

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