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volume 2, Prologue « Résumé Tome 1 (POV Mél) -1 » volume 2, Prologue

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Préface et résumé Tome 1 (1)

Ceci est le résumé vécu par Mél du tome 1 : Le Monde des Condamnés.

Seule dans sa chambre, allongée sur son tatami, Merodï Sato (里メロディ) était une fillette de sept ans. Depuis toujours, elle avait la capacité de voir les esprits, une aptitude qu’elle ne savait comment expliquer à son père, à son frère, et encore moins à sa méchante belle-mère. Elle soupira en regardant l’ectoplasme bleu semi-transparent voletant devant elle.

« Il m’a regardée crever, ton père est un chien ! » répétait en boucle l’esprit de son ancêtre. Merodï n’en pouvait plus de cet ectoplasme qui venait la harceler toutes les nuits depuis plus de deux mois. D’habitude, elle ignorait les esprits, mais… c’était sa grand-mère. Elle n’avait pas su l’ignorer.

Le lendemain, elle descendit pour son petit déjeuner. Dans la maison, son père faisait loi, c’était la coutume. Au Japon, la femme n’était généralement que très peu considérée, selon la tradition.

« Merodï, tu as l’air fatiguée, qu’as-tu fait hier soir ? » demanda son père d’un ton autoritaire.

— Rien, père… répondit la jeune fille en baissant la tête.

— Si tu n’avais rien fait, tu ne serais pas fatiguée, alors réponds-moi ! exigea-t-il, la fixant avec sévérité derrière ses lunettes.

— Je… c’est grand-mère qui m’a embêtée… finit par dire la jeune fille.

— Que racontes-tu encore ? Cesse de mentir ! s’énerva son père.

— Je ne mens pas ! Elle m’a dit toute la nuit que tu l’avais regardée mourir et te traite de sale chien ! cria la jeune fille, la tête toujours baissée.

— Comment oses-tu ? » répliqua sa belle-mère en posant les assiettes qu’elle était en train de débarrasser pour la prendre par le col, prête à la gifler.

« Laisse-la, Satomi ! » intervint son père d’une voix encore plus froide.

— Puisque c’est ainsi, dorénavant tu ne fais plus partie de ma famille, je t’envoie résider chez ta mère biologique ! » décida-t-il en se levant de table.

C’est ainsi que Merodï Sato prit l’avion pour un long trajet de plus de quinze heures.

Elle arriva seule à l’aéroport, récupéra son bagage et se dirigea vers la sortie du terminal. Cela faisait tellement longtemps qu’elle ne se souvenait même plus du visage de sa mère biologique, une Française.

Une grande femme habillée d’un tailleur et d’un blouson finement ouvragé portait un carton avec son nom dessus.

Elle s’approcha et s’inclina.

« Bonjour ! » dit-elle dans un français maladroit avec un fort accent japonais.

— Ma petite Mélodie, tu as tellement grandi, répondit la grande dame aux cheveux châtains et aux yeux aussi verts que des émeraudes sous le soleil. Merodï avait hérité de ses iris, même si on les voyait moins bien à cause des traits atypiques hérités de son père.

Sa mère la prit dans ses bras et l’enlaça longuement, un moment qui parut être une éternité pour la jeune fille qui n’avait jamais reçu de câlins durant sa courte vie. Elle ne put réprimer ses sentiments et se laissa aller à des sanglots venant du plus profond de son être.

C’est ainsi que Merodï Sato devint Mélodie Fruss, changeant de nom de famille pour celui de sa mère, originaire d’Alsace. Sa nouvelle vie commença.

Elle apprit à parler ainsi qu’à écrire le français, une langue d’ailleurs compliquée à apprendre avec toutes ses règles et ses exceptions. Elle grandit sans jamais parler des fantômes qu’elle voyait, les ignorant, ne voulant qu’une chose : continuer à vivre une vie normale.

Son éducation fut fondamentalement bouleversée. Sa mère était une femme libre, se revendiquant féministe, qui disait sans cesse que les hommes ne seraient rien sans les femmes, car sans femmes, il n’y a tout simplement pas de vie humaine !

À l’âge de dix ans, son père mourut d’un arrêt cardiaque. Bien entendu, elle ne fut pas conviée aux funérailles et ne reçut qu’une lettre contenant trois graines de cerisier japonais, son seul et unique héritage qu’elle garda toujours sur elle dans un omamori.

À l’âge de douze ans, au collège, elle rencontra un garçon, un magnifique et grand jeune homme. Il se nommait Louis, de deux ans son aîné. Ce fut son premier amour non avoué. Elle réussit à se faire inviter dans sa « bande » et son cœur était rempli de joie de pouvoir le voir si souvent, même s’ils n’échangeaient que rarement la parole.

Puis, un jour, quelques années plus tard, elle avait alors quinze ans ; Louis fit part à sa bande de son projet : franchir le portail dimensionnel !

Mélodie en avait à peine entendu parler, mais elle dit oui tout de suite. Suivre celui qu’elle aimait, c’était ce qui la faisait vibrer à ce moment-là.

Dans la sombre cale, ils devaient faire silence pour parvenir à bon port. Ce fut un long trajet angoissant pour Mélodie, qui se posait toutes sortes de questions : avait-elle bien fait d’y aller avec eux ? Sa maman ne serait-elle pas trop en colère ? Pourraient-ils revenir ? Louis avait dit que s’il y avait un moyen d’y aller, il y en avait forcément un pour revenir, et elle croyait en lui, le beau, le charmant, le magnifique jeune homme.

Quand ils débarquèrent, tout se passa comme Louis l’avait prévu. Grâce aux caméras retransmettant en direct, ils purent passer. Elle ne pensait pas arriver jusqu’au portail.

Elle regarda ce mur lumineux, aspirant même les esprits qu’elle percevait. Elle douta une seconde… Elle voulut prévenir Louis que finalement, ce n’était peut-être pas une bonne idée. Si toutes les âmes mortes se faisaient aspirer, serait-ce l’enfer ou le paradis qu’ils découvriraient ? Mais on la pressa et elle fut poussée dans le portail.

Il n’y avait rien autour d’elle en dehors du noir, sombre et intimidant. Elle avait l’impression de flotter hors de toute gravité.

Un message apparut devant ses yeux :

! Bienvenue, étranger n° 9862

Veuillez sélectionner votre pseudonyme : !

« Heu… Mél, tout simplement… » dit la jeune fille ne comprenant pas ce qui se passait.

Bienvenu Mél !

La lumière disparut.

Mél tomba à genoux sur une herbe grasse et fraîche, haletante. Autour d’elle, des feuillages épais filtraient la lumière du ciel. L’air sentait la chlorophylle, l’humus… et quelque chose d’autre, plus âcre. Le monde était silencieux, comme figé après une longue apnée.

Elle tourna la tête. Louis. Il était là. Son cœur bondit. Puis elle vit Rol, Carrie, les autres. Ils étaient tous là. Tous vivants.

« On… on a réussi ? » murmura Carrie, la voix vacillante.

« On l’a fait ! » s’écria Louis avec un rire nerveux.

L’euphorie fut immédiate. Ils se prirent en photo, crièrent, s’enlacèrent. Mél, elle, observait. Elle souriait timidement, rassurée de voir Louis si heureux, si vivant. Il avait tenu parole. Il l’avait amenée avec lui.

Le groupe s’avança, enthousiaste, dans la forêt.

« L’air est si pur ici… » fit remarquer Rol, les narines ouvertes.

« Oui et… Oh ! Regardez, un lapin ! » s’exclama Carrie.

Un animal les observait entre deux buissons. Un petit corps beige, pelage soyeux, yeux noirs.

Mais Mél fronça les sourcils.

Il brillait. Faiblement. Une vapeur bleue flottait autour de lui. Comme… comme les esprits.

Son ventre se noua.

Elle voulut parler. Prévenir. Mais sa gorge se serra. Non. Pas maintenant. Ils riraient. Ils ne comprendraient pas. Et puis… ce n’est qu’un lapin.

Nico s’avança.

« Viens là, petite bête… » gloussa-t-il, lançant un clin d’œil à Mél.

« Attention… » murmura-t-elle. Trop tard.

Le lapin bondit. Un éclair de crocs.

Un hurlement.

Le sang jaillit.

Nico chancela. Une autre forme surgit derrière lui, puis une autre. Des boules de poils, des mâchoires. Les crocs s’enfoncèrent dans sa gorge, dans sa jambe. Il tomba à genoux, bavant, suffoquant.

« Putain ! Ils l’égorgent ! » cria Rol.

Une gerbe de sang éclaboussa le sol. Nico tenta de ramper. Une patte griffue lacéra son flanc. Puis un craquement. Sa carotide céda.

Mél recula, paralysée. Ses oreilles sifflaient. Le sol tanguait.

C’était sa faute. Elle le savait. Elle avait vu. Elle n’avait rien dit.

Les lapins se penchèrent sur le corps convulsé. Un râle. Puis plus rien que le bruit affreux de chairs déchirées.

« Merde ! On se tire ! » hurla Louis.

Il attrapa Mél par le poignet. Elle courut sans réfléchir, fuyant l’image de Nico déchiqueté, fuyant la panique qui nouait ses tripes.

Le groupe s’enfonça dans les bois. Les branches les fouettaient. Le sang battait à leurs tempes. Mél ne savait plus si elle pleurait ou transpirait.

Ils ne s’arrêtèrent que plusieurs minutes plus tard, haletants, à bout de souffle.

« Qu’est-ce que c’était que ça ?! » hurla Rol. « Des lapins ! Des putains de lapins ! »

Carrie sanglotait. « Nico… ils l’ont… ils… »

« Il est mort, Carrie ! » gronda Chris, les dents serrées. « Tu veux qu’on crève aussi ?! »

Mél recula. Son dos heurta un tronc. Elle glissa au sol, secouée de spasmes.

Elle aurait dû parler. Elle aurait pu…

Ses yeux croisèrent ceux de Louis.

« On va s’en sortir, je te le promets… » dit-il.

Mais sa voix tremblait.

Il mentait.

Le silence retomba. Pas celui du soulagement, non. Celui, épais, qui suit les cris, les pleurs, les morts. Celui qu’on n’ose pas briser de peur qu’il réponde.

Ils marchaient. Sans but. Juste pour fuir. Fuir les lapins, fuir la panique, fuir ce qu’ils venaient de vivre.

La forêt ne les aidait pas. Ses troncs étouffaient les sons. Ses branches tordues grimaçaient dans l’ombre. Des bruissements surgissaient parfois derrière eux. Un craquement. Un souffle. Rien. Ou alors trop. Mél ne savait plus.

Elle sentait ses jambes faiblir, ses pieds s’alourdir. La lumière faiblissait aussi. Le jour tombait. Et la nuit… la nuit dans ce monde, elle ne voulait pas la connaître.

Carrie trébucha. Louis la rattrapa. Son regard était vide, gonflé de larmes. Rol traînait les pieds, jurant dans sa barbe, les poings serrés. Chris, toujours devant, gardait le cap, comme si ça pouvait suffire.

Après ce qui leur sembla une éternité, la forêt s’ouvrit.

Une falaise.

La mer, en contrebas, gronda comme une bête affamée. Le vent fouettait leurs visages, salé, glacé. En bas, une plage de galets luisait sous les lueurs mourantes du ciel.

« Là. Un chemin. » dit Chris.

Ils descendirent. Lenteur prudente. Genoux meurtris. Mains griffées par les roches. Mél glissa une fois, se rattrapa de justesse.

En bas, le froid était plus mordant. Les galets roulaient sous les pas. Le vacarme des vagues couvrait tout.

Ils trouvèrent une ouverture à flanc de falaise. Une grotte. Noire. Vide. Sûrement humide. Mais c’était un abri. Et c’est tout ce dont ils avaient besoin.

Ils entrèrent.

Le silence les enveloppa.

Personne ne parlait. Personne ne pleurait plus. Ils étaient trop fatigués pour ça. Trop brisés. Juste vivants. Pour l’instant.

Louis s’assit contre la paroi. Carrie se roula en boule. Rol fixait l’entrée comme un chien de garde. Chris nettoyait une plaie au bras sans broncher.

Mél s’adossa à la pierre froide. Son regard se perdit dans le noir. Elle n’avait plus faim. Juste un vide, quelque part entre la poitrine et l’estomac. Un vide froid. Coupant.

« Tu avais promis qu’on verrait un monde meilleur… » cracha Carrie, d’une voix tremblante de rage.

Louis leva les yeux. Elle le fixait avec une haine qu’il ne lui connaissait pas.

« Personne n’aurait pu prévoir ça… »

« Ferme-la. T’étais censé savoir. Le plus malin. Le plus sûr de lui. Et maintenant, Nico est mort, et on est coincés là, au bord d’un putain de monde ! »

« Calmez-vous… » intervint Chris.

Mais Rol se leva à son tour.

« Elle a raison. On a suivi Louis. Et regarde où on en est. »

« Je n’ai jamais dit que ce serait sans risques ! »

« Tu nous as menti. »

Les mots frappèrent plus fort que des poings.

Mél serra les genoux contre elle. Elle voulait crier, hurler qu’ils arrêtaient, que ça ne servait à rien, que Nico ne reviendrait pas… mais aucun son ne sortit.

Chris et Carrie sortir furieusement de la grotte.

Dans la grotte, il ne resta que Mél et Louis.

« Tu as le droit de m’en vouloir aussi, dit Louis la tête baissée.

— Jamais de la vie, ce n’est pas de ta faute », lui dit Mél en essayant de le réconforter. Cela faisait tellement longtemps qu’elle l’aimait, comment pourrait-elle lui en vouloir ?

Elle avait été secrètement amoureuse de lui durant plusieurs années, et aujourd’hui, ils se retrouvaient seuls. Elle ne savait pas quoi dire et n’osait pas entamer une conversation dans la situation actuelle. Elle espérait qu’il entamerait cette conversation, qu’ils se rapprocheraient, qu’ils s’enlaceraient pour se rassurer mutuellement.

Louis s’était levé, le regard fuyant. Il ne semblait pas oser la regarder dans les yeux.

« Je vais chercher les autres. »

Mél voulut lui répondre, mais les mots restèrent coincés dans sa gorge.

Il sortit sans un mot de plus.

Elle resta là, seule dans la pénombre, les bras croisés contre son torse glacé.

Il l’avait laissée.

Elle. Mél.

Depuis des années, elle le regardait en silence. Louis, le grand, le beau, celui qu’elle avait suivi jusqu’ici. Elle s’était imaginé tant de choses, même dans cette grotte humide et lugubre. Un instant, elle avait cru… qu’ils seraient enfin seuls. Qu’il verrait elle.

Mais non. Il l’avait quittée comme on éteint une chandelle. Sans un regard. Sans même se demander si elle avait peur, si elle pleurait.

Elle baissa la tête, honteuse d’elle-même.

Quelle idiote je suis…

Même ici, dans ce monde violent, même après un carnage, elle s’accrochait encore à un garçon qui n’avait jamais rien promis.

Puis un cri. Brutal. Arraché à la nuit.

« Lâchez-moi ! »

Carrie ?

Mél bondit. Son cœur s’arrêta. Elle sortit prudemment, les pieds nus sur les galets froids.

À quelques dizaines de mètres, des formes.

Des hommes. Trois. Sales, maigres, mais armés. L’un tenait Rol au sol, un revolver contre sa tempe. Un autre frappait Chris à coups de crosse. Le troisième… sur Carrie.

Ils l’avaient plaquée à terre. Arraché ses vêtements. Ses jambes griffaient le sol, elle hurlait. Ses yeux, écarquillés, cherchaient de l’aide. Cherchaient Mél.

Louis ne bougeait pas. Les mains en l’air, il bégayait des mots inutiles.

Mél chancela. Son estomac se tordit.

Non. Non non non.

Ils allaient la violer. Ici. Devant tout le monde. Peut-être la tuer après.

Ses jambes refusèrent d’avancer. Son corps tremblait.

Je ne veux pas ça…

Je ne veux pas qu’ils me voient…

Elle recula. Un pas. Puis un autre.

Puis elle tourna le dos et courut, sans regarder derrière.

Elle s’enfonça dans la grotte, les bras plaqués contre elle-même, ses propres ongles plantés dans sa peau. L’humidité la mordait. Le froid lui glaçait la gorge. Elle trébucha dans le noir, heurta un mur, se laissa glisser contre.

Elle pleura. Pas comme une enfant. Pas comme une héroïne. Comme un animal acculé. Des hoquets, des sanglots, des spasmes.

Je suis lâche.

Mais que pouvait-elle faire ? Elle n’avait pas d’arme. Pas de force. Elle n’était pas Louis, ni Chris, ni même Carrie.

Elle était juste… Mél. Une fille normale dans un monde de monstres.

Et puis, plus rien.

Le froid la réveilla.

Mél frissonna, engourdie. L’humidité de la grotte lui collait à la peau, le sol semblait suinter sous elle comme une langue visqueuse. Elle ouvrit les yeux dans une obscurité épaisse, pleine de silence. Pas de cris. Pas de voix. Rien que le râle lointain des vagues contre la pierre.

Elle se leva lentement, les membres raidis, le ventre vide. L’estomac criait famine, mais la peur le gardait noué.

« Maman ?… »

Sa voix s’éteignit aussitôt, ridicule, étrangère ici. La réalité lui retomba sur les épaules : elle n’était plus chez elle. Elle n’était plus nulle part de sûr.

Elle tituba vers la sortie, sa main longeant la paroi rugueuse, taillée par le vent et l’humidité. Une lumière froide filtrait depuis l’extérieur.

La nuit était tombée, claire et spectrale. Deux lunes régnaient au ciel : l’une bleue comme la glace, l’autre rouge, malveillante, suspendue comme un présage. Elles baignaient la plage d’un éclat livide.

Mél s’avança.

Et vit les corps.

Le premier n’était plus qu’une masse déformée. Le visage de Chris, ou ce qu’il en restait, n’était qu’une bouillie bleue et noire figée dans le gel. On avait martelé son crâne jusqu’à ce que les os cèdent. Ses bras étaient tordus, brisés, offerts comme des branches mortes à la nuit.

Plus loin, le second corps. Nu. Lacéré.

Carrie.

Mél s’agenouilla, tremblante. Le sang avait séché sur sa gorge ouverte, sur sa poitrine entaillée comme une offrande aux dieux d’un monde cruel. Ses yeux, ouverts, fixaient encore le ciel, comme s’ils cherchaient une réponse qu’aucune étoile ne lui donnerait jamais.

Un goût amer monta dans sa gorge. Elle vomit. Rien que de la bile. Rien à expulser d’autre. Juste le vide.

Elle sanglota, le corps secoué, les bras autour d’elle-même. Elle aurait voulu mourir là, sur place. Fondre dans les pierres, disparaître avec la marée.

Un bruissement.

Elle leva les yeux.

Des ombres se tenaient plus loin, observant. Noires, perchées sur des pattes noueuses. Des oiseaux. Pas comme ceux de chez elle. De grosses silhouettes couvertes de plumes huileuses, un bec crochu et rouge comme un poignard imbibé de sang.

Des charognards.

Ils sautillèrent vers les cadavres.

Elle hurla.

« Allez-vous-en ! »

Elle jeta un galet. Puis un autre. Les pierres ricochèrent, inutiles. Les oiseaux l’ignoraient. Ils se penchèrent et entamèrent leur macabre festin.

Mél tomba à genoux. Ses pleurs se mêlèrent aux bruits de chair qu’on arrache, aux os qu’on fend.

« Aidez-moi… s’il vous plaît… »

Un clic sonore résonna dans l’air.

Une fenêtre translucide s’ouvrit devant ses yeux rougis.

! Aide : Voulez-vous activer le guide pour débutant ? !

Elle cligna des yeux. Une hallucination ? Une IA ?

Elle n’avait même plus la force de douter.

« Oui… » souffla-t-elle.

Numéro d’ID : 9862

Pseudonyme : Mél

race : Humain (type Kraal)

Niveau total : 3

attributs : 9 (disponible)

FO : 7

CO : 8 AGI : 13 INT : 14 SAG : 19 CHA : 16 Niveau d’emplois : Aucun emploi encours

Pourcentage en magie : 43

Pourcentage en technologie : 57

Réputations : Aucune réputation

Spirituel lié : Aucun

Point de vie max : 180

Point de mana max : 160

Magie :

Œil de Vérité : 1/3

Technologie :

armure : Tissu (1/3)

arme : Poignard (1/4) Emplois :

Cuisine : griller (1/2)

Récolte : Herboriste (1/5)

Points de compétences disponible : 3

Grâce à l’aide, elle put, durant les jours suivants, survivre en récoltant des plantes et des baies comestibles, mais cela avait ses limites. Outre les coliques, la faim était toujours présente. Elle voulut tenter d’attraper des poissons, mais quand elle vit un monstre aux épines dorsales aussi grandes qu’elle, elle décida que la pêche était trop dangereuse.

FICHE D’INFORMATION

LE LAPIN CARNIVORE

Description :

Le lapin carnivore est un petit prédateur, parfois solitaire, parfois grégaire, appartenant à la famille des Lagomorphes. Son pelage court varie du brun au noir, en passant par le gris ou le blanc. Ses longues oreilles mobiles captent le moindre son alentour. Sa mâchoire, anormalement puissante, est taillée pour déchirer la chair.

Malgré sa petite taille, son agressivité en fait un ennemi redoutable. Son comportement mimétique lui permet de se faire passer pour un animal inoffensif, trompant ainsi les proies et les imprudents.

Comportement :

Ignorant la peur, le lapin carnivore attaque sans la moindre hésitation tout être vivant qui pénètre sur son territoire. Il peut se regrouper en meute pour abattre des proies plus grandes. Ses attaques visent principalement la gorge ou les extrémités, et il continue de mordre tant que sa victime respire.

On rapporte plusieurs cas d’embuscades où un individu isolé servait d’appât, attirant l’attention, tandis que la meute encerclait silencieusement sa cible.

Préface et résumé Tome 1 (2)

Il faudrait bien qu’elle sorte de sa grotte. Remonter dans la forêt, elle n’avait pas d’autre choix. Par la plage de galets, aucun passage – mais c’était là qu’elle avait vu la mort. L’odeur de sang et de chair brûlée lui brûlait encore les narines. La peur ne la quittait pas. Non, ce n’était pas une simple peur. C’était une terreur viscérale, sourde et épaisse, qui s’accrochait à sa peau comme un poison. Carrie… Carrie était morte, déchiquetée. Ses cris, son regard effrayé, lui revenaient en boucle. Et Louis… Louis, son espoir, son futur, son seul refuge. Était-il encore vivant ? Ou avait-il été emporté par cette nuit de cauchemar ?

Elle avait cru, naïvement, que le temps effacerait ces images. Que l’espoir renaîtrait. Mais la nuit seule portait sa vérité cruelle : elle n’avait jamais eu de relations, jamais partagé sa peau, jamais laissé un autre que Louis l’approcher. Sa virginité n’était pas un simple caprice d’adolescente ; c’était un serment silencieux, une protection fragile. Elle ne voulait pas que sa première fois soit une blessure, une déchirure. Et elle savait qu’un agresseur, ici, ne laisserait pas de survivantes.

Adossée à la pierre froide, Mél laissa échapper un soupir long, creux, presque sans souffle. Son regard se perdit dans les fissures du mur, mais son esprit vagabondait vers Louis. Il reviendrait, n’est-ce pas ? Il viendrait la chercher, briserait ces chaînes invisibles, la ramènerait dans son monde, loin de cette abomination. Elle s’accrochait à ce rêve comme à une bouée dans un océan de désespoir.

Un murmure à l’extérieur la fit sursauter. Lentement, elle s’approcha de l’entrée, le cœur battant à tout rompre. Des voix… humaines. Elle s’accroupit dans l’ombre, retenant son souffle.

— « Je t’avais dit de ne pas voler si haut ! » La voix d’une femme était sèche, agressive.

— « Oh, ça va ! C’était pour gagner du temps, occupe-le pendant que je prépare mon sort. »

— « Je fais ce que je peux, mais il va finir par s’énerver. »

Un rugissement sauvage fendit l’air. Mél tressaillit. Cette bête… sa voix était grave, rauque, comme un abysse prêt à s’ouvrir.

Rester cachée était la seule option. Pourtant, la curiosité la déchira. Qui étaient ces étrangers ? Et surtout, contre quoi se battaient-ils ? Lentement, elle glissa un œil à l’extérieur.

Une femme, ou plutôt un spectre féminin, tournait en rond pour distraire un monstre. Pas un monstre ordinaire : un lion immense, recouvert d’un pelage roux flamboyant, avec des ailes déployées et un bec évoquant un toucan tordu. La lune, petite et blafarde, jetait une lumière orangée sur ses poils hérissés.

À côté, un homme en jogging sombre préparait quelque chose, tendu.

— « C’est prêt, je lance ! » cria-t-il soudain.

Un éclair crépita entre ses doigts, frappant la bête qui s’effondra lourdement.

Le fantôme laissa tomber ses mains là où auraient dû être ses genoux.

— « Et voilà, je suis épuisée… et j’ai faim ! » gronda-t-elle, presque comme un animal.

— « Arrête de râler, la nuit tombe. On cherchera demain. » L’homme s’approcha du cadavre.

— « Ça te dit du griffon pour dîner ? »

— « Jamais goûté, mais je boufferais n’importe quoi si c’est tout ce qu’on a. »

— « Je te rappelle que tu n’es pas censée manger. »

— « C’est ta faute ! »

— « Ma faute ? Pourquoi donc ? » L’homme dégainait ses couteaux, entamant la découpe.

— « C’est toi qui as insisté pour que je garde mes réflexes de vivante. De mon vivant, je dévorais tout ce que je trouvais, c’est dans mes gènes ! Ici, la nourriture ne me nourrit pas assez, alors je dois compenser. »

— « OK… OK, je coupe la viande. Va allumer le feu ! »

— « Bubulle ! » appela-t-il.

Une boule gluante apparut, ondulant, semblable à un slime de contes, émanant une lumière douce. L’interface de Mél lui avait déjà parlé de ces créatures. Ils allaient manger cette viande… Et elle ? Elle avait faim, mais ces êtres étranges – un homme aux pouvoirs incertains, un fantôme – étaient-ils un refuge ou un piège ?

Elle se laissa tomber près de l’entrée, les yeux rivés sur le feu. Une lutte intérieure la rongeait. Son ventre criait famine. Si elle ne mangeait pas, elle mourrait. Mais l’inconnu la terrifiait tout autant.

Le jour déclinait, avalé par l’obscurité. La plage se noyait dans une mer d’ombres mouvantes, dansant sous la lumière tremblante des flammes.

L’odeur de la viande grillée, suave et crue, s’infiltrait dans ses narines. Son corps s’embrasait de désir primal. Elle n’avait plus de force, plus de volonté. Elle se leva, prête à avancer vers eux.

Mais soudain, l’ombre glacée de la peur l’enserra à nouveau. Et si c’était un piège ? Et si ces inconnus la tuaient ? Son courage vacilla, et elle fit demi-tour, la gorge nouée.

Pourquoi lui feraient-ils du mal ? Ils semblaient… humains, presque gentils. Mél se força à s’en convaincre. Elle ramassa les morceaux épars de son courage, prêt à affronter la nuit et la faim, pour se rapprocher de la chaleur et de la vie.

« Bon, tu viens ou pas ! » cria le fantôme d’une voix rauque, presque pressante.

— « On a de la bonne viande par ici ! » ajouta-t-elle avec un sourire qui semblait vouloir percer les ténèbres.

Mél sursauta, le cœur battant à tout rompre. Ils savaient qu’elle était là ? Depuis combien de temps l’observaient-ils ? Que devait-elle faire, maintenant qu’elle était découverte, vulnérable ?

L’odeur de la viande grillée l’enveloppait, si tentante, si cruelle. Elle prit une profonde inspiration, serra les poings, puis avança, la peur au bord des lèvres.

— « Excusez-moi… » murmura-t-elle, la voix brisée, presque étranglée par l’émotion.

Le fantôme, qui se faisait appeler Myr, lui fit signe d’un geste ample, un sourire à la fois doux et fatigué illuminant son visage translucide.

— « Allez, viens te réchauffer et manger, » l’invita-t-elle avec une sincérité déconcertante.

L’homme, Mac, fronça les sourcils, visiblement réticent.

— « Myr, je… » commença-t-il, hésitant.

— « C’est qu’une gamine, Mac ! Laisse-la manger avec nous ou je t’en voudrais, » lança Myr avec un ton de chantage qui ne laissait guère de place au refus.

Mac soupira, comme s’il se pliait à un vieux rituel qu’il n’aimait plus.

— « OK… OK… de toute façon, on a plus que ce qu’on peut manger… » céda-t-il en se levant lentement.

— « Je devrais être habitué, à force… » marmonna-t-il pour lui-même, déjà en train de préparer des brochettes.

Myr s’approcha de Mél, une brochette fumante à la main.

— « Comment tu t’appelles ? »

Mél la regarda. Cette femme-fantôme devait avoir été belle autrefois. Ses longues oreilles fines évoquaient des légendes, des elfes des contes oubliés.

— « Mél, » répondit-elle simplement, saisissant la brochette sans réfléchir.

La chair était tendre, juteuse, un luxe qu’elle n’avait pas goûté depuis des jours. Les questions sur l’étrangeté de Myr s’évanouirent dans la chaleur et la faim.

Le fantôme la regardait dévorer la viande avec un sourire presque maternel.

— « Que fait une jeune fille comme toi, seule sur cette plage ? » demanda Mac, la voix plus douce qu’elle ne l’aurait cru.

Mél baissa les yeux, la gorge serrée.

— « Je suis arrivée par le portail il y a quelques jours… mais mes amis… » sa voix se brisa.

Le fantôme posa une main invisible, comme pour consoler.

— « Ne t’inquiète pas, tu pourras nous raconter tout ça plus tard, » souffla Myr.

— « Plus tard ? » demanda Mac, méfiant.

— « On ne va quand même pas la laisser ici toute seule. Ce serait inhumain, » insista Myr.

— « Ça tombe bien, tu n’es pas humaine, » répliqua Mac avec un sourire ironique.

Mél sentit la peur remonter, mêlée à un espoir fragile.

— « S’il vous plaît… emmenez-moi avec vous… » supplia-t-elle.

Le fantôme hocha la tête.

— « Bien sûr, on ne peut pas te laisser mourir de faim ici. »

Mac ne semblait pas convaincu, mais se résigna.

Mél osa un regard vers Mac.

— « J’ai cru comprendre que vous cherchiez quelque chose ? »

— « Ouais, de la jusquiame noire, l’herbe des sorcières, » répondit-il. « Mais il fait trop sombre pour chercher. »

— « Je sais où elle est, » murmura Mél avec hésitation. « En cherchant à manger, je suis tombée dessus. Je peux vous montrer. »

Mac et Myr échangèrent un regard. Mél sentit son cœur s’emballer.

Assise près du feu, elle rongeait un ongle, le stress lui brûlait les entrailles. Et si elle avait eu tort de leur faire confiance ? Après qu’ils aient récupéré ce qu’ils voulaient, la laisseraient-ils ici, à la merci des ombres, des monstres, des bandits ?

Myr s’approcha, rompant le silence.

— « C’est cool, on va pouvoir rentrer plus vite que prévu. »

— « Ouais, pas besoin de dormir dehors avec tous ces moustiques, » répondit Mac avec un sourire en coin.

Myr fit un signe vers Mél, croisant les bras en faisant semblant de bouder.

— « Bon, très bien… tu as gagné… »

— « C’est pour te remercier de ton aide, » expliqua Mac en lui tendant la main.

Une poignée de main. Un geste simple, humain. Mél se leva, saisit la main. Puis, d’un coup, le monde tourna.

Elle se retrouva dans une chambre aux murs rouge sombre, éclairée par des lumières douces mais agressives, des sortes d’ampoules aux éclats étranges qui lui faisaient mal aux yeux.

— « Que… où… » balbutia-t-elle, perdue.

Le fantôme, avec un sourire amusé, articula lentement :

— « Téléportation ! »

Mac ajouta, un peu embarrassé :

— « Plus précisément, c’est de la foudroie-portation. Ça utilise l’énergie de la foudre pour accéder d’un point à un autre, désigné par des balises électriques… Désolée, je m’emballe. »

Mél regarda autour d’elle, encore sous le choc.

Ainsi, elle était sauvée. Du moins, pour l’instant.

Quelques jours plus tard, après un bain réparateur, des vêtements propres et plusieurs repas consistants, Mél était prête à partir. Myr lui avait proposé de l’accompagner dans un lieu où elle serait formée aux rudiments indispensables pour survivre dans ce monde cruel.

La nouvelle tomba comme un couperet : il n’y avait aucun moyen de retourner sur Terre. Ici, dans ce royaume, ce monde aurait pu être un paradis, mais la présence des criminels, expulsés dans ce vortex sans retour, avait tout perverti.

Mél arriva donc au manoir principal situé dans la capitale du royaume de Budasta. Immédiatement, elle ressentit le poids des regards hostiles. À Miniarkil, la ville d’où elle venait, on ne la regardait pas ainsi. Mais ici, entourée par les 500 esclaves du domaine, ceux-ci s’écartaient devant elle comme si elle portait un maléfice.

Ces esclaves formaient une masse silencieuse et terne, aux corps maigres et usés par le travail et la faim. Leurs visages étaient marqués au fer rouge, des brûlures grossières qui laissaient des cicatrices rouges et saignantes, signes d’une possession cruelle et d’un contrôle brutal. Certains portaient encore des chaînes aux poignets, cliquetant doucement à chacun de leurs pas fatigués. Leurs regards fuyants et leurs postures résignées témoignaient d’années d’oppression et de souffrance.

Mél s’approcha d’un jeune homme, un esclave à peu près de son âge.

— « Salut, pourquoi… » commença-t-elle timidement.

— « Haaa, ne m’approche pas, Kraal ! » cria-t-il en s’enfuyant, se protégeant le visage de ses bras.

Un silence lourd tomba sur la foule. Tous les regards, marqués au fer rouge, se tournèrent vers Mél, empreints de méfiance et de peur. Que pouvait-elle faire face à cette hostilité muette ? Elle préféra s’éloigner et rejoindre Myr, espérant obtenir des réponses.

— « Je ne peux pas t’expliquer, » lui dit Myr avec un soupir. « Par contre, Mac a beaucoup lu et devrait pouvoir t’éclairer. Il est en train de faire des explications aux esclaves. Dès qu’il aura fini, je lui demanderai de venir te voir. Au fait, tu t’es bien installée ? »

— « Oui, la chambre est spacieuse, merci pour les habits, » répondit Mél en observant le fantôme. Dans son ancien monde, les esprits étaient esclaves de leurs désirs, incapables de s’en affranchir. Myr, elle, semblait différente. Était-ce parce que son but personnel avançait sans qu’elle y prête attention ? Mél voulait lui poser la question, mais hésita et retourna dans sa chambre, se concentrant sur les exercices d’écriture qu’elle avait commencés.

On frappa à sa porte.

— « Mél ? Myr m’a dit que tu avais des questions, » annonça Mac en entrant.

— « Oui… tout à l’heure, quand je suis descendue à la cave pour rencontrer les esclaves, ils ont tous reculé, effrayés. Ils m’ont traitée de ‘Kraal’. Tu sais ce que ça veut dire ? »

Mac fronça les sourcils, son regard se faisant plus grave.

— « Kraal… hum, oui. C’est une tribu qui vit bien plus au nord, dans la grande forêt d’Ertagnis. Un peuple primitif, pratiquant le cannibalisme, et dont les chamans maîtrisent le pouvoir du sang. Ils t’ont appelée Kraal ? »

— « Oui… » murmura Mél, l’inquiétude creusant ses traits.

— « Continue tes exercices d’écriture, » lui conseilla Mac. « Je vais vérifier ce qu’il en est vraiment. »

Une demi-heure plus tard, Mac revint, l’air plus posé.

— « Les Kraals semblent être des Asiatiques, un peu comme toi. En y réfléchissant, depuis le temps que Myr et moi vadrouillons, on n’a jamais rencontré d’Asiatiques sur le continent de Beldan. Peut-être sont-ils pris pour des Kraals dès leur arrivée, et tués sans sommation… Ça explique leur réaction ici. J’ai instauré une règle temporaire : les esclaves n’ont pas le droit de te faire du mal pendant ta formation. Tu comptes quand même aller avec eux ? »

Mél serra les poings, une détermination nouvelle dans les yeux.

— « Oui, je dois devenir forte. Je veux survivre. »

Le mois qui suivit s’évanouit dans un tourbillon d’apprentissage et d’efforts. Mél se forma à l’alchimie des soins, à la chimie offensive, au maniement des armes à distance, à l’épée pour le corps à corps, et aux rudiments de la survie en milieu hostile. Mac l’encouragea à développer son « œil de vérité », un don précieux dans ce monde.

Parallèlement, elle découvrit ce qui animait Myr : une soif de vengeance. Cette âme torturée avait subi d’innombrables souffrances avant d’être abandonnée à une mort certaine. Mac, lié par un pacte « spirituel » avec elle, lui avait promis justice. Myr appartenait désormais à Mac, lui offrant ses pouvoirs et sa servitude pour l’éternité. Mais, précisa-t-elle, Mac n’était pas un tyran cruel : il ne tirait jamais profit de ce pacte, contrairement à elle qui en abusait parfois. Mél nota mentalement que Mac, avec son caractère froid, distant et sociopathe, était quelqu’un à qui l’on devait soit s’adapter, soit fuir.

Mac avait lancé la vengeance.

« Mél, je vais te confier une mission. Tu seras accompagnée par trois esclaves. Choisis ceux avec qui tu te sens à l’aise. Il faut que tu partes en reconnaissance dans la forêt Gruos, au royaume d’Estroyis, à l’Est. Là-bas, il doit y avoir un lac. Tu devras y jeter cette fiole. Ce monde n’est pas tendre, et il n’est pas rare de croiser des aventuriers masqués. Je t’en ai fait préparer un, ça t’évitera d’être prise pour une Kraal », expliqua Mac en lui tendant un masque sombre.

Parmi les esclaves, une seule avait daigné adresser la parole à Mél : une jeune femme nommée Seta, d’une vingtaine d’années. Ancienne esclave sexuelle d’un noble qui l’avait rejetée, elle avait été rachetée par Mac, qui lui avait offert une seconde chance. Ne connaissant pas les autres servants, Mél demanda à Seta de l’aider à choisir les deux autres aventuriers qui les accompagneraient.

Profitant de ce moment, Mél concentra son regard et activa sa compétence d’« œil de vérité ». Instantanément, des vapeurs colorées s’échappèrent des corps autour d’elle : nuances de bleus, de rouges, de verts… Étrangement, ces auras semblaient révéler les humeurs ou l’état des esprits. Elle constata aussi que les mouvements paraissaient ralentis, comme si le temps fléchissait autour d’eux. Fascinant et déroutant. Elle se dit qu’il lui faudrait du temps pour apprivoiser ce nouveau don.

Le voyage se fit à dos de scrafts, des lézards géants herbivores, réputés pour leur endurance et leur rapidité. Le modèle choisi était celui des coureurs, élancés et musclés. En trois jours à peine, ils atteignirent la frontière du royaume d’Estroyis, qu’ils franchirent sans aucun contrôle.

Arrivés à la forêt Gruos, ils libérèrent leurs montures. Les scrafts regagnèrent la liberté, retournant à leur vie sauvage. À pied désormais, les quatre novices s’enfoncèrent dans les sous-bois à la recherche du fameux lac.

Soudain, une vapeur noire s’échappa d’un buisson proche.

« Sur vos gardes ! » souffla Mél en dégainant son épée, un geste suivi par ses compagnons.

— « Hoho, tu nous as vus ? Impressionnant ! » s’exclama une voix rauque.

Deux hommes en surgirent, armés simplement : deux brigands. Leur aura était meurtrière, noire mêlée de rouge grenat, signe de danger et de méfaits.

Mél s’interrogea : pourraient-ils vaincre ces adversaires aguerris ? Elle n’eut pas le temps d’y penser davantage. Une flèche fantasmagorique, bleuâtre et translucide, fila droit vers elle. Elle suivit sa trajectoire à travers son « œil de vérité » et esquiva de justesse la flèche réelle qui suivait, frôlant son torse.

« Quoi ?! Vise mieux, abruti ! » hurla le chef, un homme grand et massif. « Tant pis, on va s’amuser avec les filles, vous pouvez buter les mecs ! »

Deux autres hommes armés de haches firent irruption.

Mél se mit en garde. Le petit brigand s’élança sur elle tandis que le grand attaquait Seta.

Le combat fut brutal et rapide. Grâce à son « œil », Mél anticipa les attaques, comme si l’énergie des brigands trahissait leurs mouvements à venir. Elle parvint à neutraliser le premier assaillant.

Un cri la fit se retourner : l’un des aventuriers gisait au sol, mort, tandis que l’autre fuyait, pris de panique.

Elles n’étaient plus que deux face à trois ennemis.

Mél vit les coups s’abattre. Sans réfléchir, elle fit tomber Seta au sol, puis bondit pour trancher la gorge d’un brigand, évitant de justesse une hache. Pivotant, elle planta son épée dans la gorge d’un second adversaire, esquiva un coup d’épée du chef, sortit son revolver et lui tira en pleine zone sensible. L’homme s’effondra en hurlant.

Essoufflée, Mél s’assit, regardant son épée tachée de sang. Elle venait de tuer. Pour de vrai. La réalité la frappa de plein fouet.

« On a eu chaud », souffla-t-elle à Seta, qui venait de trancher la carotide du chef.

Seta la regarda, fascinée.

« C’était de la sorcellerie Kraal ? »

« Heu… non. C’est juste… » Elle s’interrompit, incapable d’expliquer ces réflexes surhumains. Le doute s’installa, mystérieux.

Après deux heures de marche, elles trouvèrent enfin le lac.

Mél lança la fiole dans l’eau noire. Un énorme remous suivit, faisant apparaître un manoir dans un tourbillon d’écume. Une vague presque les emporta.

Trempées sur la rive, elles éclatèrent de rire. Une dizaine d’anciens esclaves sortirent du manoir, mettant une barque à l’eau pour aller à leur rencontre.

Quelques mois plus tard, Mél revenait d’une chasse qu’elle avait faite en solo. Elle essayait d’évoluer de niveau pour devenir aventurière et ne plus être une étrangère, encore deux dizaines de niveaux à acquérir pour cela.

Elle prit la barque, même s’il lui suffisait de voler au-dessus de l’eau grâce à son griffon doré. Elle aimait encore bien ce transport traditionnel et reposant.

Elle entra dans le manoir, Myr l’attendait.

« Je suis rentrée », dit-elle tout en déposant son épée et son masque à l’entrée.

« Bienvenue, répondit Myr en apparaissant devant elle.

— Ça a été ?

— Oui, ne sois pas si inquiète. J’ai bien évolué, tu sais ! Je peux terrasser quelques loups pourpres sans souci.

— Ho, excuse-moi ! Mais tu es comme ma fille, alors je m’inquiète pour toi, ma petite Mél ! dit Myr en faisant semblant de se vexer.

— Tiens, je t’ai ramené des brochettes de créons des roches ! tenta Mél, en tendant cinq pics de viande encore fumantes.

— Génial ! sauta Myr en saisissant les brochettes et commençant déjà à en dévorer une.

— Où est Mac ? demanda la jeune fille.

— Il est dans le jardin, il m’a dit avoir fini les réglages, répondit le fantôme.

— On ne parle pas la bouche pleine… »

Mél se dirigea vers le jardin.

« Mac !

— Ha, de retour ? Ça a été ? Tu as pu avoir ta prime ? » demanda-t-il.

Il était toujours aussi froid, c’est quelque chose qui ne changeait pas. Il n’était pas méchant ni gentil d’ailleurs, juste quelqu’un de très froid avec tout ce qui est vivant. Mél soupira, elle s’y était habituée depuis le temps.

« Oui, pas de souci. Myr m’a dit que tu avais fini les réglages ?

— Oui, on va pouvoir décoller ! répondit Mac avec un sourire.

— C’est prévu pour quand ?

— Ce soir normalement, on doit juste finir de s’occuper de notre invité, puis on décolle.

— Très bien », répondit Mél en s’éloignant de Mac, encore occupé avec un petit objet cylindrique.

Il avait fabriqué un objet magique permettant, une fois planté dans le sol, de créer un champ de force, puis de diminuer la masse, résultant de faire voler ce qui était pris dans le filet magnétique. Il y avait eu quelques problèmes de stabilité, alors il avait fallu qu’il modifie le circuit magnétique pour obtenir la stabilité nécessaire au vol. Les cylindres étaient directement rechargés par les flux d’éther qui circulaient dans l’air, ce qui permettait d’avoir des objets ne demandant pas de recharge ni d’entretien. Il avait aussi installé d’immenses hélices rotatives comme celles qu’il avait pour voler. Ces hélices seraient alimentées de la même manière que les cylindres, sauf en cas d’accélération, et dans ce cas, ce serait à Bubulle de s’en occuper.

Mél appela son spirituel. Un griffon doré. Elle le brossa un moment et lui donna de la viande crue.

Elle n’avait jamais rencontré cet « invité ». Tout ce qu’elle savait, c’est que c’était la vengeance principale de Myr. Une fois qu’elle en aurait fini avec sa vengeance, que ferait-elle alors ? Même si un contrat spirituel est pour toujours, un pacte avec un esprit n’avait jamais été fait. Allait-elle disparaître et partir pour l’au-delà ?

« Mél, t’es là ! cria Seta en lui faisant signe.

— On se fait une partie d’échecs ? Je te mets la pâtée ce coup-ci ! assura Seta, le poing serré devant elle en signe de défi.

— Je vais déjà me changer et mettre une robe », répondit-elle en s’éloignant.

Quelques heures plus tard, la nuit était tombée sur le lac.

« Prêtes ? » demanda Mac à Myr et Mél qui l’avaient accompagné à l’extérieur du manoir. Les dix aventuriers qui avaient décidé de rester au service de Myr et Mac étaient restés à l’intérieur, Seta aussi.

« Allons-y ! dirent-elles ensemble.

— En route pour la cinquième cité ! » déclara Mac en activant les cylindres qui émirent une petite lumière bleutée.

L’île où se trouvait le manoir s’éleva doucement au-dessus de l’eau, puis au-dessus des arbres de la forêt qui les entouraient, puis encore plus haut, au niveau de la première couche de nuages, et se stabilisa. Il y avait des sortes d’aurores boréales de couleurs bleutée, turquoise et jade qui flottaient dans l’air. C’était le fameux flux d’éther ?

Les hélices se mirent lentement à tourner, nourries par l’énergie de Bubulle pour le démarrage. Le manoir commença à avancer doucement, puis un peu plus vite, jusqu’à trouver sa vitesse de croisière.

« Depuis le sol, les gens ne verront qu’un nuage, précisa Mac.

— C’est quoi ça ? demanda Mél.

— De quoi ? regarda Mac dans la direction qu’elle montrait.

— C’est comme une colonne de lumière bleutée venant de s’élever dans le ciel, du mana peut-être ? » répondit-elle.

Elle était la seule à voir cette colonne de lumière bleue qui s’élevait à l’horizon grâce à son œil de vérité. Mac toucha son front pour avoir une vision de ce qu’elle voyait grâce à la magie mémorielle.

« En effet, c’est étrange, on dirait que ça s’élève de la montagne noire, non ? demanda-t-il à Myr.

— Peut-être bien. »

Mac fit un sourire comme ravi.

« Pourquoi souris-tu ?

— Quelqu’un ou quelque chose vient sans doute de naître.

— En parlant de naître, que vas-tu faire maintenant, Mél ? s’interrogea Myr.

— Je vais devenir plus forte, encore plus puissante pour pouvoir protéger ceux qui en ont besoin, répondit Mél sans hésitation.

— Un noble projet, nous ferons tout pour t’aider », promit Myr.

L’île au manoir partit dans la direction opposée à la colonne bleue que Mél avait vue à l’horizon.

FICHE D’INFORMATION

L’ESTRAYANT

Les Estrayants sont une race humanoïde, de taille comparable à celle des humains. Les mâles arborent des cheveux allant du bleu turquoise au vert foncé, tandis que les femelles se distinguent par des teintes allant du blond au rouge écarlate. Leurs yeux, d’un rose clair perçant, sont une marque de leur lignée. Leur particularité physique la plus notable, en dehors de la couleur de leur chevelure, réside dans leurs longues oreilles en cartilage, fines et mobiles.

À l’origine, les Estrayants peuplaient le royaume de la Forêt Éternelle. Sédentaires, ils ne formaient cependant pas de communautés soudées, préférant préserver leur liberté individuelle.

Suite à un conflit dévastateur sur leur planète natale, ces survivants durent fuir. Ils trouvèrent refuge sur le continent d’Uruel, où ils fondèrent leur capitale, cinquième cité de magie.

Les Estrayants maîtrisent avec une rare habileté la magie des éléments naturels : l’eau, le vent, le bois et la terre. Leur vue perçante fait d’eux des tireurs d’élite redoutés et des éclaireurs de premier ordre, dont la discrétion et la précision sont légendaires.

FICHE D’INFORMATION

LE SPIRITUEL LIÉ

Les spirituels liés ne sont pas des êtres vivants, mais les vestiges d’âmes de monstres ou d’êtres défunts.

Les différentes races d’Istrul ont la capacité de s’unir à ces âmes mortes, forgeant ainsi un lien unique avec un spirituel lié. Ce lien prend forme physique grâce à un contrat scellé avec l’utilisateur.

Ce pacte confère divers avantages : acquisition de nouvelles compétences ou magies, compagnon d’armes fidèle, voire moyen de transport.

Les spirituels liés adoptent des formes variées, reflétant leur existence passée. Chacun est unique, attaché exclusivement à son maître.

Ils ne vieillissent pas et demeurent figés dans l’état où ils étaient au moment du contrat. Leur loyauté est absolue, implacable, envers celui qui les contrôle.

FICHE D’INFORMATION

LE SCRAFT

Les scrafts sont des lézards herbivores, regroupant plusieurs sous-espèces au sein d’un même nom.

La taille d’un scraft correspond généralement à celle d’une moto de grosse cylindrée.

Selon la sous-espèce, leur cuir varie du marron clair tacheté au bleu profond.

Cet animal est inoffensif et très sociable. Utilisé comme monture, ses différentes sous-espèces permettent de traverser des déserts, des terrains ordinaires, voire des mers et rivières.

Les natifs d’Istrul les dressent et les louent à qui le souhaite. Fidèle à son instinct de survie, le scraft retourne toujours à l’endroit où il a été élevé et nourri, une fois sa mission terminée.

FICHE D’INFORMATION

LE GRIFFON

Les griffons sont des mammifères volants carnivores appartenant à la famille des félins.

Leur taille atteint généralement celle d’une voiture.

Le pelage diffère selon le sexe : le mâle arbore un pelage bicolore, tandis que la femelle présente une robe tricolore. La couleur de leur fourrure varie également selon leur habitat. Par exemple, un griffon du désert exhibe un pelage jaune pâle, tandis qu’un spécimen de forêt adopte des teintes accentuées de vert foncé.

Leur museau, rappelant celui d’un toucan mais plus cisaillé, est parfaitement adapté pour déchirer la chair de leurs proies.

Leurs ailes, faites d’un cuir robuste comparable à celui des chiroptères, s’étendent sur une envergure égale à la taille de leur corps.

Animal agressif et farouchement territorial, le griffon n’hésite pas à attaquer pour se nourrir de chair fraîche.

Dotés d’une intelligence certaine, ils évaluent soigneusement les dangers et choisissent leurs proies afin de toujours garder l’avantage.


Texte publié par Arnaud, 7 août 2025
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volume 2, Prologue « Résumé Tome 1 (POV Mél) -1 » volume 2, Prologue

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