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tome 1, Chapitre 12 « Lily » tome 1, Chapitre 12

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Je n’ai pas réussi à refuser Ally. Je n’arrive pas à discerner si Gray, Kyle et Zoé m’en veulent. Mais vu la manière dont ils regardent ou plutôt toisent Pierre et son téléphone – qu’il a braqué sur Ally –, je suis sûre qu’ils ne sont pas enchantés par la situation. J’ai vraiment essayé de lui parler, mais elle avait l’air tellement heureuse qu’on reconnaisse ses efforts, et qu’on la soutienne dans son projet professionnel… Qui suis-je pour lui refuser de rêver à cette carrière, hein ?

Nous sommes dans le AirBnB de Pierre, dans le salon. Il nous y a invité pour qu’on prenne enfin des « décisions vitales » pour l’organisation. Je suis assise sur le canapé, à côté de Gray qui a son bras posé derrière moi sur le dossier. À côté de lui, Zoé regarde son téléphone toutes les trente secondes – Sylvia ne se sentait pas très en forme donc a préféré rester se reposer chez elles, et Kyle marmonne je ne sais pas quoi dans sa barbe depuis qu’Ally a commencé à parler à la caméra.

Gray et moi avons déjà regardé un peu ce qu’elle nous a transmis par mail, mais comme aucun de nous ne veut vraiment ce mariage, on a eu assez de mal à se projeter sur quoi choisir. Au final, on a retenu deux des propositions d’Ally : l’une dans les tons violets, l’autre rouge et or.

Pierre fait un grand sourire et abaisse enfin son téléphone. Ça fait quatre fois qu’ils refont la prise. Ally se tourne vers nous et s’installe à même le sol devant la table basse recouverte de toute sorte de documentation. Son ordinateur portable est ouvert devant elle. Pierre, de son côté, attrape son trépied et le place de manière à filmer Ally et la table.

Même si je n’ai pas réussi à faire abandonner l’idée d’une série de TikTok sur la préparation de notre mariage blanc, j’ai quand même transmis à Ally et Pierre la volonté de Zoé et de Kyle de ne pas apparaître sur les vidéos. Ça ne dérange pas Gray, ni Sylvia – elle a l’habitude.

— Alors ! On va commencer Ă  regarder tout ce que vous m’avez renvoyé…, commence Ally en ouvrant quelque chose sur son ordinateur. L’option 3 et l’option 6. Deux choix qui n’ont absolument rien Ă  voir l’un avec l’autre.

— Le violet est la couleur prĂ©fĂ©rĂ©e de Lily, prĂ©cise ZoĂ©.

— Le rouge est la couleur traditionnelle du mariage dans la culture chinoise, ajoute Kyle.

— Je pense pas qu’on puisse associer les deux, marmonne Ally en mettant deux nuanciers l’un Ă  cĂ´tĂ© de l’autre. MĂŞme si on part sur un rouge moins flashy, ça va ĂŞtre compliquĂ©.

— Tu ne veux pas leur montrer ta proposition, Ally ? demande Pierre en relevant la tĂŞte de l’écran de son tĂ©lĂ©phone.

Depuis que nous sommes arrivés, il a été plutôt agréable. Pas non plus super avenant, mais il a tout fait pour nous mettre à l’aise. Pour nous mettre en confiance, je dirais même. Il doit être bien content qu’on ait accepté qu’il filme pour son compte, donc il évite de faire trop de vagues. Kyle et Zoé pensent qu’il espère ranger sa communauté de son côté en filmant les préparatifs du mariage. D’après eux, il imagine que l’un d’eux va découvrir la supercherie de notre relation. Bon courage avec ça, Gray et moi ne sommes pas que compétitifs l’un envers l’autre. On ne va pas se laisser avoir comme des bleus.

— Quelle proposition ? demande Gray.

— Ally ne me l’a pas montrĂ©, mais elle Ă©tait très enthousiaste quand elle m’en a parlé !

— C’est… c’est un peu enfantin, je ne sais pas si ça vous irait trop, murmure ma cousine.

— Enfantin ? dit ZoĂ© en nous regardant tour Ă  tour Gray et moi. C’est cent pour cent eux, ça. C’est quoi ton idĂ©e ?

Ally nous interroge du regard avant d’aller chercher dans son sac une pochette verte décorée d’un très joli dessin de deux personnages de dessin animé que je reconnais immédiatement. C’est vrai. Elle nous a entendu nous appeler par les surnoms qui nous poursuivent depuis maintenant quinze ans.

— Mais c’est excellent ! s’exclame Kyle en regardant les prototypes d’invitation et les moodboard qu’Ally sort progressivement de la pochette.

Le thème tourne autour de l’iconique duo, canari et chat, et reprend les couleurs jaune pâle, blanc et noir. Ally a incorporé sur les propositions d’invitation des petites pattes de chat ainsi qu’une silhouette de canari de couleur doré. Bien que l’inspiration soit deux cartoons, elle a réussi à transformer le tout en quelque chose d’élégant et de parfait pour un mariage.

— J’adore, ça vous correspond tellement bien !

— Le jaune te va merveilleusement, Lily, en plus.

— Tu ne te maries pas en blanc ? demande Pierre, coupant court Ă  l’admiration du travail d’Ally.

— Je suis pas vraiment attachĂ©e Ă  l’idĂ©e, non, dĂ©clarĂ©-je du tac au tac. C’est pas comme si la signification Ă©tait lĂ , quoi…

Le silence autour de moi me prend de court. Quoi ? Qu’est-ce que j’ai dit ?

— C’est vrai qu’initialement les mariĂ©es sont en blanc pour signifier la puretĂ© et… l’abstinence. Ouais, c’est pas une pratique qu’on–

Par pur instinct, je balance un coussin de toutes mes forces contre le visage de Gray qui explose de rire. Certes, il a compris à quoi je faisais référence – même si toute la question sexuelle ne le concerne pas – mais ce n’est pas une raison pour qu’il en parle aussi… Bref.

Du coin de l’œil, je vois Zoé et Kyle se relaxer. Ils ont quand même pas cru que j’avais gaffé sur le fait que le mariage n’avait pas d’importance ? Je suis peut-être pas la meilleure actrice, mais je ne suis pas non plus complètement stupide. La caméra de Pierre est toujours en train de filmer et je ne voudrais pas qu’il enregistre de quoi me prendre en défaut plus tard.

— Il ne faut pas avoir honte, Titi, continue Gray entre deux rires. Mes capacitĂ©s sont au-dessus de la moy–

Je reprends de l’élan avec le coussin pour le frapper de nouveau. Mais il va se taire, oui ! Évidemment, ça ne le fait que rire plus encore. Il est insupportable ce type ! Par principe, je continue de l’empêcher de parler en le frappant à répétition.

— Ils sont toujours comme ça ? s’interroge Ally, un sourire sceptique aux lèvres.

— Oui, rĂ©pond Kyle. On s’y fait.

— Ça fait quinze ans, ils changeront plus.

— Je croyais qu’ils Ă©taient ensemble depuis huit ans ? rebondit Pierre, Ă  la recherche d’incohĂ©rences.

Je continue de maltraiter Gray, mais je garde quand même une oreille sur la conversation qui se déroule à côté de nous.

— Ils se connaissent depuis bien avant, rĂ©pond ZoĂ© en nous lançant un regard dĂ©sespĂ©rĂ©. Les surnoms datent de l’époque du lycĂ©e quand ils se chamaillaient Ă  longueur de journĂ©e. C’était insupportable. Toute l’école a fini par les connaĂ®tre sous le nom de Titi et Rominet plutĂ´t que par leurs vrais prĂ©noms.

Je suis trop concentrée sur la conversation de Zoé et Ally et ne vois pas que Gray a réussi à attraper le coussin qui me servait d’arme. Il me l’arrache des mains et s’approche si près de mon visage que je crois pendant une demi seconde qu’il va m’embrasser. Je me fige et observe son rire disparaître alors que son souffle s’accélère imperceptiblement. Il sent légèrement le café. Pendant des secondes qui me paraissent d’une lenteur sans nom, son visage reste si près du mien, son regard jonglant de mes yeux à…

— S’il vous plaĂ®t, pas en public, grogne Kyle.

Je me redresse et lui lance un regard meurtrier qu’il me rend par une expression innocente. On a pas– C’est pas– C’est Gray qui a des réactions parfaitement inhabituelles par rapport à d’habitude ! Déjà qu’il parle de notre intimité – inexistante soit dit en passant – devant ma famille et ensuite il initie un– une– Et me regarde comme s’il voulait– comme si j’étais–

Je reprends le coussin et le frappe une nouvelle fois. Pour la forme.

Au bout de presque trois heures à discuter de couleurs de nappes et de saveurs de gâteaux, il est presque vingt-trois heures, nous terminons enfin cette session interminable de préparatifs. Entre temps, heureusement, on a eu une pause goûter avec des cookies que Simon nous a gentiment livrés. Pendant qu’il dégustait le sien, j’ai observé la réaction de Pierre. Il a semblé aimé, mais je ne crois pas que ma perfection de la recette du cookie noix de pécan et caramel beurre salé ait suffit à lui faire repenser son plan de me voler ma boutique.

Au moins, j’aurais essayé.

Avant de partir du logement de Pierre, Ally nous a de nouveau pressés, Gray et moi, concernant la date à laquelle on voulait fêter le mariage. J’ai noyé le poisson comme j’ai pu… parce que ce que ma chère cousine ne sait pas c’est que Rominet et moi serons officiellement mariés demain matin. Notre rendez-vous est à onze heures à la mairie. Donc fixer une date pour une cérémonie qui n’a d’officiel que le nom n’est pas ma priorité. Il va déjà falloir que je survive à l’embarras que sera la journée de demain.

Zoé et Sylvia – si elle est moins fatiguée – m’ont d’ailleurs prévenue qu’elles s’occupaient de tout. Je ne sais pas exactement ce qu’elles entendent par là, mais je m’attends à les voir débarquer à l’aube à mon appartement. De ce que j’ai compris, Gray n’est pas à l’abri de voir Kyle faire de même.

Tandis que ce dernier et ma meilleure amie partent de leur côté et qu’Ally s’engouffre dans un taxi, Gray se propose de me ramener. Ce que je ne vais pas refuser car l’appartement de Pierre a vue sur la rue et que je ne doute pas qu’il soit en train de nous espionner.

— Titi, tant qu’on est seuls, je voulais te demander. Pour mes parents.

— Oui ! Je n’ai rien dit quand Ally en Ă  parler tout Ă  l’heure, mais tu leur as dit quoi ?

— Hum… rien. Je leur en ai pas encore parlĂ©. Je ne sais pas quoi leur dire. Je sais que tu m’as demandĂ© de ne dire Ă  personne pour l’arrangement mais…

— Oh non ! Tu peux leur en parler ! Bien sĂ»r que tu peux, je ne veux surtout pas que tes parents croient que tu as trouvĂ© l’âme sĹ“ur alors qu’on divorcera dans six mois. Tu veux que je sois avec toi pour leur en parler ?

— Non, ça devrait aller. Je comptais pas leur dire avant que ça ne soit fait de toute façon. Les connaissant, ils seraient capables de vouloir venir demain, quitte Ă  conduire toute la nuit. Donc je les appellerai plus tard. Pour ĂŞtre tout Ă  fait franc, je suis assez surpris qu’ils n’aient pas encore eu vent de tout ça ; mon père a encore des contacts Ă  l’universitĂ©.

— Ils vont rĂ©agir comment Ă  ton avis… ?

Je ne suis pas à proprement parler inquiète de la réaction qu’auront les parents de Gray. Je les connais depuis des années, ils ont toujours été gentils avec moi, et ils sont très ouverts d’esprit. Mais il ne faut quand même pas oublier que je vais « voler » le premier mariage de leur fils unique.

— Je ne pense pas que ça leur pose plus de problème que ça. Il y a mĂŞme de grandes chances que ma mère dĂ©cide de revenir dans le coin pour aider la mascarade. Ça serait pas du luxe, cela dit, elle a besoin de vacances. Et Emmett, au fait ? Il est au courant ?

Merde. Gray doit voir à mon expression décomposée que je n’ai, en fait, pas du tout prévenu mon frère de la situation. Et comme il est toujours dans je ne sais quelle partie du monde, je suis presque sûre que mes parents ne lui en ont pas parlé non plus. S’il avait été mis au courant, il aurait rappliqué illico.

— Je pense que je vais faire comme toi, finis-je par dire. Je vais attendre qu’on soit passĂ© Ă  la mairie… Si je lui en parle avant, il va rĂ©ussir Ă  inventer la tĂ©lĂ©portation.

— Il va me tuer…

— Mais non ! Il va comprendre la situation ! Normalement…

— Ton frère m’aime pas.

— C’est pas qu’il ne t’aime pas ! le dĂ©fendĂ©-je. C’est plutĂ´t qu’il est très protecteur envers moi, et comme tu es catĂ©gorisĂ© « ennemi » depuis qu’on se connaĂ®t… Tu ne peux pas le blâmer non plus.

— Si, je peux. Parce que t’étais tout aussi cassante avec moi que je l’étais avec toi, je te rappelle. C’est rĂ©ciproque entre nous ; et moi, j’ai pas de fratrie pour me protĂ©ger. T’as un avantage, c’est tout.

— Tu– Attends, on a dĂ©jĂ  eu cette conversation, non ?

— Probablement. Ton frère a toujours Ă©tĂ© mon plus grand regret.

— De quoi tu parles ?

— J’avais un coup de cĹ“ur consĂ©quent pour Emmett au lycĂ©e, mais notre rivalitĂ© m’a toujours retenu…

Son intérêt pour mon frère est une toute nouvelle information, mais ne me surprend pas vraiment. Beaucoup de mes anciens camarades en pinçaient pour Emmett, je voyais bien leurs regards lorsqu’il venait me chercher à la fin des cours.

— Tu aurais prĂ©fĂ©rĂ© tenter ta chance avec Em ? Tu regrettes d’avoir choisi notre rivalitĂ©, c’est ça ?

— Hum, non, annonce-t-il après quelques secondes de rĂ©flexion. DĂ©jĂ , ton frère est hĂ©tĂ©ro, et puis ça m’aurait privĂ© de quinze annĂ©es avec mon canari prĂ©fĂ©rĂ©.

Je réponds d’une grimace, puis il arrête la voiture en double file devant mon immeuble.

— Ă€ demain pour le grand jour, qīn'Ă i de, sourit Gray de son air charmeur.

— Bonne nuit, chaton, rĂ©pliquĂ©-je, moqueuse.


Texte publié par mad.autrice, 21 aoĂ»t 2025
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