Pourquoi vous inscrire ?
N'oublie jamais

Warning: Undefined variable $data_id in /home/werewot/lc/histoires/pages/entete.php on line 42
icone Fiche icone Fils de discussion
Warning: Undefined variable $data_id in /home/werewot/lc/histoires/pages/entete.php on line 48
icone Lecture icone 7 commentaires 7

Warning: Undefined variable $data_id in /home/werewot/lc/histoires/page-principale.php on line 13

Warning: Undefined variable $age_membre in /home/werewot/lc/histoires/page-principale.php on line 16

Warning: Undefined variable $data_id in /home/werewot/lc/histoires/pages/lecture.php on line 11
«
»
Lecture

Warning: Undefined variable $data_id in /home/werewot/lc/histoires/pages/navigation.php on line 48

Warning: Undefined variable $data_id in /home/werewot/lc/histoires/pages/lecture.php on line 31

« Bal de Folletto 2025 » – Le Masque de Lavande m'a offert cette vision:

Sous les cendres de la lavande, un souffle persiste. Un parfum oublié hante la salle, rappelant à chacun ce qu’il a voulu oublier.

---------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

Chanda se tenait, frigorifiée, devant l’imposante porte ornementée du manoir, son sac sur le dos, sa trousse à la main. Derrière elle, Malo et Aurélia terminaient de vider la voiture.

Elle leva la tête pour observer les délicates gargouilles en bord de toit, et les nombreuses cheminées à pinacles. Les murs en pierre de taille étaient d’une curieuse couleur, oscillant entre le safran et le rose selon l’éclairage de cette fin de journée. Un orage approchait, chargeant l’air d’un parfum d’ozone et d’une brise qui ne tarderait pas à se renforcer. Peut-être y aurait-il même de la neige.

Daniel Janin, le propriétaire, vint les accueillir :

— Madame et monsieur Cazaux, mademoiselle Tran, soyez les bienvenus au château Erinval. Ondine et moi allons vous aider avec vos affaires.

C’était Ondeline Janin, héritière du manoir, qui avait pris contact avec la petite équipe afin de rénover la grande salle de l’aile ouest du château. L’objectif était de la transformer pour accueillir séminaires et séances de team building. Malo était venu faire les repérages voici trois semaines et demain serait le premier jour des travaux.

Ondeline surgit de l’allée en contrebas, celle qui conduisait vers le parc :

— Bonjour Malo ! Aurélia, Chanda, soyez les bienvenues. Venez, je vais vous conduire à vos chambres.

Le trajet jusqu’aux pièces de l’étage permit aux deux jeunes femmes de découvrir la splendeur de ce lieu. La demeure de la famille Erinval, entretenue avec amour par tous les descendants du baron qui l’avait fait ériger, n’avait pas pris une ride depuis sa construction. La famille avait traversé les siècles avec suffisamment d’intelligence pour surfer sur les opportunités et faire fructifier l’héritage des Erinval. Cette dernière idée, le centre de congrès et séminaires, ne dérogeait pas à l’usage raisonné de la fortune familiale.

L’agencement et la décoration du hall et de l’escalier mariaient avec harmonie tradition et modernité. Une ambiance cosy, ancienne et mystérieuse émanait de cet équilibre parfait.

Chanda était émerveillée.

— Madame Janin, c’est magnifique. Malo ne nous avait pas présenté l’ambiance magique de ce lieu.

Malo lança, faussement vexé :

— Il fallait bien que je vous laisse un peu de surprises, à toutes les deux !

La maîtresse de maison sourit :

— Merci, je suis contente que ça vous plaise. D’après ce que j’ai vu de vos précédentes réalisations, je pense que vous saurez parfaitement décliner cette atmosphère dans la vieille salle de bal.

— J’espère que cela répondra à vos attentes, Mme Janin. En tout cas, je ferai de mon mieux.

— Je n’ai aucune crainte à ce sujet ! Et puis, appelez-moi Ondeline, ou même Ondine : nous allons passer pas mal de temps ensemble, ce sera plus pratique. Tenez, voici vos chambres. Installez-vous, puis rejoignez-nous dans le salon, à gauche en bas de l’escalier.

L’orage était sur eux lorsque les trois architectes d’intérieur redescendirent dans le hall. Ondeline, Daniel et un vieil homme en chaise roulante patientaient dans le salon. Une table avait été dressée dans un coin pour le dîner.

Daniel se leva et fit les présentations :

— Je vous présente Hugo Erinval, l’oncle d’Ondine. Hugo, voici l’équipe qui va rénover la salle de bal.

Le vieil homme posa un regard perçant sur le groupe, sourcils blancs froncés et bouche parfaitement pincée. Il grommela :

— Hum.

La soirée se déroula pour les trois visiteurs dans un étrange sentiment de gêne, Hugo Erinval ne délaissant à aucun moment son attitude froide et distante avec eux.

Chanda était perturbée : s’opposait-il aux travaux envisagés ?

Elle n’eut pas l’occasion d’aborder cette question ce soir-là, mais se nota de ne pas oublier d’en parler aux Janin le lendemain.

La matinée suivante fut consacrée à la finalisation des étapes de la rénovation : il était toujours préférable de faire un dernier point sur place. Aurélia et Chanda se chargèrent des mesures et du balisage tandis que Malo triait les matériaux déjà livrés et stockés dans la pièce ou à proximité.

La salle était littéralement gigantesque. Elle n’avait plus été investie depuis une vingtaine d’années, et une fine couche de poussière recouvrait chacun des rares meubles laissés sur place. De hautes portes fenêtres donnaient vue sur le parc, légèrement en contrebas. Les antiques supports des tentures qui se trouvaient encore de part et d’autre des ouvertures devraient être retirés, pour l’installation d’un dispositif plus moderne. Le parquet, recouvert de linoléum plusieurs décennies auparavant, serait retiré, pour retrouver le cachet initial de la pièce. De même, il était prévu de rendre aux murs intérieurs leur aspect brut précédent, tout en les habillant d’œuvres contemporaines.

Chanda visualisait mentalement avec enthousiasme la salle lorsqu’ils auraient terminé. Elle avait toujours su s’imprégner de l’histoire des lieux pour en dégager l’essence profonde et la mettre en valeur dans son travail de rénovation.

Alors qu’elle mesurait la hauteur des jambages de la cheminée, elle entendit quelques notes de musique. La mélodie était sympa mais clairement vintage. Elle se retourna :

— Malo, tu pourrais pas trouver un truc plus moderne, en fond musical ?

Elle se figea. Elle était seule dans la pièce, et aucun appareil ne diffusait de musique.

Aurélia et son conjoint arrivèrent dans la salle :

— Tu disais ?

— Vous n’avez pas mis de musique ? J’ai crû entendre...

— Non, mais je peux aller chercher l’enceinte audio, si tu veux. C’est vrai que ce sera moins lugubre avec un peu de musique ! Cette salle a vraiment besoin d’un coup de neuf !

Ondeline apparut dans la pièce et les invita pour le déjeuner.

Installés plus sobrement dans la cuisine du manoir, ils purent se restaurer et discuter avec leur hôte des premières étapes de la restauration.

— Daniel et votre oncle ne déjeunent pas avec nous ?

— Non, l’infirmière est encore avec lui. Il a fait une nouvelle crise ce matin, et nous attendons son médecin.

— Il est très malade ?

— Oh, sa santé physique est excellente, pour un vieil homme de 87 ans ! Mais il a tendance à avoir des épisodes d’absences ou de crises de nerfs de plus en plus fréquents. C’est son psychiatre que nous attendons.

Aurélia fut peinée :

— Ce ne doit pas être facile pour vous.

— Vous savez, on a l’habitude. Il peut être taciturne mais, dans ses bons jours, c’est un homme charmant.

Chanda en profita :

— Ondeline, votre oncle est-il opposé aux travaux prévus ? Il m’a semblé fâché contre nous hier soir.

— Ah, c’est un peu compliqué pour lui, avec cette pièce. Lorsqu’il était jeune, il a été très marqué par un incendie qui a eu lieu dans cette salle. Une dizaine de personnes y ont trouvé la mort lors d’une fête, et à ma connaissance il n’y a jamais remis les pieds.

— Je comprends. Cela doit remuer des souvenirs désagréables pour lui... C’est triste...

L’après-midi vit le papier peint des murs être retiré des parois, dans un nuage de poussière et de toiles d’araignées. Derrière son masque et ses lunettes de protection, Chanda révélait progressivement l’enduit appliqué sur les pierres de taille. Elle se demandait quelle technique serait la plus adaptée pour retirer cet enduit quand une odeur de fumée s’insinua dans son masque. Confuse, elle chercha l’origine de cette odeur de brûlé :

— Aurélia, tu sens cette odeur ?

— Uh ? Quelle odeur ?

— De la fumée, ou du brûlé.

— Hmm, non. Tu devrais changer les filtres de ton masque.

Peu convaincue, Chanda remplaça tout de même son filtre, avant de poursuivre. Quelques minutes plus tard, elle s’aperçut que l’enduit présentait par endroits des traces de suie. L’odeur de fumée était revenue. Impossible. Elle se demanda même si elle n’avait pas les yeux qui piquent, comme agressés par les émanations d’un feu non maîtrisé. Encore plus incroyable !

Aurélia et Malo ne semblaient nullement incommodés. Elle décida de sortir et de prendre l’air.

Quelques pas dans le parc couvert de la neige tombée la veille lui firent le plus grand bien. Devant la grille, elle vit s’éloigner une voiture, et Daniel qui rentrait à nouveau dans le château. Ce devait être le médecin qui repartait.

Quand elle revint dans la salle, Malo retirait un dernier pan de papier, juste sous le plafond. Les Janin étaient présents, satisfaits de voir que l’affreux papier peint avait disparu :

— C’est quoi, ces marques sur les murs ?

Chanda se plaça à côté d’eux :

— Je pense qu’il s’agit de traces de suie issues de l’incendie. J’imagine que c’est une des raisons de la pose du papier peint : c’était plus simple pour masquer les marques. Mais comme on va retirer l’enduit, il ne restera pas trace de cette tragédie.

Du coin de l’œil, elle vit Hugo sur le pas de la porte. Son visage abritait une immense tristesse. Quand il croisa son regard, il repris son masque glacial, plissa les yeux et empoigna la commande de son fauteuil pour s’éloigner.

Laissant Malo discuter avec leurs hôtes après le dîner, Aurélia et Chanda décidèrent d’explorer la bibliothèque. Ondeline leur avait vanté sa richesse, notamment d’ouvrages reliés datant de plusieurs centaines d’années.

Les deux amies furent enchantées par cette pièce chaleureuse, aux murs recouverts de hauts rayonnages d’étagères en acajou. Plusieurs fauteuils invitaient les lecteurs à s’y enfoncer, un livre à la main, et à se perdre dans de fabuleux récits ou poèmes d’un autre temps.

Sur une table au centre de la pièce, un amoncellement de carnets et de papiers jaunis s’étalaient à côté d’un coffret ouvragé.

Aurélia s’approcha de la table :

— Eh, regarde. On parle de l’incendie.

Chanda saisit l’une des vieilles coupures de journal et en lu le gros titre : « Incendie au manoir Erinval. 11 morts. La famille dévastée ».

Aurélia lui lu à haute voix une portion d’un autre article : une fête s’était terminée dans un incendie terrible, qui avait dévasté la salle de bal. Les hommes avaient réussi à circonscrire l’incendie dans la pièce, mais le temps que les pompiers arrivent, plusieurs personnes avaient été atteintes par les flammes. Nathan, le frère cadet de Hugo, était l’une des victimes, décédé de ses blessures quelques jours plus tard.

Pas étonnant que le vieil homme soit si triste : il avait dû voir son frère être brûlé par les flammes. Peut-être même souffrait-il du syndrome du survivant, se dit Chanda.

Une photo aux jaunes et bleus passés se trouvait également parmi les documents. On y voyait 3 jeunes gens souriants et insouciants, au regard empli de projets pour l’avenir.

Dans le coffret ouvert, un brin desséché de lavande. Les grains s’en détachaient et reposaient sur un petit mouchoir parme à dentelles brodé des initiales C.M.

Chanda sentit très clairement l’odeur de la lavande, comme par un beau matin d’été ensoleillé.

Elle secoua la tête, refusant cette sensation inexpliquée. L’odeur disparut comme elle était venue, à son plus grand soulagement.

Alors qu’elle se rendait dans la salle de bal après le petit déjeuner, Chanda croisa Hugo dans le hall. Les yeux noirs de colère, il la tança :

— Ne farfouillez plus jamais dans mes affaires ! Laissez le passé où il est.

Chanda en fut estomaquée.

— On n’a pas fouillé dans vos affaires. Tout était éparpillé sur la table !

— Ne réveillez pas le passé !

Et il repartit, criant et gesticulant de plus belle.

Ondeline apparut dans l’encadrement de la salle de bal :

— Hum... Il n’est pas dans un bon jour, on dirait.

Chanda s’énerva :

— Mais qu’est-ce qui lui prend ? Depuis qu’on est là, on a droit à la soupe à la grimace et voilà qu’il m’agresse.

— Ce n’est pas sa faute, vous savez. Depuis cet incendie, sa vie n’a été que chaos. Il n’a plus jamais quitté le domaine, alternant entre rêveries éveillées et crises de nerf. La nuit, il peut sangloter pendant des heures. Son état de santé mentale a obligé sa famille à le placer sous la tutelle de sa sœur. Et depuis le décès de ma mère, j’en ai la charge.

— D’accord, il est fou, mais moi j’y suis pour rien !

Chanda plaqua la main sur ses lèvres : mais qu’avait-elle dit ? Elle était horrifiée :

— Pardon... Je ne voulais pas...

Ondeline n’en sembla pas offensée :

— Il fait cet effet-là aux gens... Mais j’avoue qu’il est plus agité depuis quelques semaines.

— Pourquoi vous ne le placez pas dans une maison de repos ?

— Oh, on a bien essayé ! Croyez-le ou non, quand on tente de franchir les limites de la propriété, il entre dans un état cataleptique dangereux pour lui. Les médecins nous ont conseillé de le garder ici, avec une infirmière qui vient tous les jours.

— Je suis désolée. Pour vous comme pour lui...

— Merci. Allez, venez, vos collègues nous attendent.

— Ondeline, dites-moi, c’est quoi votre parfum ? Depuis hier, j’ai l’impression de le sentir partout, et j’aime beaucoup. Quelque chose à base de lavande ?

— Lavande dites-vous ? Bizarre, je ne porte jamais de parfum, j’ai trop souvent des maux de tête avec.

Chanda força ses poumons à chercher l’air qui leur manquait, mais cacha son trouble à son hôte.

— Ah ? J’ai... J’ai dû me tromper. Allons-y.

La jeune femme sentit une main d’angoisse enserrer son cœur. Elle était toujours lovée dans cette odeur fleurie, sous laquelle, quelques fois, un relent de fumée transperçait.

Avec Malo et Aurélia, aidés par moments par les Janin, Chanda fit avancer le nettoyage de la salle. L’enduit fut proprement retiré sur les murs intérieurs, mettant à nu les belles pierres rose safran. Le mur extérieur fut isolé avec de nouveaux matériaux.

Le plus gros chantier de la journée fut d’enlever le lino. L’état du plancher était pire que prévu : de profondes marques de brûlure avaient gravé d’irrégulières crevasses, encore pleines de cendres et de suie.

Malo s’offusqua :

— C’était du travail de cochon, ça ! Entre la colle et la suie, ça va pas être facile. Ils auraient au moins pu nettoyer avant, ce serait peut-être moins abîmé !

Aurélia confirma :

— Oui, pas sûre qu’on arrive à ravoir le bois. On va peut-être être obligé de le recouvrir d’un nouveau plancher.

Si la déception se lut sur le visage d’Ondeline, elle hocha tout de même la tête :

— On en avait discuté, et c’était le gros point noir de cette affaire. Ça aurait été miraculeux, de toute façon...

Chanda était restée silencieuse une bonne partie de la journée, essayant de se concentrer sur ses tâches. L’odeur de lavande roussie ne la quittait plus. Et, sur le fronton de la cheminée, elle avait beau nettoyer et enlever les cendres et les débris, ceux-ci revenaient sans cesse. Des brindilles carbonisées de lavande, bien sûr.

Devenait-elle folle elle aussi ?

Elle prétexta fatigue et maux de tête pour se retirer plus tôt dans sa chambre. La migraine n’était d’ailleurs pas vraiment une excuse, un peu de repos loin de cette grande salle ne pouvait que l’aider.

Le sommeil qui l’emporta rapidement ne fut pas tendre avec elle. Elle rêva d’un petit bouquet de brins de lavande, porté à la boutonnière d’un beau smoking beige. Le jeune homme qui l’arborait était l’un de la photo de la bibliothèque. Il souriait, heureux, sa main sur la taille de la jeune femme. Dans sa robe couleur parme, elle était l’incarnation du bonheur. Les yeux dans les yeux, ils dansaient comme si le temps devait s’arrêter. Célia. Hugo et Célia.

Elle s’éveilla en sursaut, haletante, au bord de la panique. Comment pouvait-elle savoir qui était ce couple ?

Elle se rendit dans la salle d’eau attenante à sa chambre et bu un verre d’eau. Son reflet dans le miroir la convainquit : elle avait tout inventé, évidemment. Les rêves, c’est bien connu pour ça.

Elle se recoucha et, à sa grande surprise, réussit à se rendormir avant le matin.

Malo vint frapper à sa porte, et la réveilla alors que le soleil était déjà haut dans le ciel. Les nuages avaient laissé place à un ciel azur, ce qui améliora son humeur. Son ami d’enfance avait toujours su déceler son mal-être et se montrait constamment aussi protecteur qu’un grand frère. Elle n’eut pas le cœur de le renvoyer.

— Comment ça va ? Raconte. J’ai bien vu que t’étais pas dans ton assiette, hier.

— C’est rien. Je crois que l’ambiance de cet endroit me joue des tours. L’histoire de l’incendie a dû me marquer plus que je ne voudrais.

— Aurélia m’a parlé de votre trouvaille, dans la bibliothèque. Tu sais que ce matin, elle est allée voir dans les étagères si elle trouvait pas quelque chose ? Elle aussi, ça l’intrigue, tout ça.

La scène de son rêve vint la frapper de plein fouet et s’écria :

— Elle a trouvé le nom des personnes sur la photo ?

Ils rejoignirent Aurélia dans la bibliothèque. La jeune femme feuilletait un épais album de photos.

— J’ai trouvé un album de la famille Erinval. Le vieux était plutôt bel homme, dans sa jeunesse.

Malo fit une grimace en donnant un coup de coude à sa femme :

– Dis donc, toi, t’as pas honte ?

Riant franchement, Aurélia tendit l’album à Chanda :

— Regarde. Sur la photo qu’on a vue l’autre soir, c’était clairement lui.

Un grand jeune homme, en tenue d’équitation, posait fièrement avec un trophée. Sous la photo, son nom : Hugo – 1er prix, Trophée des Roses - 1957.

Sur les pages suivantes, plusieurs photos de famille annotées permettaient de mettre un visage sur son jeune frère Nathan et leurs parents.

Un cliché à demi déchiré tomba au sol. Sous des cerisiers en fleurs, un couple posait main dans la main. Au dos, deux noms et une date : Célia Morthon et Hugo Erinval - 1959.

Ce fut comme un coup de poing à l’estomac et Chanda chancela.

Elle devait savoir, en avoir le cœur net. Elle se précipita dans la salle de bal.

Le vieil homme pleurait dans son fauteuil au centre de la pièce. Il tenait le mouchoir et les grains de lavande dans la main, le tissu s’imprégnant des larmes qui glissaient le long de ses joues.

65 ans...

65 ans qu’il n’était pas revenu dans cette pièce.

65 ans qu’il était un monstre. Un lâche.

Il se revit, ce soir-lĂ .

Ses parents avaient été si heureux, lorsqu’il avait annoncé ses fiançailles avec Célia ! Il la connaissait depuis qu’il était enfant et leur amour avait fleuri tendrement au fil des ans.

Célia, qui aimait tant la lavande. Qui en portait les couleurs et le parfum dès qu’elle en avait l’occasion.

La fête pour les fiançailles battait son plein. Une centaine de convives riaient, buvaient et dansaient sur le parquet lustré de la grande salle apprêtée pour l’occasion.

Il était heureux. Il aurait pu danser ainsi avec Célia jusqu’à la fin de l’éternité.

Mais un court-circuit dans les enceintes de la chaîne hi-fi avait entraîné un départ de feu fulgurant. Les nombreuses décorations de papier et tissus s’étaient enflammées en un clin d’œil. Dans la panique générale, plusieurs personnes furent piétinées.

Il n’avait pensé qu’à une chose : sortir. Rejoindre la sécurité du jardin extérieur.

Essoufflé, toussant la fumée avalée, les vêtements recouverts de cendres, il s’était effondré sur l’herbe.

Lorsque les pompiers étaient enfin arrivés et avaient maîtrisé l’incendie, il réalisa.

Il était seul.

65 ans...

65 ans qu’il tentait d’oublier qu’il s’était enfui, laissant sa fiancée dans le brasier où elle avait péri.

Mais elle, elle voulait qu’il se souvienne et le retenait, jour après jour, sans relâche.

Dans la salle de bal, Chanda vit Hugo se lever de son fauteuil et danser.

Une ombre au parfum sucré de lavande l’enveloppait et murmurait : N'oublie jamais.


Texte publié par Hiraeth, 19 octobre 2025
© tous droits réservés.
«
»
Lecture

Warning: Undefined variable $data_id in /home/werewot/lc/histoires/pages/navigation.php on line 48
LeConteur.fr Qui sommes-nous ? Nous contacter Statistiques
Découvrir
Romans & nouvelles
Fanfictions & oneshot
Poèmes
Foire aux questions
Présentation & Mentions légales
Conditions Générales d'Utilisation
Partenaires
Nous contacter
Espace professionnels
Un bug à signaler ?
3335 histoires publiées
1461 membres inscrits
Notre membre le plus récent est Xavier
LeConteur.fr 2013-2025 © Tous droits réservés