Mes parents sont arrivés depuis à peine deux jours et ils sont sur les chapeaux de roues. Enfin, surtout ma mère. À peine ses valises étaient-elles posées dans leur maison de location qu’elle se rendait chez Nadia et Patrice pour discuter de la préparation du mariage. De ce que j’ai compris, elle est depuis en lien direct avec Ally. Ça n’annonce rien de bon.
— Maman, tu as compris que c’était pas un vrai mariage, n’est-ce pas ?
Ma mère ainsi que Nadia et Maxine sont assises autour de la table à manger des parents de Lily, devant des magazines spécialisés dans le mariage. Elles inspectent les propositions qu’Ally nous a faites et ce que nous avons finalement choisi. Mon père et Patrice sont sur le canapé en train de discuter de… je ne sais pas quoi. Lily, elle, n’est pas encore rentrée du travail.
— Mon chéri, si tu continues à avoir cet état d’esprit, tu vas finir par faire une boulette face à ce Pierre.
— Je n’ai aucun problème à faire semblant devant lui, Maman…
— Oh, pour ça, je ne me fais pas de souci. Tu es amoureux de Lily depuis des années.
— Maman–
— C’est vrai ? s’intéresse Maxine. Ça ne me surprend pas vraiment, à vrai dire…
— Ils vont bien ensemble, c’est vrai.
— Je ne suis pas–
Je suis interrompu par la porte d’entrée s’ouvrant sur Lily qui, après avoir enlevé sa veste et ses chaussures s’approche de la salle à manger. Lorsqu’elle nous voit autour de la table, elle s’arrête net.
— Pourquoi vous regardez des destinations de lune de miel ?
— Merci ! Aide-moi, Titi. Je crois qu’elles ont perdu la tête.
— Bien sûr que non ! répond Maxine. Ça fait partie du plan.
— Quel plan… ?
Lily vient s’installer à côté de moi, regardant avec méfiance les trois femmes se trouvant en face de nous.
— On va dire à Ally que tu es enceinte.
— Pardon ?
— Quoi ?
— T’es enceinte ?! s’exclame Patrice. Je croyais que vous étiez pas ensemble.
— On se calme. Je suis pas enceinte, et j’ai pas l’intention de tomber enceinte dans les prochains mois ni même les prochaines années. De quoi est-ce que vous parlez ?
— C’est une excuse pour que le mariage ait lieu le mois prochain, pour que ta grossesse ne soit pas encore visible. On avait pensé à prétendre que ta grand-mère soit malade, mais c’est un peu glauque.
— Une fausse grossesse c’est moins glauque ?
— Je suis pas sûr qu’inviter de nouveaux mensonges dans la situation soit une bonne idée, proposé-je. Et puis pourquoi vous voulez qu’on cale la date le mois prochain ?
— Pour se débarrasser de Pierre le plus rapidement possible, dit Maxine. Il ne vous lâchera pas de sitôt. Il vaut mieux pour tout le monde que la cérémonie ait lieu le plus rapidement possible pour qu’il n’ait pas le temps de trouver quelque chose à redire sur votre relation.
— Et tu ne crois pas qu’une cérémonie précipitée va lui mettre la puce à l’oreille ?
— Pas si on leur dit que tu es enceinte !
— On pourrait se marier après la naissance, c’est pas logique.
— Personne ne se marie avec un enfant en bas âge dans les pattes. Crois-moi, déclare le père de Lily. On devait se marier après la naissance d’Emmett, avec sa mère. Ça ne s’est jamais fait.
— Pour le coup, si on part sur cette option de fiançailles longues, commence Maxine, vous aurez à expliquer pourquoi vous vous êtes mariés en catimini à la mairie, pourquoi vous êtes réticents à faire une grande cérémonie…
— Ça donnera plus de chances à Pierre de contester le mariage et donc l’héritage. OK. Je vois où vous voulez en venir… Mais on est obligé de dire que je suis enceinte ?
— C’est la seule raison plausible et difficilement vérifiable qui justifierait un mariage aussi rapide, précise ma mère. Tu es mal à l’aise avec l’idée ?
— Un peu… Autant mentir sur un faux mariage, ça me dérange pas vraiment. Autant dire à tout le monde que j’attends un bébé pour que dans quelques mois, on ait besoin de justifier qu’en fait non…
— Je comprends, acquiescé-je. Ça me gêne aussi.
— OK. On oublie ce plan, alors, déclare Maxine. Enfin, tout le côté grossesse.
— Pourquoi ne pas utiliser le travail d’Emmett ? interjette mon père depuis le canapé. De ce que me racontait Patrice, il ne revient que rarement dans le pays. Il a prévu de revenir prochainement ?
— Aucune idée… déclare Lily, pensive. Mais il ne sait pas pour le testament. Un message énigmatique suffira à le faire revenir à la vitesse de la lumière.
— Je vais l’appeler, propose Nadia en sortant son téléphone.
— Il faudrait peut-être qu’on prévienne Kyle, Sylvia et Zoé, non ? murmuré-je à Lily.
— T’as raison. Tu peux les prévenir ? Leur demander de venir, s’ils peuvent ? Je préfère qu’ils soient là pour… dit-elle en faisant un vague geste de la main en direction de nos deux familles.
Je sors mon portable et tape un message que j’envoie à Kyle, lui demandant de transmettre à Zoé. Il serait judicieux que je récupère les numéros des deux meilleures amies de mon épouse. Ça pourrait être utile. Quelques secondes plus tard, alors que la réponse d’Emmett à l’appel de sa mère se fait désirer, Kyle me répond qu’il passe chercher Sylvia – Zoé est au travail – avant de nous rejoindre. Je montre le texto à Lily au même moment que l’apparition du visage de son frère sur le petit écran dans la main de Nadia.
— Maman ? Tout va bien ? Pourquoi tu m’appelles si tôt ?
— Bonjour mon grand. Je suis avec quelques personnes, ta sœur a quelque chose à t’annoncer.
Nadia dépose le téléphone au bout de la table. D’une manière ou d’une autre, on réussit à tous être dans le cadre pour qu’Emmett puisse nous voir.
— Qu’est-ce qu’il se passe… Salut Nana. Bonjour… Attends, Sylvester ? Pourquoi t’es chez mes parents ?
— À propos de ça… grimace Lily. Emmett, tu sais que grand-père m’a légué la boutique ? On a appris que c’était sous conditions. Elle sera léguée à mon époux.
— Ton époux ? T’es pas mariée.
— C’est là que… Gray entre en jeu.
— Je croyais que vous vous détestiez.
— Pourquoi tout le monde croit qu’on se déteste, soupire Lily. Non. Gray a accepté un mariage blanc avec moi, pour m’aider. Non, Kyle ne pouvait pas m’aider, il est pas encore divorcé.
— J’aime pas cette idée.
— C’est pas comme si on avait le choix…
Nadia prend le relais pour expliquer le reste de la situation à son beau-fils ; elle en profite pour lui présenter mes parents. Au bout d’un bon quart d’heure à répondre aux questions et à l’entendre répéter en boucle qu’il n’aime pas du tout cette situation, Emmett coupe sa caméra sans pour autant raccroché.
— Qu’est-ce que tu fais ? demande Lily.
— Je réserve ma place pour le prochain avion. Comme si j’allais laisser ma petite sœur se marier avec le premier venu, commence-t-il avant de continuer sa phrase en marmonnant tellement qu’il est impossible de le comprendre.
— Gray n’est pas le premier venu. Sérieux, Emmett…
— Chut, c’est mon taf de pas être d’accord. Je décolle demain matin, je serais là … dans deux jours, avec le décalage horaire. J’ai une autre question, vous allez le payer comment ce mariage, exactement ? Tu roules pas vraiment sur l’or, petite sœur.
— Oh, Gray s’en occupe ! précise joyeusement ma mère. Il a largement les moyens avec ses–
— Maman !
Elle va sérieusement balancer ma deuxième activité comme ça ? Non. Sûrement pas. J’ai pas gardé le secret pendant cinq ans pour que Lily et surtout ses parents et son frère découvrent tout de cette manière. Lily me regarde d’un air suspicieux, mais je suis sauvé par la sonnette de la porte d’entrée. Patrice se lève pour aller ouvrir et Kyle et Sylvia s’ajoutent à la table. Une fois que tout le monde est présenté, la question de l’organisation éclair du mariage est remis sur le tapis. Emmett refuse de raccrocher bien qu’il soit trois heures du matin de son côté du globe.
— Alors, quel est le plan ? demande Kyle.
— On va dire à Ally et Pierre que le mariage doit avoir lieu avant le mois de juin parce qu’Emmett ne sera dans les parages que jusque-là .
— Je vais me créer un contrat de six mois au fin fond de l’Alaska. Sans réseau et sans possibilité de revenir facilement.
— Comment tu vas faire ça ? demandé-je.
— T’inquiètes pas pour ça, Sylvester. Concentre-toi plutôt sur l’interdiction de toucher à ma sœur, OK ?
Lily lève les yeux au ciel. J’essaie de ne pas sourire en repensant à toutes les fois ces dernières semaines où j’ai dépassé les limites qu’Emmett aurait préféré que je – ou qu’aucun homme, à mon avis – ne dépasse jamais. Mais ce n’est pas lui qui décide, c’est Lily. Et je ne vais pas mentir en disant que si elle me laissait l’occasion, je ne laisserais pas passer ma chance.
— OK, ça me paraît plausible. Vous avez prévu une date déjà ? Si ça pouvait ne pas coïncider avec mon accouchement, ça pourrait être bien.
— Syl, tu dois accoucher dans tout au plus une semaine, déclare Kyle. Je ne pense pas qu’un mariage puisse s’organiser aussi vite.
— On avait pensé au dix-sept mai. Dans un mois et deux semaines, je pense que c’est réalisable.
— Naomi, vous pouvez rester dans la région jusque-là ? demande Lily.
— Je n’ai pas pris de congés depuis presque deux ans, j’ai largement ce qu’il faut, ne t’inquiète pas pour ça, Lily.
— Je peux me rendre dispo à cette période, déclare Kyle après avoir vérifié son emploi du temps de ministre. Zoé ?
— Elle sera en congé parental, déclare Sylvia. Elle avait prévu de le prendre de la naissance au début des vacances scolaires.
— Tout se goupille parfaitement ! s’exclame Maxine. Maintenant, il faut prévenir Ally et Pierre. Les enfants, vous vous en charger ? Après tout, c’est vous qui êtes sensés choisir…
— Ouais… Je lui enverrai un message dans la soirée, dit Lily avant de bailler. Désolée.
— Ne t’excuse pas, Lily-chérie. Tu t’es levée à l’aube.
— Tu veux aller faire une sieste à l’étage ? propose Nadia, mais Lily secoue négativement la tête.
— Tu veux que je te ramène ? lui demandé-je en plaçant une mèche de cheveux échappée de son chignon derrière son oreille.
— Ça te dérange pas ? marmonne-t-elle. Je pense que je vais faire une nuit d’une traite, j’ai toujours pas réussi à récupérer de la semaine dernière…
— Ça vous dérange pas si on reste un peu avec Kyle ? demande Sylvia. J’aimerais bien votre avis sur la robe…
— Bien sûr, restez aussi longtemps que vous voulez, les jeunes ! s’exclame Nadia. Justement, à propos des tenues, que pensez-vous de ça… Naomi me les montrait tout à l’heure…
Nadia sort un énorme magazine, aussi épais qu’un annuaire, et commence à le feuilleter et à montrer divers modèles de robes à Sylvia et Kyle. À côté de moi, Lily tire sur ma manche pour attirer mon attention. Elle veut partir. Nous nous levons tous les deux et saluons tous les présents – Emmett en profite pour, lui aussi, raccrocher.
Une fois dans la voiture, le silence nous accompagne jusque devant l’immeuble de Lily. Elle me remercie d’une petite voix avant de me sourire et de rejoindre la porte d’entrée. J’attends de la voir disparaître dans le hall avant de reprendre la route.
Je ne fais pas un kilomètre quand, attendant à un feu rouge, le visage de Lily m’apparaît. Quelque chose cloche. Elle était fatiguée, oui. Mais son expression n’inspirait pas que ça. Il y a quelque chose d’autre. Quelque chose a été fait ou dit pendant cette réunion impromptue qui l’a chamboulée au point de ne pas vouloir rester chez ses parents. En temps normal, même épuisée, elle aurait simplement pris sur elle – non pas que ça soit une bonne chose, mais elle est comme ça. Pas cette fois.
Faisant fi des klaxons, je fais faire demi-tour à la voiture quand le feu passe au vert. Je trouve rapidement une place pour me garer ; quelqu’un sort de son immeuble juste au moment où j’arrive à niveau. Je monte quatre à quatre les marches et marche d’un pas décidé jusqu’à la porte de son appartement. Elle ne veut peut-être pas en parler. Elle n’a pas essayé de m’en parler, c’est qu’elle ne veut pas en discuter. En tout cas, pas avec moi. Si elle ne veut pas que je reste, je repartirais. Même si je n’en ai pas envie. Mais j’ai besoin de savoir si elle va bien.
Je frappe doucement contre la porte en bois et attend. Au bout de quelques dizaines de secondes, la porte s’ouvre sur Lily. Ses yeux sont rouges. Elle a pleuré.
— Rominet ? Qu’est-ce que tu fais là ? demande-t-elle en cachant ses mains dans ses manches et croisant ses bras contre son torse.
— Qu’est-ce qu’il se passe ?
— Il se passe rien, de quoi tu parles ? tente-t-elle de sourire. C’est une de tes tentatives pour me soustraire des cookies gratuitement ? J’en ai pas là , tu pourras en avoir un gratuit si tu viens à la boutique demain, si tu–
— Lily.
Sa mâchoire se contracte et ses bras se resserrent autour de son corps. J’avance d’un pas, elle ne bouge pas. Elle regarde sans voir l’un des boutons de ma chemise. Des larmes s’accumulent au bord de ses yeux bleus.
— Qīn'Ă i de… murmurĂ©-je en levant mes mains pour les dĂ©poser sur ses joues. Qu’est-ce qu’il se passe…
Elle ne répond pas, se contentant de secouer la tête de gauche à droite. Elle ferme les yeux tandis que les larmes s’en échappent et un sanglot s’échappe de sa gorge quand elle prend une inspiration un peu trop grande. Je fais un pas de plus et serre son corps tremblant de pleurs contre moi.

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