Chapitre 1 : Perdu ?
« Hein ? »
Je regardai autour de moi : des arbres… de gigantesques et magnifiques arbres, pourtant leurs couleurs semblaient étranges – bleu nuit, bleu turquoise ou mauve ? Ils mesuraient facilement vingt mètres de haut et deux mètres de diamètre, d’espèces diverses. Je reconnus un conifère, ses feuilles ressemblaient à celles du bouleau… Il y avait de la végétation allant du bleu au rose, en passant par le vert et le jaune, tout autour de moi. Je tournai la tête et découvris de la mousse plus ou moins fanée recouvrant le sol pierreux sur lequel j’étais allongé.
« Où suis-je ? Y a-t-il eu un problème quantique lors de la téléportation ? » me demandai-je en me relevant.
J’avançai un peu dans la forêt touffue aux multiples couleurs, pris une poignée de mousse verte au sol, et la sentis.
— « Hum, quelle odeur… Ça fait longtemps que je n’ai pas vu une planète avec une telle végétation naturelle », dis-je en la jetant sur le côté.
Sur les colonies, en gĂ©nĂ©ral, on utilisait la terraformation liĂ©e aux technologies de soleil artificiel par fusion nuclĂ©aire et d’H₂O dĂ©shydratĂ©e pour apporter oxygène, plantes et vie sur des systèmes planĂ©taires dĂ©solĂ©s. En gĂ©nĂ©ral, cela restait une nature plutĂ´t tirĂ©e vers le vert…
Je pressai ma tempe, et le bureau de mon IA de soutien apparut. Je sélectionnai l’onglet transmetteur.
— « Connexion impossible ! » me dit une voix robotisée.
— « Connexion impossible ? Qu’est-ce que ça veut dire ? Les trois galaxies sont couvertes par le réseau, c’est impossible que cette planète ne soit pas accessible. »
— « Connexion impossible ! » répéta la voix.
— « Ça doit être un dysfonctionnement de ma puce. Elle s’est sûrement endommagée pendant le transfert. Il faudra que je la fasse réparer », soupirai-je.
Je regardai de nouveau autour de moi.
— « Et il a fallu que je tombe en plein milieu d’une forêt… » me plaignis-je.
— « Pas le choix, je n’ai plus qu’à chercher une civilisation. »
J’activai le GPS de mon IA. Il me signala à nouveau une impossibilité, ne laissant afficher que ma boussole virtuelle.
— « Au moins cette planète a deux pôles magnétiques », dis-je en la consultant.
J’avançais tranquillement dans la forêt, les mains dans les poches, en sifflotant.
— « Le début de ma retraite ne commence pas comme je l’avais prévu. Je réclamerai des dédommagements à New-Gate et à la CCGH, ça mettra un peu de beurre dans les épinards », maugréai-je encore, en escaladant un tronc tombé sur mon chemin.
Une plante fleurie de violet entrelacé de jaune attira mon attention. Je me baissai pour l’inspecter.
— « Identification », dis-je pour activer l’encyclopédie de mon IA de soutien.
— « Plante inconnue du registre ! Désirez-vous enregistrer une entrée ? »
— « Inconnue ? Voilà qui est incongru. Oui, enregistre les données visuelles et olfactives et mets-les en attente de compléments », répondis-je, laissant la fleur de côté et reprenant ma marche.
À cause des arbres trop hauts, je ne pouvais distinguer le ou les soleils pour déterminer la période de la journée, comme matin ou fin de journée.
Tout en continuant à marcher sans stress, je repérai d’autres herbes. La plupart étaient inconnues, je les enregistrai « en attente ».
Comment se faisait-il qu’il y eût des plantes inconnues ? Une planète inexplorée ?
— « Haaaahaaaa, si c’est le cas, je suis dans la mouise », pestai-je à voix haute.
Un bruit retint mon attention. Je me baissai, activant mon camouflage dans les ombres. Je disparus.
Une bête de type canidé s’avança. Elle était plus grosse qu’un Saint-Bernard, avec un museau plus étroit, long et décharné. De larges crocs pointus étaient visibles dans sa gueule béante, tandis qu’une bave pâteuse s’écoulait lentement de celle-ci.
Elle avait un pelage gris cendré, ses poils, étrangement, réverbéraient un peu la lumière filtrante des branchages au-dessus de nous.
Elle leva sa truffe. Elle avait dû sentir mon odeur. Se cacher de la vue, c’est utile, mais ça ne masque pas les molécules olfactives que je dégageais.
Elle tourna la tête vers moi. J’eus l’impression que ses yeux jaunes orangés perçaient mon camouflage.
Je sortis un de mes couteaux volants de mon espace de rangement subspatial.
Le rangement subspatial est une technologie avant-gardiste me permettant, via le processeur d’IA de soutien, d’accéder à un espace de quelques mètres cubes, directement dans une autre dimension reliée.
Elle se rapprocha de moi. J’activai ma combinaison de protection. Le masque se déplia sur ma tête, tandis que mes habits reprenaient leur couleur nocturne d’origine, au moment où le gros toutou montra les dents en s’approchant de mon emplacement.
Je sortis de l’ombre tout en lui lançant une [étincelle].
Comme escompté, la créature, surprise, s’éloigna de moi au lieu de me sauter dessus.
— « Les bêtes de cette planète sont proportionnellement plus grosses que celles que je connais. Est-ce une sorte de loup ? » me demandai-je, en continuant à l’observer.
Elle me grogna en découvrant ses crocs menaçants et se mit à courir vers moi. Je fis une roulade, échappant à ses dents acérées et dégoulinantes de salive. Me retournant, je lui lançai mon couteau volant. Il rebondit sur les poils de la bête avec un son métallique.
Le couteau eut le don d’énerver mon nouvel ami, qui se retourna aussitôt pour m’attraper à la gorge.
Je fis une seconde roulade pour éviter son coup.
Éloignés de quelques pas, on se regarda en chiens de faïence.
— « Un bruit métallique ? Savais-tu, très cher loup d’acier, que les matières ferreuses sont de très bonnes inductrices de chaleur ? », lui demandai-je avec un sourire sournois.
D’un bond, je sautai sur le loup. Il fit de même, mais je fus plus agile : j’évitai son coup de patte aux griffes acérées en glissant sur le sol sous la bête, et posai mes paumes sur son pelage ventral. Je ressentis la rugosité de celui-ci : ça ne faisait aucun doute, c’était une sorte de métal. Dans le même temps, j’utilisais mes [mains brûlantes].
Le chien sauvage, ou loup, se mit à gémir et s’effondra finalement en quelques secondes. De la fumée sortit par ses orifices dans une odeur de viande brûlée.
— « Pfffff, j’espère que tous les bestiaux ne sont pas comme ça, sinon je vais avoir du mal à me nourrir », râlai-je en observant la bête.
— « En tout cas, je n’ai jamais vu de poil aussi dur. Peut-être devrais-je en récupérer pour les faire analyser ? »
Je sortis ma dague à induction et entrepris de couper la partie tendre du cuir sur le ventre de la bête pour récupérer cette étrange fourrure.
Je soufflai un peu avant de me relever. En désactivant ma combinaison nocturne dont même le masque est d’un noir intense, mon apparence reprit celle que j’avais préalablement.
La teinture de ma combinaison était composée de nanotubes de carbone de 20 nanomètres de diamètre et avait la particularité d’absorber 99,9 % de la lumière. Cela permettait d’être invisible la nuit, ne reflétant aucune lumière. Les formes de mon corps, ou de mon masque, étaient presque indiscernables à l’œil. Même en pleine journée, on ne voyait qu’une forme humanoïde noire.
— « Haaaahaaaa, ce n’est plus de mon âge tout ça… », dis-je en me tenant les hanches, une légère douleur dans le bas du dos.
C’est ainsi que je passai les trois jours qui suivirent, marchant vers le nord, chassant pour me nourrir et découvrant d’autres étranges espèces, quand enfin je vis une empreinte de civilisation : une route de terre tassée !
Deux jours plus tard, et quelques chasses de plus, en suivant la route, je quittai la forêt et atteignis enfin la vue d’une ville, ou plutôt d’une forteresse ?
Des murailles en pierre grise, hautes de sept mètres, entouraient des habitations. Je restai un peu à l’écart, observant cette ville. Elle devait abriter un peu plus de 5 000 personnes. Je n’aperçus aucune maison plus haute que dix ou quinze mètres, aucun immeuble ni monument conséquent. Des gardes semblaient postés aux portes.
Autour, les arbres qui avaient sans doute jadis été là avaient été rasés au sol, ne laissant que tourbières et prés. Peut-être pour voir venir l’ennemi ?
— « Le zoom optique est activé », me dit la voix robotisée.
— « Nom d’une pipe en bois de Saint-Claude… Qu’est-ce que c’est ? Du cosplay ringard ? Pourquoi ces cons sont habillés comme ça ? Ils ont des lances comme armes ? », dis-je en observant les gardes grâce à ma vue améliorée par mon IA.
Je n’en revenais pas. Les gardes que j’observais étaient habillés de cottes de mailles en fer à moitié rouillées, recouvertes d’un tabard marron crasseux arborant une tête de loup rouge, dessinée de manière enfantine. Ils étaient armés de simples lances en bois à pointe de fer, leurs couvre-chefs étaient des casques en forme de bol, des plus laids…
— « Il va falloir que je me déguise en quelque chose d’autre », me dis-je en regardant mon apparence un peu trop moderne.
— « Calcul de style vestimentaire adéquat », demandai-je.
— « Calcul en cours », répondit la voix synthétique.
— « Calcul terminé. Veuillez sélectionner votre préférence. »
Une série de styles vestimentaires apparut devant mes yeux : loques de tissus marron, pantalons et vestes rembourrées, jambières et armures de cuir clouté, tenues extravagantes avec grandes capes, etc.
Après avoir fait le tour, j’arrêtai mon choix sur l’armure de cuir et sélectionnai l’image. Aussitôt, mon apparence changea dans une dépixellisation puis une repixellisation ; me voici habillé de bottes et jambières de cuir sur un pantalon simple en lin. Au torse, je portais une armure de cuir robuste, ornée de pointes de fer.
— « Bien, tentons une première approche ! », me dis-je.
Je m’approchai des gardes de manière naturelle. Ils me regardèrent passer, leurs visages étaient assez grossiers et crasseux sous leurs casques.
— « Izzirf ratche ormag prestigl ef ? », me dit l’un des gardes en me montrant d’un signe de tête.
Merde, je ne comprends pas leur langue…
— « Paramétrage de langage reconfiguré », me dit Process, mon IA de soutien.
— « Ho ! Tu ne me réponds pas ? Je te demande où sont tes armes ! », me répéta le garde d’un air un peu contrarié.
— « Haha, excusez-moi, non, je les ai perdues dans la forêt au sud », répondis-je en me grattant l’arrière de la tête, m’excusant.
— « Tu peux y aller, et pas de grabuge à Bruvére sinon on t’enferme ! », me prévint-il.
Je m’éloignai de l’entrée en passant le porche et découvris une ville sale et malodorante. Les rues étaient incurvées, les détritus jonchaient le sol entre les maisons, qui elles-mêmes étaient loin d’être solides, sans doute faites de terre, de pierre et de chaume.
Les villageois étaient vêtus de guenilles aux couleurs ternes, ils n’étaient pas propres, recouverts de crasse et de terre. J’aperçus aussi des races humanoïdes, sans doute des êtres mélangés génétiquement, avec des oreilles et des queues d’animaux.
— « Non de… Où suis-je arrivé maintenant ? Un parc à thème ? Ils ont bien travaillé. Il y a même de la merde partout sur le sol ! », murmurai-je pour moi-même, tandis que l’odeur me remontait dans les sinus.
— « Tu dégages le vioc ou tu veux qu’on te ramasse aussi ? », demanda une voix derrière moi, pendant que je restais de stupeur devant cette vision d’une époque arriérée.
Je me retournai pour découvrir un chariot poussé par deux hommes robustes. Le chariot en bois transportait des cadavres autour desquels des mouches volaient dans tous les sens.
L’odeur de la mort en décomposition me saisit le nez, en plus des effluves nauséabondes de la ville.
Je me poussai du passage, laissant filer le chariot. Les deux hommes semblèrent s’arrêter à chaque ruelle entre les maisons pour vérifier si un mort ne s’y trouvait pas…
— « Ça dépasse l’entendement… Une idée, Process ? » interrogeai-je mon IA.
— « Calcul en cours… »
— « Il semblerait que ce que vous voyez ressemble aux descriptifs ancestraux de la planète mère de l’humanité, la Terre, à une époque bien avant l’ère de la spatialisation, avant même le développement des moteurs à combustion. Une époque nommée Moyen Âge. »
— « Je suis revenu sur Terre, dans le passé ? », demandai-je, étonné. Je ne connaissais la Terre que dans les contes et légendes.
— « Négatif ! Les coordonnées spatiales de cette planète ne correspondent pas », répondit l’IA.
— « Donc une planète sous-développée, c’est ce que tu es en train de me dire… »
— « Affirmatif ! »
— « Pour faire réparer mon transmetteur, ça va être compliqué… », dis-je tout en réfléchissant devant la vue de cette ville d’une autre ère.
— « Conseil : Explorez un peu plus cette planète, rien n’est absolument affirmatif. »
— « Oui, peut-être trouverai-je des gens évolués… », murmurai-je.
Je me grattai le menton, ma barbe naissante me démangeait. Première chose à faire : trouver un lieu de repos pour pouvoir réfléchir, pensai-je.
Quelques bâtisses possédaient des enseignes de bois devant leurs devantures. La traduction de celles-ci m’apparut en réalité augmentée. Je trouvai finalement une auberge, dont le nom ne pouvait être plus commun : « Au bon repos ! »
— « Si tu peux me traduire cette langue, c’est qu’elle est connue du système ? », demandai-je à Process.
— « Affirmatif ! » me répondit la voix robotisée.
— « Alors j’ai bon espoir que cette planète ait un centre de la CCGH. Il n’est pas rare qu’ils ne s’immiscent presque pas dans les planètes en développement. »
— « Affirmatif ! » me confirma mon IA.
J’entrai dans l’auberge. Un homme au regard sournois m’accueillit. Je remarquai que son sourire fut aussi faux que celui d’un banquier, que le plissement de ses yeux se fit plus fermer en me regardant.
— « Il pense que je n’ai pas de sous, en même temps… », pensai-je.
— « Bonjour, cher client, que puis-je pour vous ? » me demanda-t-il en s’approchant de manière hypocrite.
— « Bonjour, je suis nouveau venu dans la région, j’ai perdu quasiment toutes mes affaires dans le bois après une attaque de bandits, je n’ai que deux peaux de loup, où puis-je les revendre ? »
— « Vous pouvez revendre vos peaux aux tanneurs. Je serais heureux de vous accueillir pour 20 pièces de cuivre la nuitée, dîner compris », me répondit-il, m’annonçant ainsi le prix de son hospitalité.
— « Vous ne prenez pas la carte Visa ni la Mastercard, je suppose ? », lui demandai-je avec ironie.
Il me regarda, étonné, ne comprenant pas de quoi je lui parlais. Je le remerciai en sortant de la bâtisse.
Au bout d’une demi-heure à marcher dans les rues de cette ville nauséabonde, dont le style architectural était à la hauteur de ses habitants, j’avais bien failli me prendre un seau de pisse qu’une mégère jeta depuis la fenêtre de sa maison… Je trouvai enfin le tanneur. Je sortis mes deux peaux de loup de fer de mon rangement subspatial avant d’entrer dans la boutique.
C’était une boutique à la forte odeur de décomposition. Je pus discerner différents types de peaux pendues, ainsi que des bêtes en train d’être dépecées sur une table de bois brut, le tout dans une senteur… particulière, mêlant sang, chaire décomposé et chaux.
— « Je peux vous proposer une pièce d’argent pour le lot », me proposa celui-ci après avoir examiné ma marchandise.
— « Combien cela fait-il de pièces de bronze ? »
— « Cent, bien sûr. »
Si j’avais su, j’aurais récupéré plus de peaux de loup. J’étais juste curieux de la composition des poils et je voulais faire analyser l’évolution génétique de la bête…
— « Ça ne me fait que cinq nuits avec cinq repas… Il va falloir que je chasse un peu plus pour survivre ici… Haaaahaaaa, où est donc passée ma douce et si reposante retraite ? » ronchonnai-je en sortant de la boutique, regardant amèrement ma pièce d’argent dans le creux de la main.
FICHE D’INFORMATION
Les donjons sont des infrastructures naturelles où les énergies telluriques et éthériennes se rencontrent, créant un amas de résidus.
La rencontre des énergies susnommées crée une contrainte de l’espace-temps, générant ainsi un vortex venant d’une autre dimension.
Les espèces indigènes de l’autre côté de ces passages sont attirées par cette nourriture riche en énergies que sont les résidus.
Une fois entrées dans ce monde, les créatures ne peuvent plus retourner dans leur dimension respective, et restent coincées dans un monde qui n’est pas le leur. Généralement, ces créatures, dans un instinct de survie, seront hostiles aux autres formes de vie.
Ces nouvelles peuplades émigrées se concentrent, dans la plupart des cas, autour du lieu de leur arrivée, afin d’accueillir leurs semblables qui seraient attirés dans le trou de vers, tout en continuant à s’alimenter des résidus.
Il est de notoriété que les plus forts de ces espèces invasives protègent la réserve de nutriments près de la sortie du passage dimensionnel (le fameux amas de résidus).
Les donjons doivent être nettoyés couramment, sinon ils se retrouvent surpeuplés, créant une surpopulation de leurs occupants.
Le jour où la capacité de ceux-ci fait défaut, un débordement de donjon survient, provoquant une attaque massive contre les territoires limitrophes.
Comme nous l’avons connu en l’an 821 du calendrier Maniars, lors de la grande exsangue des orcs primaires, ayant causé la mort de plusieurs milliers de civils.

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