Après le départ de Natalia Rossignol, Gray a dû aller à la fac pour un cours. Je suis restée une heure de plus à la boutique pour faire un peu de paperasse. Du fait d’avoir fermé plusieurs jours ces dernières semaines, je dois faire d’autant plus attention avec mon budget. Je ne vais pas pouvoir me verser de salaire une nouvelle fois ce mois-ci… Je ne sais même pas si je vais pouvoir payer mon loyer. Cela dit, j’avais prévu de demander à Gray d’en payer au moins la moitié de toute façon, puisqu’il a élu résidence chez moi depuis deux semaines.
Je commence à ranger mes affaires pour rentrer chez moi par le métro quand plusieurs coups résonnent contre la porte arrière de la boutique. Je passe la tête à travers l’ouverture de mon bureau pour jeter un coup d’œil à travers la vitre qui recouvre la moitié haute de la porte de derrière. Le verre étant texturé pour qu’il soit impossible de regarder à l’intérieur, c’est l’image déformée de mon frère qui apparaît. Qu’est-ce qu’il fait là  ?
— Emmett, qu’est-ce que tu fais là  ?
— Sœurette ! s’exclame-t-il en m’enlaçant. T’es occupée ? T’as du temps pour ton grand-frère ?
— J’ai toujours du temps pour mon grand-frère, souris-je. La boutique est fermée aujourd’hui, tu as de la chance.
— Parfait, je te kidnappe pour le reste de la journée, alors. Ça fait longtemps que je ne t’ai pas battue au bowling.
— J’ai bien peur que la vieillesse te fasse oublier que je suis la championne ultime de bowling, Em, dis-je en lui tirant la langue. Je vais chercher ma veste.
Emmett et moi jouons – ou plutôt, il perd – pendant une bonne heure. Il me raconte les mésaventures qu’il a vécu lors de ses voyages à l’étranger, et m’apprend qu’il repartira pour les Philippines d’ici un mois. Je vais devoir profiter de lui le temps qu’il est là .
Bien que nous ayons sept ans d’écart et que nous n’ayons pas la même mère, Emmett et moi sommes très proches. Il a toujours été un grand-frère protecteur, d’où pourquoi il n’aime pas vraiment cette histoire de mariage avec Gray. Mais il a surtout toujours été là pour moi lorsque j’en avais besoin. Il se range toujours de mon côté, c’est pour ça que je sais qu’il va finir par s’y faire. Un peu à l’image de Zoé.
— Bon, Lilipuce, faut qu’on cause.
— Faut que tu arrêtes avec ce surnom, Em. J’suis presque aussi grande que toi.
— Jamais, dit-il en écrasant sa main sur le haut de ma tête, pour se prouver qu’il est encore plus grand que moi, au moins d’une dizaine de centimètres. Et change pas de sujet, faut qu’on discute toi et moi.
— De quoi ?
— De ton mariage avec Sylvester. J’suis toujours pas d’accord.
Je soupire et le regarde d’un air blasé. Si cette histoire n’avait pas été dans le but de sécuriser mon héritage, j’aurais effectivement écouter avec attention ses réserves. Mais là , je sais très bien que non seulement ça ne changera rien, mais aussi qu’il agit comme ça purement parce qu’il est vexé de ne pas avoir été mis dans la confidence avant.
— Emmett…
— Quoi ! Tu savais qu’il a essayé de me draguer quand vous étiez au lycée ?
— Je sais qu’il en pinçait pour toi. Comme les trois-quarts de mes camarades de classe, Em.
— Certes… Mais pourquoi tu l’as choisi lui ?
— C’était lui ou un escort, tu aurais préféré ça ?
— Non… j’aurais préféré Kyle. Au moins, j’étais sûr qu’il se serait rien passé.
— D’où tu tiens tes certitudes comme ça…
— Parce que j’ai eu une conversation avec Kyle. Que je n’ai pas encore eu avec Gray. Il faut que je réussisse à le chopper.
— Tu vas chopper absolument personne, Emmett. Il n’y a qu’un mariage contractuel entre Gray et moi.
— Ça, Lilipuce, j’aurais pu le croire si Sylvester ne te regardait pas comme tu étais la huitième merveille du monde.
— De quoi tu parles…
— Évidemment, tu le vois pas, il doit faire semblant devant toi. Faire genre que t’es pas son style, qu’il est pas intéressé. Mais je te garantie, Lily, il a des vues sur toi.
Je repense à hier et détourne le regard d’embarras.
— Alors… je sais qu’il… comment dire… On a...
— Il t’a touché ? Je vais le tuer.
— Calme-toi, Emmett, bordel, dis-je en lui attrapant le bras pour l’obliger à s’asseoir. Je suis une adulte, consentante, donc tu arrêtes avec ton pseudo-rôle de défenseur de ma pureté, OK ? Et puis c’est pas comme si Gray aurait été mon premier. Si on avait fait quoi que ce soit…
Emmett m’observe avec suspicion, yeux plissés. Heureusement, on est tout seul sur les pistes de bowling. L’étudiant qui tient l’accueil est occupé sur son téléphone. Les seules autres personnes sont de l’autre côté de la verrière derrière nous dans la partie arcade de l’établissement.
— Disons qu’on aurait pu si Zoé n’avait pas appelé pour nous prévenir de l’accouchement de Sylvia. Mais le moment est passé, de toute façon. Il est pas revenu à l’appartement hier soir, et puis il agit bizarrement. Je crois que Kyle lui a fait la morale.
— Faudra que je remercie Kyle, marmonne-t-il.
— Emmett, grogné-je.
— Lilipuce, est-ce que tu es amoureuse de Gray ?
— Hein ? D’où elle sort cette question ?
— Elle est tout à fait légitime, ma question. J’ai bien compris que tu prendrais bien un bout de Sylvester pour ton quatre heures, et j’entends. Il est beau gosse. Mais Lilipuce, je pense que Gray est un peu plus que juste intéressé par le sexe.
— Comment ça ?
— Je suis presque sûr qu’il en pince pour toi. Sentimentalement parlant.
— N’importe quoi, pouffé-je. J’ai l’impression d’entendre les parents… et Sylvia… et Zoé.
— Lilipuce, si je suis la cinquième ou sixième personne à le dire, c’est peut-être parce qu’il y a une part de vrai, tu ne crois pas ?
Je me ratatine sur mon siège et commence à jouer avec la bague de fiançailles se balançant au bout de sa chaîne. Ils sont tous en train de se faire des films, je ne vois pas d’où ils sortent cette idée que Gray pourrait avoir des sentiments pour moi. Autre que de la compétitivité – même si elle n’existe plus vraiment depuis quelques années –, ou de la moquerie – qui est moins fréquente aussi, et toujours dans le but de me distraire, de me détendre, de me faire sourire…
— Je suis pas le personnage principal d’une romance, Emmett. Pourquoi Gray irait développer des sentiments pour moi juste parce qu’on s’est embrassé quelques fois et qu’on est dans un mariage contractuel, c’est pas cohérent.
— Je suis d’avis qu’il en pince pour toi depuis le lycée, ça expliquerait pourquoi vous avez continuer à vous croiser. Tu me disais qu’il apparaissait parfois sur ton chemin à la fac, alors qu’il n’avait aucune raison d’être là  ? Je suis sûr qu’il le faisait exprès pour te voir. Et il passe tout son temps libre à Cookie Dough, pourquoi à ton avis ?
— Parce que mes cookies sont les meilleurs de la ville ?
Emmett me lance un regard en biais avant de prendre la bague entre ses doigts. Il la fait briller à la lumière des néons.
— Il t’a offert une bague qui coûte sûrement plus que son salaire mensuel à l’université. Une bague qui te représente tellement bien que je me demande même s’il ne l’a pas fait faire sur mesure. Si c’était vraiment une mascarade pour lui, il t’aurait laisser acheter une bague avec un zircon de trois millimètres à 30 balles. De manière générale, il est beaucoup trop investi pour un type qui n’en aurait rien à faire.
— Même si tu as raison, Em, t’as aucun moyen de prouver quoi que ce soit, et puis qu’est-ce que tu veux que je fasse de cette info, hein ? Je vais pas me planter devant lui, lui demander s’il est amoureux de moi… et je fais quoi s’il répond non, hein ?
— Ça te ferait chier qu’il réfute ?
J’ouvre la bouche pour répondre, mais je me rends compte que je n’en ai aucune idée. Ou peut-être que oui, ça me ferait chier ? Mais d’un autre côté, accepter que l’intérêt de Gray me fait quelque chose implique que notre relation pourrait potentiellement changer, évoluer, et je ne suis pas sûre de le vouloir. Non pas parce que ça ne me plairait pas… plutôt parce que…
— Je ne sais pas si je supporterais de ne plus avoir Gray dans ma vie…, déclaré-je finalement. Ça fait quinze ans que dès que je tourne la tête, il est là avec son air charmeur et son sourire agaçant. J’ai pas envie de perdre ce qu’on a…
— C’est quoi que vous avez exactement comme relation ?
— J’en sais rien… Il me fait rire, il m’écoute, il m’aide dès que j’ai besoin de lui. Parfois il flirte devant moi juste pour m’agacer.
— Il flirte avec d’autres personnes et ça t’agace ? s’interroge Emmett.
— Non, c’est juste… Il le fait pour cacher ses complexes et c’est débile parce qu’il n’a pas besoin de… Enfin, il est charmant, drôle, intelligent, attentionné, il a pas besoin de flirter comme si ça vie en dépendait, comme ça. Les gens l’aimeraient tout autant s’il était lui-même.
Emmett laisse échapper le plus dramatique et désespéré des soupirs.
— Et moi qui croyais que les femmes étaient plus conscientes de leurs émotions et leurs sentiments… Lilipuce–
— Chut, tais-toi. Je me suis entendu le dire, grogné-je.

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