9. Les destins se croisent et se meurent.
[Inconscience]
J’ouvris les yeux.
Le monde tanguait. Un voile trouble couvrait ma vision, comme si la réalité peinait à se recoller autour de moi. Et déjà , un éclat métallique fendit l’air. Mon corps bougea par pur réflexe, roulant sur le côté. Une lame s’écrasa contre le mur de pierre, projetant des étincelles.
Encore… Combien de fois ?
Douze ? Treize ?
Je ne compte plus. Le vertige des résurrections me laisse à chaque fois plus las, plus détaché… et pourtant, chaque souffle me ramène dans ce monde sans m’y rattacher.
Face à moi, un homme. Trente ans peut-être. Une armure de cuir cousue grossièrement, une épée à double tranchant, et dans ses yeux, ce mépris ordinaire qu’on réserve aux faibles.
Je bondis. Ma main saisit sa tête. Je concentrai mon flux, instinctivement, au creux de ma paume, et l’écrasai contre le mur dans un craquement sec. Son corps glissa mollement au sol. Je pris son épée.
Toujours la même scène. Toujours cette putain de boucle.
Je fis cinq pas vers la porte et, d’un mouvement rapide, plantai l’arme entre deux pierres du mur, là où je savais qu’un rôdeur m’attendait. Son râle étranglé me parvint comme un vieux refrain.
Derrière moi, les cris de la femme s’étaient tus. Soit sauvée, soit morte. Je ne cherchais plus à deviner.
Je fouillai ma veste. Vingt poches, toutes remplies d’essentiels – monnaie locale, pilules d’augmentation du Qi, quelques artefacts de soin et deux fioles de régénération d’urgence. Pas de dagues. Merde. Je les avais perdues quand ce démon m’avait tranché la gorge… lors de ma dernière mort.
L’épée toujours en main, je tirai sur la poignée, la libérant du mur, et sautai par-dessus la balustrade. Je tombai dans le chaos. Bandits. Feu. Hurlements.
Une chorégraphie connue.
Je tranchai net deux gorges derrière moi. Le mur se teinta de rouge. Un autre bandit, armé d’un vieux pistolet, tenta de lever le canon. Trop lent. L’acier entra par sa gorge. Je pris son arme et tirai cinq coups précis. Cinq balles, cinq têtes éclatées.
Je ramassai deux dagues et pivotai juste à temps pour accueillir deux nouveaux agresseurs qui venaient d’entrer. Deux projectiles, deux orbites transpercées. Deux cadavres.
Je tirai la dernière balle à travers un volet fermé, visant sans voir. Un cri étouffé me confirma que le tir était bon. L’arme vide, inutile, fut jetée au sol.
L’aubergiste sortit de sa cachette.
— « Vous allez bien ? » demandai-je, même si la réponse m’indifférait.
— « Heu… oui… oui, merci. Vous êtes le client de la chambre deux, n’est-ce pas ? »
— « En effet. »
— « Heureusement que vous saviez vous battre, sinon… »
Il ne termina pas. Les survivants commençaient à sortir de leur cache, les yeux perdus. L’odeur du sang et de la poudre stagnait dans l’air, étouffante.
— « Aidez les blessés d’abord. Parlez après. »
Nous fîmes ce que nous pouvions. Les soins furent sommaires, mais suffisants. Je récupérai un sac de provisions, mes affaires, et quittai la ville sur ma cockatrice sans me retourner.
Un vent froid soufflait du nord. La forêt de Gruaig se tenait derrière moi, sombre et lourde de souvenirs. Trop de souvenirs.
« Où aller maintenant ? » soufflai-je à mi-voix.
J’avais déjà écumé Graphe. Trop de fois. Chaque route, chaque vallée. Toujours les mêmes visages, les mêmes tragédies. Peut-être… peut-être était-il temps de changer de continent.
Mais même cela n’était qu’un sursis.
Silace ? Beldan ? Etargnis ?
Je fronçai les sourcils. La forêt d’Etargnis… territoire des Krall. Des cannibales à la peau blanche, aux crocs recourbés et aux rituels impies. Traverser leur territoire, c’était jouer à pile ou face avec la mort.
Peut-être valait-il mieux prendre la mer… encore une fois. Mais cela prendrait des semaines. Il me faudrait de l’argent. Plus que ce que j’avais.
Korm serait ma première halte. Ravitailler, réparer.
Puis Grison. Une cité indépendante, neutre. La guilde y recrute toujours. Les missions y sont sales, mais payantes. Et je n’ai plus rien à perdre, de toute façon.
Le temps ? Le temps ne compte pas quand on meurt encore et encore.
Mais la douleur, elle, reste.
Et je commence Ă en avoir marre de souffrir.
≈
13 ans plus tard
« Oh putain, ces saloperies ! »
Je courais comme un homme traqué, le souffle coupé, le cœur battant à se rompre. Derrière moi, une dizaine de portails rouges s’ouvraient, vomissant une horde de démons à cornes aux formes difformes et aux griffes acérées.
J’avais appris à mes dépens qu’il existait plusieurs espèces parmi ces abominations. Les simples, les plus nombreux, dont les crânes étaient hérissés de multiples cornes, ne vivaient que pour chasser, traquant leur proie avec une férocité bestiale et une rapidité effrayante.
Les démons aux dix cornes et moins maîtrisaient des attaques élémentaires dévastatrices, conjurant feu, glace ou éclairs.
Puis il y avait ceux à moins de cinq cornes – manipulateurs des peurs et des émotions, experts en séduction maléfique, agents du chaos silencieux.
Je fuyais vers Miniarkil, au sud du continent Beldan, espérant trouver refuge dans ses murs protecteurs. Mais comme toujours, ces saletés me retrouvaient. À chaque mort, à chaque résurrection, leur chasse implacable recommençait.
Treize années…
Treize années que je survivais à cette damnation. Treize années sans me faire déchiqueter. Mais là , face à cette vague infernale, j’ignorais encore si cette course finirait dans le sang une fois de plus.
Sortant enfin de la forêt, je tombai sur un groupe d’inconnus, armés mais vêtus de façon hétéroclite. Des étrangers, des aventuriers ? Ou des fous ?
« Cassez-vous de là , des démons arrivent ! »
Ma voix déchirait l’air.
« Des démons ? En formation ! »
La voix venait d’une jeune femme masquée, calme, presque implacable.
Ils s’armaient, prêts au combat. Folie ou courage ?
« Il y en a une dizaine, vous allez vous faire laminer, vous feriez mieux de fuir. »
Je les avertis, haletant.
— « Si nous fuyons maintenant, les démons ne feront que saccager le prochain village, » répondit la fille, voix ferme, le masque dissimulant une détermination froide.
— « Et puis c’est notre gagne-pain ! » lança un homme aux cheveux rouges, brandissant une lance au reflet d’argent, le ton léger.
— « On ira boire une pinte après, mon chou, » sourit une autre femme, armée et prête.
Je les observai, ce petit groupe de quatre âmes défiant la mort sans trembler. Pouvais-je vraiment les laisser s’offrir en sacrifice à ma place ? Non.
Je soupirai, tournai les talons et pris position aux côtés de ces fous.
« Que fais-tu ? Fuis tant que tu le peux, » me prévint la jeune fille masquée, les yeux brûlant derrière son voile.
« Vous vous battez pendant que je fuis ? Impossible. Mourons bien, mourons en massacrant des cornes ! »
— « Des cornes ? » demanda l’homme en toge claire, scrutant la lisière où les démons s’avançaient.
« Oui, ils ont tous des cornes, d’où ce petit surnom, » répondis-je, les poings emplis de Qi déjà vibrant d’énergie.
L’assaut fut brutal. Une pluie de griffes, de crocs, de sorts élémentaires s’abattit sur nous. Pourtant, ces quatre-là combattaient avec une grâce mortelle.
La fille au masque dansait parmi les ennemis, esquivant leurs coups avec une précision surnaturelle avant de contre-attaquer, tranchant l’air et la chair.
L’homme à la lance et la seconde femme formaient un duo parfaitement synchronisé, mêlant lame et magie, couvrant les arrières de l’autre avec une efficacité redoutable.
Le dernier, en toge, gardait ses distances, décochant flèches d’arbalète et bourrasques de vent qui éparpillaient les créatures.
Pour ma part, je laissais parler mes poings, bouillonnants de Qi. Les démons recevaient coups et décharges énergétiques, reculaient parfois, mais jamais ne cédaient.
La bataille s’éternisa pendant une demi-heure, mêlant heurts brutaux et stratégie improvisée. Quand le dernier rugissement mourut, nous étions épuisés, blessés mais encore debout. Pas un d’entre nous n’avait succombé, mais la fatigue alourdissait nos membres et le souffle manquait.
Des démons, il n’en restait que deux.
« Prépare-toi ! Nous te poursuivrons avec bien plus, » gronda un démon à cinq cornes dans une langue gutturale, sa voix imprégnée d’effroi, tentant de nous paralyser avant de disparaître dans l’ombre des bois, suivi de son complice.
L’homme en toge fronça les sourcils.
« C’est moi ou il a essayé de communiquer ? » demanda-t-il, incrédule.
La fille au masque haussa les épaules, l’air dubitatif.
« Tu parles de ces sons horribles qu’il a émis juste avant de fuir ? »
L’homme aux cheveux rouges, lui, éclata d’un rire rauque.
« Ça devait être un râle d’agonie, rien de plus. »
La fille au masque me lança un regard complice.
« Beau combat, » me félicita-t-elle.
Elle reprit, posant enfin un nom sur cette troupe.
« Je me nomme Mél. Voici Seta, Crok, et Mathieu. Nous sommes un groupe de chevaliers de niveau saint. »
Je leur rendis la politesse, essoufflé mais vigilant.
« Je suis Yeolset. »
Le roux sourit franchement.
« Première fois que je vois quelqu’un avec autant de puissance dans ses poings. »
« Merci. J’ai été formé sur le continent de Graphe, » répondis-je, sans trop m’étendre.
Seta coupa court Ă la discussion.
« On verra pour les bavardages plus tard, rejoignons Miniarkil avant que d’autres démons n’apparaissent. »
Un frisson me parcourut. Était-ce intuition, ou simple instinct animal ?
« Oui, tu as raison. En route, » confirma Mél.
J’hésitai un instant, puis me lançai.
« Je vais aussi à Miniarkil… puis-je me joindre à vous ? »
Je savais que la menace était loin d’être écartée. J’avais conscience que la prochaine attaque serait peut-être la dernière. Mais ce groupe semblait avoir ce que je n’avais plus : une chance.
« Bien sûr, allons-y, » dit-elle en invoquant un griffon.
Les autres firent de même, tandis que je faisais apparaître ma fidèle cockatrice.
Treize années de combats, d’échecs, de renaissances… J’avais fini par comprendre la magie, les liens spirituels. Ma monture était plus qu’un moyen de transport : une compagne de survie.
Nous dévalâmes les plaines sans pause. Le soleil rougissait à l’horizon quand apparurent les hautes murailles de Miniarkil. Des piques acérées et des sorts de protection formaient une ceinture mortelle tout autour. L’inquiétude se lisait dans l’air. S’étaient-ils préparés à l’apocalypse ?
La cité, gouvernée par la guilde des aventuriers, semblait étrangement vide. Les rues autrefois bruyantes n’étaient que silence et ombres.
« Par ici ! » ordonna Seta, nous guidant vers une auberge.
À peine entrés, une femme brune d’une grande prestance nous accueillit. À ses côtés, un homme taciturne nous observait, impassible.
« Mère, père, nous voici revenus, » déclara Seta, formelle.
L’homme sans expression demanda, froid :
« Quelles nouvelles ? »
« Une dizaine au nord-est, et un ou deux au nord-ouest, » répondit Mél d’un ton assuré.
L’homme toisa la femme.
« Tu es sûre de cette attaque imminente ? »
« Oui. Irriate l’a prédit. Tu sais aussi bien que moi que ses visions ne trompent jamais. »
Le visage de l’homme s’assombrit.
« Ne t’énerve pas, Myr. Mais pourquoi devons-nous défendre cette cité ? »
« Comme je te l’ai dit, Mac, si nous ne participons pas aujourd’hui, la prochaine fois nous serons seuls face aux démons. Ne vaut-il pas mieux unir nos forces ? »
Il soupira, exaspéré.
« Oui, oui… mais gérer tout ce monde… »
« La guilde devrait assumer la défense, pas nous, » grogna-t-il.
« Arrête de râler. Tu pourras massacrer autant que tu voudras quand l’attaque viendra, » le menaça Myr, un éclat farouche dans le regard.
Me chuchota Seta : « Ce sont nos parents, les souverains de l’archipel céleste. »
À ce moment, la porte s’ouvrit brusquement. Un soldat entra, essoufflé.
« Seigneur Vel, des portails rouges sont apparus au nord. »
Mac Vel fronça les sourcils.
« Combien ? Dix ? Vingt ? »
Le soldat pâlit.
« Difficile à dire… Plusieurs centaines. »
Mac murmura, incrédule.
« Impossible… »
Myr sourit fièrement.
« Je te l’avais dit. »
Mac soupira.
« Au final, je te dois un repas sur l’île lunaire… »
Mathieu fronça les sourcils, inquiet.
« Heu ? Une centaine de portails ? »
Mac et Myr semblaient régler un pari perdu, comme si la fin du monde pouvait attendre un instant.
« Oui, chevalier ! » répondit le soldat, décontenancé par la gravité de la situation dans l’auberge.
« Allons sur les murailles admirer ce spectacle, » lança Mac d’une voix rauque en sortant de la bâtisse.
Je le suivis, ainsi que le groupe, jusqu’aux remparts de la cité. Là -haut, le ciel nocturne était déchiré par une myriade de portails rouges sang, s’étendant à l’infini, telle une plaie béante sur le firmament.
Un silence pesant régnait, troublé uniquement par le sifflement lointain de ces abominations qui en émergeaient, tombant comme des ombres funestes sur la terre.
Je distinguai en première ligne des démons aux quinze cornes, les troupes de base de leur horde infernale. Plus ils arboraient de cornes, moins ils étaient puissants – une étrange hiérarchie brutale. Ces soldats, bien que « simples », possédaient une force équivalente à celle de cinq ou six fantassins ordinaires. Moins, si l’on considère les Rainevars ou les hommes-bêtes spécialisés, mais tout de même.
Derrière eux, des démons à dix cornes, experts en magie à longue portée, et plus loin, les commandants, arborant cinq cornes ou moins, semblaient régner sur cette armée venue d’ailleurs, d’une dimension que je ne comprenais toujours pas.
Je n’arrivais pas à saisir leur origine, et cela me rongeait autant que leur présence menaçante. Une seule certitude persistait : ils n’étaient pas nés de ce monde.
Nous restâmes figés, observant ce théâtre macabre d’où jaillissaient des centaines de soldats d’outre-plan, prêts à déferler en une marée de destruction.
« Une invasion imprévisible… » murmurais-je, la gorge nouée, pensant aux paroles de Myr.
Cette Irriate, dont j’avais entendu le nom, avait la réputation de prédire ces assauts chaotiques avec une précision déconcertante. Apprendre à la connaître, dans un futur ou un passé indéterminé, pourrait bien être la clé pour échapper à ce cycle infernal.
Anticiper leur arrivée me donnerait une chance de ne plus vivre dans l’ombre, de cesser de fuir à chaque ombre mouvante, à chaque grondement lointain.
Myr, avant de disparaître en un éclair, confia à Mac :
« Mac, je te laisse t’occuper du sol. »
Je clignai des yeux, surpris.
« Elle… elle a disparu, non ? »
Mac haussa les épaules, habitué.
« Oui, elle gère la défense aérienne. »
D’un ton ferme, Mac prit le commandement.
« Que les troupes avancent pour affronter les premières lignes. Mél, tu gères le déploiement. Seta, tu mèneras l’avant-garde avec Crok et Mathieu. Mathieu, reste en arrière avec les soutiens. »
Les ordres furent accueillis par un « Oui ! » unanime.
Mac était un chef naturel : autoritaire, mais respecté.
Un ricanement lui échappa.
« Dire que je vais encore devoir raquer pour un repas… tssss… »
Il claqua la langue, puis fixa le champ de bataille d’un regard dur et résolu.
Et moi ? Que devais-je faire ? Me mêler aux troupes ? Non. L’assaut ne s’arrêterait pas avant qu’ils ne me trouvent. Fuir ? Mais pour aller où ?
Perdu dans mes pensées, j’allais redescendre des murailles quand la voix de Myr déchira l’air nocturne.
« Premiers bombardiers en position, préparez-vous à l’assaut ! »
Bombardiers ? Qu’est-ce que…
Une détonation colossale fit trembler le sol sous mes pieds. Une onde de choc me traversa malgré la barrière des remparts. Je courus au bord, le souffle court.
Au-dessus de nous, trois énormes monticules de terre lévitaient, sombres et menaçants, comme des forteresses volantes prêtes à semer la mort.
Des centaines de canons magiques, accrochés à ces plates-formes, crachèrent une salve dévastatrice vers les rangs démoniaques.
Les impacts pulvérisaient tout sur leur passage : chairs, os, âmes. Le sol s’ouvrait en cratères fumants, larges de plus d’une dizaine de mètres, vestiges de la fureur destructrice.
Sans relâche, les armes s’embrasèrent à nouveau, prêtes à lancer une nouvelle vague de feu et de mort.
« Tu ferais bien de te tenir prêt, la seconde salve va tomber. » La voix froide et autoritaire du souverain de l’archipel céleste me fendit les entrailles comme une lame glacée.
L’air se comprima brutalement, une pression presque insupportable me broyant la poitrine. Quand les impacts explosèrent au sol, l’onde de choc me souleva presque du sol. Je m’agrippai désespérément à la muraille, sentant mes doigts blanchir sous la force du métal rugueux.
Autour de moi, les démons encore debout furent pulvérisés, leurs chairs éclatées projetant morceaux d’os et viscères dans un macabre ballet sanglant. Le sol devint un tapis de cadavres disloqués, les intestins et les tripes déchirés s’étalant comme une sinistre peinture d’agonie.
Puis, sans prévenir, Mac m’attrapa d’une poigne ferme – sans me demander mon avis – et me souleva comme une plume. Il me poussa, impitoyable, droit vers la mêlée hurlante.
Je fus catapulté, tête la première, dans un amas grouillant de démons aux quinze cornes. La douleur sourde de l’impact me secoua jusqu’aux os, mais avant que je ne puisse reprendre mon souffle, je lançai un poing chargé de KI dans la cage thoracique d’un monstre. Son torse se brisa dans un craquement sinistre, crachant une gerbe noire de sang caustique. Il s’effondra, sa mâchoire éclatée grotesquement ouverte.
Dix autres démons s’abattirent sur moi, leurs griffes lacérant ma peau et déchirant mes vêtements. Partout, le fracas de la chair arrachée, des os brisés et des hurlements bestiaux résonnaient dans un vacarme insoutenable.
J’étais un tourbillon de rage et de violence, envoyant valser mes ennemis dans une explosion d’hémoglobine et de viscères éclaboussant les murs, le sol, et moi-même. Mes poings broyaient les crânes, éclataient les orbites, tandis que mes pieds écrasaient sans pitié les têtes brisées.
Je savais que Mac ne m’avait pas demandé si je voulais vraiment être précipité au cœur du carnage – il s’en fichait. Pour lui, j’étais un outil, un pion qu’il lançait sans remords dans la fosse aux lions.
Autour de moi, le sang giclait, les cris étouffés par la fureur de la bataille. J’encaissai des coups, la chair déchirée par les griffes acérées, sentant mes os vibrer sous les impacts, mais je ne flanchai pas.
Puis, comme une malédiction, des boules de feu tombèrent du ciel, fauchant mes alliés et mes ennemis avec la même indifférence cruelle.
« Les dix cornes… » crachai-je, la voix rauque, me jetant à terre pour éviter l’incendie vivant qui consumait tout sur son passage.
Les démons hurlèrent dans un chœur de souffrance, leurs peaux se noirçant, se cloquant sous la brûlure impitoyable. L’odeur acre de chair cramée emplit mes narines, m’étourdissant presque.
La retraite s’imposait, mais à peine avais-je levé la tête que je vis un nouveau monticule au-dessus de nous se mettre à luire d’une lumière sinistre, les canons magiques prêts à cracher la mort une fois de plus.
« Putain, ils vont recommencer ! » hurlai-je, le cœur battant la chamade.
Sans un instant d’hésitation, je plantai mes mains dans la terre meuble, transperçant la roche de mon KI pour m’ancrer, tandis que l’explosion éclata à mes pieds.
Le souffle ravageur emporta tout, éclata la chair, broya les membres, et projeta des corps mutilés comme des poupées de chiffon contre les murailles.
J’étais couché dans un bain de sang et d’os brisés, couvert de tripes et de fluides corporels, le visage baignant dans un mélange répugnant de mon propre sang et de celui de mes ennemis.
Un hurlement inhumain fendit le ciel, une voix cauchemardesque prononçant un mot terrible : « Invocation démon volant ! »
Je levai la tĂŞte, le regard cherchant la source de ce chant de mort.
Dans le ciel noir, des portails s’ouvrirent en centaines, vomissant des démons ailés aux six cornes, comme des vautours prédateurs. Ils s’abattirent sur les îles flottantes, arrachant sans pitié les piques magiques qui les maintenaient suspendues.
La première île vacilla, oscillant dangereusement, prête à chuter dans l’abîme.
Je pouvais percevoir Mac s’élever dans les cieux, sans même une monture, fauchant les démons volants d’un carnage brutal. Mais il était trop tard : l’île chancela, puis sombra en un fracas apocalyptique vers Miniarkil.
Elle s’écrasa contre la muraille de la cité dans un craquement sourd et métallique, pulvérisant murs, toits et fondations. Les cris déchirants s’élevèrent des décombres en flammes, mêlés aux gémissements étouffés des blessés.
Combien avaient péri ? Plusieurs centaines ? Mille peut-être ? Je n’avais pas le cœur à le savoir. Mon attention se focalisait sur la mêlée sanguinolente aux alentours, où les démons aux quinze cornes se ruaient sans fin, affamés de chair humaine.
Chaque mort que j’infligeais semblait attirer des dizaines d’autres créatures abominables. Une marée de cauchemar qui ne cessait de grandir.
Une deuxième île, plus haute, suivit, tombant plus loin sur la ville, sans doute vers son centre. L’impact souleva une onde de choc qui balaya les rues alentour, éclatant les corps, arrachait les membres, projetait les cadavres en morceaux contre les murs. La pluie de sang se mêlait à la poussière, enveloppant la cité d’une puanteur de mort et de fer chaud.
La troisième île, plus stable, tenait encore debout. De là -haut, je distinguais Myr, virevoltant dans les airs, affrontant les démons volants d’une grâce féroce, tandis que Mac, au sol, massacrait sans pitié les assaillants.
Un rire grave et caverneux fendit l’air, résonnant comme un glas sinistre.
Un démon volant, affublé de deux cornes seulement, fit son apparition. Je n’avais encore jamais vu un tel monstre, et l’idée de sa puissance me glaça le sang.
« Vous faites obstacle à notre objectif, alors, mourrez ! » lança-t-il dans la langue commune.
Les hauts gradés peuvent donc parler…
— « Quel est votre objectif ? » demanda Myr, haletante.
— « Rien qui ne te concerne, Estrayant ! » répliqua le démon en tendant une main griffue.
Un portail rouge s’ouvrit à côté de Myr, mais au lieu de vomir un démon, il semblait l’aspirer.
La transformation fut effroyable : la belle femme brune se métamorphosa sous mes yeux, ses cheveux prirent feu, ses oreilles s’allongèrent, son visage se déforma en une créature démoniaque.
« Mac ! » hurla-t-elle, avant d’être engloutie dans le portail qui se referma avec un claquement sinistre.
L’assaut continuait, impitoyable. Je luttais au milieu des démons, mais mon regard restait fixé sur le ciel, où Mac paraissait figé, abasourdi.
« Comment oses-tu prendre ce qui m’appartient ! » rugit-il soudain, fonçant droit sur le démon cornu, ignorant le carnage qui l’entourait.
Le choc de leurs pouvoirs fit vibrer la terre et l’air, une onde tellurique s’écrasant sur le champ de bataille, comme une déflagration de fin du monde.
Mac avait cessé de défendre l’île. Elle chuta alors, s’écrasant dans un fracas terrifiant sur la cité, annihilant les derniers vestiges de vie.
Miniarkil n’était plus qu’un océan de ruines fumantes et de cadavres démembrés, mêlés à l’odeur âcre de fer et de chair calcinée.
Le combat au-dessus de nos têtes atteignait une intensité inimaginable. Autour de moi, le sol explosait en cratères de vingt mètres de diamètre, avalant tout dans un vide abyssal – démons, aventuriers, terre et arbres disparaissaient dans un silence glacé.
Pour survivre, je devais fuir. Ignorant la bataille, je me concentrai sur mon évasion, frappant et repoussant les démons qui tentaient de m’arrêter.
Je courus vers Crok et Seta, reconnaissant la coupe flamboyante de ce dernier.
Mais alors que je m’approchais, une pluie étrange commença à tomber. Pas d’eau, mais des éclairs liquides qui électrocutaient tous ceux qu’ils touchaient.
Le couple tomba à terre en hurlant, leurs muscles convulsant violemment, une mousse blanche écumant à leurs lèvres.
Je regardais, horrifié, ce tableau cauchemardesque où humains et démons étaient broyés dans une souffrance partagée.
« Merde, si cette pluie me touche, je suis mort aussi ! » hurlai-je en fuyant dans la direction opposée, suivi par des démons eux aussi effrayés par ce fléau.
Devant moi, les cratères se multipliaient, détruisant tout sur leur passage. Derrière, la pluie mortelle ravageait la cité.
Je ne pus que constater que Miniarkil était condamnée.
Alors que je continuais ma fuite, Mél fut soudain encerclée par une horde de démons aux quinze cornes, coincée entre des fosses béantes et la pluie dévastatrice.
« Je sens que c’est la fin… » murmurai-je, désespéré.
— « Ce connard a encore pété un câble, il faut vraiment qu’il apprenne à se contrôler ! » répondit-elle en regardant le ciel, vers le duel titanesque au-dessus de nous.
Étrangement, les démons cessèrent d’attaquer, se figèrent à nous observer. Les cratères cessèrent de se former, la pluie mortelle disparut.
— « Ne me dis pas que… » souffla Mél.
Le démon aux deux cornes descendit vers nous, mutilé, le bras arraché, plusieurs blessures béantes sur son corps.
Il atterrit lourdement, jetant la tĂŞte de Mac Ă mes pieds.
« Nous t’avons enfin retrouvé ! » dit-il d’une voix rauque.
— « Tu… tu les connais ? » demanda Mél, les larmes aux yeux.
— « C’est une longue histoire, mais je ne sais pas pourquoi il me cherche… » répondis-je, la gorge serrée.
— « Tu ne le sais pas encore ? Alors le temps n’est pas venu. »
Le démon bondit, saisit la tête de Mél d’une main tremblante mais ferme, et l’écrasa avec un bruit sinistre de craquement.
Le corps sans vie de la jeune fille s’effondra, inerte, baignant dans une marre de sang.
« Explique-toi, pourquoi nous traquer ? Pourquoi ce cycle infernal ? » hurlai-je, la rage et la douleur m’étouffant.
— « Tu as goûté plusieurs fois à la mort. C’est le moment de la vérité… » répondit-il, son unique œil brillant d’une lumière froide, avant de plonger sa main dans ma poitrine.
Le souffle coupé, mon cœur s’arrêta.
[Inconscience]

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