Mél était entourée de ses amis, une lueur d’espoir vacillant dans leurs regards. Pour échapper aux soldats aux armures hurlantes, ils franchirent le portail.

Mais entre deux mondes, là où l’ombre s’épaissit et la réalité se déchire, Mél plongea dans un abîme de cauchemars.

Devant elle, le visage de Nico, maculé de sang noirâtre, déformé par la souffrance. Une horde de lapins carnivores – grotesques et avides – lui arrachait la chair à belles dents, leurs crocs éclatant la peau avec un bruit humide et répugnant. La chair se déchira, coula, pendait en lambeaux. Une odeur âcre de fer et de décomposition envahit ses narines.

La panique la prit à la gorge, glaçant ses os. Elle détourna les yeux, cherchant à fuir.

Mais elle ne pouvait échapper à l’horreur.

À ses pieds gisait Chris, visage tuméfié, ses orbites vides semblant sucer la lumière. Sa poitrine était déchiquetée, exposant des côtes noircies, coulant un sang sombre et épais qui imprégnait le sol comme une mare de désespoir.

Un hurlement déchirant s’échappa de sa gorge, sauvage et sans contrôle. Elle ferma les yeux, s’abandonnant à une course folle, aveugle, pour fuir la vision infernale qui s’imprimait sur ses rétines.

Elle voulait disparaître. S’éloigner. Fuir loin, si loin que le monde n’existerait plus.

Une voix brisée, douce et obsédante, appela son nom comme un spectre venu la hanter.

— Mélodie Fruss.

C’était Louis. Elle ouvrit les yeux, saisie par une infime lueur d’espoir.

Mais la noirceur autour d’elle restait absolue, implacable.

Devant elle, une silhouette s’éloignait dans la pénombre. Elle courut, haletante, vers ce qu’elle croyait être son amant.

Le soulagement brûlait en elle.

Mais la silhouette se retourna.

Ce n’était pas Louis.

C’était Carry.

Sur son épaule, un volatile sinistre, bec crochu comme une faucille rouillée. Un tombe.

De son bec pendait un œil, arraché, battant lentement comme un cœur mort. Son iris sanguinolent la fixait, glacé et sans âme.

Mél frissonna, pétrifiée.

Carry n’avait plus d’yeux.

Sa poitrine était déchirée, béante, comme une plaie vivante, suintant un liquide noirâtre et visqueux, épais, poisseux, à l’odeur âcre et métallique. Ce flot putride montait lentement, englobant ses jambes, ses hanches, jusqu’à lui lécher la gorge.

— Je suis désolée… Je suis désolée…

Les mots brisés se perdirent dans ses sanglots.

Mél tenta de reculer, de fuir ce marécage de sang et de folie.

Mais elle s’enfonçait, piégée, avalée par cette marée sanglante.

— Aidez… aidez-moi…

Deux silhouettes se penchèrent sur elle.

Louis et Rol.

Leurs yeux, froids, dénués d’empathie, la dévoraient de dégoût.

Sans un mot, ils tournèrent le dos.

Elle suffoquait. Le liquide la submergeait, étouffant sa voix, noyant sa peur.

Abandonnée, engloutie, condamnée.

—

Je m’éveillai en sursaut, le cœur battant à rompre ma cage thoracique.

Assise dans mon lit, trempée de sueur froide, mes yeux tâchaient de percer le voile noir de ma chambre.

Je me levai, enveloppée d’une chemise de nuit en soie, et poussai le volet en bois grinçant.

Les étoiles luisaient, pâles et lointaines. Deux lunes, l’une bleue, l’autre orange, veillaient dans le ciel silencieux.

Une brise froide frôlait un cerisier en fleurs, portant un son étrangement mélancolique, un murmure déchirant.

— Cinq ans déjà. Cinq années marquées par la douleur, le poids du passé, les chaînes invisibles du remords…

— Mél, que fais-tu ? Va te coucher, demain sera un jour rude.

La voix douce de Myr, ma mère adoptive, me ramena à la réalité.

— Ce n’était qu’un cauchemar… murmurai-je, mais le poids du rêve me broyait encore le cœur.

FICHE D’INFORMATION

Animal prudent et passif, le tombe se délecte presque exclusivement de chair morte en début de décomposition, jouant un rôle crucial dans l’équilibre de la nature.