Le petit chaperon rouge devenue adolescente avait troqué son habit rouge par une lourde cape bleu marine sur laquelle était brodée des petits diamants. Ses longues boucles brunes dépassaient de son capuchon en fourrure.

Un casque enfoncé sur ses oreilles, elle se baladait dans la forêt au son des notes féeriques du piano de Yumi. Maintenant que le loup avait péri dans d'atroces souffrances quelques années plus tôt, elle n'avait plus rien à craindre. Ses pas crissèrent dans l'épaisse couche de neige. Son ventre réclamait son goûter. Elle avait hâte de retrouver la douceur du foyer de sa grand-mère. Celle-ci se faisait de plus en plus vieillissante et la jeune fille voulait profiter du peu de temps qu'il leur restait. Elle commençait à apercevoir la fumée s'échapper de la cheminée et accéléra un peu.

Soudain, elle se figea. devant elle, là sur le lac, il y avait un cerf magnifique qui la fixait, le regard plein de détresse. Le petit chaperon rouge (devenu bleu), s'avança lentement et s'aperçut que l'animal était coincé. Avec des paroles douces et rassurantes, elle continua à s'approcher. Elle essaya d'évaluer la situation. Il lui semblait que le cerf avait une patte prise dans une racine ou autre chose. La jeune fille se pencha pour juger la température de l'eau. Glaciale, évidemment. Mais elle ne pouvait résolument pas laisser la pauvre bête ainsi. Prenant son courage à deux mains ,elle se débarrassa de sa cape, qu'elle posa sur une branche d'arbre, de ses bottines fourrées et de son smartphone. Elle plongea un pied hésitant dans le lac, le froid envahit instantanément son corps. Elle respira profondément, lentement, et s'enfonça dans l'eau, essayant de faire abstraction de l'engourdissement qui attaquait chacun de ses membres. Elle parvint enfin jusqu'au cerf qui lui donna un petit coup de langue sur la joue comme pour la remercier. Elle lui rendit par une caresse. Le petit chaperon rouge (ou bleu) tenta de dégager la patte. Vraisemblablement, elle était prise dans une racine. La jeune fille hésita un moment sur la marche à suivre, puis elle se décida avec résignation. Ses poumons se remplirent d'air froid et elle plongea. La morsure de l'eau la surprit et l'obligea à remonter à la surface. Haletante, elle reprit ses esprits et replongea. En appui ferme sur ses pieds, elle prit la racine à deux mains et tira de toutes ses forces. Ses poumons commençaient à la brûler. Elle sortit la tête de l'eau, encouragea le cerf à l'aider. Tremblante, elle refit une tentative. Cette fois, ce fut la bonne. La racine bougea et le cerf fut enfin libre.

Le petit Chaperon bleu (ou rouge) s'empressa de sortir. Elle s'emmitoufla dans sa cape et grelottante remit avec difficultés ses bottes. Le cerf s'approcha d'elle et enfouit son museau dans son cou. Son souffle apporta un peu de chaleur à la jeune fille. Elle jeta un œil sur la patte afin de vérifier si elle était exempte de blessures. Rien à signaler. Parfait. Elle le salua et s'apprêta à continuer son chemin. Le cerf la rattrapa et lui fit signe de prendre place sur son dos. Il trottina jusqu'à la maison de la grand-mère. L'odeur de pain grillé parvint jusqu'au chaperon bleu (ou rouge). Arrivés devant la porte, elle remercia le cerf, celui-ci la lécha et repartit dans les bois. La jeune fille entra sans attendre et la douce chaleur du foyer l'enveloppa. Elle suspendit sa cape au crochet de l'entrée et retira ses bottes mouillées. Sa grand-mère vint à sa rencontre. La surprise se dessina sur son visage. La jeune fille lui raconta alors son aventure. La vieille dame aida sa petite fille à se débarrasser de ses vêtements et lui en apporta de bien secs. Puis toutes deux se blottirent dans le canapé devant la cheminée avec un bol de chocolat chaud pour Rouge-Bleu et du thé pour sa mamie, le tout accompagné de délicieuses tartines beurrées.