Le pantin (prononcez pan-tin, il est très bien articulé), le pantin, donc, courait le long du couloir en ahanant. Non, un pantin, ne ahane pas, effacez. Il courait, c’est tout. Éventuellement, on pourrait dire qu’il cliquetait, ce serait plus juste. Clic clac clic clac. Ah ! Et il hurlait aussi.
« Messire ! Messiiiiiiiiire ! »
Un pantin qui hurle ? Eh bien, oui ! Et ce n’est pas le premier, du moins c’est ce Collodi…, euh, ce que l’on dit.
Il courait, il hurlait, et il entra en trombe dans la chambre du roi.
« Messiiiiiiire !
— Quoi, donc, Pinocchio ?
— Maieuh messireuh ! Arrêtez de m’appeler Pinocchio, vous savez très bien que ça m’embêteuh. Je m’appelle Sigismond, et ça aussi, vous le savez très bien.
— Mais oui, Sigismond, je le sais. Je te taquine, voyons. Pour moi, un pantin animé, c’est Pinocchio. Et un éléphant volant, c’est Dumbo. Et un hôtel, c’est Trivago. C’est une blague, allez !
— Oui, mais tout de même, le gag, là , il commence à être aussi usé que le fond de votre culotte, que vous avez mise à l’envers, d’ailleurs.
— Tiens, c’est vrai, suis-je distrait ! Il faudra que tu fasses venir ce nouveau tailleur, là , ce Pantalone dei bisognosi, pour qu’il me fasse quelques culottes qui ne se portent qu’à l’envers.
— Ce sera très tendance ! Vous avez le chic pour lancer des modes.
— Mais, dis-moi, Pi… Sigismond, que me vaut ta tonitruante visite ?
— Ah, oui ! Votre Majesté, il y a des gens dans la salle de bal. Et ils dansent. »
Le Roi leva un sourcil.
« Et qu’est-ce que cela a de si extraordinaire, Sigismond mon bon ? Des gens dans la salle de bal, ma foi, c’est… normal. Surtout s’ils dansent.
— Oui, oui, ils dansent. Et en effet, en soi, cela n’a rien d’extraordinaire. Toutefois, cependant et nonobstant…
— … sont dans un bateau.
— … Pardon, Sire ?
— Non, rien.
— Euh, où en étais-je ? Oui, donc, toutefois, cependant et nonobstant, j’invite votre Altesse à me suivre pour voir de ses yeux vu de quoi il en retourne. Passke c’est bizarre.
— Tu m’intrigues. En quoi esske c’est bizarre ?
— Je préfères que vous le voir... vussiez… voyassiez… vuêtes… vurululu… enfin, avec vos yeux, quoi.
— Décidément, tu m’intrigues. Allons-y de ce pas ! Fais venir mon cheval.
— Mais votre Excellence, un cheval pour aller à la salle de bal ?
— Tu sais bien que je ne me déplace jamais sans mon cheval.
— Bon, bon, je vous l’appelle. Cheval ! Cheval ! Pioupioupiou ! »
Et d’une poutre du plafond descendit un touuuuuuuuuuut petit cheval, qui volait avec des ailes et qui vint se poser sur l’épaule du roi. Il roucoulhennit en frottant son front sur la joue du roi, en signe d’affection, et le souverain lui caressa le menton guiliguiliguili. Puis, le touuuuuuuuuuut petit cheval plongea dans la poche du veston du roi, dont il ne fit sortir que ses ailes, ce qui faisait une charmante pochette très chic comme on en voyait dans la vitrine de chez Tindeling & Swordinthestone.
« Et maintenant, en route, Sigismond !
— Cataclop ! Cataclop ! »
Ils eurent vite fait d’arriver, la salle de bal n’étant qu’à 314 mètres de la chambre du roi, soit la deuxième porte à gauche. Sigismond, en bon pantin, avait précédé son suzerain et lui ouvrit la porte avec force déférence et courbettes. Le roi entra au galop et stoppa sa course dans un hennissement. Le sien, pas celui du touuuuuuuuuuut petit cheval, qui dormait.
Et là , stupeur.
Stupeur et hennissement, ça ferait un bon titre. Ah ! Mais oui, ça l’est déjà , suis-je bête, dit l’auteur.
Donc, stupeur du roi.
« Mais, Sigismond, ce ne sont pas des gens, ce sont… des lamas.
— Oui, votre Altesse, c’est la raison du pourquoi de mon emballement. Ces gens sont des lamas, et je trouvais ça curieux.
— C’est curieux, oui. Mais que font-ils ici ?
— Euh… ils dansent, votre Grandiloquence.
— Ça, je le vois, mon petit pantin plutôt perspicace p-p-p-p. Mais pourquoi dansent-ils ? Et pourquoi ici ?
— Je l’ignore, votre Supériorité.
— Bon, nous verrons cela après. La musique est jolie, vous ne trouvez pas ? Quels sont ces instruments ?
— Je crois reconnaître un flûtoscope, une contrepète et une kimedémange.
— C’est quoi, ça ?
— Une sorte de guitare.
— C’est très intéressant, très intéressant. Et maintenant, vous pouvez peut-être me dire pourquoi on ne voit pas les musiciens. Ils se cachent ?
— Que nenni, messire, il n’y en a pas.
— Comment ça ?
— Pas de musiciens, votre Élévation. Ni ici, ni ailleurs.
— Mais alors, la musique, d’où vient-elle ?
— Mystère…
— Du ministère ?
— NON, JE DISAIS QUE C’ÉTAIT UN MYSTÈRE.
— Et vous avez raison, c’est mystérieux. Demandons à ce lama. Monsieur !
— Ouais ?
— Pouvez-vous m’expliquer d’où vient la musique ?
— Ben, c’est une salle de bal, non ?
— Et alors ?
— Ben, y a toujours de la musique, dans une salle de bal.
— Ah bon ?
— Ben, ouais, la musique de tous les bals passés, présents et à venir.
— Je ne l'avais jamais remarqué.
— Ben, c’est parce que vous ne venez ici qu’une fois par an, pour le bal en l’honneur de votre anniversaire.
— Comment savez-vous cela ?
— Ben, parce que je suis un de vos lamas d’honneur.
— J’ai des lamas d’honneur, moi ?
— Votre Immensité, dit le pantin, vous avez tout, vous êtes le roi.
— Un roi, peut-être, mais qui ignore qu’il y a toujours de la musique dans sa salle de bal. C’est inconcevable. Allez réveiller tout le monde, Sigismond. À partir de cette minute précise, il y aura bal permanent au château. Je veux des danseurs tout le temps, je veux que ça vive, ici ! J’ai une de ces envies de danser, moi ! »
Et le roi dansa, dansa. Et tout le château dansa avec lui. Et bientôt, toute la ville, tout le pays, tous les pays voisins. Et pour finir, le monde entier se mit à danser. Ce fut une immense farandole. Et si vous entendez une musique, la nuit, et vous ne savez pas d’où elle vient, eh bien, maintenant, vous savez.

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