Chapitre 17 : L’invasion
Dans une pièce sombre, entourée de cristaux magiques posés sur des socles d’or, le cercle de transmutation dessiné au sol s’éclaira d’une lueur bleuâtre.
« Fanel ! » cria Cinnus en tendant le bras vers le vieil homme dont la moitié robotisée du visage était visible.
Il regarda le corps sans vie tombée au sol, son cœur empli d’incompréhension et de stupéfaction.
~~~
La veille, île de la Lune, Duché de Rustien.
« Silence ! Nous approchons des docks ! », annonça Eractus en serrant son épée, vêtu d’une armure de maille.
La trentaine d’hommes assis dans l’embarcation le regardèrent et firent silence.
Eractus s’approcha de Fanel et Rick.
« Nous allons faire comme prévu : attirer l’attention des soldats de l’Église d’Ovarion sur nous pendant que vous vous infiltrez.
— OK.
— Nous comptons sur vous. Que votre mission soit un succès, l’avenir de ce monde repose sur vos épaules », affirma-t-il.
Je soupirai. J’avais beau refuser ce genre de commentaire, il les ferait quand même, car son maître avait dit que je serais le sauveur…
« Bien, nous sommes assez proches de la rive, nous allons vous envoyer avant d’attaquer de notre côté », me dit un mage du groupe d’assaut.
Sans attendre, nos corps se soulevèrent de l’embarcation au-dessus de l’eau. Nous flottâmes dans les airs, atterrissant doucement sur la berge.
Nous regardâmes l’embarcation s’éloigner sur les eaux sombres éclairées par l’astre nocturne.
« Nous voici sur l’île de la Lune », dit finalement Cinnus, assis sur mon épaule en observant autour de lui.
— Oui, espérons que le vieux fou ait raison avec ses prédictions loufoques, murmurai-je pour moi-même.
— Il ne faut pas insulter les devins, ça porte malheur, s’inquiéta Rick.
— Quoi qu’il en soit, faisons ce pourquoi nous sommes venus. Nous aurons des réponses quand nous aurons rencontré cette soi-disant sainte, dis-je en me faufilant dans un buisson suivi par Rick.
La végétation sur l’île n’était pas extraordinairement luxuriante, les arbres n’étaient pas très feuillus. Différentes collines couvraient les alentours de la cathédrale, qui se trouvait au centre de l’île ; c’était comme si on avait défriché intentionnellement autour de la cité d’Ovarion.
Ce n’était pas un environnement où la nature aidait à l’infiltration.
Depuis le point où Eractus nous avait déposés, nous étions à l’orée du pourtour défraîchi de la cathédrale.
« Alerte ! Alerte ! », crièrent les gardes en courant vers le débarcadère où les troupes menées par Eractus faisaient du bruit pour attirer le maximum de gardes, nous laissant un peu plus de liberté pour avancer.
« Approchons ! », chuchotai-je.
Nous arrivâmes rapidement près des murs de pierres grises de l’immense édifice. La tour principale faisait largement plus de cent mètres de haut, tandis que tout autour s’élevaient des murailles de cinq mètres.
Il ne semblait y avoir qu’une seule entrée, celle d’où étaient sortis les soldats.
Alors que nous faisions le tour des murs, cachés dans la [manipulation des ombres], Rick s’arrêta et nous appela.
« Là , les gars », dit-il en montrant une grille à hauteur de tibia.
— Qu’est-ce ? demanda Cinnus en s’approchant.
— Sans doute l’aération d’un souterrain, dit Rick.
— Ou les égouts, fis-je remarquer.
— Entrons, et nous verrons. »
Rick se mit à chanter pendant un bref instant, la grille se sépara et s’enroula sur elle-même, nous laissant le passage libre.
Celui-ci était juste assez grand pour que nous puissions ramper à l’intérieur.
Cinnus passa en premier, prudemment.
« C’est bon, le plafond est assez haut pour vous », chuchota-t-il de l’intérieur.
Rick rampa, et je le suivis aussitĂ´t.
L’intérieur était un couloir sombre, mais pas dénué de lumière : des cristaux étaient installés sur des supports le long du couloir, éclairant d’un vert pâle.
Des portes de bois robustes s’alignaient sur le mur en face de nous.
« Un cachot ? demanda Rick.
— Ça y ressemble, essayons de trouver une sortie », répondis-je en observant mon environnement.
Au bout de dix minutes dans ces couloirs qui suivaient la paroi extérieure de l’enceinte de la forteresse religieuse, nous découvrîmes enfin un escalier.
Nous avions tenté d’ouvrir les portes, mais elles étaient toutes fermées. Nous aurions pu les forcer, mais le pressentiment de prudence nous amena à ne pas le faire ; semer l’alerte maintenant n’était certainement pas une solution adéquate à notre infiltration.
Me camouflant dans l’ombre, j’ouvris lentement la porte que nous avions trouvée en haut de l’escalier.
Elle donnait sur une large cour intérieure ; au centre se dressait la tour que l’on pouvait voir de loin.
Nous avançâmes sous couvert de ma [manipulation des ombres]. Le plan d’Eractus avait réussi : il n’y eut aucun garde pour nous arrêter ou nous repérer.
Nous devions tout de même rester prudents, car des vigiles restaient postés sur les murailles.
Nous approchâmes de l’entrée principale de la tour. Deux gardes étaient en faction, mais, habitués à la luminosité nocturne, leurs yeux ne nous perçurent pas et nous passâmes inaperçus, pénétrant sous la haute voûte.
L’intérieur était calme : une large pièce cylindrique occupait toute la circonférence de la tour. Un escalier entouré de quatre larges piliers se trouvait en son centre. Nous ne perçûmes aucun garde ni sentinelle.
Cela me sembla étrange.
« Même si Eractus a réussi à attirer l’attention, pourquoi n’y a-t-il personne ? » chuchotai-je.
— Tu penses trop, me répondit Cinnus.
— Restons vigilants », murmura Rick à son tour.
Je fis signe de tête et nous avançâmes prudemment sur l’escalier, gravissant les marches doucement, mais toujours vigilants.
Au deuxième niveau de la tour, la lumière restait faible. Nous progressâmes le long d’un couloir. Contrairement à l’étage en dessous, qui était une grande salle vide sans murs, cet étage semblait meublé de différentes pièces.
Je m’arrêtai à nouveau, écoutant le silence autour de nous.
« Je ne le sens vraiment pas ! C’est un piège, j’en suis sûr ! », affirmai-je en me retournant.
— Faisons demi-tour alors ! » répondit Cinnus.
Avec un signe d’approbation de Rick, nous décidâmes de redescendre.
Alors que nous étions dans l’escalier, je vis mon illusion d’ombre se dissiper à chaque pas.
« De la lumière magique ? » murmurais-je, étonné.
Alors que juste avant il n’y avait personne à l’étage en dessous, une lumière créée par magie éclairait désormais le rez-de-chaussée, rendant ma [manipulation des ombres] totalement inutile.
Je fis rapidement demi-tour en faisant signe à Rick, remontant à l’étage.
Une lumière commença à éclairer le bout du couloir où nous étions, des bruits de bottes tapant sur le sol de pierre se firent entendre.
« Merde ! Je le savais, c’était trop calme ! » dis-je en sortant mon arme de mon espace subspatial.
Rick et Cinnus m’imitèrent sans se rendre compte que mon ombre était consumée par cette lumière, contrairement à une lumière normale.
Avec la magie de lumière, l’ombre était totalement effacée, contrairement aux lumières naturelles dues aux torches ou aux cristaux qui créaient des ombres portées avec les objets et surfaces alentours.
Ainsi, ma magie des ombres était totalement inefficace face à cette compétence ou magie.
Une dizaine de soldats apparurent dans le couloir tandis que des bruits de pas se faisaient entendre dans l’escalier.
« On ne peut pas rester ici ! Descendons et affrontons-les pour s’enfuir ! », dit Rick avec détermination.
En effet, c’était sans doute le seul choix si nous ne voulions pas être capturés.
Avec un signe de tĂŞte, je suivis Rick en courant tandis que son armure de fer recouvrait tout son corps.
Rick fonça dans l’escalier, dévalant quatre marches à la fois, et se retrouva face à cinq soldats de l’Église d’Ovarion.
Surpris, ils saisirent leurs armes. Hélas pour eux, pas assez rapidement : j’avais déjà tiré des étincelles et abattu deux d’entre eux.
L’un des soldats frappa Rick avec son épée, tandis que les deux autres me chargeaient. Rick, dont la défense était maintenant au maximum, ne fut pas du tout impacté par le coup d’épée. Il transforma une partie de son armure en griffe à trois lames pour transpercer l’armure de cuir de celui qui l’avait attaqué.
Il mourut rapidement, du sang coulant de sa bouche.
De notre côté, Cinnus sauta de mon épaule, épée en avant, neutralisant un des gardes, et le dernier reçut un trou entre les deux yeux avant d’avoir pu m’atteindre.
« Vite, sortons ! » dit Rick en entendant des pas précipités dans l’escalier derrière nous.
— Attends, je ne vois pas le mage qui a lancé ce sort ! », dis-je en montrant la boule lumineuse qui flottait dans la pièce.
Mais trop tard, Rick était déjà sous le porche, immobile, scrutant devant lui.
Je vins le rejoindre et là … à l’extérieur de la tour, une centaine de gardes étaient en faction. Devant eux, assise sur un trône de bois rouge, se trouvait une femme rousse en toge blanche. Au premier coup d’œil, elle devait avoir environ le même âge que moi.
À côté d’elle, éparpillés en vrac, tous les cadavres de nos compagnons d’infortune venus faire diversion. Je reconnus les oreilles duveteuses d’Eractus tandis que les corps étaient tous ensanglantés.
« Cinnus ! » criai-je.
Aussitôt, il lança un sort de boue mouvante sur le passage devant nous, alors que je reculais rapidement en traînant Rick avec moi, à l’abri contre le mur près de l’entrée.
« Mince, que devons-nous faire ? » dis-je pour moi-même.
— On est foutus ! » exprima Rick, défaitiste.
— Cinnus, tu es plus petit, tu penses pouvoir te sauver ?
— Que veux-tu dire ? demanda le Umas.
— Si tu te planques et reviens nous aider, on peut essayer de s’en sortir en baissant les armes, lui répondis-je.
— Je peux tenter de me planquer, oui, mais… je ne peux rien garantir après cela, expliqua-t-il.
— C’est notre seule chance, on va te faire un trou dans la sécurité en montant à l’étage.
En face de nous, en bas de l’escalier, cinq gardes nous regardaient, un sourire aux lèvres, leur victoire ayant déjà sonné.
J’enjambai un cadavre et commençai l’attaque à l’aide de mon condensateur tandis que Rick fonçait sur eux, muni de son armure complète.
Une fois la brèche conçue par cet affrontement apparue, Cinnus fonça dans l’escalier et disparut de notre champ de vision.
Je levai les mains en signe de reddition, Rick fit de mĂŞme.
Nous n’eûmes pas beaucoup d’espoir, mais en nous rendant, ils ne devraient pas nous tuer, du moins je l’espérais.
La sainte entra dans la pièce tandis que nous étions immobiles avec Rick.
Les gardes s’approchèrent pour nous obliger à nous agenouiller.
Elle nous regarda froidement.
« Vous espériez quoi en m’envahissant ? demanda-t-elle.
— Je n’ai besoin que du manchot, tuez l’autre ! » ordonna-t-elle sans attendre notre réponse.
Rick eut la gorge tranchée, pâlit, tandis que son sang giclait devant lui sur le sol de pierre. Je détournai les yeux de son regard.
« Salope ! » murmurai-je en fixant la sainte.
— Tu veux me haïr ? N’hésite pas, cela ne changera rien à ta destinée ! Emmenez-le dans la cellule du sommet ! » dit-elle en me regardant froidement.
Tandis que les gardes me soulevaient, je ne pus que jeter un dernier regard à mon compagnon désormais gisant sur le sol pierreux et froid, dans une mare de son propre sang.

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