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volume 2, Chapitre 13 « Retour à l’académie. » volume 2, Chapitre 13

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12. Retour à l’académie.

L’homme atterrit souplement sur le sol calciné. Un nuage de cendre se souleva autour de lui, couvrant sa silhouette d’un voile spectral.

— Bon réflexe, se murmura-t-il en observant les traces du lion désormais mort.

Il se redressa, tendit le bras en arrière, et s’élança vers la bête encore debout, son poing auréolé d’un halo doré. Lorsqu’il frappa, le bruit ne fut pas celui d’un impact : c’était un claquement sec, monstrueux, suivi d’un souffle qui fit ployer les arbres alentours. La chair du lion se rompit sous la pression. Une cavité béante remplaça son torse ; les os broyés, les organes éclatés, les viscères éclaboussant le sol comme une pluie rouge.

Le fauve s’effondra dans un gémissement rauque, l’œil vitreux, la crinière scintillante assombrie par le sang.

— Pas si difficile…, conclut l’homme en secouant sa main rougie, comme s’il venait d’écraser une mouche.

Ce fut à cet instant qu’il tourna les yeux vers nous.

Nous étions figés sur le bord du cratère, mes compagnons silencieux, les visages tendus. Mon œil de vérité percevait autour de lui un flux sombre, impur, mais maîtrisé. C’était une énergie ancienne, viscérale, mais… concentrée à l’intérieur même de ses muscles, comme si sa chair elle-même était un catalyseur de mana. Cela m’était totalement inconnu. Inquiétant.

Il leva une main dans notre direction, comme s’il saluait une foule.

— Oyez, gentes dames et gentilshommes ! lança-t-il dans un sourire insolent.

— Vous êtes puissant, s’exclama Mathieu, la voix chargée d’un mélange d’admiration et de peur.

Je posai calmement la main sur la garde de mon épée.

— Votre identité ?

L’homme inclina la tête, comme un comédien avant sa réplique.

— Je me nomme Yeolset. J’étais en route pour Ress, dans l’empire de Grivas… mais j’ai dû perdre mon chemin dans cette brousse.

— Ress ? Nous en venons, répondis-je sans cacher ma surprise.

— Et vous êtes ?

— Apprentis chevaliers de niveau supérieur. Je suis Mél. Voici Seta, ma sœur, puis Crok et Mathieu.

— Des chevaliers ? Ça tombe bien. Je comptais justement m’inscrire à l’académie.

Seta fronça les sourcils, méfiante.

— À cette période de l’année ?

— J’ai une lettre de mon maître. Mais vu que je viens du bout du continent de Graphe, le voyage ne fut pas de tout repos, rit-il. Un rire sec, étrange, presque déconnecté.

— Nous devons finir une mission, mais vous pourrez nous accompagner ensuite, répondis-je prudemment.

— Généreux. Cela m’évitera de me perdre à nouveau. Et inutile de me vouvoyer. Je suis un roturier, comme vous dites ici. Les courbettes m’agacent.

Il nous rejoignit au camp, d’un pas tranquille. Quand vint le moment du repos, il resta debout, observant la nuit comme s’il cherchait quelque chose dans les cieux. Même durant les tours de garde, il ne ferma pas l’œil.

Comme s’il n’avait pas besoin de sommeil.

Le lendemain, nous reprîmes la route, traversant la forêt épaissie de brouillard. Nos familiers spirituels nous guidaient à travers les branchages, chaque craquement de branche résonnant comme un avertissement.

Yeolset marchait parmi nous, l’air détendu, presque amusé de notre prudence.

— Que les arbres sont petits ici, déclara-t-il soudain en observant les alentours.

— Tu as dû voir la forêt de Gruaig pour dire ça, répondit Mathieu, intrigué.

— Oui. Là-bas, les troncs dépassent les montagnes, et leur écorce arrête les haches comme le ferait une armure runique.

— Gruaig ? demanda Crok.

— Une forêt légendaire, expliqua Mathieu. Les arbres y sont immenses, leur sève est exploitée pour créer des câbles runiques. Très recherchés dans les ateliers technomagiques Rainvars.

Yeolset tourna brièvement la tête vers Mathieu.

— Tu t’y connais.

— Mon père est marchand. J’ai grandi entouré de convois, répondit-il avec modestie.

Je jetai un coup d’œil à Yeolset. Chaque pas qu’il faisait semblait peser plus lourd que celui d’un homme ordinaire. Comme si le sol se souvenait de lui. Comme si la gravité elle-même hésitait à le porter.

— Dis-moi, Yeolset… qu’est-ce qui te pousse à devenir chevalier ?

Il se contenta de fixer l’horizon.

— Certaines circonstances… Disons que j’aimerais un monde en paix. Ou… moins en ruines.

Un silence suivit, pesant. Puis, comme pour briser cette gravité :

— J’ai soif ! se plaignit Seta, plus grognon que d’habitude. Quand est-ce qu’on arrive ?

Je ne répondis pas immédiatement. Mon regard était perdu dans l’épaisse canopée, entre les éclats du soleil voilé.

— On n’est plus très loin, dis-je finalement, mais ma voix s’était assombrie.

Car quelque chose en moi me disait que notre retour à l’académie ne serait pas synonyme de repos.

« Pourquoi cette ambiance morose ? » demanda Yeolset au bout d’un moment, alors que le silence entre nous devenait pesant.

Mathieux avala sa salive et répondit à demi-voix :

— On a… on a perdu une collègue. Une amie. On ramène son corps chez elle.

— Je vois… Mes condoléances, murmura Yeolset avec un léger hochement de tête.

— Vous n’allez pas recommencer, grogna Seta. Il nous faudrait une bande de brigands pour se défouler un bon coup !

Crok hocha gravement la tête, comme si l’idée le tentait vraiment.

Seta ne changerait jamais. Elle était brutale, directe, impulsive. Mais au fond, elle avait raison : ruminer notre peine ne ramènerait pas Lulu. Elle méritait mieux que notre silence abattu.

— Une fois la mission accomplie, on pourra boire jusqu’à ne plus se souvenir de rien, dis-je. Seta me répondit par un sourire crispé, presque carnassier.

Nous atteignîmes enfin la périphérie de la cité de Drasdoy. Une patrouille locale, reconnaissant nos insignes de l’académie, nous indiqua l’emplacement du village.

C’était un hameau modeste, rongé par la misère. Les maisons de terre séchée et de chaume tenaient debout par habitude plus que par solidité. L’odeur rance des excréments et du bétail imprégnait l’air, mélange pestilentiel de pauvreté et d’abandon.

Les villageois étaient maigres, cernés, leur peau tannée par la poussière et les privations. Je me souvenais des mots de Lulu. Le travail harassant pour des seigneurs cupides, la faim constante, les corvées, l’oubli. Voilà ce à quoi elle avait fui. Voilà ce à quoi elle retournait.

Un homme d’âge mûr se tenait devant la plus grande bâtisse, usée par le temps. Son regard se plissa en voyant nos armes.

— Êtes-vous le chef du village ? demandai-je.

— C’est moi, répondit-il avec méfiance.

Je déglutis, incapable de trouver les mots tout de suite.

— Nous… sommes venus ramener le corps de Lulu Mirok à sa famille, dis-je finalement, ma gorge nouée.

À l’évocation du nom, le visage de l’homme blêmit. Il vacilla, comme frappé d’une lame invisible, et s’effondra lourdement sur un banc de pierre.

— Lulu ? répéta-t-il, hagard.

Il leva une main tremblante et pointa une direction :

— Au sud… l’avant-dernière maison avant la sortie du village…

Nous suivîmes le chemin de terre battue dans un silence de mort. Les regards nous suivaient, méfiants, douloureux, peut-être même hostiles. Savoir que l’un des leurs était partie et ne revenait que dans la mort, c’était une malédiction de plus à ajouter à leur lot quotidien.

Nous arrivâmes devant une masure au toit affaissé. Une lampe à huile faiblement allumée filtrait derrière la porte.

— Je pourrais y aller, proposa Seta en baissant les yeux. Mais je ne suis pas douée pour ça…

— Non. C’est à moi. J’étais sa responsable. Sa sœur d’armes… Mais… comment expliquer ce qui lui est arrivé ? soufflai-je.

— Que lui est-il arrivé, au juste ? demanda Yeolset, les bras croisés.

— Elle a été violée et assassinée par des nobles… après avoir passé le grade supérieur, répondis-je dans un murmure chargé de rancœur.

— Peut-être… peut-être que ses parents n’ont pas besoin de connaître les détails, proposa-t-il alors calmement.

— Hein ? fit Mathieux, surpris.

— Si vous leur dites simplement qu’elle est tombée dans l’exercice de ses fonctions, cela ne suffira-t-il pas à leur offrir une peine moins insupportable ? demanda Yeolset, son ton parfaitement maîtrisé.

Un silence accueillit ses paroles. Même Crok sembla réfléchir.

Peut-être avait-il raison. Peut-être… que certains mensonges étaient une forme de miséricorde.

Je respirai profondément, puis toquai à la porte.

— Oui, qui est-ce ? répondit une voix féminine, un peu lasse.

— Nous sommes des chevaliers de l’académie… Pourrions-nous entrer ? demanda poliment.

La porte s’ouvrit. Une femme d’une quarantaine d’années, les traits durs et la peau parcheminée, se tenait là. Elle ressemblait à Lulu. La même forme du visage. Le même regard éteint… mais sans espoir, cette fois.

Elle observa nos uniformes. Son regard hésita.

— Oui ?

Je pris une inspiration, posant brièvement la main sur la poignée de mon épée pour me donner du courage.

— Madame… Nous avons le regret de vous annoncer… que votre fille est décédée dans l’exercice de ses fonctions.

Un vide, soudain.

Le silence tomba, épais comme le sang coagulé.

Le regard de la mère devint vitreux. Ses lèvres s’entrouvrirent sans émettre le moindre son. Elle chercha l’air, tituba, comme si son corps refusait de comprendre ce que son esprit avait déjà perçu.

Puis, d’une pièce voisine, une chaise tomba. Le bruit sec résonna comme un glas.

Et là, elle s’effondra.

Pas de cri. Pas de larme. Un effondrement muet, désespéré. Ses genoux heurtèrent le sol dans un bruit sourd. Ses mains agrippèrent la terre battue. Ses épaules se mirent à trembler dans un spasme terrible. Elle suffoquait de chagrin, sans pouvoir hurler.

Autour de nous, l’air était irrespirable. Le monde entier semblait s’être rétracté sur ce seuil, cette porte, ce chagrin maternel trop lourd pour être contenu.

À mes côtés, Seta détourna le regard, mordant sa lèvre. Mathieux avait le poing si serré que ses ongles perçaient la peau. Crok avait les bras croisés, le regard sombre.

Et Yeolset… Yeolset ne bougeait pas. Il observait. Une lueur étrange dans les yeux. Pas de froideur. Plutôt… une gravité douloureuse. Comme s’il comprenait cette perte mieux que nous tous.

Je fermai les yeux.

Nous avions rendu le corps.

Mais nous avions brisé une vie.

Et peut-être… semé une graine de plus dans le terreau de ce monde pourri.

Les funérailles eurent lieu le lendemain, à l’aube.

Le ciel était couvert, mais l’air restait sec. Une centaine de pas silencieux foulait la terre battue du chemin principal, traînant dans leur sillage une peine écrasante. Chacun des villageois, même les enfants aux joues creusées, portait une gerbe de fleurs séchées, cueillies malgré la pauvreté des alentours.

Nous suivions le cortège, notre rang maintenu, nos regards baissés.

Au centre de la place, un bûcher grossier avait été dressé. Des draps simples couvraient le corps de Lulu, préservé par l’anneau de conservation. Le tissu blanc, à peine jauni, tranchait avec la rudesse de la scène.

Personne ne parla. Pas un mot. Pas un chant.

Quand le feu fut allumé, le silence devint presque douloureux.

Les premières flammes dévorèrent le voile. Une odeur âcre monta dans l’air, celle du bois vert, mêlée à une autre plus épaisse, plus charnelle. Les braises rougeoyantes dansèrent vers le ciel, comme des âmes fuyantes, emportées par le vent du crépuscule.

Je regardai les cendres s’élever dans le ciel empourpré, et serrai les poings jusqu’à m’en faire saigner les paumes.

Une promesse silencieuse naquit au fond de mon être, gravée à même mes nerfs.

Ceux qui avaient brisé Lulu… paieraient.

Leurs noms, leurs visages, leurs rires moqueurs : tout cela s’éteindrait. Et je serais l’étincelle de leur fin.

Autour de moi, la même flamme couvait dans les regards de mes compagnons.

Crok restait figé, les traits durcis comme la pierre.

Seta gardait le silence, chose rare, ses yeux noirs rivés au feu.

Mathieux, à demi dissimulé derrière son capuchon, mâchait nerveusement un brin d’herbe, ses yeux rougis.

Et Yeolset… Yeolset ne disait rien, mais son ombre, projetée par les flammes, semblait plus grande que nature.

Au matin, nous partîmes.

Derrière nous, le village n’avait plus rien. Pas même l’illusion d’un avenir.

Mais ce n’était pas notre combat. Pas encore. Nous étions liés par une autre mission, un autre fardeau.

Le retour fut long et silencieux, jusqu’à ce que nous atteignîmes le lieu de l’embuscade.

— Je vais chercher le cadavre du chef, dis-je en serrant l’anneau de conservation désormais vide.

— Le chef ? demanda Yeolset, l’œil attentif.

— En venant, un groupe de mercenaires nous a attaqués. On pense qu’un noble les a payés. Le chef était le seul à connaître leur commanditaire, expliqua Mathieux.

— Les mages mémoriels pourront peut-être extraire une trace, ajoutai-je en me dirigeant vers la cache où nous avions enterré son corps.

Mais…

Le sol était éventré.

Le tumulus grossier n’était plus qu’un trou béant, le bois pourri arraché, la terre retournée avec soin.

— Merde, soufflai-je, mon cœur s’accélérant.

Crok descendit de sa monture et s’agenouilla. Il observa les empreintes, grattant un peu la terre.

— Ce n’est pas une bête. Trop précis. Trop net. Quelqu’un l’a récupéré… un complice peut-être, conclut-il sombrement.

— Ils étaient organisés. Jusqu’au bout, soupira Seta.

Un froid rampa dans mon dos. Le genre de froid qui ne venait pas du vent.

Ceux que nous avions affrontés n’étaient pas que des bandits… Ils étaient des pions. Et quelqu’un, quelque part, venait de les effacer.

Les mains vides de preuves, la rage muette, nous avons repris la route vers Ress.

Vers l’académie.

Vers ceux qui, cachés derrière des sourires nobles et des blasons d’apparat, nous avaient peut-être condamnés sans même lever une lame.

Mais je n’oublierai pas.

Et eux…

… eux, finiront par regretter de m’avoir laissée en vie.


Texte publié par Arnaud, 7 août 2025
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