Chapitre 9Â : La fuite.
« Mince, Cinnus, à toi de jouer ! » criai-je au Umas perché sur mon épaule.
— Compris !
Il entonna un chant grave, et la terre se mua en une [boue mouvante]. Les soldats poursuivants s’enfoncèrent lentement, luttant pour avancer dans ce piège sournois. Sans pause, il entonna un second sort, et le sol se solidifia sous leurs pieds grâce au [scellement de roche], emprisonnant ceux qui n’avaient pas réussi à s’échapper. Hélas, tous ne furent pas capturés.
Matis, à son tour, entama un chant mélodieux. De mon bras valide, je sortis mon condensateur élémentaire. Elle lança une [rafale] tranchante qui faucha deux soldats d’un coup, tandis que je tirais des [étincelles] précises, blessant ou tuant le reste des poursuivants.
Enfin débarrassés de nos traqueurs, nous continuâmes à courir, jusqu’à ce que nous puissions nous arrêter, haletants, au bord d’un ruisseau aux eaux teintées de mille couleurs.
« Ils ne vont pas nous lâcher ? » demanda Matis, en soufflant.
— C’est leur façon de penser, ils nous croient kidnappeurs.
— Toi, pas nous, rectifia Cinnus.
Je m’assis sur un rocher, sortant ma pipe que je bourrai lentement de tabac.
— Je ne comprends pas les humains, dit Matis en observant mon geste.
— En quoi ?
— Vous brûlez de l’herbe et l’aspirez sans vous étouffer, je ne comprends pas l’intérêt.
— C’est vrai que c’est mauvais pour la santé, concédai-je.
— Mais j’aime le goût, répondis-je en soufflant des anneaux de fumée qui s’élevèrent paresseusement vers les feuilles au-dessus de nous.
Matis secoua la tête, incrédule, tandis que Cinnus haussa les épaules et alla boire au ruisseau.
Me détournant de ces deux-là incapables de saisir ce plaisir simple, j’ouvris mon fichier mémoriel. Ma seule raison de continuer à avancer malgré les épreuves : mes petites filles, mes anges… Elles sont si mignonnes.
Un sourire béat fendit mon visage fatigué en les voyant se chamailler pour une poupée.
« Pourquoi souris-tu ainsi… bizarrement ? » demanda Matis, à l’affût de mes gestes.
— Je regarde ma raison d’être, répondis-je simplement.
Elle me lança un regard perplexe face à ma réponse obscure.
« Process partage d’image », ordonnai-je avec un soupir.
Mon œil gauche s’ouvrit, projetant dans les airs une image claire. Une vidéo apparut devant mes deux compagnons : mes petites filles rousses aux taches de rousseur, coiffées de nattes, se disputant joyeusement une poupée.
« Wouaaaah, c’est quoi ? » s’exclama Matis.
— Je te montre pourquoi je souris.
— C’est un sortilège mémoriel ? demanda Cinnus.
— Non, juste une projection d’image…
— Ça doit être de la magie de très haut rang, ajouta Matis.
— Sinon, qui est-ce ? demanda-t-elle, impatiente.
— Mes petites filles, Gerva et Hermionne, répondis-je avec un sourire attendri, l’œil droit pétillant tandis que le gauche projetait une nouvelle fois la vidéo.
— Elles ne sont pas trop chou ? On a envie de les croquer et de leur faire plein de câlins !
Je sentis les regards moqueurs de mes deux compagnons.
Je coupai la projection et me levai en vidant ma pipe d’un coup sec sur la pierre. Ma peau reprit son aspect habituel.
« On y va ? » demandai-je.
— Mouhahahaha ! lança Cinnus, moqueur.
— Je ne savais pas que le dur Fanel était en fait un papi gâteau, ricana Matis.
Je râlai et me mis en marche, grognant contre mes détracteurs.
Nous avançâmes dans la bonne humeur jusqu’au soir.
Matis entonna une formule, et des morceaux de bois s’étirèrent, s’assemblant pour former une cabane. Les feuilles tourbillonnaient autour, jusqu’à ce que la maison se dresse doucement devant nous.
« Elle vient de nous construire une maison… » remarqua Cinnus, surpris.
— On n’avait pas forcément besoin d’aussi grand, dis-je en observant la cabane assez vaste pour une famille de quatre.
— Je suis une femelle, et vous êtes des mâles ! J’ai besoin d’intimité, expliqua Matis d’un air hautain.
— Pourtant, jusqu’à maintenant, la tente faisait l’affaire, non ? demanda Cinnus.
— Tu as dit quelque chose, nabot ? lança Matis en tournant le regard meurtrier.
— Ok, ok… et la sécurité ? demandai-je, pour éviter un affrontement.
— Je vous fais déjà un logement, n’en demandez pas trop.
— Viens, Cinnus, on va installer des pièges autour, dis-je en soupirant, tandis que j’entendais les ronchonnements du petit bonhomme.
Une fois les pièges rudimentaires mais efficaces posés, nous nous installâmes dans la cabane. Après un repas frugal sous les moqueries de mes compagnons, vint l’heure du sommeil.
« Alerte ! Alerte ! Intrusion dans la zone délimitée ! »
Le processus me réveilla en sursaut. Je bondis hors de mon lit de camp, saisissant mon condensateur.
Je réveillai mes compagnons et nous nous réunîmes dans la pièce principale.
« Que se passe-t-il ? » murmura l’Estrayante.
— On a des intrus, restez ici, je vais voir.
Je me fondis dans l’ombre qui nous enveloppait. Certes, c’était moins efficace que lorsque ma combinaison était encore fonctionnelle, mais même ainsi, il serait très difficile de me repérer, même en me cherchant.
Je sortis de la cabane, avançant doucement jusqu’à la fosse que Cinnus avait creusée et que j’avais recouverte de [manipulation des ombres] pour la rendre invisible à l’œil nu. Au fond, un Rainevars assommé gisait.
Je me camouflai derrière un arbre proche et observai les environs.
Après quelques minutes, j’entendis un chuchotement.
« On dirait qu’on n’a pas été repéré. »
— Chut, il est trop tôt pour le dire.
Je m’approchai silencieusement de l’origine des voix.
Un groupe de cinq chasseurs était tapi dans le fourré, accroupis, guettant sans doute l’arrivée d’une proie. Malgré l’obscurité, je distinguai au moins un Rainevars parmi eux.
Que faire ? Les attaquer par surprise pour diminuer leurs nombres ? Trop risqué, surtout avec un bras en moins. Mieux valait profiter de leur hésitation et tenter de nous échapper.
Je m’éloignai et tirai un simple [feu follet] vers le piège, éveillant leur méfiance, limitant leur confiance dans le fait de ne pas nous avoir repérés.
Le sort s’alluma près du trou, enflammant les environs sans toucher l’assommé, pour éviter toute perte de vie inutile qui aurait pu exacerber leur haine.
Je rejoignis mes compagnons.
« On dégage d’ici, un groupe de chasseurs est arrivé », chuchotai-je.
— Des chasseurs ? Comment le sais-tu ?
— Il y a des Rainevars parmi eux, ça m’étonnerait que l’armée mêle autres races que les humains et demi-bêtes.
— Bien vu, acquiesça Matis.
— Où allons-nous ? demanda Cinnus.
— On continue vers le fleuve ? proposa l’Estrayante.
— Bien sûr. Priorité numéro un : se mettre en sécurité. Le reste, on verra plus tard, non ? demandai-je à mes alliés.
— Yep. répondit Cinnus, avec l’approbation de Matis.
Nous repartîmes en pleine nuit.
Le manque de sommeil me pesait, mais je n’avais pas le luxe de me plaindre. Nous avançâmes en silence. L’Estrayante et le Umas, habitués à évoluer dans le milieu forestier, même de nuit, se repéraient aisément sous un ciel clair où la lumière froide de la lune perçait à travers le feuillage dense.
J’accélérai le pas, conscient que nos poursuivants allaient reprendre la chasse d’un instant à l’autre. Il nous fallait creuser un maximum l’écart pour éviter un affrontement inutile et exténuant.
Après une dizaine de minutes, des voix retentirent au loin, brisées et urgentes. Ils avaient dû découvrir la cabane, et désormais la poursuite redoublait d’intensité. Nous savions que le combat serait inévitable s’ils nous rattrapaient.
« Matis, combien de temps avant la frontière ? »
— Difficile à dire, il fait nuit et nous avançons plus lentement, mais nous devrions l’atteindre au petit matin.
— Ne nous laissons pas rattraper d’ici là . Accélérons !
Mais ce n’étaient pas de simples touristes, ces foutus chasseurs étaient entraînés, experts dans l’art du traque nocturne. Après une heure de course épuisante, franchissant obstacles et racines à peine visibles, nous dûmes faire une pause.
« Putain, ils auraient pu attendre le matin ! » grogna Cinnus, essoufflé.
— La ferme, Umas, j’essaie d’écouter les arbres ! gronda Matis.
— Je vais te défoncer ! riposta Cinnus d’un ton menaçant.
— Essaye pour voir, avorton ! répliqua-t-elle en fronçant les sourcils.
Je soufflai, désamorcant la tension.
— Calmez-vous, vous deux…
— C’est elle qui a commencé !
— Ça suffit ! Tonnerai-je d’un ton sec.
« On est tous sur les nerfs, mais gardez votre violence pour nos poursuivants. Matis, qu’entends-tu ? »
Le Umas baissa la tête en ronchonnant. Matis ferma les yeux, concentrée. Elle capta les échos dans les racines d’un gruaig, cet arbre titanesque dont les racines s’étendaient sur des kilomètres, servant de relais pour une géolocalisation naturelle.
« Merde, ils ont déjà comblé leur retard, ils sont à trente minutes derrière nous ! » s’exclama-t-elle.
— Fais chier ! grognai-je en repartant aussitôt.
Je portai le Umas fatigué sur mon épaule, rééquilibrant mon corps, et poursuivis la fuite avec Matis à nos côtés.
« Cinnus, tu peux balancer des boues mouvantes derrière nous pour les ralentir ? »
— Vu que tu me portes, je peux me concentrer sur mes sorts, pas de souci.
~~~
Point de vue de l’équipe de Piérick.
« Putains, ils se sont barrés ! » s’énerva Piérick.
— Ils se dirigent vers la frontière, dit-il en scrutant les traces dans la forêt.
— Ça m’a étonné de voir les soldats royaux dans cet état, lança Vector.
— Oui… Sans eux, on aurait moins hésité, on les aurait déjà attrapés ! s’exclama Herbs.
— C’est à cause de ton frère qu’on a été repérés, murmura Marie d’un ton accusateur.
— Quoi ? Tu me cherches ? répliqua Grog, un Rainevars tombé plus tôt dans un piège.
« Vos gueules ! On doit juste les rattraper. Chef ! » cria froidement Morlin.
— Il n’est pas d’humeur, chuchota Herbs.
— Normal, son petit ami s’est fait tuer par cet enfoiré ! répondit Marie, méprisante envers les Rainevars.
— Oui, ils n’ont sûrement pas pris beaucoup d’avance, on va les attraper et les crever doucement ! » répondit Piérick, le regard glacial virant du rosé au gris clair, une lueur de malveillance dans ses yeux.
Il posa sa main sur un arbre, ferma les yeux.
— Ils sont à vingt minutes vers le nord. Allons-y. Et… tuons-les.
Morlin serra la garde de son épée, sourire sadique aux lèvres. Sans attendre, ils s’enfoncèrent dans l’obscurité de la forêt, où la pénombre ne leur ferait pas obstacle.
— Dommage qu’on ait laissé nos montures en arrière, murmura Marie.
~~~
Point de vue de Fanel.
« Mais c’est quoi ces chasseurs ? Ça fait deux heures qu’on court et ils sont toujours sur nos talons ! » gémit Matis, essoufflée et épuisée.
— Sans doute des hauts rangs. Je murmure, pensant à l’armée qui aurait engagé des chasseurs pour nous traquer…
— J’ai lancé plusieurs pièges de boue mouvante, ils doivent avoir une parade, dit Cinnus.
— Pourquoi faut-il que ça soit si compliqué ? Je voulais juste rentrer chez moi, revoir ma famille, soupirai-je pour moi-même.
— Arrête de faire ton vieux qui se plaint, on n’a pas le temps, réprimanda Matis.
— Techniquement, la vieille c’est to…
Un caillou s’écrasa contre ma nuque, me faisant ralentir. Je massai le point d’impact.
« Finis ta phrase, et nos poursuivants ne trouveront qu’un cadavre ! » menaça Matis en me dépassant.
— Ok ok, dis-je en reprenant ma course.
« La rivière, enfin ! » s’exclama l’Estrayante alors que nous sortions de la forêt sombre, découvrant l’aurore à l’horizon.
Devant nous, un immense fleuve, vaste comme une mer, scintillait sous la lumière orangée du matin. Au loin, un vallon se dessinait avant la surface étincelante de l’eau.
« Ne perdons pas de temps », dis-je en repartant, suivi par l’Estrayante.
Mais nous étions maintenant à découvert, et malgré le terrain plus dégagé, nos poursuivants apparurent derrière nous.
« Fanel, ils sont là  ! » cria Cinnus en regardant en arrière.
— Rhaaa, tu me perces le tympan ! Sérieux… râlai-je.
— Désolé.
— Ils sont sur nos talons, dépêchons-nous, intervint Matis.
Je redoublai d’efforts, mais l’épuisement se faisait sentir. Je n’étais plus tout jeune…
« Attention ! » cria l’Estrayante en nous saisissant pour nous entraîner dans une chute.
Je jetai un coup d’œil en arrière : le sol était labouré, comme frappé par une puissante bourrasque.
« Putain, un Estrayant parmi eux ! » grogna Matis, serrant les poings et les dents.
— Que de vilains mots pour une charmante fille, tentai-je de la détendre.
— La ferme !
Nous reprîmes la course, proches du fleuve, mais soudain une lumière verdâtre éclaira le sol devant nous.
Le terrain bougea et s’éleva : des squelettes sans armes surgirent du sol, fonçant vers nous.
« Rhaaaa, ils veulent nous ralentir, ne t’arrête pas, Matis ! » criai-je en accélérant.
Je serrai le poing et lançai une compétence silencieuse, [explosion de flamme]. Les squelettes s’effondrèrent en cendres sous la chaleur.
Matis sauta par-dessus les flammes, je fis de mĂŞme.
Enfin, le fleuve ! À une lieue de là , des docks semblaient nous attendre.
« Là -bas, dépêchons-nous ! » cria Matis.

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