Lina est terrorisée, elle me regarde les yeux pleins de larmes, les dents serrant de plus en plus fort le tissu qui lui barre la bouche en gémissant à chaque inspiration.
Je suis comme elle, attachée, ainsi que 3 autres de nos amis d’infortune. J’ai peur, c’est tout ce que je ressens, je regarde autour de moi, il fait sombre, mais assez jour pour voir que les murs sont à nu, gris comme du béton, par endroits, le sol est recouvert de poussière ou de sable ?
Au loin, j’entends des voix, hommes et femmes ne sont pas d’accord, il y a une urgence dans leurs échanges, une peur également. Une peur pour leur vie.
Puis tout va très vite, une explosion près de nous les otages, des personnes vêtues de noir entrent et nous attrapent, prennent à peine le temps.
À peine mes mains sont-elles libérées que je suis soulevée et remise sur mes pieds, je suis sonnée, je sens l’envie de dissocier arriver mais je ne dois surtout pas, je sais au fond de moi qu’il ne reste plus très longtemps, bientôt… c’est la fin de tout.
Je suis emmenée avec Lina, Matteo, Anouk et Jakub dans un Pick up.
Sauter rapidement.
Se coucher au maximum et s’accrocher où l’on peut.
Dehors le vent est levé, le sable est sombre et obscurci ma vision.
Le véhicule démarre et prends rapidement de la vitesse, je me redresse et je vois mes kidnappeurs sortir de ce bâtiment où j’étais retenue prisonnière, le regard paniqué allant de moi à ce côté que l’on fui également.
Inspirer.
Un flash.
Expirer, une pensée : c’est l’heure, maintenant.
« Ça commencé ! fonce plus vite ! » hurlai-je. »
Un virage pris en épingle, le véhicule stoppe et nous voici protégé par un nouveau bâtiment. On sait tous qu’on n’a plus de temps, on descend, on fonce vers une porte, on avale les marches en courrant.
Ici je sais qu’on est prisonnier. On attendra un peu avant de repartir vers notre vraie destination, là où nous serons vraiment en sécurité, mais en attendant, l’attente sera longue.
Il y a déjà du monde, une quinzaine de personnes s’y sont regroupées en attendant la fin de notre mission de sauvetage. On est en vie, on a survécu, c’est le principal.
On s’installe donc, ce bâtiment est poussiéreux, mais il est conçu pour résister et protéger, c’est le principal dans ma tête.
Une femme vient nous expliquer les règles, elles sont simples, on n’ouvre pas la porte principale sans avoir l’autorisation, on n’utilise plus les réseaux d’eau extérieurs, que la plomberie interne prévue à cet effet, pourquoi ?
« L’eau vous brûlera et vous tuera. » Répond elle sans une ombre d’expression.
Je sens que Lina a envie de pleurer, elle n’aurait pas dû être consciente de ce qui se passait, de ce que les grands avaient décidé, à quoi j’avais participé… je crois. Je regarde mes mains. Mais qui suis-je ?
Les minutes passent et on nous appelle dans une salle qui servira de dortoir, les couchages sont à même le sol, alignés sur plusieurs rangées. Tout autour les murs sont des vitres ? Bizarre cette sensation, je les vois comme des vitres mais je sais que ce n’en est pas, ce sont des écrans.
« Le souffle arrive. » me glisse Jakub dans l’oreille.
« Je sais, je le sens, tu t’en souviens ? »
Il acquiesce et se tient derrière moi me tenant doucement les épaules dans ses mains.
Sur l’écran on voit des bâtiments de pierre, des arbres, et puis en un grésillement de l’image ils ne sont plus là , remplacé par des tas de gravats et détritus battus par un vent violent et des nuages de poussières sombres.
En moi, je sens chaque vie sur la Terre s’arrêter, brutalement. Les âmes surprises n’ont même pas pu réaliser que leur vie s’est déjà achevée. Mais moi, je prends le temps de regarder ce que l’on a fait, chaque milliseconde, il le fallait.
Mais je ne sais pas pourquoi, où je n’arrive pas à m’en rappeler…
Les jours passent, je reste souvent devant les écrans pour méditer et sonder l’extérieur. Les nuages se multiplient depuis quelques heures, les pluies acides ne vont plus tarder. C’est là où il ne faudra plus du tout se servir des conduits extérieurs.
Les pluies acides sont là depuis plusieurs jours maintenant, Lina veut promener le chien de l’équipe de secours, je l’accompagne et on remonte dans ce qui ressemble à un parking, on marche en discutant calmement de l’après, ce qui va se passer quand on pourra rejoindre les cavernes et se mettre totalement en sécurité sous terre. Le chien tire pour nous emmener dans une zone proche des murs et baisse la tête. J’ai le réflexe d’attraper la laisse et le tirer en arrière juste à temps pour éviter qu’il lèche une flaque au sol.
Je lève la tête et remarque que de l’eau goutte du plafond qui semble imbibé d’eau, vite nous reculons et redescendons prévenir les équipes.
C’est l’alerte générale, il faut faire le point sur l’état du bâtiment, c’est bien de l’eau extérieure qui goutte selon l’expert scientifique, j’ai une sensation de soulagement en réalisant qu’on aurait très bien pu marcher dedans, ou le chien en mourir atrocement. Et puis, j’ai mal, au niveau de la poitrine, une violente douleur et mon esprit hurle avant qu’une image horrible se matérialise.
« Lina ! » Dis-je en partant vers la direction de cette douleur.
Elle s’intensifie et je vois l’image de plus en plus nette, avec ce sentiment d’incompréhension. Mes bras sont brûlés, je vois mes os ! Non… attends, mes bras vont bien !
Je descends, j’ouvre une porte et nous tombons tous devant cette vision d’horreur : Lina hurle de douleur en regardant ce qui était autrefois ses bras. L’eau déborde du lavabo, alors qu’un des secouristes fonce dans la pièce l’attrape et l’extrait de la pièce.
Je reste avec Lina qui est sur une table de soin, endormie pendant que tous les autres essaient de comprendre ce qu’il se passe dans les salles de bains. Elle ne souffre plus, je m’en suis assurée. Je peux le faire. J’en suis capable. J’ai pu couper les liens de ses nerfs sur ces zones, mais je ne pourrais pas lui donner de nouveaux bras. Peut être que dans les cavernes nous pourront, mais est-ce qu’on en aura le droit ? Cela voudrait dire avoir recours à ces savoirs trop précoces et inadaptés que nous ne voulions plus utiliser.
Le chirurgien revient me faire un point, il a pu enlever toutes les zones touchées, mais mes réflexions sont justes, elle devra vivre sans ses avant-bras.
« Mais elle vivra… »
Qui a dit ça ? Je me retourne cette phrase dans tous les sens en entrant dans la salle où tout le monde est réuni.
« - De l’eau arrive par au-dessus, et maintenant de l’eau arrive par en-dessous, que fait-on ? Peut-on attendre la fin des pluies ou partir avant ? explique celle qui semble diriger le groupe.
- Comment veux tu qu’on fasse pour les blessés, et même nous ?! répond un homme au fond de la pièce près de moi, puis il me regarde. »
Je n’ai pas le droit de sonder les esprits, mais quand vous hurlez vos pensées, je ne peux pas les ignorer, vous le savez pourtant.
Son regard est fixe, et son esprit se met à hurler sa pensée. Ah… c’est intentionnel. Il sait qui je suis, ce que je suis, sa famille a eu affaire aux miens, ils ont eu affaire à celui que j’ai combattu dans une autre vie et qui pourrit encore sur une autre planète pour expier les souffrances qu’il a donné.
« - Ouais, ok, dis-je en penchant la tête et suffisamment fort pour que tout le monde entende, je croix que je peux le faire. Ça devrait être possible. Mais je ne peux pas être sûre d’y arriver de notre sortie du bâtiment jusqu’aux cavernes, parce que, je tourne la tête vers cet homme, ce que tu ne penses pas, c’est qu’il faudra cette protection tout le trajet, les véhicules ne supporteront pas la pluie, et faudrait même que je veille à protéger les roues, car le sol est rempli de pluie acide. Mais oui, je pourrais le faire, je pense que j’en suis capable. Un minimum de véhicule, un minimum de temps dehors et je ferais tout pour vous sauver.
- Attends, tu parles de faire une bulle de protection ? me demande Jakub.
- Comme quand on sautait des chutes d’eau enfant ? rajoute Matteo.
- Oui, je l’ai fait plusieurs fois dans ma vie, c’est faisable, et puis là je me repose depuis assez de jours pour être capable de le faire.
- Moi je ne suis pas d’accord, tu as fini dans un sommeil sans vie pendant plusieurs jours à cause de ça une fois, c’est même pour ça qu’on a arrêté d’aller aux chutes, dit la petite voix de Anouk près de la responsable. Moi je m’y oppose, elle croit toujours pouvoir faire plus que ce qu’elle en est capable. Essayons plutôt de cloisonner les salles qui se remplissent d’eau.
- Sauf que, je rajoute en allant vers elle, maintenant je suis adulte et j’ai déjà fait des choses me demandant bien plus d’énergie, et que là , si je ne le fais pas, on sera tous bien pire que Lina, on ne sera même plus. »
C’est acté, je vais méditer dans le dortoir et sonder les trajets qui me semblent le mieux pendant que le reste de l’équipe regroupe ce qui sera à transporter.
L’homme est revenu me voir pendant un moment où je n’étais plus vraiment présente, il m’a dit 4h de route, 3 véhicules, c’est le maximum qu’ils peuvent faire.
Tout est prêt, je suis dans le véhicule du milieu, pour optimiser mes capacités, je suis à côté de cet homme, c’est le conducteur, il s’appelle James… je crois. Les portes où étaient cachés les véhicules de la première équipe s’ouvrent et je me concentre.
C’est bon j’ai la puissance, la bulle sort et nous englobe, puis les 3 véhicules, Jakub me pose une main sur mon épaule, il est derrière moi, près à … à quoi si ça ne marche pas ?
On roule depuis déjà 3h30, la route n’est pas terrible, et pourtant c’est celle que j’ai identifiée comme la meilleure, alors je n’imagine pas ce que sont les autres. Je sens Lina dans le premier véhicule qui reprend conscience et réalise petit à petit que sa vie ne sera plus jamais pareil mais elle veut vivre, j’ai une tristesse immense en moi mais sentir sa volonté de vivre me nourrie pour que je renforce le bouclier. Mes forces diminuent mais ça va, je ferais juste un bon gros somme dès qu’on m’aura dit où je dois vivre.
Avec Jakub ? Sa main est toujours sur mon épaule, depuis 3h ? bientôt 4 ? Je sais que parfois il passe sa tête entre la mienne et celle de James, il s’inquiète il parle mais je ne suis pas à écouter avec mes oreilles, je ne suis que du ressenti, je sonde en permanence, ce qu’on a fait va avoir changé la géologie, la météo aussi, je dois vérifier en permanence que rien de mortel ne se produit devant ou sur nous. Je ne dois pas faillir, je dois surveiller constamment, ne pas dormir, ne pas divaguer dans mes pensées.
On arrive aux cavernes, elles ne sont pas visibles pour des yeux non avertis, et c’est normal, tout était prévu pour, je sais avec mes ressentis où se trouve l’une des entrées encore accessible. Le transfert entre les véhicules et les cavernes est périlleux et compliqué, surtout pour moi, j’ai du mal à gérer autant de jambes, et déplacer la bulle pour autant de personnes, alors je m’arrête et je crée un tunnel, Jakub reste près de moi le temps que tout le monde passe, je renforce surtout la zone près du sol, il y a beaucoup de flaques pleine d’eau acide, ils ne doivent surtout pas en apporter dans les cavernes. Enfin je sens Jakub qui me soulève et me chuchote que c’est notre tour de rentrer.
Une fois à l’abris j’entends un dernier chuchotement très lointain.
« Maintenant, tu vas accepter de vivre avec moi ? »
Je souris, enfin j’espère que mon visage a reproduit ce sourire. Ça y est, nous y sommes, dans ces cavernes creusées par le peuple de pierre il y a tellement de millénaires. Ces êtres si petits les ont abandonnés lorsque mon ancêtre directe est revenue près de la Terre et demandée à tous ceux issus des expériences de son espèce de quitter cette planète. Ils étaient chassés par les humains je crois… Mais grâce à eux, nous allons pouvoir vivre. J’ai envie de dormir… les humains…
Au fond de moi je sais que je suis importante pour eux, mais j’aurais aimé ne pas l’être, j’aurais aimé ne pas à avoir à vivre cela. La vie telle qu’on a connu vient de s’arrêter, l’expérience de mes ancêtres devait être arrêtée, et les humains de cette planète ont accepté de m’écouter et d’y participer.
Le but ? Leur rendre leur planète telle qu’elle devrait être. Et mon gène particulier disparaitra avec moi, car maintenant que tout est fini, ce sommeil va me permettre que je me cache, que je cache cet ADN à jamais et lorsque j’aurais des enfants avec Jakub ils seront comme lui et non comme moi, et la Terre sera aux humains.

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