Je n’aurais pas dit non.
Je suis arrivée à cette conclusion ce matin, trois jours après les faits. Je n’aurais pas dit non. Je crois même que j’aurais accepté avec plus d’enthousiasme que ce que je voudrais bien admettre. Ni Gray ni moi n’avons reparlé de ce qu’il s’est passé avant qu’on quitte la boutique de mariage. On est allé déjeuner avec Zoé, Sylvia, Kyle et Emmett de la manière la plus naturelle possible. C’est à dire pas du tout naturellement à en juger par les regards inquisiteurs de nos amis et de mon frère. J’ai fait promettre à ma grand-mère de ne pas parler de ce qu’elle a vu à mes parents, mais je ne me fais pas de films… Elle va en parler à ma mère. Peut-être même à Naomi…
Je grogne et me plie en deux, assise sur le canapé. Sur la télé, les quelques secondes d’aperçu d’une série que je ne connais pas et qui ne m’intéresse pas tourne en boucle. Gray est quelque part dans l’appartement. Je crois qu’il prend une douche. Ces trois derniers jours, il a dormi soit à la maison à cause des travaux soit sur le canapé. À ma demande. Je ne sais pas ce qu’il se passerait si on partageait le même lit. Comme je le disais, je ne dirais pas non. Mais c’est justement ça qui me fait peur.
— Titi ? Titi, ça va ?
— Hein ? dis-je en me redressant trop vite, ma vision tanguant un instant avant de se focaliser sur un Gray torse nu.
— Ça va ? Besoin d’une bouillotte ? Tu veux que je te fasse un thé ?
— Hein ? Ah, euh, non. Merci. Pourquoi t’es torse-nu ?
— Parce que je sors de la douche… ?
— Ah. Oui. C’est… Oui.
Pendant une trop longue seconde, le silence s’installe. Gray reste près de moi, à m’observer. Et toujours sans aucun vêtement si ce n’est un bas de jogging gris. Ses cheveux humides goûtent sur ses épaules, et je me force à ne pas le fixer. Enfin, à ne pas fixer son torse.
Ce n’est pas la première fois que je le vois torse-nu. C’est, à vrai dire, arriver plus souvent que je ne pourrais le compter. Mais avant, je n’avais pas la variante qui m’obsède et me fait douter de ce qu’il pourrait se passer entre Gray et moi. Parce qu’il en a envie. Et parce que je ne dirais pas non.
— T’es sûre que ça va, Titi ? T’es dans la lune, un peu…
— Ça va ! déclaré-je en me levant, cherchant à mettre de l’espace entre nous et surtout à le soustraire à ma vue. J’ai juste… pas mal de choses en tête.
— Comme quoi ? demande-t-il en me suivant du regard. En parler pourrait peut-être t’aider à calmer ta nervosité.
— Je suis pas nerveuse, réponds-je sur la défensive.
— Titi…
— C’est juste la boutique, et Pierre, et le mariage, et Sylvia qui va accoucher d’un jour à l’autre, voire d’une heure à l’autre d’ailleurs, et, ouah !
Alors que je fais les cent pas tout en radotant, mon pied nu rencontre une flaque d’eau au sol – très certainement laissée par Gray puisqu’il ne s’est pas séché correctement avant de sortir de la salle de bain – et je manque de m’éclater contre le parquet. Heureusement pour moi – ou malheureusement –, Gray est rapide et, en trois pas, s’approche assez pour attraper mon coude et me tirer vers lui. Ça ne suffit pas pour autant, je me sens partir vers le côté, et je ne sais pas exactement comment, je me retrouve allongée sur Gray, sur le canapé. La console à la droite du meuble oscille sur ses pieds avant de finalement rester en place.
— Ouch. T’essaies de me tuer pour récupérer mon argent avant le divorce ou comment ça se passe ?
— Hey ! C’est toi qui mets de l’eau partout ! m’exclamé-je en tentant de me relever. Merde, tu t’es fait mal ?
Une griffure barre son côté. Ce n’est pas profond, mais c’est quand même bien rouge. Il a dû se raccrocher à la console en me rattrapant.
— Je vais chercher la trousse de soin, dis-je en poussant sur le dossier du canapé pour être immédiatement ramenée contre Gray par une pression de sa main sur mon dos : Gray, qu’est-ce que tu fais ?
— J’me soigne.
— Je suis pas un pansement.
— Certes… Mais tu es en possession d’un moyen très efficace d’atténuer la douleur.
— Parce que tu souffres atrocement, je suppose ? C’est pour ça que tu me sors ton sourire exaspérant ?
— Je suis au bord de l’agonie, gémit-il.
— N’importe quoi…
Je me redresse à nouveau, et il me laisse faire cette fois-ci. Toutefois, une fois que je suis assise à califourchon sur lui, il se redresse à son tour et supporte son poids sur ses deux bras tendus. Son torse est toujours pressé contre le mien, et son regard est très clairement fixé sur ma bouche. Instinctivement, je me mords la lèvre. Plus par nervosité que par séduction. Il doit remarquer la différence puisqu’il relève les yeux sur les miens.
— Je ne ferais jamais rien que tu ne désires pas, Lily, murmure-t-il.
— Je sais… J’ai juste… peur.
— Peur de quoi ? demande-t-il doucement en frottant le bout de son nez contre le mien.
— Je ne te dirais pas non… déclaré-je à demi-voix.
Le corps de Gray se tend imperceptiblement, et son regard dévie une seconde à peine sur ma bouche avant de fixer à nouveau mes yeux. Il essaie de les lire, et je ne suis pas certaine de ce qu’il y déchiffre.
— OK… mais est-ce que tu me dirais oui ?
Sa voix sort un peu étranglée. Ce qui s’apparente à un essaim de libellules élit domicile juste sous mon diaphragme. Il a raison. La nuance est là , ça ne signifie pas la même chose. Et le fait qu’il s’en inquiète, me pose directement la question m’apaise autant qu’il me donne envie de pleurer.
Je prends le temps de vraiment réfléchir, de ne pas répondre trop vite. Je fronce les sourcils en observant l’expression de son visage qui ne laisse transparaître que patience et… autre chose que j’arrive pas à discerner complètement.
— Oui, dis-je en hochant la tête.
Un quart de seconde plus tard, les lèvres de Gray se referment sur les miennes. Ses bras s’enroulent autour de mon torse pour nous bouger tous les deux dans une position plus confortable. Je suis toujours assise sur ses jambes, mais il a maintenant le dos collé au dossier du canapé et ses pieds touchent le sol.
Il m’embrasse comme jamais personne ne m’a embrassée. J’en ai déjà parlé avec Sylvia, il embrasse extrêmement bien. Mais cette fois, c’est comme si on l’en avait privé pendant des semaines entières et qu’il devait rattraper le temps perdu.
Ses doigts s’enfoncent dans ma hanche sans pour autant me faire mal, pendant que son autre main s’aventure à la limite de mon tee-shirt. Pendant ce temps, les miennes ont rejoint sa nuque, la courbe de sa mâchoire ; mes doigts se glissent dans ses cheveux humides.
Mon prénom meurt dans un soupir, contre mes lèvres, tandis qu’il fait glisser ses baisers dans mon cou. Il prend particulièrement son temps à un endroit précis, juste sous mon oreille, jusqu’à mordiller la peau qu’il a lui-même rendu plus sensible. Mes doigts s’enfoncent dans son épaule comme un avertissement mais ça ne fait que le faire sourire contre mon oreille.
Il suit le galbe de ma mâchoire quand mon téléphone se met à sonner. C’est la sonnerie pour Zoé. Je presse ma main sur le torse de Gray pour l’arrêter. Il geint mais s’écarte. J’attrape mon portable dans ma poche arrière de jean et décroche.
— Allô, Zoé ? Tout va bien ?
Gray profite de ma distraction pour reprendre son exploration de mon cou.
— Le travail a commencé ! s’exclame ma meilleure amie, si fort que je dois éloigner le téléphone de mon oreille.
Cette nouvelle a au moins le mérite de stopper Gray qui se redresse et regarde tour à tour moi et le téléphone. Alors que je rapproche à nouveau l’appareil de mon oreille, il me porte pour me relever, puis disparaît dans le couloir. J’essaie de me concentrer sur Zoé qui est en panique.
— OK, OK, Zo. T’es où ?
— Je viens de quitter l’école. Syl est toute seule à la maison, elle vient juste de m’appeler. Je vais la chercher, elle m’a dit qu’elle m’attendait.
— D’accord. OK. Écoute, Zo, je vais vous rejoindre à l’hôpital, d’accord ? Zo, tu m’écoutes ?
Elle ne m’écoute pas du tout. Je ne suis même pas sûre qu’elle m’entende par dessus son monologue incessant et les injures qu’elle lance aux autres automobilistes. Dans le coin de mon champ de vision, Gray réapparaît vêtu d’un jean et d’un sweat à capuche noir. Il a son téléphone à la main, qu’il tourne dans ma direction : il a envoyé un texto à Kyle pour le prévenir.
— Zoé. Zoé, écoute-moi. Occupe-toi d’emmener Sylvia à l’hôpital. Sans vous tuer sur le chemin, donc concentre-toi. Je m’occupe de prévenir vos parents, OK ? Zoé ? Zoé ?
Je regarde l’écran de mon portable. Ça a raccroché. Je relève les yeux vers Gray qui s’est vêtu et attend les clefs de sa voiture dans une main et ma veste dans l’autre. J’attrape cette dernière et l’enfile avant d’aller mettre la première paire de chaussure que je trouve – mes baskets montantes. Gray est sur le point de passer la porte de l’appartement, mais je le rattrape par le col de son pull et le tire vers moi. Je dépose un baiser au coin de ses lèvres.
— Désolée.
— Tu n’as aucune raison de t’excuser, Titi, dit-il dans un sourire qui se veut progressivement plus charmeur. Et je te rassure, j’ai bien l’intention de reprendre là où on s’est arrêté dès que possible…

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