âJe suis rentrĂ©e !â criĂ©-je, tout en retirant mon trench-coat noir que je pose ensuite sur le porte-manteaux.
Je mâĂ©tire longuement, en levant les bras et en gĂ©missant de douleur en sentant mes muscles ankylosĂ©s tirer. Je penche ensuite la tĂȘte de gauche Ă droite, rĂ©sultant sur un dĂ©sagrĂ©able craquement dâos, avant de sourire avec satisfaction.
Depuis maintenant deux mois, je vis dans un studio dont le lit fait office de canapĂ©. Dâailleurs, il sây trouve allongĂ©e la femme-chat, en pleine lecture dâun Ă©niĂšme roman que je suppose ĂȘtre Ă lâeau de rose. Elle nâa pas dĂ» mâentendre ou alors mâignore dĂ©libĂ©rĂ©ment puisque mon annonce nâa trouvĂ© aucun Ă©cho, aucun miaulement accueillant.
De fait, aprĂšs avoir retirĂ© mes rangers, je saute sur le lit et je mâallonge sur elle en riant. Elle gesticule, Ă©met des sons incomprĂ©hensifs puis elle abandonne.
Elle ne parle toujours pas mais, ensemble, nous avons appris le langage des signes. Je lui ai aussi appris Ă lire et Ă comprendre lâanglais, le français et lâespagnol : les langues de base, en somme.
Et depuis, elle dĂ©vore chaque livre se trouvant Ă sa portĂ©e. Combien de fois mâa-t-elle suppliĂ©e de ses petits yeux dâanges de lui acheter tel ou tel roman ? Je ne les compte plus.
Ătonnamment, aprĂšs trois annĂ©es passĂ©es ensemble, je ne lui ai toujours pas donnĂ©e de prĂ©nom. Cela ne semble pas la dĂ©ranger et je ne vois pas quel nom lui siĂ©rait. Elle est un ĂȘtre si spĂ©cial et difficile Ă cerner⊠comme un chat, en fait. Alors il mâarrive de lâappeler âLe Chatâ.
JâĂ©bouriffe ses cheveux puis je quitte le lit pour rejoindre la salle de bain.
Je me lave et je me change rapidement en pyjama, comptant mâoctroyer quelques heures de sommeil bien mĂ©ritĂ©es.
JâĂ©tais au beau milieu dâun rĂȘve lorsque le chat, la femme-chat sous sa forme fĂ©line, me mord les pieds. Je ne sais combien dâheures jâai dormi, probablement pas suffisamment puisque je me sens dâhumeur massacrante. Jâagrippe sa nuque et je lâenvoie paĂźtre au loin, hors du lit, en grognant avec une certaine mĂ©chancetĂ©.
âQuel geste plein de gentillesse et de bontĂ© !â murmure une voix masculine, reconnaissable entre toute : Satan. Jâouvre grand les paupiĂšres et je me redresse si brusquement que je suis prise dâun vertige. Je fais apparaĂźtre un cercle lumineux, protecteur, devant moi, que je dessine dans lâair mais il balaye tout dâun revers de la main, tout en me projetant contre le mur Ă ma droite. Je mâĂ©crase contre la surface dure et plane, puis je tombe lamentablement sur le vieux parquet gondolĂ©.
âPenses-tu rĂ©ellement pouvoir me vaincre, Cristal ?â
Je lui adresse un regard noir, emplit dâune incommensurable haine qui semble ne lui faire ni chaud, ni froid. Au contraire, il sourit avec joie, tout en tapant dans ses mains.
âQuelle jeune femme adorable tu fais ! Ma chĂšre et tendre⊠Je sais ce que tu te dis ! âIls mâont trahie, je suis seule au monde, bla bla blaâ. Je me trompe ? Non, bien sĂ»r, je ne me trompe pas. Je ne me trompe jamais !â
Je cesse dâĂ©couter son monologue pour me concentrer sur le discret mouvement de ma main gauche dans mon dos. Je ne vais pas me laisser faire, quand bien mĂȘme je ne suis pas de taille. Je peux toujours fuir, partir. Mon regard se pose sur Le Chat, qui me regarde de ses petits yeux brillant dâintelligence. Elle flĂȘchit ses pattes avant, sur le quivive. Elle sait ce que je vais faire, ce nâest pas la premiĂšre fois que nous avons affaire Ă une telle situation, une situation aussi critique.
âTu penses sincĂšrement pouvoir crĂ©er un portail sans que je ne mâen rende compte, Cristal ? Je ne suis pas stupide et puis⊠je te connais bien. Nous Ă©tions amants, autrefois ! me lance-t-il gaiement.
- Pas avec vous ! Je lâĂ©tais peut-ĂȘtre avec Lucifer, mais pas vous ! Et ne vous mĂ©prenez pas, je sais pertinemment ce que vous ĂȘtes : tous les dĂ©fauts quâelle possĂ©dait sont en vous ! Vous ĂȘtes son cĂŽtĂ© noir ! Diabolique et malĂ©fique ! criĂ©-je tout en plaçant mes mains devant moi tandis quâil porte les siennes sur son cĆur pour faire mine dâĂȘtre blessĂ©.
- Je ne suis pas aussi mauvais que vous le pensez⊠Je possĂšde une part de lumiĂšre, moi aussi !â
Je le regarde fixement, dubitative. Et tout en faisant cela, j'exĂ©cute quelques gestes compliquĂ©s et torsions de mes poignets et de mes doigts, jusquâĂ ce que mes tatouages se mettent Ă scintiller dâun vert intense. Câest alors que mon corps se multiplie et ce nâest non pas une, ni deux mais bel et bien trois Cristal qui confrontent maintenant lâimportun.
âComme câest charmant, deux illusions ! sâexclame-t-il.
- Que me voulez-vous ? Pourquoi me chassez-vous ?! le questionné-je avec une certaine agressivité dans la voix.
- Pourquoi ? La rĂ©ponse est pourtant si Ă©vidente⊠Vous ĂȘtes puissante, plus puissante encore que tous les mages humains que jâai jamais rencontrĂ©s. Le paradis vous veux, câest un fait que vous avez pu⊠constater il y a quelques annĂ©es⊠Mais lâenfer Ă©galement. Et puis⊠qui dit puissance, dit destruction. Vous nâĂȘtes pas une simple Enchanteresse, vous ĂȘtes la derniĂšre Ă ce jour, mais en plus, vous possĂ©dez des capacitĂ©s que vous-
- Je vous arrĂȘte tout de suite, je sais pertinemment de quoi je suis capable ! Je suis-
- Non, justement ! Vous nâĂȘtes encore quâĂ lâĂ©tat dâĂ©lĂšve. Vous apprenez, vous vous abreuvez de savoir inutile et encombrant, alors que la source mĂȘme de votre pouvoir se trouve lĂ ! me renseigne-t-il en tapotant sa tĂȘte. Votre esprit, votre Ăąme, son lâessence mĂȘme de votre pouvoir. Et Il est dâune force incommensurable ! Il est⊠titanesque ! Aucun ange, aucun dĂ©mon, ne pourrait vous arrĂȘtez si vous saviez faire usage de cent pour cent de vos capacitĂ©s.
- Et quâest-ce que cela peut vous faire ?
- Vous ĂȘtes la clĂ© pour vaincre le royaume des cieux. Je vous veux⊠murmure-t-il, tout en sâapprochant de moi. Je vous dĂ©sire si ardemment⊠ma belle, ma jolie CristalâŠâ susurre-t-il ensuite dâune voix un tantinet trop⊠sensuelle ? Mes clones et moi-mĂȘme reculons Ă mesure quâil avance.
Son regard, ses prunelles vertes ne me disent rien qui vaille. Je fais donc apparaĂźtre un bĂąton lumineux comme toute arme, en sachant pertinemment que je nâai aucun chance face Ă lui.
âJe refuse !â tentĂ©-je cependant, sans grand succĂšs.
Mon cĆur sâaffole et la panique me gagne. Jâai peur de cet homme et de ce quâil pourrait me faire⊠ou faire avec moi. Je suis hypnotisĂ©e par son dangereux regard et le dĂ©sir dâĂȘtre sienne envahit mes veines. Il est comme Lucifer. Il est Lucifer. Alors je lâaime.
Mais lui mâaime-t-il ?
Et quâen est-il des sentiments de Lucifer ?
Je ne préfÚre pas y penser. Trois ans sans nouvelles⊠je ne veux plus avoir affaire à elle.
Les deux autres Cristal, mes doubles, lui foncent dessus hargneusement et disparaissent dans une opaque fumée violette.
Je lui tourne ensuite le dos, et je saute par la fenĂȘtre, nâayant nul autre choix.

| LeConteur.fr | Qui sommes-nous ? | Nous contacter | Statistiques |
|
Découvrir Romans & nouvelles Fanfictions & oneshot Poèmes |
Foire aux questions Présentation & Mentions légales Conditions Générales d'Utilisation Partenaires |
Nous contacter Espace professionnels Un bug à signaler ? |
3339 histoires publiées 1461 membres inscrits Notre membre le plus récent est Xavier |