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Agent dormant

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Des froufrous et frottements furtifs dans l’allée. Je m’étire et me concentre sur les sons.

Ils sont plusieurs. Au raffut qu’ils font sur le petit pont, je dirais qu’ils sont quatre. Ça va être intéressant, vraiment. Plus ils sont nombreux, plus c’est facile.

Leurs silhouettes sombres effleurent les pierres froides. La brume qui s’agrippe aux fleurs séchées dans les pots les fait frissonner, mais ils continuent d’avancer.

Je connais leur objectif : c’est tous les ans la même chose...

Je me recroqueville dans les ténèbres. Je dois les suivre sans qu’ils ne me voient. Je suis un agent des ombres, un agent dormant. Je dois les surveiller jusqu’à ce que la voix me dise quoi faire avec eux.

Agent dormant. J’aime ces mots.

Une branche craque et un « chuuut ! » retentissant échappe au chef de file. Les trois autres individus masqués se rapprochent de lui, redoutant une cinglante remontrance car ce n’est pas le moment de se faire repérer. Quelques murmures plus tard, le curieux ballet reprend. La file s’étire et se contracte selon un rythme connu d’elle seule, mais le silence n’est pas une de ses qualités.

Eh bien. Cela fait longtemps que je n’ai pas eu affaire à un groupe aussi peu professionnel. C’est presque décevant...

Pourtant, la nuit est idéale. Une lune si ronde, si froide, si blanche ! L’astre accompagne avec ferveur tous les esprits errants en cette nuit d’Halloween. Les ombres fantomatiques s’étirent sous les rayons sélénites, comme autant de tentacules vaporeuses. Quelques bougies noircies sont encore dispersées de ci de là. Leurs flammes vacillent, tantôt sous l’effet de la brise, tantôt sous le souffle d’un spectre.

Les odeurs de cire fondue et de terre décomposée emplissent l’atmosphère, donnant vie au brouillard qui s’enroule autour des arbres faméliques aux abords de chaque sentier.

L’ambiance est parfaite pour une nouvelle partie de chasse.

Les quatre compères connaissent-ils les règles du jeu ? Moi, oui. J’aime jouer. Je joue tous les ans, quand je me réveille.

Mais pas encore. Je dois juste les garder à l’œil pour l’instant. Et même si je ne suis pas le seul à les courser, je suis l’élu. Je n’ai jamais failli. C’est mon rôle et je m’y tiendrais. Ce n’est pas cette caricature de compagnie qui me mettra en difficulté !

Ils progressent avec constance, sans se douter de ce qui rôde dans leurs pas. Je vois bien pourtant qu’ils tâtonnent, une discrète lampe torche tranchant péniblement l’épaisse obscurité devant eux.

Puis, après le caveau, ils prennent vers l’est. Sans surprise. C’est le chemin le plus direct.

Certainement pas le plus sûr...

Dans cette partie du cimetière, il fait plus sombre encore, plus humide. Nos hardis visiteurs n’ont aucune idée de ce qui peut vagabonder entre des tombes si anciennes. Certains corps étaient enfouis là avant que l’on sache qui de la Terre ou du Soleil tournait autour de l’autre... Quand à tous ces noms semi effacés, masqués parfois par les lierres voraces, ils cachent bien des terreurs derrières les croix et les anges de pierre.

Ça aussi, ça fait partie du jeu. C’est l’inattendu, le côté « surprise ! », comme un clown surgissant d’un recoin terne devant soi, dansant et souriant de toutes ses dents.

Mais c’est vrai que ce n’est pas toujours drôle pour tout le monde. C’est déjà arrivé que je reste sur ma faim, d’ailleurs. Quel gâchis !

Je souris : c’est tout de même amusant, cette façon de marcher, collés les uns aux autres. Quand leur leader s’arrête, ils se rentrent tous dedans en maugréant !

Je dois admettre, contre toute attente, qu’ils s’en sortent plutôt bien ! Ils sont toujours quatre...

Mais les choses sérieuses commencent. Si près de l’imposant mausolée, tout change. J’observe religieusement le groupe s’engager sur la promenade nord. Le gravier crisse sous leur pas lent, hésitant, maladroit. Encore ou stop ?

Que va-t-il se passer cette année ? Plus ils sont nombreux, plus docilement ils poursuivent leur quête, et plus c’est amusant. Il y a trois ans, deux visiteurs avaient pris leurs jambes à leur cou pile à ce moment-là. J’en avais pleuré de rage ! Je ne l’avais pas anticipé et ma soirée était fichue...

Quatre bonhommes, cependant, ça devrait fonctionner.

Même si, à cet endroit précis, les règles changent.

Les arcanes s’éteignent.

Les artefacts meurent.

Les sortilèges s’évanouissent.

J’entends gémir. L’un d’eux douterait-il ?

Me voilà rassuré : le meneur tend un parchemin aux indécis. Tout est écrit. D’une voix ferme, il rappelle que la fortune est là, à portée de main !

C’est vrai. Il a entièrement et parfaitement raison.

Un fabuleux trésor dort dans les souterrains de ce mausolée. Des dizaines de coffres emplis de bijoux, d’or, de pierres précieuses.

Ce trésor attend depuis très exactement 378 ans.

Une ombre à quatre pattes se faufile silencieusement entre les encapuchonnés et l’imposante bâtisse de marbre gris. Haletante, la bave aux lèvres, les crocs luisants sous la lune, elle choisit sa proie.

Happés par leur discussion autour du parchemin, aucun des pilleurs ne l’a aperçue...

Je fais signe à la bête : pas maintenant, pas toi. Surtout que ça va bientôt être à moi de jouer. Dès qu’ils seront entrés.

Les compères se tiennent devant la double porte de bois patiné par les intempéries. Des visages aux orbites creuses et aux cris suspendus profèrent un dernier avertissement. Indifférence totale, comme de coutume : l’appât du gain est trop puissant.

Donc ils entrent. Ils entrent toujours quand ils ont été capables d’arriver jusque là. Toujours.

Alors... Je me réveille. Tous mes sens se déploient dans ce but ultime, immuable.

C’est là que j’excelle, la petite voix me dictant ce que je dois faire. Ma voix, mon instinct. Le mausolée, c’est mon terrain de jeu.

C’est là, plus tard, que les joueurs apprennent que les dés sont pipés.

De couloirs suintants en salles obscures, je les suis.

Je les traque.

Les pieds raclent les pavés de grès. Les manteaux se frôlent, se bousculent. Chaque visiteur porte désormais une petite torche électrique, fol espoir en ce lieu.

La lumière crue n’offre vision que sur des murs recouverts de toiles d’araignées. Leurs propriétaires, irritées de ce désordre, filent sur les soies et ruminent leur vengeance.

Les alcôves délabrées abritent encore quelques cercueils de ces anciens nobles si redoutés. Éventrés, ils laissent deviner la blancheur immaculée des os nettoyés par les insectes dissimulés sous les mousses éparses.

Faut-il aller à gauche ou à droite ? Où se trouve l’escalier ?

Je me délecte de la peur gluante qui s’écoule le long de leur échine. Je glisse, me répands avec ce froid qui n’appartient qu’à moi, m’étirant pour mieux contrôler. Sentent-ils ma présence ? Sans doute : ravi, je les entends claquer des dents.

Le leader infléchit sa course sous mon influence. Ce sera à droite, bien sûr. Quel régal de sentir cet abandon involontaire prendre le dessus sur leur détermination.

Le souffle court, les articulations douloureuses écrasées sur le métal de leurs ridicules pourvoyeuses de lumière, les quatre misérables pénètrent dans la première chambre.

Écarquillant les yeux devant l’autel de pierre noire, ils se regroupent encore plus. Je vois l’incompréhension et l’horreur s’inscrire dans leurs yeux vitreux. La terreur est plus insidieuse, quand ils sont plusieurs, se grimant sous le masque du courage : c’est véritablement succulent, et cette année est un bon cru...

Un amas minéral de corps pétrifiés, bras, jambes et crânes emmêlés, surplombe avec majesté la surface lisse de l’obsidienne accueillant la vasque poisseuse.

Je m’étire encore. J’ordonne au feu brutal et glacé de donner vie aux lumignons de part et d’autre du récipient. Cette partie du jeu est exquise : l’effroi se lit toujours dans les corps et le visage des visiteurs.

Ne m’entendent-ils donc pas rire ?

Souvent, c’est à ce moment-là que les premières failles apparaissent. Il y a immanquablement un maillon faible. Celui qui recule, et tente de ne plus sentir cet air nauséabond ramper sur ses vêtements, sur sa peau, dans ses poumons !

Là, je le vois. Le grand échalas pousse sa jambe en arrière. Trébuche sur du vent. S’affale au sol dans un cri de douleur. Son poignet émet un craquement sinistre, la réception n’était pas très bien orchestrée, on dirait. Parfait.

Les trois pseudo-compagnons l’aident à se relever. Tremblant, pleurant, reniflant, il serre sa main agonisante collée contre sa poitrine. Sur un ton sans réplique, le meneur indique que ce n’est pas un petit bobo qui les arrêtera.

Il me plaît, lui ! Le jeu n’en sera que plus intense, pour mon plus grand plaisir.

Systématiquement aussi, une telle équipée possède son chevalier, le plus brave, celui qui se berce de l’illusion de ne pas être affecté. Cette année, c’est le petit gros. Il s’approche avec précautions de l’autel, cherchant un indice, une trace.

Que je place assurément bien en évidence : la patience est une vertu, et je suis très patient. Mais je dois aussi m’adapter aux cervelles de moineaux des promeneurs nocturnes. Je ne voudrais surtout pas qu’ils se perdent et retrouvent la sortie !

La pierre de sang pulse au fond de la vasque, sous le liquide graisseux et collant. N’importe quel donjon crowler sait qu’il ne peut s’agir que d’une clef – surtout si la serrure est ostensiblement repérable juste au-dessus, dans la bouche avide du crâne le plus proche.

Le vaillant chevalier n’hésite que quelques secondes avant d’élancer sa main vers la boue translucide pour récupérer le précieux sésame. Au contact de la surface, il se fige. Fronce les sourcils et pince les lèvres. Jette un regard à son chef. Et plonge jusqu’au coude. Son visage se pare d’une grimace tout à fait charmante et il hoquette de dégoût.

Il ressort fièrement la pierre rougeoyante et l’insère, encore dégoulinante, dans l’orifice affamé situé plus haut.

Clic.

Oui, je tiens à ce qu’il y ait un clic. Ça ajoute au folklore.

Un soupir de soulagement, car il ne peut s’agir de joie, émane de chacun d’eux. J’adore cet instant où une once d’espoir leur permet de continuer l’aventure.

Tour à tour, ils s’approchent et contournent l’autel, vers ce qui a produit ce fameux clic. Une petite porte de bois sombre, une lucarne grillagée sur le haut, s’ouvre lentement dans un fracas diffus de chaînes rouillées.

L’excitation me saisit. Des filets de mémoire viennent assaisonner la scène devant mes yeux, rehaussant le goût de ce moment crucial : qui sera le premier condamné ? Qui sera celui qui posera un pied sur la première marche de l’escalier fuyant vers la descente ?

Le plus discret des pilleurs, celui qui n’a pas encore dit un mot depuis le pont, se voit poussé d’une grande claque dans le dos. Désigné volontaire, il bouscule maladroitement le meneur, qui lâche sa lampe. Celle-ci vient rouler contre le chambranle et tire un dernier rayon de lumière avant de s’éteindre pour l’éternité. Penaud, il rachète sa faute en tendant sa propre torche à son leader, acceptant d’avancer dans la lueur offerte par ses comparses.

Un rebondissement savoureux.

Les premiers pas sont mesurés, prudents, mais l’assurance les persuade sournoisement d’accélérer. Ils n’osent pas se tenir aux murs. Les racines, mousses et champignons ne leur inspirent pas confiance. Ce n’est pas des murs dont ils devraient se méfier...

Le maladroit pose un pied et son dernier souffle sur la dernière marche.

Dans un gargouillis suintant, sa silhouette est écrasée par le bloc de pierres acérées qui a surgit du mur sur sa gauche. D’autres gargouillis, de surprise ceux-là, émanent des trois autres promeneurs.

L’échalas fait demi-tour, remonte la trentaine de marches en courant et halète estomaqué devant une porte close. Soudée au mur, les gonds et la poignée ont disparus.

Ah... Ce visage... C’est presque poétique... Si j’avais une langue, je la passerais sur mes lèvres...

Le désespoir chevillé au corps, il rejoint les deux autres bipèdes toujours fascinés par la bouillie rouge à leurs pieds.

Le leader ne me déçoit pas : il hurle que maintenant, de toute façon, y a plus qu’à continuer. Allez, les coffres, et on se barre.

J’aime cette témérité, c’est rafraîchissant... Je vais essayer de le garder pour la fin...

D’un bond parfaitement ajusté, ce chef nerveux montre la voie : résolu, il s’engage dans le tunnel. Les deux boulets doivent trottiner pour le rattraper. Leurs baskets claquant dans les petites flaques dispersées rythment une progression précipitée dans ce boyau glacé. Je veille à maintenir un air glacial de circonstance. Cet intestin souterrain présente désormais deux options, et l’une d’elle est surprenante. Je n’en suis d’ailleurs pas peu fier, et mon cœur s’en réjouit en silence. Un fin rayon de lune illumine l’extrémité de l’un des boyaux, et l’échalas s’y engouffre avec la dernière énergie.

Dernière, c’est bien le mot. Le sol se dérobe sous ses pieds, et il quitte définitivement ma partie...

Je m’approche tendrement des deux survivants. Le chef me semble d’une humeur massacrante, la fureur déforme ses traits : mais quel surprenant petit teigneux !

Ensemble, ils ne choisissent pas la deuxième option du tunnel : ils la subissent. Le couloir s’étrécit imperceptiblement à chacune de leurs enjambées, jusqu’à ce qu’ils ne puissent plus avancer de front.

Le chevalier – de la graine de héros, a priori – est en tête de cette brochette d’aventuriers.

C’est le premier à cligner des yeux, les yeux transpercés par la lueur de centaines de bougies.

La salle qui vient à leur rencontre leur arrache un battement de cœur de surprise.

Des coffres par dizaines, dégueulant tant de richesses que mille vies ne suffiraient pas pour les dépenser. Un hurlement de joie – oui, je pense qu’ils sont heureux – vient déchirer le silence de la crypte. Le chefaillon agrippe son compagnon, les yeux pétillants de satisfaction bienheureuse.

Sa main glisse sur le manteau encore poisseux et le tissu se désagrège en lambeaux filandreux. Des plaques de chair ruisselantes valsent avec grâce jusqu’au sol dans une odeur pestilentielle.

Un cri propulse le meneur loin de cette future carcasse pourrissante.

Le héros s’effondre, des angles improbables dans les membres, un œil se sauvant à quelques centimètres de son visage dénué de vie.

Bien.

Cette partition est sans doute l’une des meilleures que j’ai pu jouer. Presque parfaite. Quelle note émergera de ce dernier joueur ? L’avidité, bien sûr.

Fidèle à lui-même, sans un regard vers ce qu’il reste de ses compagnons, ce misérable sort un sac plié de sa poche et enfourne autant de pierres et de bijoux qu’il peut. Ses poches sont vite gavées d’autres pierres.

J’hésite.

Comme entre fromage et dessert : qu’est-ce qui sera le plus doux à mon palais ?

Je me glisse voluptueusement autour de lui. Il frissonne, ses dents s’entrechoquent et ses yeux balayent éperdument la salle en quête de solutions.

Il ne le sait pas encore, je suis la seule réponse.

La grille ouverte derrière les coffres atterrit enfin dans son champ de vision. Dans un sursaut de volonté, il empoigne son lourd salaire et sort de la salle.

Je le suis avec impatience. Va-t-il comprendre ? Les gouttes de sueur qui s’égrènent sur son front sont une friandise dont je ne peux me lasser. Je reste collé à lui, léchant chaque atome de son être.

Je savoure chaque minute, chaque heure.

Le temps se distend infiniment, le cupide voleur avance toujours. Je sens sa fatigue et sa soif. Il trébuche, faiblit, s’essouffle. Sa lampe décrit des arabesques de plus en plus anarchiques sur les briques gelées. Ses muscles ankylosés se rebellent contre son désir d’avancer. L’angoisse le saisit des tripes jusqu’à sa gorge serrée. Cette sensation de perdition est si grisante ! Je souhaite au plus profond de moi qu’elle perdure encore. Je veux savourer ces derniers instants.

Car toutes les bonnes choses ont une fin : le jeu doit se terminer.

Un dernier coude, et le rescapé inspire profondément : devant lui, enfin, de la lumière. Une ambiance chaleureuse s’échappe d’une ouverture devant lui. Prudent – il n’a pas oublié l’échalas – il s’en approche.

Et hurle de désespoir, pour mon plus grand bonheur.

La salle des coffres le nargue de toutes ses splendeurs.

Il est temps pour moi de me rendormir. J’ai rempli mon âme de délicieux souvenirs, j’ai rempli mon rôle.

Je serais au rendez-vous l’année prochaine.

Agent dormant. J’aime ces mots.


Texte publié par Hiraeth, 16 octobre 2025
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