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volume 2, Chapitre 6 « Yeolset » volume 2, Chapitre 6

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5. Yeolset

[Inconscience]

Je rouvris les yeux, mais le monde vacillait. Un vertige brutal m’asséna un coup au crâne, brouillant ma vision. Je sentis quelque chose de métallique filer vers moi dans un éclat scintillant. Par réflexe, je roulai sur le côté. Le choc d’une lame contre la pierre résonna dans l’air froid.

Peu à peu, ma vue s’accommoda à l’obscurité oppressante. Devant moi, une silhouette se dessinait enfin : un homme d’une trentaine d’années, vêtu d’une armure de cuir grossière, armé d’une épée à double tranchant. Son regard était dur, chargé d’un mépris sauvage.

Il me fonça dessus, la lame levée, menaçante. Sans réfléchir, mon corps bougea à sa place, esquivant d’un pas sur le côté, pivotant à 180°. Je me retrouvai derrière lui, mon cœur battant la chamade. Cette haine viscérale dans son souffle, cette rage… C’était lui ou moi.

D’un geste instinctif, je plaquai ma main sur son crâne, le forçant à fléchir. L’autre main agrippa sa carotide, serrant avec une force glaciale. Puis, d’un coup sec, je tordis son cou dans le sens opposé. Un craquement sinistre déchira le silence. Son corps s’effondra, immobile.

Ma tête tournait encore. Je m’affalai sur le lit branlant derrière moi, fermant les yeux, les tempes battantes sous la douleur lancinante. Le vertige se calma lentement, mais un froid glacial s’installa dans mes os.

Quand je rouvris les yeux, je réalisai où j’étais : une chambre rustique, dépouillée, où seuls quelques meubles en bois brut troublaient la pénombre. Des poutres sombres barraient le plafond, menaçantes, tandis qu’un faible filet de lumière glissait à travers un volet mal fermé.

Mes mains, rugueuses et calleuses, témoignaient d’un labeur rude et incessant. Mon corps était vêtu modestement : un pantalon vert terne, une chemise usée couleur de cendre, un gilet de laine grossière. Mes pieds reposaient dans des sabots de bois durcis par l’usage.

Des cris rauques montaient de l’étage inférieur, mêlés au fracas des combats. Je m’approchai prudemment de la porte massive, l’entrouvris juste assez pour jeter un regard inquiet.

En contrebas, la scène était chaotique : des hommes vêtus de cuir saccageaient tout sur leur passage dans ce qui semblait être une auberge délabrée. Des combats éclataient entre eux et des civils désespérés. L’odeur âcre du sang et de la sueur me piqua les narines. Des flaques rouge sombre jonchaient le sol sous les cadavres étendus sans vie.

Un cri féminin perça soudain, strident, chargé de terreur. Un rire rauque répondit, cruel, s’échappant d’une pièce voisine. Le fracas des armes et des supplications emplissait l’air, tandis que mon esprit tentait de recoller les morceaux d’un puzzle absurde.

Je refermai doucement la porte, le cœur battant à tout rompre. Je me tournai vers le corps inerte de mon agresseur. Lentement, j’en retirai l’armure rugueuse et la pris en main, posant ensuite les yeux sur l’épée abandonnée à ses côtés.

Un froid mortel m’envahit alors que je me posais la question qui me brûlait les lèvres, mais restait sans réponse :

— Putain… où suis-je ?

Un silence glaçant répondit à ma question, comme un écho sinistre qui résonnait dans cette pièce plongée dans la pénombre.

D’autres questions s’imposèrent alors à mon esprit embrouillé : qui étaient ces hommes de cuir ? Pourquoi saccageaient-ils ce lieu ? Et, plus lancinant encore, qui étais-je moi-même dans ce cauchemar éveillé ?

Mais le temps me pressait. Je n’avais pas le luxe de méditer sur ces interrogations existentielles.

Je m’approchai du volet en bois, l’entrouvris doucement. Devant moi s’étendait un village forestier, figé sous une pluie fine et morne qui tombait entre les branches des arbres géants, dont les troncs massifs s’élevaient jusqu’au ciel comme des colonnes ancestrales.

Les maisons, construites en rondins rugueux, semblaient abandonnées. Pas une âme dans les rues désertes, seules les flaques d’eau et la boue témoignaient du passage récent des êtres vivants.

Je glissai par la fenêtre, agrippant le cadre de bois pour me laisser tomber dans la boue fraîche, le souffle court, le cœur battant la chamade.

Un cri strident retentit, un homme hurlait dans une langue incompréhensible, appelant à l’aide dans l’urgence depuis l’intérieur d’une bâtisse voisine.

Je me retournai, déterminé à comprendre, quand soudain un imposant volatile surgit devant moi. Deux têtes de plus que moi, au corps puissant, avec un bec orange vif, des plumes d’un bleu intense et des ailes d’un jaune safran éclatant. Ses longues pattes musclées foulaient le sol avec une lourdeur qui imposait le respect.

Ses yeux verts clairs me fixaient, brillant d’une intelligence inquiétante. Je distinguai même des dents acérées au fond de son bec massif.

L’oiseau ne montrait aucun signe d’hostilité. Harnaché, il était clairement une monture. Sans chercher plus loin, je grimpai d’un bond sur son dos, attrapant fermement les rênes.

Mais alors que je m’apprêtais à fuir, trois hommes surgirent en courant, armes brandies, le visage tordu par la rage et la haine.

Je fouettai l’air avec les rênes. Le volatile poussa un cri strident, rauque et perçant à la fois, un hurlement qui me déchira les oreilles. Je plaquai mes mains sur mon crâne, fermant les yeux pour atténuer cette douleur aiguë.

Quand le cri cessa enfin, j’ouvris les paupières.

Les trois hommes, qui couraient droit vers moi, s’étaient figés net, puis s’étaient effondrés au sol dans des postures grotesques, comme pétrifiés.

— Pétrification ? murmurai-je, la migraine revenant d’un coup.

— Putain, je ne connais même pas la signification du mot que je viens d’employer… me plaignis-je, abasourdi.

D’autres cris perçaient maintenant de l’intérieur du bâtiment. Je ne pouvais rester là.

D’un petit coup de talons, je poussai la monture à galoper. Elle s’élança, fouettée par la pluie, pendant que cinq ou six silhouettes sortaient précipitamment du bâtiment, hurlant leur rage.

Je sentis soudain une douleur violente à l’omoplate, comme un coup brutal. Serrant les dents, le monde se fit noir autour de moi.

[Inconscience]

Des cris… des pleurs…

Le bruit me transperça les tempes et tira lentement mon esprit hors du néant. J’ouvris les yeux, les paupières collées par la pluie. J’étais toujours sur la monture, affaissé contre elle, le corps trempé, glacé, vidé.

Le décor s’était transformé : un sentier étroit bordé d’arbres sombres, la lumière filtrant à peine à travers les feuillages lourds. Devant moi, une enfant en haillons – robe sale, visage maculé de larmes – hurlait de frayeur, les bras levés pour se protéger du bec du volatile.

— Calme-toi, petite… murmurai-je d’une voix rauque, me penchant maladroitement.

Mais mon corps ne répondait plus. Mes muscles lâchèrent. Je glissai sur le flanc et tombai lourdement, la joue écrasée dans la boue tiède.

La monture piaffa, poussa un cri strident, puis s’enfuit dans les fourrés en m’abandonnant.

La douleur s’éteignit d’un coup. Mon esprit aussi.

[Inconscience]

Un bruit mouillé. Une sensation froide sur le front. Un soupir.

Je repris conscience à nouveau, comme tiré à la surface d’une eau noire. J’étais allongé sur une couche de paille. Mon épaule brûlait comme si un fer rouge y avait été appliqué.

Une porte entrebâillée laissait passer des sons… des voix indistinctes, échos d’un autre monde. J’essayai de tourner la tête. Mauvaise idée.

La douleur transperça mon épaule comme une lance. Ma mâchoire se crispa, mes yeux se révulsèrent. Et à nouveau, les ténèbres.

[Inconscience]

Cette fois, c’est la lumière qui me réveilla. Un rai de soleil filtrant à travers une petite fenêtre carrée. La pièce était minuscule, aux murs de pierre grise, à l’odeur de bois humide et de paille.

Je tournai lentement la tête. Une jeune fille me fixait – châtain foncé, mains tremblantes, tenant un linge détrempé.

Nos regards se croisèrent. Elle sursauta, lâcha le tissu et s’enfuit en courant, appelant quelqu’un dans une langue étrangère.

Je n’eus pas la force de bouger. Même mon souffle semblait gronder dans ma poitrine comme un vent faible dans un fourneau éteint.

Quelques instants plus tard, un homme entra. Il avait une trentaine d’années, le regard doux, bien que fatigué, et une carrure solide, forgée par le travail manuel. Il s’approcha lentement, observant mon état.

— Je ne… comprends pas, murmurai-je en forçant sur mes cordes vocales desséchées.

L’homme pencha la tête. Lui non plus ne comprenait pas. Ou faisait semblant. Impossible à dire.

— Apparemment, toi non plus, soupirai-je, retombant la tête contre le coussin de paille, ma nuque incapable de supporter le moindre poids.

Il posa sa main sur sa poitrine et prononça :

— Markeux.

Il le répéta, puis me désigna. Un nom. Le sien, peut-être ? Je répétai :

— Marc… ?

Il acquiesça en souriant et applaudit brièvement, comme on féliciterait un enfant qui apprend à parler.

Puis il appela sa famille : une femme, la trentaine aussi – brune, yeux d’un bleu froid, du nom d’Hélène. Deux filles : Dorona, l’aînée, quatorze ans à peine, cheveux longs et regard réservé, et Trinia… La petite. Celle qui avait eu peur de moi. Celle que j’avais sans le vouloir effrayée.

Marc me désigna du doigt.

Il attendait que je dise mon nom.

Mais à cet instant… rien.

Le vide.

Un gouffre béant dans ma mémoire.

Qui étais-je ?

Je fouillai ma mémoire, mais il n’y avait que le bruit du vent dans une plaine abandonnée, des cris sans visage, un monde flou qui ne m’appartenait pas.

Une douleur sourde pulsa dans ma tempe.

— Je… je ne sais pas, soufflai-je.

Aurais-je reçu un traumatisme si profond qu’il m’aurait volé mes souvenirs, jusqu’à m’arracher même la langue de ce pays ? Ou peut-être n’ai-je jamais appartenu à cette terre. Peut-être ai-je été jeté ici, exilé d’un ailleurs oublié.

— Comment suis-je censé répondre à cette question… murmurai-je, ma voix à peine audible, comme si j’avais peur que le silence me juge.

Je levai les yeux vers l’homme, vers cette famille inconnue, et un mot me vint. Non, pas un mot. Un chiffre. Treize.

Pourquoi celui-là ? Peut-être une vieille habitude, un souvenir d’une autre langue.

Je pointai mon torse du doigt :

— Yeolset.

Ils répétèrent, un à un, en souriant :

— Yeolset.

Le son roula sur leurs lèvres avec maladresse. J’ignorais encore d’où ce nom venait, mais il sonnait juste. Il était mien. Pour l’instant.

Deux hivers passèrent.

Je n’étais plus un étranger. Du moins, pas pour eux. J’étais devenu un membre silencieux de cette maisonnée.

Mon bras ne s’était jamais vraiment remis. Il restait raide, faible parfois. Mais j’avais appris à le contourner, à compenser, à vivre avec.

Marc m’avait appris à tendre les pièges, à reconnaître les arbres à abattre, à chasser. J’aidais à tracter les troncs, je bêchais la terre, je réparais les toits.

En échange, ils m’offraient la chaleur de leur foyer, un toit, du pain… et l’apprentissage de leur langue.

Je dormais dans une petite pièce attenante, au sol de bois grinçant, aux murs mal isolés. La nuit, les loups hurlaient dans la forêt. Le jour, le vent glaçait la peau.

Mais j’étais vivant.

Et je n’étais plus seul.

Puis vint le jour noir.

C’était au début du dégel.

Le sol suintait, les neiges fondaient, les ruisseaux charriaient des fragments de glace. Je revenais d’un relevé de pièges à lapins, les mains souillées de sang, mon manteau chargé de froid et d’odeurs fauves.

Et je vis la fumée.

Une colonne noire, grasse, montant lentement entre les arbres.

Un souffle me manqua. Mon pas s’accéléra, d’abord inquiet… puis paniqué.

Je débouchai dans la clairière. Le chalet flambait. Le toit s’était effondré d’un côté. Des craquements sourds accompagnaient les langues de feu qui léchaient les poutres.

Un frisson parcourut ma colonne.

Je hurlai leurs noms. Aucune réponse.

J’entrai.

Marc gisait là, face contre terre, éventré. Ses entrailles pendaient sur les dalles trempées de sang.

Hélène… Dorona… Trinia…

Elles étaient là. Nues. Brisées.

Leurs corps avaient été souillés, tailladés, battus. Les yeux grands ouverts, figés dans l’horreur. Trinia… sa petite main tendue, comme si elle avait cherché à fuir.

Je tombai Ă  genoux.

Plus de mots.

Plus de sons.

Juste le vide.

Je restai lĂ , longtemps. Le feu gagnait du terrain. Mes mains tremblaient.

Puis, lentement, comme un automate, je saisis les corps un à un et les déposai dans l’âtre du bâtiment, transformant leur foyer en bûcher. Mieux cela que les vers. Mieux cela que les charognards.

Je restai lĂ , Ă  regarder la flamme les reprendre.

Puis je fouillai ce qu’il restait : une boussole, une carte à moitié brûlée, une serpe, des pointes de marche, une couverture, une pioche. Rien de plus.

Je m’assis à côté, et dans les braises rougeoyantes, je fis cuire les lapins que j’avais pris dans mes pièges.

Leur chair grésilla, libérant une odeur fade de chair maigre mêlée à celle du bois calciné.

Je mangeai. Lentement. En silence.

Puis je me levai.

— Dommage… c’était une famille fort sympathique.

Et je partis. Sans me retourner.


Texte publié par Arnaud, 7 aoĂ»t 2025
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