Pourquoi vous inscrire ?
Infty: Arc Istrul World

Warning: Undefined variable $data_id in /home/werewot/lc/histoires/pages/entete.php on line 42
icone Fiche icone Fils de discussion
Warning: Undefined variable $data_id in /home/werewot/lc/histoires/pages/entete.php on line 48
icone Lecture icone 0 commentaire 0

Warning: Undefined variable $data_id in /home/werewot/lc/histoires/page-principale.php on line 13

Warning: Undefined variable $age_membre in /home/werewot/lc/histoires/page-principale.php on line 16

Warning: Undefined variable $data_id in /home/werewot/lc/histoires/pages/lecture.php on line 11
«
»
volume 2, Chapitre 2 « Les princesses D Vel » volume 2, Chapitre 2

Warning: Undefined variable $data_id in /home/werewot/lc/histoires/pages/navigation.php on line 48

Warning: Undefined variable $data_id in /home/werewot/lc/histoires/pages/lecture.php on line 31

1. Les princesses D Vel

L’amphithéâtre se remplissait lentement, les murmures feutrés glissant entre les rangées de sièges. J’étais assise au centre, prête à affronter l’heure tant attendue : ma rentrée à l’université. Malgré mes vingt-et-un ans, une étrange nostalgie du lycée m’étreignait, comme si le temps s’était figé dans mon corps, qui semblait avoir gardé l’apparence d’une adolescente de seize ans, malgré les rigueurs des entraînements intensifs.

À mes côtés, Seta affichait son éternel sourire lumineux. Son passé, marqué par des épreuves insoutenables avant d’être adoptée par mon père, semblait désormais effacé. Elle irradiait d’une légèreté presque insouciante, comme si chaque instant pouvait être le dernier, et qu’il fallait le savourer sans retenue.

Mon père adoptif, Mac Vel, souverain de l’archipel Céleste, et ma mère adoptive, Myrabella D Vel, reine-mère protectrice de ces îles, m’avaient légué leur nom : Mélodie D Vel, princesse masquée de l’archipel. Ce “D”, simple fantaisie de jeunesse de Mac, fan d’un manga dont la lettre avait une signification particulière, était devenu mon sceau secret.

Mon visage était constamment dissimulé derrière une illusion de masque vénitien, d’un rouge sombre et profond. Des enluminures dorées aux volutes sensuelles dessinaient une protection délicate couvrant mon front, mes yeux et mon nez, ne laissant apparaître que mon sourire. Cette illusion, que je pouvais modifier à loisir via un menu apparu dès qu’elle se fixait, ne me gênait pas. Après tout, ce masque n’était rien de tangible – une image perçue par les autres. Mac avait suggéré que je modifie directement mon visage, mais l’idée de perdre mon identité véritable m’était insupportable, même si cette option restait accessible dans ce menu.

J’étais sur le point d’entamer ma formation de Chevalier. Dans le monde d’Istrul, ces protecteurs incarnaient une justice fragile, leur influence s’étendant bien au-delà des frontières du continent de Beldan, quoique leur statut fût variable ailleurs. L’académie où je me trouvais, dans la métropole de Ress, territoire de l’empire Grivas, accueillait une élite noble dans ma promotion.

L’école proposait divers cursus pour les aspirants chevaliers : fantassin, mage, supérieur, commandant, saint et divin. Mon appartenance à la noblesse, fruit des efforts conjoints de Mac et Myr, me destinait au minimum au rang de chevalier supérieur, avec la possibilité d’évoluer vers les classes les plus prestigieuses par concours et résultats.

Mon entrée à l’académie se faisait donc à un niveau supérieur au minimum, mais la progression restait une dure épreuve, soumise à la méritocratie rigide et souvent biaisée du système. Nombre de familles nobles, possédant des territoires, envoyaient l’un de leurs enfants pour légitimer leurs ambitions locales. La présence d’un chevalier noble sur ces terres dissuadait la plupart des autres chevaliers d’intervenir. Souvent, cette institution était détournée pour servir des intérêts corrompus – un chevalier n’était parfois qu’un pion dans un jeu sordide de pouvoir et de manipulation.

L’archipel Céleste, jeune nation à l’influence encore fragile, avait envoyé deux représentants à cette académie : Seta, dont le nom complet était Seiran Tatiana D Vel, et moi-même. Elle avait été adoptée comme moi, intégrée à la noblesse par Mac et Myr. Malgré notre âge identique, sa maturité apparente lui conférait un rôle protecteur, presque celui d’une grande sœur, voire de garde du corps.

Les roturiers étaient relégués dans d’autres classes, rangées bien en dessous de la nôtre, mais ils pouvaient, comme nous, espérer grimper jusqu’au niveau divin. Encore fallait-il déployer des efforts surhumains pour percer ce plafond invisible. Bien sûr, l’accès à l’académie n’était pas ouvert à tous les non-nobles : il fallait une fortune conséquente pour couvrir les frais exorbitants. Cette barrière financière, aussi cruelle qu’impitoyable, privait sans doute de nombreux talents véritables d’une formation digne, condamnant ces âmes brillantes à l’ombre, à errer comme de simples aventuriers de seconde zone.

Une idée germait en moi, née de cette injustice : créer une bourse au mérite sur l’archipel Céleste. Une voie pour offrir la formation non pas aux plus fortunés, mais aux plus valeureux et méritants, bravant la hiérarchie figée.

— Mél, on se fait une partie de dames en attendant ? lança Seta avec son éternelle insouciance.

— Tu es sûre que c’est une bonne idée ? soupirai-je. Premier jour, en plus…

— Pfffff… T’es pas rigolote ! Je m’ennuie à mourir, moi ! répondit-elle, faisant la moue comme une enfant gâtée.

Je lui souris malgré tout. Rien à faire, elle ne changerait jamais : hyperactive et insatiable, fidèle à elle-même. J’avais recréé plusieurs jeux de mon monde natal – échecs, dames, toc, Reversi – autant de défis d’esprit que nous partagions souvent. Seta possédait un esprit vif, aussi acéré que ses réflexes.

— Ce soir, je te ferai découvrir un nouveau jeu, un wargame, une simulation de guerre sur plateau. Ça fait un mois que je peaufine les règles, tu m’en diras des nouvelles. Alors, patiente, d’accord ?

— De quel pays êtes-vous ? interrompit une voix masculine derrière nous.

Je me retournai en même temps que Seta. Trois nobles étaient assis dans les rangées derrière nous. Au centre, un blond aux boucles parfaites et aux yeux bleus étincelants, empli d’un orgueil insupportable. Ce genre de prétentieux arrogant, plus hautain que le sommet d’une montagne, qui me donnait envie de lui cracher dessus. Je savais pourtant que ce genre d’individu infestait inévitablement la classe noble.

À ses côtés, deux laquais muets, ses ombres soumises – de vulgaires bêtas à ses côtés, prêts à lécher ses pieds. Comme le disait mon père, les humains restaient toujours des mammifères…

— Voilà une façon bien étrange de saluer qui ne donne pas envie de répondre, lançai-je en le fixant, défiant son arrogance.

— Une fille masquée ose parler ainsi ? cracha l’un des suiveurs, le visage déformé par le mépris.

— Tu sais qui je suis ? répliqua le blond, le dédain suintant de chaque mot.

— Qu’importe, t’es impoli, alors tu n’auras aucune réponse ! riposta Seta en imitant avec une précision moqueuse l’accent grossier d’un roturier mal éduqué.

— Comment oses-tu, sale garce ? gronda le second suiveur. On va t’apprendre à rester à ta place !

Je soupirai bruyamment, captant l’attention du jeune noble.

— Pas de violence dès le premier jour, dis-je à Seta avec un sourire froid.

— Nous sommes les Princesses D Vel de l’archipel Céleste. Je me nomme Mél, seconde princesse, et voici ma grande sœur, Seta, la première, annonçai-je avec hauteur.

Les trois nobles nous dévisagèrent, jaugeant notre valeur comme on inspecte une marchandise.

— J’ai répondu à votre question, à vous de vous présenter. Nous ne sommes pas familières avec la noblesse d’ailleurs.

— Pourquoi le devrions-nous… ? commença un laquais, interrompu net par un geste sec de son maître.

— Nos excuses si nous vous avons offensées. Je suis Octave Corgeant, deuxième fils du grand-duc Corgeant du royaume d’Amblios. Enchanté de faire la connaissance des princesses de ce jeune, mais respectable, archipel Céleste, déclara-t-il en se levant pour faire une courbette cérémonieuse, rapidement imitée par ses deux valets.

— Votre duché est-il client de notre territoire ? demanda Seta, le regard aiguisé.

— En effet, répondit le blondinet, visiblement flatteur. Vous n’y commercialisez que des produits de qualité.

— Silence ! ordonna un garde de l’académie, faisant irruption dans l’amphithéâtre. Levez-vous !

« Saluez ! » lança sèchement le garde, tandis qu’une femme rousse aux multiples taches de rousseur pénétrait dans la salle d’un pas assuré. Vêtue d’une robe bleu profond, elle imposait par sa stature et son regard perçant.

« Vous pouvez vous asseoir ! » ordonna-t-elle d’une voix ferme.

— Je suis Miss Élodie, vice-principale de l’académie, annonça-t-elle avec un sourire qui dissimulait à peine une ironie glaciale. Ma spécialité est la création technologique et la manipulation éthérienne.

Elle balaya la salle du regard, s’arrêtant brièvement sur moi, un sourire énigmatique aux lèvres, avant de reprendre.

— Je veux que chacun vienne se présenter, un par un, au tableau. Je veux vos noms, vos ambitions, ainsi que les armes et magies que vous maniez. Nous passerons la journée à faire connaissance. Vous êtes presque tous issus de la noblesse, alors je compte sur vous pour vous supporter les uns les autres.

Elle fit une pause, la voix se faisant plus froide.

— Petite précision : toute tentative ou acte hostile envers un autre membre de l’académie est formellement interdit, sauf lors des compétitions, entraînements ou exercices officiels. Souvenez-vous-en : l’expulsion est la seule sanction possible pour ceux qui bafoueraient cette règle. Un chevalier ne s’abaisse jamais à l’indignité.

Les présentations débutèrent. Je scrutais Miss Élodie, intriguée par ce sourire qui semblait en savoir plus qu’elle ne laissait paraître. Mac m’avait prévenue : certains, dotés d’un grand pouvoir, pourraient percer à jour mon secret. Il avait déjà informé l’académie de mon cas particulier, dû à mon apparence.

Le tour de Seta arriva. Elle s’avança, grande brune aux cheveux courts, son regard sombre balayant l’assemblée sans la moindre hésitation.

— Je suis Seiran Tatiana D Vel, première fille des souverains de l’archipel Céleste, Mac Vel et Myrabella D Vel. On m’appelle Seta. Mes armes de prédilection sont les dagues courbes inversées, et ma magie favorite est le feu. Mon unique raison d’être ici est de protéger ma jeune sœur, déclara-t-elle avec une assurance tranchante comme ses lames.

— Vous êtes ici pour protéger votre sœur ? demanda Miss Élodie, un sourire ironique aux lèvres.

— Absolument. Et si vous osez lui faire le moindre mal, je vous découperai en morceaux avant de nourrir les rejetons de Mourlouf, ajouta Seta, son sourire enfantin tranchant violemment avec la menace qu’elle venait de proférer.

Je soupirai. Elle ne pouvait s’empêcher de se faire remarquer, attirant des chuchotements agacés dans l’amphithéâtre.

— Puisque Mlle Seta veille sur sa sœur, j’aimerais que la seconde princesse vienne à son tour se présenter, demanda la professeure en posant son regard sur moi avec amusement.

J’activai le menu de customisation de mon masque et m’avançai au tableau, me tenant droite, le cœur battant. Devant moi, près de soixante élèves attendaient.

— Je suis la seconde fille des souverains Mac et Myrabella D Vel, Mélodie D Vel. On m’appelle Mél, enchantée.

Je me baissai dans une légère révérence, un geste coutumier de mon pays natal, qui détonnait dans cette assemblée.

— Mon arme favorite est une forte épée de ville, et ma magie de prédilection, la création, héritage de ma lignée royale. Mon ambition est de devenir une chevalière de justice, parcourant les continents pour châtier les criminels et rendre justice au peuple.

— Magie de création ? De quel domaine relève-t-elle ? » demanda une voix, tandis que Miss Élodie attendait une réponse.

— La magie de création relève du domaine spécial de manipulation, expliquai-je. C’est une magie héréditaire, propre à la lignée royale. Ma sœur ne l’a pas héritée, mais moi, oui.

— Ce masque, pourquoi le portes-tu ? demanda une autre voix dans l’assemblée.

— Pour dissimuler une cicatrice, résultat d’un accident durant ma jeunesse, mentis-je.

— Peut-on faire confiance à une camarade qui se cache derrière un masque ? renchérit une voix que je reconnus comme l’un des valets d’Octave.

Je poussai un soupir bruyant, sentant le poids du regard moqueur et méfiant qui s’abattait sur moi. Quelles bandes d’emmerdeurs…

« Puisque cela semble tant vous intriguer, je vais vous dévoiler mon visage. Mais juste cette fois, pour que vous ayez votre réponse. »

J’activai la customisation, mimant lentement le geste d’ôter mon masque. Le silence tomba sur la classe lorsque les nobliaux découvrirent un visage marqué d’une cicatrice de brûlure, du front jusqu’à l’œil gauche, déformant la peau, altérant la texture de mon visage.

Mon œil intact, d’un vert émeraude incandescent, perçait cette masse défigurée avec une détermination farouche. Je mimai le geste de remettre mon masque, invitant les regards à se détourner.

— Pourquoi ne pas faire soigner cette blessure ? demanda une voix, teintée de curiosité mêlée de dédain.

— C’est une cicatrice magique, répliquai-je froidement. On ne peut la restaurer.

— Dorénavant, j’aimerais qu’on évite de parler de cette cicatrice, ajoutai-je, en balayant la salle du regard. D’autres questions ? Vous semblez bien curieux à mon sujet…

Maudite Seta, son intrusion avait braqué tous les projecteurs sur moi…

— Juste une, murmura Octave, son sourire empli de condescendance.

— Votre ambition n’est-elle pas un peu puérile ? Certes, les chevaliers symbolisent la justice, mais aujourd’hui, vouloir l’incarner en tant que chevalier errant relève de l’illusion. Surtout quand on descend directement d’une lignée royale.

— Pensez ce que vous voulez, répondis-je avec froideur, c’est ce qui me motive, point final.

La vice-principale s’approcha, posant une main légère sur mon épaule.

— À midi, pendant la pause repas, venez avec votre sœur à mon bureau.

Je retournai Ă  ma place et murmurai la convocation Ă  Seta.

Les présentations reprirent. Plusieurs nobles imbus de leur propre importance, Octave en tête, défilèrent au tableau. Puis un inconnu, un roturier, s’avança.

— Je me nomme Martin Restéas, fils du ministre de la Défense de la république de Budasta. Mon arme de prédilection est l’épée bâtarde, ma magie favorite, l’obscurité. Ma volonté est de protéger mon pays et de faire justice pour certains crimes passés, dit-il en me lançant un regard noir, chargé de rancune.

Pourquoi ce regard envers moi ? L’avais-je déjà croisé ? Mon œil de vérité détecta un enchantement d’illusion masquant sa lame.

Chacun ses raisons, me dis-je, décidant de ne pas creuser davantage. Probablement une illusion de mon esprit.

— Pourquoi un roturier est-il ici ? siffla Octave, le mépris suintant dans sa voix.

— Mon père est ministre. En république, il n’y a plus de noblesse, mais certaines fonctions confèrent des privilèges. De plus, j’ai passé les tests d’entrée pour cette classe, pour prouver ma valeur de chevalier supérieur, expliqua Martin sans se démonter.

— Effectivement, précisa la vice-principale, c’est une exception pour les républiques. Quelques roturiers issus de hauts responsables peuvent accéder à cette classe après tests. Martin n’est pas seul : trois autres futurs chevaliers viennent de l’empire républicain frontiste. Ce n’est pas parce qu’ils ont abandonné la royauté qu’ils ont perdu le sens de la justice.

Elle coupa court à la polémique que tentait de provoquer Octave, imposant son autorité avec une froide détermination.

À l’heure de la pause, les élèves se dirigèrent vers le réfectoire des nobles. Deux réfectoires distincts existaient, comme pour la plupart des infrastructures : l’un réservé aux nobles, l’autre aux roturiers. Je suivais Seta en silence, le cœur lourd d’interrogations, en direction du bureau de la vice-principale de l’académie. Que signifiait cette convocation ?

Seta frappa Ă  la porte.

« Entrez ! » ordonna la voix ferme de Miss Élodie.

— Nous voici, Miss, annonça Seta d’une voix légèrement hésitante.

— Fermez la porte, demanda la vice-principale, assise derrière son bureau, son regard perçant posé sur nous.

— Alors, ainsi vous êtes les filles de Myr ?

— Euh… oui… répondit Seta, surprise.

Miss Élodie éclata d’un rire rauque, presque amer.

— Ne soyez pas si anxieuse. Myr était une de mes connaissances, de son vivant, annonça-t-elle d’une voix empreinte d’une étrange nostalgie.

— Quand j’ai appris que ses enfants adoptifs allaient intégrer la classe des nobles, je suis revenue occuper ce poste d’enseignante, ajouta-t-elle.

— Vous étiez donc au courant ? demandai-je, surprise.

— Bien sûr. Mac et Myr sont venus me voir pour m’avertir. Ils m’ont aussi confié une mission importante. Vous ne le savez peut-être pas, mais les aventuriers ne sont pas admis dans l’académie. Je vais donc camoufler vos puces pour qu’aucun professeur ni élève ne puisse les détecter, expliqua-t-elle avec gravité.

— Pourquoi prendriez-vous un tel risque ? demandai-je, intriguée.

— À l’époque, j’étais inconsciente. Quand Myr m’a suppliée de l’aider, je l’ai fait, et elle en est morte. Depuis, je porte ce poids comme un fardeau. Aujourd’hui, c’est ma chance de me racheter auprès d’elle, répondit-elle avec une sincérité douloureuse dans la voix.

— Vous venez donc de la Terre ?

— En effet. Je suis l’une des pionnières dans ce monde. Arrivée il y a plus de cent vingt ans, c’est moi qui ai conçu le système de puce pour les aventuriers, annonça-t-elle, la voix empreinte d’une certaine fierté teintée de mélancolie.

— D’ailleurs, jolie illusion que tu portes, Mél, observa-t-elle en me regardant.

— Pouvez-vous me montrer votre vrai visage ? demanda Élodie avec une curiosité presque maternelle.

— Voilà.

Je dissipai l’illusion recouvrant mon visage.

— Oh, je comprends mieux pourquoi tu te caches. On pourrait facilement te confondre avec un kraal… Tu es japonaise ?

— Mon père était japonais, mais ma mère française, répondis-je.

— Tu as bien fait de faire croire à une brûlure, souffla-t-elle.

— C’était un conseil de Mac, pour étouffer les rumeurs. Parfois, il faut montrer une autre vérité, moins dérangeante.

— Mac est… particulier, dit-elle en souriant. Et toi, Seta ? Ce n’est pas trop dur de te retrouver ici, entourée de tous ces nobles ?

— Un peu, mais tant que Mél est là, je n’ai pas à craindre grand-chose, répondit ma sœur avec fermeté.

— Vous savez aussi pour Seta ? m’étonnai-je.

— Bien sûr. Mais gardez cela secret.

La vice-principale joignit ses mains et prit un ton solennel :

— Je vais camoufler l’afflux éthérien de vos puces afin de masquer leur existence à tous. Par ailleurs, ne divulguez à personne que Myr est une reine mère protectrice. Cela pourrait engendrer des complications pour l’archipel Céleste.

— Pour quelle raison ? demanda Seta, fronçant les sourcils.

— Une reine mère protectrice est un esprit divin, source d’un pouvoir immense pour ses protégés. Dans le cas de Myr, elle confère une autoguérison et une régénération accélérée aux habitants des îles sous son influence. Une bénédiction qui suscite jalousie et incompréhension, expliqua Élodie.

— Donc dire qu’elle est reine protectrice n’est pas problématique ? demandai-je en repensant à la façon dont nous nous étions présentées.

— Non, aucun souci. Reine protectrice, régente, tributaire, ce ne sont que des titres pour définir son influence territoriale. Dans la mythologie, Istrul est une mère protectrice, donc ce titre est courant, précisa-t-elle.

Élodie posa ensuite un regard sérieux sur moi.

— Mélodie, j’aimerais que tu me montres ta magie de création.

— Si vous voulez bien.

— Prends un objet dans mon bureau qui ne te manquera pas.

— Un des coussins du divan, répondit la vice-principale.

— Pour commencer, j’emploie le sort de manipulation : transformation. Il permet de changer la forme d’un objet tout en conservant sa matière et sa masse, expliquai-je.

Le coussin se métamorphosa lentement, prenant la forme d’une épée, une lame de mousse.

— Ensuite, le sort de manipulation : change-matière. Il ajuste la texture et le poids de l’objet, poursuivis-je.

La mousse devint acier, brillant d’un éclat froid, la garde se teinta d’or tandis que le manche s’enveloppa de cuir finement travaillé.

— Enfin, le sort de manipulation : condenser. Il supprime la matière excédentaire, précisis-je.

L’épée se fit tranchante comme une lame de rasoir, tandis que de petites billes métalliques tombaient sur le sol.

— Même si elle ne vaut pas une épée forgée, je vous offre cette création issue de votre coussin, dis-je en tendant l’arme à Élodie.

— Elle ne vaut pas ?

— Non, en termes de durabilité et de solidité, elle reste inférieure à une vraie lame forgée.

— Je n’ai jamais vu une telle magie. Vous dites qu’elle est héréditaire, mais vous n’êtes pas liée par le sang à Mac et Myr. Comment est-ce possible ? demanda Élodie, intriguée, en observant l’épée.

« Elle est classée dans la catégorie spéciale. Normalement, ce type de magie ne peut être transmis, expliquai-je. Cependant, lors de notre voyage à la Cinquième Cité du continent d’Uruel, Mac a découvert l’art ancien de la retranscription magique. Grâce à cette discipline oubliée, il a pu concevoir des parchemins d’apprentissage, permettant à un tiers d’intégrer certaines compétences par canalisation éthérienne.

C’est ainsi que j’ai pu apprendre cette magie composite. Pour faire simple, je l’ai nommée “magie de création”, mais en réalité, elle combine plusieurs compétences issues de l’école de manipulation, chacune articulée dans un ordre précis pour façonner un objet. La seule contrainte, et non des moindres, est la matière première : il est impossible de créer à partir de rien. »

Élodie hocha la tête, visiblement fascinée.

« Merci, j’ai pris bonne note de tout cela. Vous ne le savez peut-être pas, mais je suis également la directrice du Centre de Recherche Magique de l’Empire Grivas. Cette magie mérite étude… mais en toute discrétion. Ce qui a été dit ici doit rester entre nous. Pour votre propre sécurité. »

Elle s’assombrit légèrement.

« Un dernier conseil : restez sur vos gardes, mesdemoiselles. La noblesse n’est qu’un jeu de masques, un théâtre où les coups bas se donnent en silence. Ici, tout repose sur l’influence et le pouvoir des lignées. Vos rivaux ne reculeront devant rien. »

— Ne vous en faites pas, Miss Élodie. L’archipel Céleste n’est pas sans ressources, répondit Seta, sereine.

Élodie sembla réfléchir un instant, puis demanda :

« D’ailleurs, pourquoi ce nom d’archipel céleste ? Et où se trouvent exactement ces fameuses îles ? »

Seta et moi échangeâmes un regard. Étonnées qu’elle l’ignore.

— En ce moment même, l’archipel céleste est situé juste au-dessus de Ress. Mère a voulu être présente pour notre premier jour, répondit Seta avec un petit sourire.

Miss Élodie se leva brusquement et se précipita vers la fenêtre.

— Je ne vois rien… murmura-t-elle, plissant les yeux face aux nuages opaques.

— Tu crois que Mac nous en voudra si on utilise le téléporteur ? me souffla Seta.

— Je ne pense pas. Et puis… ça ferait sûrement plaisir à Myr de revoir une vieille amie.

— Oui… Même si on devra supporter Mac râlant pour le surplus de mana… ajouta-t-elle.

Élodie fronça les sourcils.

« De quoi parlez-vous, au juste ? »

— Père nous a confié des téléporteurs d’urgence, expliquai-je en sortant un petit cylindre sombre, parcouru d’éclairs jaunes sous une surface de verre noirci. Rapprochez-vous, Miss. Nous allons vous y emmener.

Je pressai le bouton rouge. Une gelée luminescente s’échappa du cylindre et tomba au sol, traçant aussitôt un cercle d’incantation gravé d’étranges symboles mouvants. En un clignement, le monde autour de nous bascula.

Nous réapparûmes dans une grande salle dallée de marbre sombre et de vitraux rouges.

Myr était là.

Elle apparut d’abord comme un fantôme, mais je savais que ses proches la voyaient sous une forme plus tangible. Sa présence réchauffait l’air comme une flamme invisible.

— Coucou, les filles ! Je suis si contente de vous voir ! s’écria-t-elle en nous enlaçant.

Élodie recula légèrement, surprise.

— Que… que s’est-il passé ?

— Oh, Élodie ! Que ça fait plaisir de te revoir ! répondit Myr avec un sourire radieux, sa voix résonnant comme un chant d’outre-monde.

Les deux femmes discutèrent longuement, renouant avec des souvenirs visiblement anciens. Élodie découvrit peu à peu les secrets du téléporteur et de notre technologie magique.

— Miss Élodie, suivez-nous, indiquai-je poliment, l’invitant à franchir les grandes portes vitrées du manoir.

Nous sortîmes dans une lumière douce et surnaturelle.

Le spectacle qui s’offrit à elle lui coupa le souffle.

Nous étions sur une île suspendue, flottant bien au-dessus des nuages. Autour de nous, d’autres masses terrestres planaient dans le ciel, parsemées de cultures, de hameaux, d’installations étranges et de forêts chatoyantes. Des cascades déversaient leur eau dans le vide, formant des brumes dorées capturées par des courants éthériens.

— C’est… c’est inimaginable… souffla Élodie, les yeux grands ouverts, la voix brisée par l’émotion.

— Bienvenue sur l’Archipel Céleste, déclara Myr, en tendant les bras vers l’horizon. Un royaume dans les cieux… invisible aux yeux du monde.

Un jeune garçon, quatorze ou quinze ans peut-être, se tenait immobile dans l’obscurité. Ses cheveux, couleur de blé mûr, tombaient en mèches collées sur son front, tandis que ses yeux azur luisaient d’un éclat spectral, éclairant faiblement la grotte silencieuse où il venait d’ouvrir les yeux.

Il était nu comme au premier jour, mais le froid ne le touchait pas. Pas plus que la chaleur. Son corps était vivant, mais distant, comme en veille.

Il se retourna lentement. Au centre de la caverne, trônait une statue haute de deux mètres. Une femme aux traits indistincts, mais dont les formes rappelaient l’humain. Ses bras enserraient un ventre gonflé, porteur d’un enfant invisible. Son visage, lisse et aveugle, semblait à la fois bienveillant et terrible. Une aura de silence pesait autour d’elle.

Le garçon fit le tour de la statue, observant chaque fissure du socle, chaque éclat de pierre rugueuse comme s’il cherchait à y lire un sens.

Derrière lui, une lumière pâle et vibrante s’intensifia. Il se retourna.

En contrebas, une crevasse s’ouvrait comme une blessure dans la terre. Une rivière lumineuse en jaillissait, fluide et étrange, d’un bleu turquoise presque irréel. Elle serpentait dans la pénombre comme un fil d’âme arraché au monde vivant. Sur ses rives, des pierres scintillaient d’éclats d’opale, et le murmure de l’eau sonnait comme des voix lointaines, priant à l’unisson.

Les murs de la grotte, quant à eux, n’étaient pas de roche naturelle. Ils étaient faits de plaques de métal noir, hérissées de pointes rouillées et d’aspérités tordues. Comme les ossements d’une créature mécanique morte il y a des siècles. L’air y avait une odeur de cendre ancienne et de sang séché.

Il ne savait pas qui il était. Ni où il était. Ni pourquoi son cœur battait à ce rythme, étrange, régulier, comme si chaque pulsation suivait le rythme d’un ancien tambour.

Mais une seule chose résonnait dans son esprit. Une certitude, claire comme la lumière de la rivière.

La Déesse Istrul l’avait conduit ici.

Pas pour le sauver.

Mais pour qu’il sauve ce monde.

Il ferma un instant les yeux, écouta les battements sourds de la terre sous ses pieds. Puis, sans un mot, il se mit en marche.

Vers la sortie. Vers la lumière pâle qui s’infiltrait entre deux rochers, tel un voile effiloché.

Vers son destin


Texte publié par Arnaud, 7 aoĂ»t 2025
© tous droits réservés.
«
»
volume 2, Chapitre 2 « Les princesses D Vel » volume 2, Chapitre 2

Warning: Undefined variable $data_id in /home/werewot/lc/histoires/pages/navigation.php on line 48
LeConteur.fr Qui sommes-nous ? Nous contacter Statistiques
Découvrir
Romans & nouvelles
Fanfictions & oneshot
Poèmes
Foire aux questions
Présentation & Mentions légales
Conditions Générales d'Utilisation
Partenaires
Nous contacter
Espace professionnels
Un bug à signaler ?
3334 histoires publiées
1460 membres inscrits
Notre membre le plus récent est Edelweiss44
LeConteur.fr 2013-2025 © Tous droits réservés